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Une interprétation de la question de l’économie résidentielle à partir des travaux sur la demande en logement

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Les Editions du

GEISTEL

Revue trimestrielle. Mai 2009, n°10

www.reperes-oipr.fr e-mail: geistel@wanadoo.fr

Editorial

:

Le retour des territoires

Dossier central:

L’économie résidentielle aujourd’hui

Etude de cas:

Les futurs des relations rural-urbain : de nouvelles ruralités en 2030?

Débats et recherches

:

Méthodologie de la prospective de projet

Sciences des territoires:

La politique des pôles de compétitivité

Dans le monde :

Le bassin méditerranéen, un rêve du passé ou un défi pour l’avenir ?

Evénement:

Colloque ASRDLF de Rimouski 2008- Ressources et développement régional

Bibliographie:

Bernard Cazes, Les figures de l’avenir, de Saint Augustin au XXIe siècle

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

sommaire

Editorial

Guy Loinger,

Le retour des territoires...6

Dossier central

Compte-rendu du séminaire OIPR n°88 du 12 septembre 2009,

L’économie résidentielle aujourd’hui...9

Etude de cas de propsective territoriale

Olivier Mora , Guy Riba,

Les futurs des relations rural-urbain : de nouvelles ruralités en 2030?...43

Débats et recherches

Vincent Pacini,

Méthodologie de la prospective de projet...61

Sciences des territoires

André Torre,

La politique des pôles de compétitivité...67

Prospective territoriale dans le monde

Fabienne Goux-Baudiment ,

Le bassin méditerranéen, un rêve du passé ou un défi pour l’avenir ?...75

Evénement

Bernard Guesnier,

Colloque ASRDLF de Rimouski 2008 - Ressources et développement régional...83

Bibliographie

Bernard Cazes,

Les figures de l’avenir, de Saint Augustin au XXIe siècle, 1986, Paris, réed. l’Harmattan (2008)...87

Séminaire OIPR

Programme pour l’année 2008-2009...91

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Territoires du Futur

Les Editions du GEISTEL

58 rue Daguerre 75014 Paris.

Tél : 01 45 65 09 98 - Fax : 01 45 65 97 02

www.reperes-oipr.com geistel@wanadoo.fr

Directeur de publication et rédacteur en chef :

Guy LOINGER Secrétariat de Rédaction : Patricia AUROY Comité d’Orientation: Guy LOINGER Gérard-François DUMONT Rémi BARRE André JOYAL André TORRE Luc GWIAZDZINSK

Fabienne GOUX BAUDIMENT Jacques de COURSON Esther DUBOIS

Maquette et mise en page :

Gabriel Loinger-Beck

Montant de l’abonnement annuel (4 numéros): Structures privés et publique : 80€ (+10€ envoi postal) Particuliers: 60€ (+10€ envoi postal)

Electronique : 60€

Abonnement de soutient: 120€

N° de SIREN : 352 518 625 Code APE 913 E N° de SIRET : 352 518 625 000 12

Dépôt légal, SARL Territoires du Futur en cours de création

Comité d’orientation

Esther DUBOIS. Urbaniste, Présidente de l’association Complex’Cité. A crée à l’Université de Paris 4 l’atelier « clair obscur des territoires ». Chargée de mis-sion au développement de la Communauté d’Agglomération de Clichy-Montfermeil Chargée d’une mission exploratoire auprès du pôle de compétitivité VMD (ville et mobilité durable).

Guy LOINGER. Docteur en sciences économie et en sociologie, titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches, Urbaniste diplômé de l’Université de Paris, enseigne la prospective territoriale à l’Université de Paris I (Master d’Economie de l’Aménagement et du Développement, et du Développement Local), Secrétaire Général et fondateur de l’OIPR. Délégué Général et fondateur du GESTEIL (Groupe d’Etude International sur les Stratégies Territoriales et l’Economie Locale), directeur de la SARL Territoires du Futur (en cours de création),

Jacques DE COURSON. Docteur es-sciences économiques et ancien élève de l’Institut d’Urbanisme de l’Université de Paris, ancien consultant du Cabinet ALGOE et enseignant. Auteur de plusieurs ouvrages: “Le projet de ville” (1993), “Les élus locaux” (2000), “Brésil des villes” (2003), “L’appetit du futur, voyage au coeur de la prospective”, Editions Charles Leopold Mayer. il a crée l’association Urbanistes du Monde, dont il est le Président.

Fabienne GOUX BAUDIMENT. Diplômée de sciences politiques et docteur en sociologie, est directeur du bureau d’étude, de recherche et de conseil en prospective proGective. Sa principale activité est d’accompagner les gouvernements centraux ou locaux, dans leur démarche prospective, en France et à l’étranger. Elle enseigne la prospective en Master d’Innovation à l’Institut des Sciences et des Techniques de l’Ingénieur à Angers. Elle a été élue président de l’ONG World Futures Studies Federation pour la période 2005-2009

André TORRE. Directeur de recherche à l’INRA et à Agro Paris Tech. Recherches portant sur l’analyse des relations de proximité dans les coordinations entre acteurs, qu’il s’agisse des interactions entre firmes innovantes et du rôle joué par la proximité géographique dans la transmission des connaissances, ou de l’étude des conflits d’usage et de voisinage et de leur pilotage. Actuellement Président de l’ASRDLF (Association Française de Science Régionale de Langue Française) et Directeur adjoint de l’UMR SAD-APT.

André JOYAL. Professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières et membre de l’Institut de recherche sur les PME; Professeur invité dans les univer-sités françaises de Poitiers, Dijon, Aix-Marseille, Montpellier , Tours et dans plusieurs universités Brésiliennes. Consultant et agent de formation en développement local au Brésil. Membre du Regroupement québécois sur le développement territorial

Rémi BARRE. ingénieur civil des Mines, professeur des universités au CNAM ; thèmes d’enseignement et de recherche : les politiques de recherche et d’innovation, les relations science – société, les processus de prospective appliquées à ces ques-tions, le rôle des indicateurs dans la décision publique.

Gérard-François DUMONT. Recteur, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne. Auparavant, membre de section du Conseil Economique et Social, expert auprès du Comité économique et social européen, il dirige la revue Population et Avenir. Président de l’OIPR, administrateur de la Société de Géographie et membre du Conseil scientifique de la DIACT. Il a notamment publié “Populations et terri-toires de France en 2030. Le scenario d’un futur choisi” (L’Harmattan).

Luc GWIAZDZINSKI. Docteur en Géographie, diplômé de l’Idheate, En-seignant-chercheur en aménagement et urbanisme à l’Université Joseph Fourier de Grenoble, Laboratoire PACTE et co-fondateur de l’agence Sherpaa. Ses recherches portent sur l’innovation métropolitaine, les temporalités urbaines, la chronotopie, le chrono-urbanisme, la nuit urbaine et les mobilités soutenables. Président du Pôle des Arts urbains, il a dirigé de nombreux colloques, programmes de recherche internationaux et ouvrages.

Pierre GONOD. entré en prospective dès 1960 au Commissariat du Plan. Il l’a ensuite pratiquée à l’OEA et à l’ONU (1970-85). Il l’a professée en 1985-87 à l’Université de Grenoble, selon une approche systémique. Il a élaboré une alternative prospective qui a été mise en œuvre à l’INRA. Maintenant il a entrepris d’articuler prospective, mutation anthropologique et projet politique.

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Patrick Badouel

est décédé brutalement le 23 décembre 2008. Son souvenir restera attaché à la démarche des Clubs Partenaires pour Agir dont il fut le fondateur il y a dix ans. Animateur du développement local au sein du CRIDEL au début des années 1990, puis à ETD (Entreprises, Territoires et Développement), c’est dans la préparation en régions des 4émes Rencontres des acteurs du développement local de Marseille en 1997, qu’est née l’idée des Clubs.

