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7. Phase des contrats

7.4. Des contrats aux relations directes

7.4.1.

Moratoire sur la production porcine et maladies

En 2002, un temps d’arrêt sur la production porcine est imposé, notamment en raison de la croissance rapide de la production entre 1995 et 2002 et des risques environnementaux qui y sont associés. Commence alors le moratoire qui sera suivi par un chantier de consultation sur la production mené par le BAPE (FPPQ, 2006). Ce moratoire limite les possibilités d’expansion des fermes déjà en production, en plus d’entraver sérieusement l’établissement de nouvelles entreprises porcines sur le territoire québécois, tant et si bien que le moratoire met fin à la période expansionniste débutée en 1995 et étend un voile de morosité sur la production porcine qui enregistre une stagnation de son cheptel jusqu’en 2005 date de levée du moratoire porcin (BAPE, 2003).

À partir de 2005 et jusqu’en 2009, le cheptel porcin décroit rapidement, aux prises avec des épisodes de maladies et de variation de prix. De 2004 à 2006, le circovirus24 frappe alors que le prix du porc est bon, empêchant les producteurs d’en profiter pleinement. Puis, le prix du porc québécois chute drastiquement

24 Virus stable dans l’environnement et résistant à nombre de désinfectants, les maladies

couramment associées au circovirus sont le syndrome de dépérissement postsevrage (SDPS) et la maladie d’amaigrissement du porcelet (MAP) (Iowa State University, 2013).

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sous le prix de marché américain. Alors qu’il recommence augmenter, le taux de change canadien prend de la vigueur et inhibe cette hausse du prix du porc. Enfin, en 2008-2009 le syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP) s’acharne sur le cheptel et les éleveurs, déjà durement éprouvés, doivent composer avec des taux de mortalité anormalement élevés. Après 2009, le cheptel porcin enregistre une reprise modeste dans un contexte de prix des grains élevés (Asselin, 2013). La Figure 4 relate l’évolution du cheptel porcin québécois en lien avec les différents évènements mentionnés ci-haut.

Source : (Statistique Canada, 2012)

7.4.2.

Concentration et nouveau joueur

En mai 2002, l’abattoir de duBreton à Notre-Dame-du-Lac est complètement détruit par les flammes. L’entreprise prend alors la décision de relocaliser son abattoir à Rivière-du-Loup et l’ensemble des activités reprennent en août 2003 (Le bulletin des agriculteurs, 2003). Les porcs attribués à l’abattoir pendant cette 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 Millions de porcs

Figure 4 : Porcs en inventaire au Québec de 1971 à 2011

Spécialisation et concentration Crise puis stagnation Reprise Mor at oi re Ci rco vi ru s et SRR P

période d’inactivité sont temporairement redistribués entre les autres acheteurs qui le désirent.

En avril 2000, le Groupe Brochu acquiert Aliments Jolibec, un acheteur de porcs accrédité, accentuant ainsi la concentration dans le secteur de l’abattage porcin en réduisant le nombre d’acheteurs potentiels de porcs québécois. (J.-C. Gagné, 2000b).

En octobre 2004, le Groupe Brochu et Olymel annoncent la fusion de leurs activités (d’abattage, de découpe, de désossage, de transformation et de commercialisation de viandes de porc et de volaille), qui sera officialisée à la mi- avril 2005 (Bérubé & Larivière, 2005a; Larivière, 2004). Dès lors, les deux plus gros transformateurs de porcs du Québec ne font qu’un afin de mieux affronter la concurrence. Plus précisément, Réjean Nadeau, président-directeur général d’Olymel, explique que l’entreprise « évolue dans un marché changeant, soumis à diverses pressions comme l’appréciation du dollar canadien, le moratoire sur le développement de la production porcine, les mouvements de consolidation des divers acteurs dans l’industrie de l’alimentation et les aléas des marchés d’exportation » (Bérubé & Larivière, 2005b, p. 2) et, qu’en ce sens, elle se doit de s’adapter à cet environnement. Ainsi, le nombre d’acheteurs accrédités dans la convention de vente des porcs passe de huit à sept (Larivière, 2005) et cette nouvelle entité contrôle plus des deux tiers de l’abattage du porc au Québec (Larivière, 2004).

