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Mondialisation de l’économie La mondialisation de l’économie est une tendance

trop structurelle —à l’œuvre depuis pratiquement trois millénaires— pour être inversée durablement. Toutefois la question de sa forme et de sa régulation est un débat essentiel : s’il est vrai que la mondialisation de l’économie a permis d’élever globalement le niveau de vie de la planète, la manière dont elle se développe actuellement apparaît générer plus d’inégalités que d’égalités. Un pays peut-il cependant ne pas entrer dans ce jeu, rester isolé de la production des grands flux internationaux ? Sinon, comment progresser, faire un pas de plus en avant, pour mieux répartir les fruits de la croissance et favoriser le développement du plus grand nombre ?

Ces idées généreuses se heurtent à des difficultés non seulement d’ordre technique (les mécanismes économiques) mais aussi d’ordre conceptuel (les approches culturelles).

La mondialisation laisse une partie de la planète hors jeu (le «quart monde»). Pendant ce temps, l’autre partie

progresse selon des modalités différentes depuis la Révolution Industrielle : les industries de main-d’œuvre ont assuré le développement des sociétés occidentales, tandis que les progrès de l’agriculture permettaient de produire plus avec moins de paysans. Ce processus (industrialisation) s’est peu à peu répandu dans le monde entier, en s’accélérant. Un siècle et demi après, on peut distinguer les pays développés et les pays en développement ; des autres (le quart-monde) on ne parle même plus (sur le plan économique du moins). Une seconde phase de ce développement a été amorcé lorsque les industries de main-d’œuvre ont commencé à glisser des pays développés vers les pays en développement où la main d’œuvre est meilleur marché et de plus en plus compétente. Pour satisfaire les revenus plus importants dans les pays développés, il faut désormais produire davantage de valeur ajoutée. Aussi assiste-t-on à une nouvelle spécialisation du travail : les fonctions de production dites «supérieures» (conception, design, marketing…) se concentrent dans les pays développés, les fonctions de production classiques (matières premières, transformation, assemblage de produits finis) dans les pays en développement. Les pays du Sud-Est asiatique ont émergé sur la base de ce modèle.

Pour les Etats, la tentation est forte de sauter les différentes étapes du développement pour accéder directement à la spécialisation rapportant la plus grande valeur ajoutée. Mais l’interdépendance des différents facteurs de développement est désormais trop grande : un tel saut ne génère que davantage d’inégalités au sein d’un pays dont l’instabilité sociale devient alors de plus en plus forte, comme l’a montré la crise coréenne par exemple. Car le nouveau paradigme qui se met en place donne aujourd’hui plus de poids au facteur humain à l’intérieur du système politique, économique et social.

Mondialisation de la

connaissance

Parallèlement, le développement scientifique et technique connaît le même glissement des pays riches occidentaux vers les économies développées de l’Asie du Sud-Est : la part de brevets déposés par les Etats- Unis et l’Allemagne (dans le nombre total de brevets délivrés par les Etats-Unis) se réduit sensiblement au profit de ceux déposés par le Japon, Taiwan et la Corée du Sud depuis le début des années 80 ; de même, les diplômes en science et ingénierie ont doublé en Asie

Prospective territoriale

dans le monde

au cours de la décennie 903. Croissance économique et

développement S&T apparaissent donc bien étroitement corrélés.

Cependant le phénomène est particulièrement complexe car la réduction de la part des pays développés dans la production globale du savoir n'est pas seulement le fait de l'accroissement du nombre de compétiteurs. En effet, les tendances actuelles en matière d'innovation scientifique et technique dans les pays les plus développés, aux populations vieillissantes, montrent une réduction de l'intérêt pour les S&T dans les pays occidentaux —moins d'étudiants en mathématiques et physiques, moins d'investissements en R&D, une diminution de la culture S&T— au contrainte de l'intérêt pour l'ingénierie qui est plus grand que jamais. Or, si les pays les plus riches ne contribuent plus significativement à la recherche et développement, où celle-ci se fera-t- elle demain ? Quels pays détiendront-ils les capacités de production scientifiques et techniques dont le monde a besoin pour progresser ? Et à quel prix accepteront-ils d'en faire bénéficier les autres ?