Les Clubs constituent des lieux neutres et ouverts d’échanges autour de projets concourant au développement territorial, rassemblant les acteurs volontaires de toutes les familles à une échelle locale, régionale ou inter régionale - acteurs des tissus économiques, associatifs, des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l’Etat, du monde des experts, de la recherche, de la formation ou de l’éducation,... C’est le mérite de Patrick Badouel, avec les équipes locales et nationales des Clubs, que d’avoir su créer à ces échelles couvrant l’hexagone cette animation territoriale, ce quelque chose de neuf qu’aucune des parties n’aurait pu concevoir séparément.

Or le monde d’aujourd’hui, de plus en plus complexe, interdépendant, soumis à des mutations rapides a plus que jamais besoin de la participation de nombreux acteurs. L’objectif du décloisonnement des diverses familles sur les territoires et de leur articulation à différentes échelle s, du local au régional et l’inter régional jusqu’au national et à l’Europe, est devenue une exigence du changement ! C’est précisément le sens et l’esprit de la démarche des Clubs1. Elle se poursuit et se poursuivra, d’une façon ou d’une autre, car elle répond à un besoin fondamental sur les territoires.

Nous adressons notre sincère sympathie à sa famille.

1. Pour en savoir plus on peut se référer à l’article « Les Clubs Partenaires pour Agir, atouts et contraintes d‘une démarche d’appui au développement des territoires » (Bruno Racine) à paraître chez Chronique Sociale dans l’ouvrage dirigé par Alain Laurent « Tourisme responsable : clés d’entrée du développement territorial durable. Guide pour la réflexion et l’action ».

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

éditorial

La globalisation éloigne l’économie des territoires au sens ou les acteurs majeurs de l’organisation des chaînes de valeur se servent des territoires comme support momentané, à chaque instant susceptible d’être remis en question, mis de côté, réduit en obsolescence totale ou partielle, contournés fonctionnellement et spatialement, et pour tout dire, évincés des processus de formation de la valeur marchande. Le croisement de la financiarisation économique avec le rôle toujours plus important des technologies à distance de l’information réduisent la capacité des territoires à « exister » en tant que tel, à peser dans les choix stratégiques de localisation des actifs industriels. L’intensité de la crise actuelle atteint les niveaux des très grandes crises que le système capitaliste a connus depuis son émergence et sa diffusion au cours des deux siècles précédents, dont il serait pour le moins imprudent de croire que son dépassement est pour bientôt. Par ailleurs, d’autres crises se superposent à celle-ci, tout particulièrement les conséquences du processus centenaire du réchauffement climatique sur les phénomènes de dérèglement climatique, mais également la perspective du « Pick Oil » et de la raréfaction de ressources naturelles déterminantes pour le fonctionnement du système productif. La convergence entre ces trois facteurs fondamentaux pourraient avoir des effets en « jeu de domino » dont il est difficile de prévoir l’issu, car l’enchaînement des causes et des effets dans un système instable dans lequel l’ensemble les processus s’articulent entre eux à chaque instant du temps, peut déboucher sur des situations non prévisibles et explosives.

En tout état de cause, on peut s’attendre à des

phénomènes qui, au premier degré et à court terme peuvent apparaître comme contradictoires, mais, qui, à un niveau plus structurel et à plus long terme, peuvent se traduire par une reconfiguration en profondeur du mode de production. Les délocalisations vont se poursuivre, et sans doute s’accélérer dans des secteurs entiers dont la viabilité implique l’intensification du processus de concentration à l’échelle planétaire, et simultanément, on va assister à un processus de relocalisation dans des secteurs à moindre intensité capitalistique dans lesquels les principes de qualité, de valeur, de sens, de valeur d’usage et de valeur patrimoniale allant des vêtements aux logements en passant par l’alimentation et les biens et services associé à la qualité de la vie vont devenir essentiels. Les territoires, d’instrumentalisés, exploités et traités comme de simple pièces sur le puzzle de la globalisation vont redevenir des sources de valeur et de sens non contournables, pour autant qu’ils auront compris quelle sont leurs bonnes cartes et leurs bonnes ressources, et dans la mesure ou ils auront su à la fois protéger leur ressource rares et le faire savoir comme facteur de valorisation et de reconnaissance. Nous avons à l’esprit une anecdote. Le Maire de Tours a eu l’idée de se servir du cadre patrimonial de sa ville et du Val de Loire pour organiser des mariages festifs en faveur de jeunes couples de chinois. On les voit défiler en rang par deux dans la ville, en groupes de vingt ou trente mariés, ravis de goûter à la saveur évanescente de la vieille France. Les territoires sont de retour, pour ceux qui auront eu l’intelligence de comprendre comment les préserver tout en les offrant à l’attention du monde.

Le retour des territoires

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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Dossier central

L’économie résidentielle aujourd’hui.

Vers une socio-économie territorialisée

de la vie quotidienne

Acteurs du séminaire :

André TORRE, Chercheur INRA, Vice-président de l’ASRDLF,

Laurent DAVEZIES, Université de Paris- Val de Marne

Benoît LAJUDIE, Centre d’Analyse stratégique

Christophe TERRIER, INSEE

Vincent RENARD, CNRS

François CUSIN, Université de Paris- Dauphine

Magali TALANDIER

Pierre NOUAILLE, CETE Ouest

Luc MARECHAL, Région Wallonie, Etienne Carlier, CPDT

Frédéric WEILL, RCT, Toulouse

Stéphane VILLEPONTOUX, Université de Montpellier 3

Guy LOINGER, Université de Paris 1, OIPR/GEISTEL/Territoires du Futur

Compte rendu du Séminaire OIPR n°88, 12 septembre 2008

par Claudine Celhaiguibel étudiante en doctorat Laboratoire Lab’Urba,

Université Paris XII

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Introduction au séminaire,

Guy Loinger

Dans un ouvrage récent, « La république et ses territoires, la circulation invisible des richesses », Edition du Seuil, Laurent Davezies montre l’erreur qui consiste à ne prendre en considération, pour comprendre la dynamique des territoires et de l’économie en générale, que de l’économie dans son versant production de la valeur. Si globalement, en terme de comptabilité nationale il y équivalence entre la valeur produite et la valeur qui circule dans la société sous forme monétaire, le changement du mode de regard permet de voir autre chose. En effet, on observe une tendance forte allant dans le sens d’une dissociation croissante entre la localisation de la sphère de l’économie productive (directe et indirecte, la production et les services) et de la localisation de la sphère de l’économie de la redistribution des revenus dans l’espace. Les revenus non directement liés à une activité marchande seraient ainsi largement découplées de leur origine géographique, notamment les retraites, les usages de l’impôt et les revenus de solidarité. De plus, le fait de quitter la sphère « macro » et d’entrer dans la sphère « méso » permet de saisir d’autre mécanismes et d’autres logiques, ce que Laurent Davezies appelle justement la « circulation invisible des richesses » autour de quatre types de source de richesses.

-Base productive marchande (revenu du travail et du capital), 24% et 19%.

-Base activité non marchande (salaire et emplois publics), 21% et 13%

-Base résidentielle (retraites, revenus d’actifs employés ailleurs, tourisme), 42% et 55%

-Base prestations sociales (prestations autres que les retraites), 13% et 12%.