Dans les années suivantes, quelques usines d’abattage et de transformation ferment leurs portes, le Québec étant dans un contexte de surcapacité d’abattage. À contrecourant de la restructuration du secteur, apparaît l’abattoir coopératif Qualiporc qui signe la convention de mise en marché à l’été 2006 (Larivière, 2007e).

Divers problèmes ponctuels (grève et restructuration dans les abattoirs, etc.) entraînent le prix des porcs québécois à la baisse tant et si bien que la FPPQ, avec l’aval de la Régie, décide de suspendre les trois mécanismes de mise en marché des porcs du 26 novembre 2006 au 26 janvier 2007. Pendant cette période, le prix pour l’ensemble des porcs québécois est fixé au prix US-5 $, soit

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un meilleur prix que celui ayant cours lorsque l’offre et la demande s’expriment (US-16 $) (Larivière, 2006c). Cette suspension et l’établissement d’un prix fixe sont finalement maintenus jusqu’au 20 avril (Larivière, 2007c). Après cinq mois d’arrêt des activités des mécanismes de mise en marché, le conseil d’administration de la FPPQ décide de dénoncer la convention de vente, ce qui implique le déclenchement de négociations avec les acheteurs afin de trouver un nouveau terrain d’entente (Larivière, 2007d).

7.4.3.

Crise dans le monde porcin

En 2007, la situation change progressivement et l’industrie porcine entre dans une nouvelle crise. Il y a passage d’une surcapacité d’abattage à une sous- capacité en lien avec une diminution de la mortalité associée au circovirus et le retrait d’acheteurs (Larivière, 2007f). En effet, Qualiporc se place sous la protection de la Loi sur la faillite à l’été 2007 et ne rouvrira pas ses portes (Larivière, 2007h). Pendant la même période, Viandes Kamouraska ferme temporairement ses portes pour cause de rénovations majeures, mais finira également par se placer sous la protection de la Loi sur la faillite en novembre 2007 (Larivière, 2007a, 2007i). Finalement, l’abattoir A. Trahan est aux prises avec un conflit de travail qui affecte passablement sa capacité d’abattage (Larivière, 2008d).

La crise tire également ses origines de la hausse du taux de change canadien, le jeu de monnaie étant défavorable aux producteurs et aux abattoirs porcins québécois. Ensuite, les États-Unis enregistrent des abattages records, étant également aux prises avec un surplus de porcs, le prix de référence américain se voit alors tiré à la baisse. Finalement, l’instabilité du marché chinois, plus grand consommateur de porc au monde, n’aide en rien le cours des prix (Larivière, 2007f).

La FPPQ demande alors de nouveau à la Régie de suspendre les mécanismes de mise en marché afin de rehausser le prix offert aux producteurs, mais cette fois-ci la Régie refuse d’accéder à la requête expliquant qu’il serait illogique d’obliger les abattoirs à acheter les porcs plus cher alors qu’il y en a trop (Larivière, 2007b). Cette surproduction se résorbe difficilement et plusieurs semaines au cours de

l’année 2008 enregistrent des porcs en attente d’abattage et des prix anémiques (Paré, 2012).

7.4.4.

Réflexion sur la mise en marché

Dès 2006, la FPPQ amorce une réflexion sur la mise en marché du porc. Deux éléments en ressortent : miser sur la rapidité d’adaptation et diminuer les coûts de transaction (Larivière, 2006b). Plusieurs avis sur la question sont amenés par les acteurs de l’industrie; pour Luc Ménard (F. Ménard) « on essaye de faire un cochon Québec, uniforme, ce n’est pas ça le marché » (Larivière, 2006a, p. 3). En décembre 2007, les délégués de la FPPQ approuvent les grandes lignes d’un ambitieux plan changeant radicalement la mise en marché du porc québécois. Pour ce faire, le porc québécois doit se démarquer de la concurrence et du porc de commodité. Ainsi, quatre grandes lignes de porcs seraient offertes, le porc certifié nature, le porc certifié environnemental, le porc conventionnel et le porc de réforme. La FPPQ estime que 90 % des porcs produits appartiendraient aux deux premières catégories (Larivière, 2007g). L’objectif premier de ce plan serait d’obtenir des prix plus équitables basés sur les profits générés par toute la chaîne porcine (Larivière, 2008e). Toutefois, ce projet demeurera sur la planche à dessin et ne sera jamais effectif.

