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5. Phase de l’encan électronique du porc

5.4. De l’encan aux préattributions

Après l’arrivée de l’encan, plusieurs chamboulements surviennent expliquant l’arrivée des préattributions, seconde phase d’intérêt dans la mise en marché du porc, au début des années 1990.

5.4.1.

Porcs manitobains

Le 25 janvier 1990, Olympia conclut une entente avec le Manitoba Pork, l’agence de mise en marché des producteurs de porcs manitobains, et l’abattoir Springhill Farms. En vertu de cette entente, c’est 1,65 million de porcs manitobains qui viennent se faire abattre au Québec sur trois ans, donc plus ou moins 11 000 porcs par semaine. Un représentant du Manitoba Pork pense que cette manœuvre devrait stimuler la concurrence sur le marché manitobain (J.-C. Gagné, 1990b) et par le fait, même nuire au prix québécois!

5.4.2.

Modifications mineures à l’encan

À partir du mois d’octobre 1990, une légère modification est apportée au fonctionnement de l’enchère hollandaise ayant cours lors de l’attribution des lots de porcs à l’encan. La mise en vente du premier lot est toujours basée sur un prix déterminé par la FPPQ, toutefois le prix de mise en vente du second lot est majoré

de 0,60 $/100 kg plutôt que 1,00 $/100 kg. Ainsi, le prix adjugé pour les lots diminue plus rapidement (Noël & Robert, 1997; RMAAQ, 1990).

5.4.3.

Olymel

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Le 27 mars 1991, Olympia et La Coop fédérée annoncent la naissance d’Olymel issu de la fusion des actifs et des opérations de Turcotte et Turmel, une division des viandes rouges de La Coop fédérée, et du Groupe Olympia. Olymel amorce ses activités le 15 avril 1991 et détient dès lors 70 % du marché québécois de la transformation du porc. Les deux groupes justifient cette fusion par le contexte économique international, la libéralisation des échanges, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et la création future de la zone euro, bref, ils veulent devenir un acteur international (J.-C. Gagné, 1991a). Cette fusion met à mal le système d’enchère qui mise sur un grand nombre d’acheteurs puisqu’Olymel fait maintenant des achats pour six abattoirs là où, auparavant, deux acheteurs se faisaient concurrence, le Tableau 6 témoigne de l’ampleur du phénomène.

Tableau 6 : Concentration de l’abattage sur le marché primaire au Québec en 1991

Source : (Diara, 1993; Lebeau, Nolet, Morisset, Gouin, & Les consultants Audet et associés inc., 1996)

À la suite de cette fusion, la FPPQ multiplie les consultations et les contacts avec d’éventuels acheteurs de porcs avec pour résultat la présence de quatre nouveaux abattoirs à l’encan, dont deux canadiens (un au Nouveau-Brunswick et un en

23 Le Tableau 12 de l’annexe 2 offre un aperçu des différents abattoirs impliqués en

production porcine au Québec. Il y est également résumé les différents mouvements de propriété des abattoirs.

Capacité d’abattage par jour Nombre

d’acheteurs Part des abattages québécois 10 000 - 15 000 porcs 1 65 % – 70 %

2 000 – 3 000 porcs 1 10 % – 12 %

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Nouvelle-Écosse) et deux américains, à l’encan. Toutefois, pour Jean Larose, secrétaire de la FPPQ à l’époque, cette solution n’est valable qu’à court terme (J.- C. Gagné, 1991b). De plus la FPPQ, afin de maintenir une pression à la hausse sur les prix, écoule des stocks de porcs sur le marché américain (Noël & Robert, 1997).

Par deux fois depuis la mise en place de l’encan (les 4 et 11 juin 1992), certains abattoirs n’obtiennent aucun porc ou encore une quantité inférieure à leur attente en raison d’achats massifs par Olymel, des prix élevés à l’enchère et d’un petit nombre de porcs disponibles à l’encan. La stratégie d’Olymel amène des acheteurs à décrocher et des plaintes sont enregistrées auprès de la FPPQ (Diara, 1993; J.-C. Gagné, 1992). En fait, à moyen long terme, la concentration dans l’abattage aurait pu augmenter (fusion ou fermetures d’abattoirs) si les prix avaient été maintenus artificiellement élevés, et ce, au détriment des producteurs.

5.4.4.

Abattoir des Laurentides

Le 7 août 1991, l’abattoir de Saint-Esprit dans les Laurentides ferme ses portes. Un an auparavant, le 17 juillet 1990, l’abattoir signe un contrat d’abattage, de transformation et de coupe de porcs à forfait avec La Coop fédérée. En vertu du contrat, La Coop fédérée s’engage à acheter auprès de la FPPQ les porcs requis pour le fonctionnement de l’abattoir de Saint-Esprit.

En moins d’un an, tout périclite et l’abattoir est acculé à la faillite. Pour l’abattoir de Saint-Esprit, la création d’Olymel impliquant La Coop fédérée n’est pas étrangère à cet échec (Abattoirs Laurentides (1987) Inc. c. Olymel, 2003).

En 1992, un comité de relance de l’abattoir est mis sur pied par deux producteurs de porcs et le Groupe Brochu, un acteur majeur dans l’abattage de porcs au Québec, décide de s’impliquer dans ce projet. En juin 1993, le Groupe Brochu devient le principal actionnaire de l’abattoir de Saint-Esprit (Perrault & Désilets, 1996).

Bref, les stratégies des acteurs mettent à mal le système de mise en marché porcin. Les ententes d’Olympia à l’extérieur du Québec et la création d’Olymel ont affecté durablement le fonctionnement de l’encan électronique du porc. Les

producteurs sont donc à la recherche de solutions pour relancer leur mécanisme de mise en marché. Plusieurs options sont possibles, Morisset (1992a) en dénote trois. La première serait d’ouvrir l’encan aux acheteurs étrangers, soit d’autres provinces canadiennes ou encore des états américains. Toutefois, l’opposition politique à de telles démarches pourrait être grande puisque la proposition implique d’abattre et de transformer les porcs du Québec ailleurs et ainsi de perdre la valeur ajoutée du produit. La deuxième possibilité consiste à utiliser des prix négociés. Or, historiquement ce système n’a pas prouvé son efficacité, d’autant plus que le prix du porc est nord-américain et non québécois et changeant sur une base quotidienne. Par ailleurs, cette option ne résout pas la problématique de répartition des porcs entre les différents acheteurs. La troisième option consiste à diviser l’offre de porcs entre enchères et prix négociés, de là naissent les préattributions (Morisset, 1992a). Le concept de préattributions n’est pas nouveau, il s’inspire du Milk marketing Board de la Grande-Bretagne (Morisset, 1992b).