Note. Le premier taux correspond à la moyenne des aires urbaines (donc non inclus les zones rurales) et le second, à la moyenne des zones d’emplois, donc sur l’ensemble du territoire

Nous laissons à Laurent Davezies la responsabilité de ses calculs, dont il aura l’occasion de développer en séance la logique, mais s’ils sont exactes, ils présentent un intérêt majeur, qui est de mettre à jour le découplage entre la source des revenus et leur mode d’usage et si l’on veut, de réalisation

Dans le premier cas, on observe un processus de concentration des activités économiques manufacturières et de services sur une fraction réduite du territoire et de plus en plus concentrée dans et autour des grandes métropoles, alors

que dans l’autre sens, celui de la distribution des revenus, ils sont largement étalés sur l’ensemble de l’espace. Ce qui revient à dire que la valeur produite localement n’a pas son équivalent en redistribution des revenus locaux. Ainsi, pour prendre un cas typique, le Revenu Brut des Ménages (RDB) en Ile-de-France ne représente que 51,6 % du PIB régional, alors que ce taux atteint 70% pour la moyenne des régions dites de province (moyenne, 64,8%). Cela signifie qu’une partie de la valeur ajoutée produite en Ile-de-France est en fait redistribuée hors de la région Ile-de-France, du fait des mécanismes de redistribution collectifs, par l’impôt ou les revenus de transfert (et une autre partie transférée hors du territoire national). Si l’on prend un autre exemple, le Nord-Pas-de-Calais, dont les RDB représente 34,7% du PIB (2004), on serait dans le cas d’une région dont la valeur produite serait très largement réalisée ailleurs que dans la région, alors que ce taux atteint 68,5% en Rhône-Alpes et en Alsace, mais 70,5% en Bretagne, 76,4 % au Limousin, 73,3% en Languedoc-Roussillon et 78,2% en Champagnes-Ardennes, et 75,5% dans les DOM.

On pourrait ainsi mettre à jour un concept d’économie locale rentière, dont l’usage ne doit pas être ici pris au sens péjoratif du terme. Ce sont simplement des économies qui captent des revenus dont la source provient d’autres territoires, soit par ce qu’ils ont sur leur sol de nombreux retraités (cas du Limousin), soit parce que la solidarité nationale joue un rôle plus important qu’ailleurs (cas des DOM). Ce ne sont pas les économies les plus dynamiques qui sont les mieux placée pour capter la valeur produite ailleurs, mais celles dont la sociologie est la plus en adéquation avec la formation du revenu disponible. Ce qui renvoie également à une logique de la désirabilité territoriale: des ménages qui font le choix de vivre dans un territoire parce qu’il y fait bon vivre ont un avantage sur les autres, toutes chose égale par ailleurs.

Ce phénomène renvoie à plusieurs sujets importants, à savoir la mobilité résidentielle, qui est un phénomène lourd, ainsi que la question de la densification des zones rurales, après avoir connues une longue période de déshérence. En s’étalant sur l’espace comme une gaz qui prendrait tout le volume disponible, la société civile a tendance à découpler de façon plus ou moins radicale les espaces dédiés au travail des espaces dédiés à la présence sociétale, ce que Christophe Terrier appelle l’économie présentielle et que l’on aurait tendance à appeler l’économie de l’habiter, ou l’économie de la vie quotidienne (y compris dans des formes temporelles marquées par une logique d’intermittence). Quand un anglais arrive par un « low cost » le vendredi à 18 h à l’aéroport de Limoges, pour un retour le dimanche soit à Manchester, il distribue du revenu dans le village

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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de sa résidence secondaire, il fait travailler les maçons du terroir, mais il continue à gagner sa vie et payer ses impôts en Angleterre.

Il serait dangereux de minorer ce genre de phénomènes car, au moment ou la globalisation transforme en profondeur les système productifs locaux (et parfois les éradiquent), on peut se demander si l’attractivité résidentielle et son double, l’attractivité culturelle, des loisirs et de la qualité de la vie, ne représente pas un enjeu majeur pour les territoires, et en quelque sorte leur « bouée de sauvetage », en tous les cas un stabilisateur économique. Mais le risque, c’est de passer d’une sphère présentielle et résidentielle importante à une part quasi hégémonique dans un territoire donné, qui en feraient des espèces de « réserve d’indiens » à encaissement local de la valeur produite ailleurs. Dans ce cas, le stabilisateur serait l’expression d’une forme de renoncement à une « catalyse » avec l’économie compétitive, avec une surconcentration de retraités ou de population sous dépendance de revenus de solidarités. A pousser la logique à l’extrême, on aurait une sorte de partition territoriale entre des territoires acteur de l’économie productive et des territoires non actifs ou rentiers. Par ailleurs, on peut se demander si cette forme d’organisation n’est pas vouée à l’échec à long terme avec la montée quasi exponentielle des coûts de l’énergie à mesure que l’on va se rapprocher, et de façon inexorable, du « Peack Oil », c’est-à-dire le point ou toute augmentation de la consommation se ferait sur la base d’un gisement mondial d’hydrocarbure prouvé en décroissance absolue, entre 2015 et 2030. Dans cette hypothèse assez probable, et même en intégrant les progrès de la technologie, qui constituent autant de contres tendances, il est clair que ce modèle d’organisation collective n’est pas tenable, il n’est pas, au sens fort du terme, durable.. Dans cette hypothèse, il y aurait deux réponses possibles, d’ailleurs radicalement opposée, la première qui irait dans le sens d’une reconcentration sur les grands pôles urbains (et donc avec une nouvelle désertification des zones rurales), dont le coût de fonctionnement collectif est en fait très inférieur à la forme étalée, la seconde qui irait vers une forme très étalée mais concentrée localement sur des petits pôles reliés les uns aux autres par des systèmes de communication immatériels. Dans les deux cas, le couple production de la valeur et réalisation serait réduit, il y aurait superposition des deux sphères. Ils seraient globalement plus viables, mais sur la base de choix de sociétés opposés l’un à l’autre.

Introduction de la journée : André

TORRE, Directeur de recherche INRA,

Président de l’ASRDLF, Secrétaire

Général Adjoint de l’OIPR

Durant ces vingt dernières années, les politiques de développement local ont joué la carte de la production, de l’économie productive. Deux thèmes majeurs ont occupé le devant de la scène : 1) les questions d’innovation et d’économie de la connaissance ; 2) les questions de gains de productivité en tous genres, s’incarnant par exemple dans la recherche de flexibilité du travail.

Aujourd’hui, dans un contexte où l’organisation du travail évolue (35 heures, heures supplémentaires, flexibilité du travail, etc.), où la question des salaires devient prégnante et où la compétitivité de l’économie française est un enjeu fondamental, la performance de l’économie française est questionnée. Ceci interroge dès lors la pertinence d’un modèle de développement fondé exclusivement sur le secteur productif. Est-ce faire le bon choix que de rechercher une diminution des salaires réels ? Avons-nous une chance d’être compétitifs par rapport aux pays émergents ou en voie de développement dans ce domaine ? Dans le même temps, la France est-elle encore en mesure de rattraper le retard technologique sur ses concurrents les plus dynamiques ? Et cela, alors qu’elle reste la première destination touristique mondiale, avec des sites de réputation à la fréquentation maximale comme le Mont Saint Michel par exemple, et qu’elle bénéficie d’une offre remarquable en matière de paysages, de produits patrimoniaux et identitaires, d’aménités de toutes sortes et de préservation du cadre de vie. C’est la question de l’économie résidentielle et de son impact en matière de développement territorial qui se trouve posée.

En réhabilitant la théorie de la base - une ancienne théorie économique -, Laurent Davezies offre une nouvelle grille de lecture du territoire et du développement local1 , ainsi

que des possibilités de développement par l’économie résidentielle. Les revenus provenant, par exemple, d’activités de services peuvent contribuer à enrichir un territoire. Les travaux menés suggèrent que les régions ayant une croissance importante sont celles qui ont tiré le 1 Les interventions durant le séminaire confirment l’intérêt de cette nouvelle grille de lecture auprès des collectivités locales. La théorie de la base et notamment l’économie résidentielle ont permis un renouveau conceptuel et d’envisager différemment la ressource territoriale.