En réalité, les données de ce problème sont déjà en train de changer. Car, la mondialisation de la connaissance rattrape celle de l'économie. Déjà les entreprises réalisent une part importante des investissements mondiaux en matière de R&D. Dans la formidable compétition qui se joue à l'échelle mondiale, l'innovation est un atout majeur, décisif. Les entreprises s'internationalisant (multinationales) il devient de plus en plus difficile de localiser la provenance géographique d'une innovation. Même si le chercheur qui la formalise est indien ou taiwanais, on sait aujourd'hui ce qu'une avancée scientifique ou technologique doit aux échanges au sein de la communauté internationale des chercheurs et au travail d'une équipe entière, souvent multinationale elle-même.

Que la recherche de la connaissance soit publique ou privée, la compétition dans ce domaine est aussi rude que dans le secteur économique, les enjeux en termes de retour sur investissement étant de plus en plus grands, à l'échelle de l'accroissement des marchés. Touts les avantages compétitifs prennent alors une importance aigue, notamment ceux liés aux aspects culturels de l'innovation.

En effet, le processus de création de connaissances —y compris de savoir-faire— apparaît lié au développement humain et à la transition des sociétés vers l’ère postindustrielle.

Parler du développement humain, c'est évoquer les besoins fondamentaux des êtres humains non seulement 3 Futuribles n°300, septembre 2004, pp. 98-99

en termes de survie (se nourrir, se loger, se vêtir) mais aussi en termes d'épanouissement (savoir lire, écrire, compter, avoir accès à l'information). Or ces derniers deviennent particulièrement cruciaux et amples dès lors qu'il s'agit d'accéder aux moyens intellectuels et culturels de production de connaissance. Quels rôles jouent la laïcisation, la démocratie, la place de la femme dans la société, l’ouverture aux autres cultures… dans ce processus (cf. le Siècle des Lumières par exemple) ? Comment les valeurs impactent-elles sur l'élaboration et la maîtrise des savoirs, à chaque niveau de la société ? Enfin, la transition vers l'ère postindustrielle semble ouvrir la voie à une société de la connaissance, où la qualité est aussi importante —sinon davantage— que la quantité : qualité de l’information (objectivité, véracité), qualité du raisonnement (esprit critique, liberté intellectuelle), gestion des connaissances… Dans un tel contexte, quel peut être la place du Bassin Méditerranéen ? Lieu naturel d'interculturalité et d'échanges, quel bénéfice peut-il tirer de cette richesse et selon quelles modalités ? Comment dépasser les freins qui entravent encore l'accès de certains pays de la zone à une place significative en matière d'innovation ? Faut- il et comment renforcer les échanges méditerranéens ? La fracture informationnelle4 (qu'elle soit digitale ou

culturelle) est en train de creuser un nouveau fossé entre les 21 pays riverains de la Méditerranée. De nombreux Etats préfèrent soutenir la compétitivité de leur tissu économique et renforcer leur image internationale à travers de grands œuvres (grands travaux, projets « pharaoniques ») et la promotion des hautes technologies, surtout au profit d’activités à forte valeur ajoutée. Ce faisant, c’est toute une population qui est laissée en arrière par le train de la modernisation. Est-il possible à la fois d’éviter cette dualité et de rendre un visage humain au progrès technologique (technology divide, soft technology, friendly use, etc.), notamment en le mettant au service du développement humain et non seulement du développement économique ?

Une géopolitique du progrès

Si la croissance économique est un des piliers du progrès, la paix en est le second : ils sont indissolublement liés. Or le Bassin Méditerranéen est soumis à de multiples tensions. Des tensions qui peuvent provenir de l’irruption de nouveaux acteurs dans le jeu régional traditionnel, comme autrefois, ou de l’émergence de 4 cf. « Arab Human Development Report 2005 » Bureau ré- gional des Etats Arabes du Programme de Développement des Nations Unies (UNDP)

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 200981

Prospective territoriale

dans le monde

nouveaux facteurs comme les migrations massives, la rareté des ressources naturelles (eau notamment), la dégradation de l’environnement (pollutions), etc. Est-il possible de produire un nouveau modèle géopolitique susceptible de gérer, pacifiquement et au profit de tous, l’ensemble de ces facteurs de conflictualité ?

Ce second axe de développement —qualifié de