En 2008, l’industrie porcine attend les rapports de Guy Coulombe et de Jean Pronovost, qui tentent tous deux de trouver des solutions à l’avenir de la filière porcine et de l’agriculture en général (Larivière, 2008d). Guy Coulombe est en fait engagé en tant que médiateur afin de rapprocher les producteurs et les acheteurs dans l’objectif d’en arriver à une entente commune au regard de la mise en marché du porc. En mars 2008, le rapport Coulombe tombe, la médiation afin de relancer l’industrie a échoué, mais la FPPQ n’abandonne pas pour autant et engage Marcel Ostiguy comme représentant des producteurs, Serge Michel comme représentant des acheteurs et Michel Morisset comme modérateur pour prendre le relais (Bégin, 2008b; Larivière, 2008i). Là où il y a dissidence entre la FPPQ et les acheteurs, c’est que la première souhaite s’impliquer davantage dans la mise en marché du produit fini tandis qu’une majorité d’acheteurs désirent à l’inverse reprendre une partie du contrôle en signant des contrats directs avec

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des producteurs. Il existe tout de même des points de concordance entre les deux groupes, notamment à l’égard d’une modernisation de la mise en marché et d’une différenciation des produits (Larivière, 2008c).

En juin 2008, la FPPQ affirme avoir obtenu l’appui d’une majorité d’abattoirs, tant en nombre qu’en volume, pour une entente de principe qui devrait déboucher sur une nouvelle convention de vente. En fait, ce sont cinq des sept abattoirs accrédités qui ont signé cette entente dont Marcel Ostiguy est l’architecte. Seuls A. Trahan et duBreton refusent pour le moment de donner leur aval. L’entente contient plusieurs éléments novateurs, dont l’assignation de tous les porcs aux abattoirs. Ces assignations seraient fonction de la proximité, des producteurs propriétaires et des porcs spécifiques. Par ailleurs, le prix du porc serait toujours basé sur le prix américain. En somme, cette entente de principe implique la fin des trois mécanismes de vente actuels (contrats, préattributions et encan résiduel) (Larivière, 2008b, 2008l).

L’entente de principe comporte également un concept de gestion équilibrée de la production afin d’arrimer cette dernière à la capacité d’abattage et au marché. Le but est d’éviter les surplus saisonniers et la croissance désordonnée de la production, et, par le fait même, les engorgements et les prix de dumping. Les mécanismes afin d’y parvenir ne sont pas encore définis, toutefois l’introduction de quota comme dans la gestion de l’offre est exclue, la FPPQ désirant un contrôle souple (Larivière, 2008k, 2008l).

En octobre 2008, en pleine période de négociations, la FPPQ, avec l’appui de quatre acheteurs, demande à nouveau une suspension des mécanismes de vente, et ce jusqu’au 10 janvier 2009, date prévue pour l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention de vente. Toutefois, cette demande sera rejetée par la Régie (Larivière, 2008a, 2008g).

Lors de la traduction de l’entente de principe en convention de vente, les négociations achoppent et la situation est de nouveau au point mort (Larivière, 2008f). Après toutes ces années de négociation sans aboutissement où les producteurs reçoivent des prix anémiques, les délégués de la FPPQ durcissent le ton et demandent maintenant le prix américain et non plus un calcul en

référence à celui-ci. Dans la mesure où la marge brute des abattoirs augmente plus rapidement que celle des producteurs dans les dernières années, le prolongement des négociations les pénalise fortement (Bégin, 2008a; Larivière, 2008h).