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dossier central

Présentation de La théorie de la base est simple dans les idées mais

pas dans son application

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Les grands principes

La théorie de la base est un modèle keynésien qui fait dépendre les revenus du territoire de la demande extérieure. Elle considère l’économie d’un territoire à travers deux secteurs d’activités : d’une part, une économie tournée vers l’extérieur, dite « basique » (c’est la capacité d’un territoire à exporter et faire entrer ainsi des revenus en son sein qui est en jeu) et d’autre part, une économie tournée vers la demande locale, dite « non basique » ou encore « domestique ». D’après cette théorie, l’économie non-basique est induite par l’économie basique ; les exportations ont un effet multiplicateur.

Un peu d’histoire : vers la réhabilitation de la théorie de la base ?

Dès 1725, Richard Cantillon présentait l’idée de la théorie de la base à travers une description conduite sur le développement des villes. Propriétaires, seigneurs, princes et rois composaient le secteur basique et par les revenus qu’ils apportaient, induisaient le développement d’autres activités : « Il faudra pour le service de ces seigneurs : des boulangers, des bouchers, des brasseurs, des marchands de vin, des fabricants de toutes espèces » (Cantillon, 1725). Mais il faut véritablement remonter à Werner Sombart (1916) qui, à travers une analyse sur le fonctionnement de la ville médiévale, ne se focalise non pas sur le secteur productif mais sur les habitants et l’origine de leurs revenus. Il étudie ainsi les transferts vers la ville liés aux rentes et différentes taxes.

1 A partir de Gonnard Sophie (2001), Le Procès de la base économique. Enquête sur l’interprétation, l’usage et la condamna-tion de la base économique par l’économie urbaine du XXème siècle, Mémoire de DEA « L’urbanisme et ses territoires » encadré par Laurent Davezies, Université Paris XII, Septembre 2001, 59 pages

2 Talandier Magali et Davezies Laurent (2007), Etude économique sur la zone de Confluence Rhône Durance, ŒIL Observa-toire de l’Economie et des Institutions Locales, Institut d’Urbanisme de Paris, Université Paris XII.

Tableau 1 : les quatre grands éléments de la base économique des territoires en 1999. Moyennes (arithmétiques) de leur poids dans les aires urbaines et les zones d’emploi. Source : Davezies, 2008,2

approche renoue néanmoins avec l’idée que ce sont les populations qui sont porteuses des richesses. Par la suite, Laurent Davezies franchit la barrière méthodologique liée à la mesure du revenu dont il fait la principale variable du modèle. Il s’intéresse plus précisément à leurs origines.

Des quatre familles de revenus basiques alors identifiées, à savoir base productive privée (ventes de biens et services à l’extérieur du territoire), base publique (salaires des fonctionnaires), base sociale (transferts sociaux) et base résidentielle (revenus captés de la présence de certains agents tels que retraités, touristes, migrants alternants), c’est cette dernière qui pèse le plus lourd, soit près de 50% des revenus basiques : elle constitue « une sorte de garantie de développement local en apparaissant

à peu près partout comme le premier moteur du développement local » (Davezies, 2004, p.422)3.

ƒ Schéma du développement local à partir de la théorie de la base Source : à partir de Talandier et Davezies, 20074

ƒ Tableau 1 : les quatre grands éléments de la base économique des territoires en 1999 Moyennes (arithmétiques) de leur poids dans les aires urbaines et les zones d’emploi. Source : Davezies, 2008, p.585, calculs de l’auteur

3 Davezies Laurent (2004), « Formes de développement des territoires et pauvreté », in Travaux de l’Observatoire de la

Pauvreté et de l’Exclusion 2003-2004, La Documentation Française, pp.415-436

4 Talandier Magali et Davezies Laurent (2007), Etude économique sur la zone de Confluence Rhône Durance,

SECTEUR BASIQUE

Capte les revenus à l’extérieur du territoire = MOTEUR

SECTEUR DOMESTIQUE Activités tournées vers la demande locale

Biens et services vendus localement

Principe du multiplicateur keynésien

Base publique

Salaires des emplois publics Prestations sociales Base sociale autres que retraites (RMI, chômage, etc.)

Base résidentielle ou présentielle

Revenus apportés par des résidents ou « présents » : touristes, retraités, migrants-alternants, etc.

Base productive marchande

Revenus issus des activités productives – ventes de biens et services à l’extérieurduterritoire

Moyenne des aires

urbaines Moyenne des zones d’emplois

Base productive marchande 24% 19%

Base publique 21% 13%

Base résidentielle 42% 55%

Base sociale 13% 12%

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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dossier central

Deux approches distinctes de la théorie de la base prédominent : une première fondée sur

les activités selon l’origine des revenus (basiques / non-basiques) et une deuxième fondée sur les populations et sur l’origine de leurs ressources. Si, initialement, la théorie de la base s’intéressait aux revenus, les développements successifs (travaux de Homer Hoyt puis de Douglas North dans les années 1940 et 1950) lui ont préféré les activités, la limitant aux seules exportations du système productif. Cette « dérive » résulte principalement des difficultés de mesure et de formalisation de cette théorie. D’autre part, le contexte politique et socio-économique a profondément évolué : la ville médiévale, contexte initial de la conception de la théorie de la base est désuet ; le secteur productif ne prédomine plus les autres sources de revenus ; et les individus se déplaçant, les territoires de production, de résidence et dépenses sont désormais dissociés.

Parmi les nombreuses critiques, c’est celle de Richardson qui se révèle la plus ferme en 1985. Il ne remet pas en question le concept même de cette théorie mais son application : aucune méthode n’est capable de mesurer correctement la base économique.

De nouvelles techniques de mesure apparaissent dans les années 1990 avec, premièrement, les apports de L. Laurent (1995) qui adopte une approche démographique considérant d’un côté la population qui appartient à la base économique et de l’autre la population dite « induite ». Cependant, il recommande le recours au revenu si les outils de mesure disponibles le permettent... Cette approche renoue néanmoins avec l’idée que ce sont les populations qui sont porteuses des richesses. Par la suite, Laurent Davezies franchit la barrière méthodologique liée à la mesure du revenu dont il fait la principale variable du modèle. Il s’intéresse plus précisément à leurs origines.

Des quatre familles de revenus basiques alors identifiées, à savoir base productive privée (ventes de biens et services à l’extérieur du territoire), base publique (salaires des fonctionnaires), base sociale (transferts sociaux) et base résidentielle (revenus captés de la présence de certains agents tels que retraités, touristes, migrants alternants), c’est cette dernière qui pèse le plus lourd, soit près de 50% des revenus basiques : elle constitue « une sorte de garantie de développement local en apparaissant à peu près partout comme le premier moteur du développement local »2.

3 Davezies Laurent (2004), « Formes de développement des territoires et pauvreté », in Travaux de l’Observatoire de la Pau-vreté et de l’Exclusion 2003-2004, La Documentation Française, pp.415-436

4 Davezies Laurent (2008), La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses, La République des Idées, Seuil, 110 pages

Schéma du développement local à partir de la théorie de la base Source : à partir de Talandier et Davezies4, 2007

approche renoue néanmoins avec l’idée que ce sont les populations qui sont porteuses des richesses. Par la suite, Laurent Davezies franchit la barrière méthodologique liée à la mesure du revenu dont il fait la principale variable du modèle. Il s’intéresse plus précisément à leurs origines.

Des quatre familles de revenus basiques alors identifiées, à savoir base productive privée (ventes de biens et services à l’extérieur du territoire), base publique (salaires des fonctionnaires), base sociale (transferts sociaux) et base résidentielle (revenus captés de la présence de certains agents tels que retraités, touristes, migrants alternants), c’est cette dernière qui pèse le plus lourd, soit près de 50% des revenus basiques : elle constitue « une sorte de garantie de développement local en apparaissant

à peu près partout comme le premier moteur du développement local » (Davezies, 2004, p.422)3. ƒ Schéma du développement local à partir de la théorie de la base

Source : à partir de Talandier et Davezies, 20074

ƒ Tableau 1 : les quatre grands éléments de la base économique des territoires en 1999 Moyennes (arithmétiques) de leur poids dans les aires urbaines et les zones d’emploi. Source : Davezies, 2008, p.585, calculs de l’auteur

3 Davezies Laurent (2004), « Formes de développement des territoires et pauvreté », in Travaux de l’Observatoire de la

Pauvreté et de l’Exclusion 2003-2004, La Documentation Française, pp.415-436

4 Talandier Magali et Davezies Laurent (2007), Etude économique sur la zone de Confluence Rhône Durance,

ŒIL Observatoire de l’Economie et des Institutions Locales, Institut d’Urbanisme de Paris, Université Paris XII.

5 Davezies Laurent (2008), La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses, La

République des Idées, Seuil, 110 pages

SECTEUR BASIQUE

Capte les revenus à l’extérieur du territoire = MOTEUR

SECTEUR DOMESTIQUE Activités tournées vers la demande locale

Biens et services vendus localement

Principe du multiplicateur keynésien

Base publique

Salaires des emplois publics

Base sociale

Prestations sociales autres que retraites (RMI, chômage, etc.)

Base résidentielle ou présentielle

Revenus apportés par des résidents ou « présents » : touristes, retraités, migrants-alternants, etc.

Base productive marchande

Revenus issus des activités productives – ventes de biens et services à l’extérieurduterritoire

Moyenne des aires

urbaines Moyenne des zones d’emplois

Base productive marchande 24% 19%

Base publique 21% 13%

Base résidentielle 42% 55%

Base sociale 13% 12%

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plus profit du transfert de revenus en attirant de nouvelles populations. C’est le cas des régions littorales, du Sud ou de l’Ouest de la France, qui bénéficient de transferts de revenus et ont vu leurs habitants s’enrichir au cours des dernières années. La question de l’attractivité s’avère dès lors fondamentale. On parle d’économie résidentielle, en référence à l’importance des revenus apportés par les résidents et des revenus liés qu’ils génèrent. Puis encore d’économie présentielle, qui renvoie directement à la question des mobilités des individus (exemple : impact de la ligne TGV Paris-Marseille sur le développement du centre de Marseille) et à l’impact des séjours touristiques.

Rattachées à la question de la place réelle pouvant être occupée par l’économie résidentielle dans le développement territorial (est-elle une alternative ? est-ce une illusion ?), plusieurs réflexions s’ouvrent :

S’il y a des régions qui gagnent au jeu de l’économie •

résidentielle ou présentielle, il y en a certainement d’autres qui perdent. Par exemple, quelle place l’Ile-de-France occupe-t-elle dans ce système où les situations entre territoires sont très contrastées (régions captives / régions productives) ?

Le spectre de la désindustrialisation se dessine-t-il •

? En l’absence de production de biens, quel niveau de développement peut être envisagé ? D’où peut provenir la richesse, sans production de biens, et tout particulièrement de biens industriels ?

Quelle pérennité pour ce système ? Les mobilités en •

constituent un des moteurs fondamentaux. Or, les coûts de transports s’inscrivent dans une tendance à la hausse et les préoccupations environnementales sont omniprésentes aujourd’hui.

Le séminaire, dont le compte-rendu est restitué ici, a pour objectif d’apporter des réponses à ces questionnements et d’alimenter ainsi la réflexion. Deux parties composent le présent document : une première partie s’intéresse aux grands principes de l’économie résidentielle en la considérant à travers la théorie de la base ; une deuxième partie présentera davantage des cas d’études qui permettent d’illustrer les apports que permet une analyse des territoires incluant l’économie résidentiel mais aussi les limites d’un développement fondé sur le « tout résidentiel ».

Laurent Davezies, Professeur,

Université de Paris Val-de-Marne

Developpement territorial et

économie résidentielle : les grands

principes

Economie résidentielle, nouvelle base de la

dynamique des territoires ?

En guise de préambule, Davezies, auteur de l’ouvrage La République et ses territoires. La circulation invisible des richesses (2008) revient sur certains propos avancés par André Torre. Il formule plusieurs observations au préalable, en lien avec le modèle de développement proposé par la théorie de la base et présenté dans l’ouvrage mentionné. Le modèle ne se focalise pas seulement sur le tourisme mais renvoie à l’ensemble des activités facilitant la circulation monétaire. Il n’est pas exclusivement français. En revanche,

dossier central

Encadré 1 : Le devéloppement local à partir de la théorie de la base

Laurent Davezies, Professeur, Université de Paris Val-de-Marne

DEVELOPPEMENT TERRITORIAL ET ECONOMIE RESIDENTIELLE :

LES GRANDS PRINCIPES

Economie résidentielle, nouvelle base de la dynamique des territoires ?

En guise de préambule, Davezies, auteur de l’ouvrage La République et ses territoires. La circulation

invisible des richesses (2008) revient sur certains propos avancés par André Torre. Il formule plusieurs

observations au préalable, en lien avec le modèle de développement proposé par la théorie de la base et présenté dans l’ouvrage mentionné. Le modèle ne se focalise pas seulement sur le tourisme mais renvoie à l’ensemble des activités facilitant la circulation monétaire. Il n’est pas exclusivement français. En revanche, si des mécanismes similaires s’observent dans les pays industriels, ils se révèlent absents dans les pays en voie de développement. Ce n’est pas l’intégralité du livre rédigé qui sera reprise ici mais seulement des points précis permettant d’ouvrir la réflexion sur la place de l’économie résidentielle dans les logiques et stratégies de développement territorial et plus précisément sur son positionnement par rapport à la traditionnelle économie productive.

L’économie résidentielle n’est qu’une dimension des travaux à ce jour effectués sur les questions de développement local. D’autres paramètres justifient l’état des territoires à l’instar de la redistribution des fonds publics (outre les traditionnelles capacités productives largement étudiées par la Nouvelle Economie Géographique). Du fait des transferts monétaires entre territoires, les plus riches contribuent au développement des territoires les plus pauvres bien plus qu’ils ne bénéficient des richesses qu’ils produisent. Le cas de l’Ile-de-France est particulièrement éloquent à ce sujet. L’image d’une capitale qui pompe les régions périphériques est erronée – ce résultat peut être reconduit pour d’autres capitales des pays développés comme Londres par exemple. En 1976, l’Ile-de-France produisait 27% du PIB (Produit Intérieur Brut) national et ses ménages disposaient de 25% du revenu des Français. Aujourd’hui, ces valeurs atteignent respectivement 29% et 22% : « Pour le dire dans le langage d’aujourd’hui, elle gagne

moins en travaillant plus ! » (Davezies, 2008, p.12).

Cette remarque présentée différemment, un effet ciseaux se produit comme l’illustre le graphe ci-dessous : alors que les écarts en termes de PIB par habitant se confirment entre les régions, les revenus par habitant, eux, convergent. La création de valeur ajoutée et la formation du revenu sont deux mécanismes distincts dans l’espace. Une partie de la valeur ajoutée d’un espace est transférée vers d’autres espaces, par le biais de transferts privés (rémunérations du capital, salaires, etc.) et publics (impôts, dépenses publiques, cotisations et prestations sociales).

Figure 1 : La « courbe de Williamson » revisitée à la lumière de l’après 1980.

Représentation schématique des évolutions respectives des inégalités interrégionales de PIB par habitant et de revenu par habitant dans les pays industriels depuis le 19ème siècle.

« Dit autrement, pour la

première fois depuis une trentaine d’années, l’évolution du revenu des territoires ne semble plus dépendre de l’évolution de la richesse qu’ils créent » (Davezies, 2008,

p.11).

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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si des mécanismes similaires s’observent dans les pays industriels, ils se révèlent absents dans les pays en voie de développement. Ce n’est pas l’intégralité du livre rédigé qui sera reprise ici mais seulement des points précis permettant d’ouvrir la réflexion sur la place de l’économie résidentielle dans les logiques et stratégies de développement territorial et plus précisément sur son positionnement par rapport à la traditionnelle économie productive.

L’économie résidentielle n’est qu’une dimension des travaux à ce jour effectués sur les questions de développement local. D’autres paramètres justifient l’état des territoires à l’instar de la redistribution des fonds publics (outre les traditionnelles capacités productives largement étudiées par la Nouvelle Economie Géographique). Du fait des transferts monétaires entre territoires, les plus riches contribuent au développement des territoires les plus pauvres bien plus qu’ils ne bénéficient des richesses qu’ils produisent. Le cas de l’Ile-de-France est particulièrement éloquent à ce sujet. L’image d’une capitale qui pompe les régions périphériques est erronée – ce résultat peut être reconduit pour d’autres capitales des pays développés comme Londres par exemple. En 1976, l’Ile-de-France produisait 27% du PIB (Produit Intérieur Brut) national et ses ménages disposaient de 25% du revenu des Français. Aujourd’hui, ces valeurs atteignent respectivement 29% et 22% : « Pour le dire dans le langage d’aujourd’hui, elle gagne moins en travaillant plus ! » (Davezies, 2008, p.12).

Cette remarque présentée différemment, un effet ciseaux se produit comme l’illustre le graphe en figure 1 : alors que les écarts en termes

de PIB par habitant se confirment entre les régions, les revenus par habitant, eux, convergent. La création de valeur ajoutée et la formation du revenu sont deux mécanismes distincts dans l’espace. Une partie de la valeur ajoutée d’un espace est

transférée vers d’autres espaces, par le biais de transferts privés (rémunérations du capital, salaires, etc.) et publics (impôts, dépenses publiques, cotisations et prestations sociales).

Représentation schématique des évolutions respectives des inégalités interrégionales de PIB par habitant et de revenu par habitant dans les pays industriels depuis le 19ème siècle.

Source : Davezies Laurent (2005), Vers une macroéconomie locale. Le développement local entre économie productive et présentielle, papier préparé à la demande de la Datar (Groupe Prospective Vieillissement, présidé par Michel Godet et rapporté par Marc Mousli), Août 2005, polyg. 67p.

Davezies critique les thématiques aujourd’hui abordées dans la littérature socio-économique. On trouve, d’une part, les travaux s’intéressant à la métropolisation, recueillant un consensus général sur les processus décrits (concentration des facteurs de production octroyant des avantages compétitifs aux régions métropolitaines). C’est le système productif qui prédomine dans cette approche. D’autres travaux portent sur les effets négatifs, territorialisés, afférents à ces phénomènes de métropolisation. Ce sont alors des thèmes comme la pauvreté, l’exclusion, la Politique de la Ville qui sont analysés. Cependant, ces objets d’étude, trop limitatifs, ne permettent pas de doter les pouvoirs publics de connaissances suffisantes pour mieux appréhender les évolutions socio-économiques que connaissent les territoires.

Un des enjeux fondamentaux auquel doivent répondre les territoires (toute échelle confondue) pour définir et piloter les actions publiques porte sur les indicateurs adoptés. Le recours au PIB par habitant pour traduire le niveau de développement d’une région paraît systématique. La Commission Européenne en fait, par exemple, l’indicateur de référence pour définir les attributions de fonds structurels. Elle considère, à tort, le PIB comme un indicateur de « cohésion », révélateur des niveaux de revenu et du bien-être des populations. Or, d’une part, les lois de la macroéconomie régionale ou locale ne sont pas l’écho parfait des lois de la macroéconomie nationale ou à des échelles supra. D’autre part, le PIB montre des limites en raison de la définition même des variables le composant. Il semble difficile d’établir des règles communes autour de cet indicateur parmi les territoires considérés (en France, en Europe, etc.).

Le retour des inégalités de PIB observées entre les territoires est difficilement lisible du fait des turbulences affectant l’économie depuis les années 1970. La traduction spatiale de ces turbulences est différenciée selon le niveau

dossier central

« Il faut cesser de considérer les territoires uniquement comme des supports de croissance : ils sont autant de supports de redistribution, de mobilité, de consommation… Mieux, ils sont en compétition les uns avec les autres, non seulement pour produire, mais aussi pour capter des richesses produites ailleurs. Conjuguée à la mobilité croissante des personnes, s’organise ainsi une circulation invisible des richesses qui remodèle en profondeur la géographie française » (Davezies, 2008, p.7).

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d’implication des régions ou des villes dans les échanges marchands. Ainsi, les territoires les plus développés vivent une accélération (dans le positif ou le négatif ) de leur situation lorsque l’économie traverse une phase de croissance ou de récession contrairement à des territoires plus en retrait vis-à-vis de ces échanges. Ces derniers disposent d’une base économique se composant essentiellement de revenus publics, sociaux ou encore d’activités davantage tournées vers la demande locale réduisant dès lors leur sensibilité aux aléas économiques. Pour reprendre une expression de Davezies, ils constituent des « amortisseurs économiques ».

Les analyses conduites suggèrent que les territoires qui se portent le mieux sont des territoires résidentiels (surtout littoraux). Toulon se révèle un bon exemple : alors que l’économie productive est minime, ce sont les retraités et les touristes qui constituent des leviers centraux de son développement. La croissance est alimentée par la consommation (principe du multiplicateur keynésien) : il s’agit alors de capter des revenus ; ce qui entraîne des effets puissants sur le PIB.

Si la métropolisation garantit une croissance nationale mais pas un développement territorial, le principe de développement fondé sur la consommation n’est, cependant, pas généralisable même si la tentation au « tout résidentiel » est forte pour les collectivités. Il existe, en fait,

des interdépendances entre les dynamiques de croissance et les dynamiques de développement. En d’autres termes, cohabitent – mais difficilement – deux familles conceptuelles : un modèle de croissance étudiant les rapports entre la production et les territoires (on retrouve les effets d’agglomération, les systèmes productifs localisés, etc.) et un modèle de développement s’intéressant au revenu local et ses liens avec la pauvreté, le chômage, l’emploi – ceci renvoie à la théorie de la base. D’une part, le premier considère le territoire comme un facteur de croissance alors que le second, comme un support de développement. D’autre part, pour le premier, prime l’intérêt général alors que pour le second, l’intérêt local – ce qui légitime l’intervention des élus locaux – ou en d’autres termes, cela résume le rapport territoire national / territoires sub-nationaux. Aujourd’hui, au lieu d’une cohabitation harmonieuse du fait de la complémentarité apparente de ces modèles, c’est une situation de schizophrénie qui se dessine où les actions conduites en faveur de la croissance seraient contradictoires aux actions qu’il faudrait mener pour le développement territorial.

BenoîtLajudie, Chargé de Mission

CAS (Centre d’Analyses Stratégiques)

Observations relatives à l’ouvrage

de Laurent Davezies « La République

des territoires, la circulation invisible

des richesses ».

Les travaux de Laurent Davezies apportent une contribution majeure à la connaissance des dynamiques territoriales. Ils permettent de s’extraire de la tyrannie du PIB pour mesurer la situation des territoires, et aussi – et surtout – de concevoir différemment le développement territorial et les politiques de développement.

Histoire de l’apparition d’un doute quant à la capacité explicative du PIB

Longtemps chargé de la fonction « études prospective évaluation » au Conseil régional du Limousin, économiste de surcroît, j’ai utilisé le PIB par tête comme étalon du développement des territoires.

Une croissance sans développement

Ma foi dans la capacité du système productif à générer du développement territorial a vacillé au début des années 1990. En particulier, en 1992, un sous-préfet développeur a fait réaliser une étude stratégique sur l’arrondissement d’Ussel, en Corrèze. Cet arrondissement présentait la particularité d’avoir renouvelé nombre de ses activités

dossier central

Débat : les barrières méthodologiques et mesures

statistiques, principaux enjeux de l’application de

la théorie de la base

L’évolution de l’appareil statistique, en France, a permis de reconsidérer la théorie de la base d’une part, à travers les populations et non plus les activités seulement et d’autre part, à travers la variable revenu (cf. travaux réalisés par l’OEIL (Observatoire de l’Economie et des Institutions Locales). Des fichiers élaborés par l’administration française sont désormais rendus accessibles à l’instar du fichier DGI (Direction Générale des Impôts) ou encore des données produites par l’INSEE et regroupées dans un fichier CLAP (Connaissance Locale de l’Appareil Productif ).

Cet apport indéniable en termes statistiques n’occulte cependant pas les difficultés méthodologiques afférentes à la mesure de flux et non de stocks car il s’agit bien, ici, de démontrer les phénomènes de redistribution des revenus et d’évaluer les montants transférés entre territoires.

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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productives industrielles et de se situer en bonne position dans les classements des territoires en matière de niveau et de structure d’activité, d’emploi, de qualification, etc. Le Comité de bassin d’emploi local était des plus actifs et les zones d’activité des mieux remplies.

Dans ces conditions, le dynamisme économique devait soutenir un développement global.

Or, la population diminuait et vieillissait, les écoles fermaient, les services à l’économie étaient inexistants. L’arrondissement d’Ussel ne bénéficiait pas de son développement économique pourtant réel. Les zones d’activités de l’arrondissement employaient de plus en plus de salariés qualifiés ou très qualifiés dans des secteurs d’activité modernes, mais ces actifs résidaient ailleurs. L’autoroute A89 leur permettait de réaliser les migrations alternées quotidiennes entre leurs lieux de résidence, urbains ou péri-urbains, et leur lieu de travail.

Nous observions donc un découplage entre l’activité économique et le développement global. Le PIB ne produisait de développement que dans les statistiques. Un développement sans croissance

La région du Limousin fournissait d’autres occasions d’observer un découplage entre les activités productives, le niveau du PIB et le développement global.

En effet, sur d’autres parties de son territoire, à l’inverse de l’arrondissement d’Ussel, le Limousin perdait des activités et des actifs tout en ayant un solde migratoire constamment positif depuis 1982 et un niveau de revenu moyen des habitants des zones rurales croissant. Les enquêtes monographiques montraient que les actifs constituaient près du tiers des populations arrivantes. Les travaux de prospective conduits en 1993 évoquaient alors la « double-résidence », c’est-à-dire une double-résidence secondaire dont l’usage n’est plus limité aux vacances ni aux week-end mais étendu aux périodes d’activité.

Là encore il y avait découplage : une amélioration du point le plus faible de la région (sa démographie) sans croissance du PIB.

Ce constat était pour nous une énigme. La migration de population apparaissait certes comme une opportunité, mais sans être considérée comme un facteur de développement. Pire, les indicateurs qui montraient l’importance des revenus de transfert et des dépenses de l’Etat dans la région reflétaient, pour nous, une situation de sous-développement.

Les travaux de Laurent Davezies éclairent ces zones d’ombre

On comprend alors que ces travaux soient arrivés sur un terrain prêt à les accueillir, tant nos réalités persistaient à montrer que la référence au PIB n’expliquait pas tout dans notre région.

Plus généralement, les travaux de Pierre Veltz expliquaient

la polarisation des activités productives et le système d’archipel qui en découlait, faisant craindre aux responsables territoriaux des lendemains sombres pour les hinterlands de l’archipel. Et tout montrait effectivement la concentration des activités productives sur des zones plus denses et moins nombreuses.

Mais, depuis le début des années 2000, les recensements montrent une inversion des mouvements de population, qui s’orientent de façon croissante vers les zones littorales et les zones à faible densité, comblant même, progressivement, la vieille « diagonale aride » de la démographie française. C’est un apport majeur à la connaissance du fonctionnement du monde moderne que d’avoir utilisé la théorie de la base pour procéder au découpage analytique des composantes du développement entre les dynamiques productives et résidentielles qui permettont de comprendre le développement dans sa complexité. Les perspectives ouvertes par cette clarification sont considérables. En particulier, les acteurs du développement peuvent articuler de manière consciente et réaliste les composantes du développement : définir des domaines et des modalités d’action publique adaptés aux logiques productives et résidentielles puis en assurer la cohérence.

Une porte ouverte sur des développements futurs

Laurent Davezies vient de poser une pierre importante dans la connaissance des processus de développement. Comme toute avancée, elle suscite une infinité de questions pour la suite : approfondir la connaissance des processus mis en évidence, développer leurs conséquences sur l’action publique, ses modalités et sa gouvernance, etc.

Mes observations s’inscrivent dans la perspective de ces développements.

Observation 1 - Le modèle résidentiel n’est pas

sécurisé.

L’observation ne va pas à Laurent Davezies mais à Guy Loinger et à l’OIPR. Elle concerne le titre même du séminaire d’aujourd’hui : « L’économie résidentielle comme contrepoids aux risques des secteurs exposés ».

Cette notion de contrepoids met en balance les secteurs exposés de la base productive et les secteurs supposés abrités de la base résidentielle. Je ne conteste pas que les activités de la base productive soient « exposées », mais je pense qu’elles ne sont pas les seules à l’être. Il serait téméraire de considérer que la base résidentielle est abritée des incertitudes liées au marché. La durabilité du phénomène d’étalement résidentiel est soumise à celle de la mobilité, du financement du logement, etc. Depuis toujours, l’idéal résidentiel des Français est représenté par le modèle de « La petite maison dans la

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prairie ». Les conditions ont été favorables, ces dernières années, à sa réalisation par un nombre croissant de Français… et de Britanniques. Survivra-t-il à l’énergie durablement chère ? A l’avenir incertain des 35 heures ? Au contraintes du financement de la construction?

Observation 2 - Il faut clarifier les questions

d’échelle territoriale.

Il faut parler du maillage territorial retenu pour étudier la consistance du découplage du développement productif et du développement social. C’est une chose d’observer une aire urbaine qui alimente, par son marché du travail productif, une zone rurale contiguë, c’en est une autre d’observer des actifs Britanniques qui télétravaillent à la City à partir d’une résidence située dans une zone rurale française à distance acceptable d’un aéroport utilisé par une compagnie low-cost.

Certes, le phénomène prend forme à tous les niveaux territoriaux simultanément dans la mesure où la quasi-totalité des zones les moins peuplées présentent un solde migratoire positif. Les retraités y jouent un rôle majeur, mais il serait intéressant de dresser la carte des territoires selon une typologie de spécialisation fondée sur les bases économiques, notamment pour établir la typologie territoriale de l’économie résidentielle des actifs, puis des autres catégories de la population.

Les travaux sur les dynamiques territoriales de l’économie de Pierre Veltz avaient conclu d’une part à l’importance croissante des logiques de proximité et d’autre part à l’économie d’archipel, menaçante pour l’avenir des activités productives dans les espaces situés en dehors des métropoles. S’il apparaît que les actifs de l’archipel peuvent résider dans les espaces intermédiaires, alors la perspective change.

Observation 3 - Quelle est la part des actifs

dans le découplage ?

On peut voir, à partir de chiffres utilisés par Laurent Davezies, que la contribution des actifs au découplage est loin d’être négligeable : p.36, on indique que 7% de la masse salariale d’Ile-de-France est versée à des actifs qui n’y résident pas. On calcule à partir des données de la p.60 qu’en 2000, 8,7% du revenu total étaient perçus par des actifs résidant hors de leur zone d’emploi et que 32 % du revenu des actifs allaient à des résidents hors des mêmes zones (p.60).

Sous réserve de calcul plus précis, cela conduit à considérer que près du tiers du revenu des actifs quitte sa zone d’emploi.

Observation 4 - L’articulation des bases est à

étudier.

La mise en évidence par Laurent Davezies de la présence sur les territoires de plusieurs logiques, propres à chacune des bases, doit nous conduire non à séparer ni à penser comme antagoniques les bases productive et résidentielles, mais à penser autrement la globalité du développement. En ce sens, l’économie résidentielle est une composante articulée à l’économie productive. C’est au niveau de cette articulation que des choses changent.

La logique de la redistribution est claire : la richesse redistribuée est créée par la seule base productive. Les territoires de la base productive alimentent ceux de la base résidentielle. Sur un territoire donné, les bases s’entrelacent.

La circulation invisible des richesses n’est pas nouvelle. C’est l’équilibre général du système qui change. Les flux ne sont pas nouveaux. La Normandie est remplie de résidences secondaires de parisiens et Paris de celles de riches Américains. La Creuse a vécu du marché du travail du bâtiment à Paris pendant toute la période Haussmannienne.

La nouveauté provient du franchissement de seuils, du passage du stade où la concentration de l’emploi nourrissait des soldes migratoires négatifs dans les zones à faible niveau productif à celui où ces soldes s’inversent.

Mais il n’existe pas de territoire a priori totalement dépourvu de base productive. Les spécificités des territoires tiennent à l’assemblage des bases qui leur est propre, quantitativement et qualitativement. Cet assemblage détermine la structure et le potentiel stratégique de chaque territoire.

Pierre Veltz écrit (« La grande transition », La France dans le monde qui vient, « Pour une régionalisation de rupture », Seuil mars 2008) qu’existent potentiellement des dynamiques créatrices à tous les niveaux territoriaux, pour peu que les acteurs correctement organisés.

On peut donc considérer que les composantes de chaque base constituent autant de facteurs potentiels de développement. La question est alors de les stimuler tous au maximum. L’analyse de Laurent Davezies sert alors à préciser les stratégies car on agit différemment pour stimuler une fonction productive et pour faire habiter des actifs dans des zones rurales, l’enjeu du développement global étant d’en assurer l’optimisation et la cohérence de l’ensemble.

Observation 5 – Il faut approfondir la question

de la gouvernance

Je partage peu de choses avec l’analyse de Laurent Davezies en matière de gouvernance.

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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Son propos est résumé p. 101, §2, où il parle de la décentralisation et des communautés de personnes âgées : « Ce que l’on peut craindre, c’est que ce grey power, qui est assis sur une véritable manne économique avec des revenus moyens supérieurs à ceux des actifs, conduise les autorités locales à mettre en œuvre des politiques qui, servant l’électorat âgé, évincent, directement ou indirectement, du fait de la contrainte budgétaire, celles qui sont tournées vers les services aux familles de jeunes actifs. (…) Ne risquent-elles pas, par des effets d’éviction vis-à-vis de certaines politiques locales, de mener le développement local sur des chemins nettement sub-optimaux du point de vue de la croissance nationale (ou plus simplement départementale ou régionale) ? »

On comprend dans ce cas que la décentralisation soit considérée par les économistes de référence (Tiebout et Alonso) comme un risque et que l’optimum ne puisse découler que de la centralisation.

Je fais ici quelques observations à ce sujet :

- Il faut éviter la nostalgie implicite d’un idéal autarcique. Un territoire n’a pas à générer lui-même la totalité de sa ressource publique. Il est vrai que le système fiscal actuel est particulièrement imparfait, mais dans tous les pays du monde, en particulier les plus performants, il y a de la péréquation, explicite et implicite, et le fédéralisme fiscal est une facteur de fragmentation.

- Il existera toujours des spécialisations territoriales. La « circulation invisible des richesses » de la NEG est un système de péréquation automatique. C’est de cela qu’il faut parler avec les responsables politiques pour décrire la typologie des territoires autrement qu’en termes de PIB et poser de façon plus moderne les termes de la cohésion territoriale.

- Il faut rappeler que la responsabilité des acteurs publics n’est pas de faire du corporatisme ou du communautarisme territorialisé. Si Laurent Davezies considère à juste titre (p.101) qu’existe un risque de voir les élus donner une part excessive à la satisfaction des habitants « non productifs », ses travaux sont motivés par un constat inverse, ainsi énoncé p.36 dans le chapitre sur la dissociation résidence/travail : « la plupart des élus ont tendance à surestimer la présence d’emplois comme facteur de développement du territoire dont ils ont la charge, alors que ce sont les sources de revenus de leurs habitants qui constituent plus encore l’enjeu de ce développement. » Alors ?

- Pierre Veltz s’interrogeait ainsi dans un entretien à Pouvoirs Locaux (n° 77 II/2008) au sujet de la gouvernance adaptée à cette économie qui nécessite un niveau de pilotage fin et local : « Qui est capable aujourd’hui de mettre en œuvre ce monitoring fin, appuyé sur une connaissance distribuée dans l’épaisseur du tissu économique ? L’État

central ? On peut en douter. En réalité, la nécessité de valoriser plus que par le passé les potentiels de coopération territorialisés et la nécessité de conduire des politiques anticipatrices et réactives, proches de la réalité mouvante et incertaine des entreprises, plaident pour un accroissement du rôle des niveaux locaux. »

- Christian Blanc plaidait pour sa part en faveur du Conseil régional face à ce même défi (Pour un écosystème de la croissance, Rapport au Premier ministre, 2004) en écrivant (p.26) qu’il faut « confier aux conseils régionaux (dotés de compétences remaniées, ndlr) les leviers de l’économie de la connaissance. »

Ces interrogations montrent que, comme tous les ouvrages majeurs, celui de Laurent Davezies a comme mérite principal d’ouvrir des chantiers futurs, à partir d’un apport essentiel à la connaissance des dynamiques territoriales.

Christophe Terrier, INSEE

Mobilité touristique et population

présente les bases de l’économie

présentielle dans les départements

Christophe Terrier évoque les principaux résultats d’une étude sur la « présence ». Au préalable, il revient sur l’expression « économie résidentielle ». Elle porte à confusion car ce ne sont pas seulement les individus résidents d’un territoire qui alimentent son développement mais l’ensemble des individus présents sur ce territoire. Ainsi, touristes, migrants-alternants, résidents en maison secondaire, etc. contribuent à faire varier la population locale selon les jours et même selon les heures ; ce qui a des effets directs sur la consommation, les besoins en

dossier central

Débat : entre l’attractivité du territoire et la

satisfaction de son électorat, les arbitrages difficiles

des élus.

Davezies de préciser que certaines collectivités se trouvent dans des situations de blocage en raison de la pression exercée par l’électorat local. Un électorat majoritairement composé de personnes âgées orientera les actions publiques, logiquement, en leur faveur. Aussi, les enjeux productifs locaux entrent-ils en concurrence avec les enjeux résidentiels, sachant que ces derniers enjeux sont variables en fonction des catégories de population. D’où une concurrence existant même entre les enjeux résidentiels (rejet de l’ouverture d’une crèche dans une commune à tendance « âgée » par exemple).

Figure

Tableau 1 : les quatre grands éléments de la base économique des territoires en 1999. Moyennes (arithmétiques) de  leur poids dans les aires urbaines et les zones d’emploi
Figure 1 : La « courbe de Williamson » revisitée à la lumière de l’après 1980.
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