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Quand l’économie résidentielle précipite le devenir des territoires : l’exemple de la plaine

de la Vaunage

C’est en qualité de géographe que Stéphane Villepontoux évoque les limites d’une économie résidentielle à travers l’exemple de la Plaine de la Vaunage, territoire périurbain étendu sur neuf communes à la périphérie de Nîmes en Languedoc-Roussillon. Cette réflexion fait suite à une démarche de diagnostic prospectif aboutissant à la proposition de scenarii16. En d’autres termes, il s’agit

16 Il s’agit d’un rendu d’un diagnostic prospectif réalisé dans le cadre d’un atelier tuteuré en Master et commandité

d’étudier l’impact qu’un modèle de développement fondé sur l’économie résidentielle peut avoir sur un territoire : quelles pressions l’économie résidentielle exerce-t-elle ? Quel avenir est-il envisageable et/ou souhaitable pour ce territoire ?

Ce sont l’attractivité et la rétention des populations qui sont au cœur de l’analyse. Il s’agit de s’interroger sur les atouts territoriaux qui permettent de capter et retenir les ménages (en particulier ceux dotés de revenus suffisants) et de comprendre en quoi ils trouvent un écho favorable ou pas dans l’imaginaire des habitants. Pour les ménages, le choix de l’installation résidentielle est influencé par les aménités qu’offre le lieu d’accueil. Le territoire doit répondre aux canons du cadre de vie : authenticité, accessibilité, proximité de centres et services, proximité de la nature, etc. La mobilité apparaît comme une condition par l’Agence d’urbanisme de Nîmes et de la région nîmoise. Même si le recours aux données statistiques est incontournable, la méthodologie suivie est avant tout qualitative : observations, relevés terrain, enquê- tes et entretiens.

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Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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intrinsèque de ce modèle. Il s’agit en fait d’un modèle de proximité généralisée où la maison joue comme centralité17

organisante. Cette perspective n’est pas sans conséquence sur l’aménagement de l’espace et on retrouve les composantes du modèle péri-urbain (caractérisé par une dissociation entre les espaces de travail, de consommation et de résidence).

Les évolutions du territoire ici étudié suggèrent que le modèle résidentiel semble mal maîtrisé : les configurations territoriales qui se sont développées, sont de nature fortement spécialisées mais aussi exclusives. Ceci génère des tensions (conflits de voisinages, conflits d’usage, dissensions politiques) perturbant les rapports entre espace, nature et société. La Plaine de la Vaunage est avant tout un paysage et exprime le désir résidentiel : fond de vallée arborée, un paysage méditerranéen séduisant, une nature dominée par la vigne et l’olivier, le tout doté d’un héritage ancien (époque Romaine). Par sa localisation géographique, située dans un entre-deux métropolitain (Nîmes et Montpellier), à proximité de la mer (la Camargue), de la montagne (Cévennes), la Plaine de la Vaunage n’a cessé de voir sa population augmenter 17 Villepontoux rappelle d’ailleurs qu’en grec ancien, « économie » signifie « administration d’un foyer ». Parler ainsi d’« économie résidentielle » relève presque ici d’une tautologie.

depuis les années 1960 pour atteindre près de 20 000 habitants aujourd’hui (la population a quadruplé en 40 ans sous l’effet notamment de mécanismes de desserrement métropolitain). Les villages sont devenus des communes résidentielles : la construction importante de logements a contribué à transformer le paysage et le terroir, grignotant toujours davantage les terres agricoles.

De la proximité des métropoles Nîmoise et Montpelliéraine, découle une double dépendance. Elle se traduit, tout d’abord, en termes d’emplois : parmi les actifs résidants sur ce territoire, les migrants quotidiens sont quatre à huit fois plus nombreux à quitter la Vaunage pour aller travailler à l’extérieur vers les principaux pôles (dont Nîmes, Sommières, Montpellier). Autre dépendance : la faiblesse de l’offre commerciale et de services responsable d’une fuite des revenus vers les pôles urbains. Seule une faible propension des ménages consomme localement. La fuite de revenus s’élève à 100 millions d’euros par an résultant, en partie, d’une inadaptation du maillage commercial local à la demande.

La Plaine de la Vaunage s’est donc vu muter progressivement en un espace banalisé accumulant les caractéristiques récurrentes de ces territoires croissant à l’ombre de grandes villes : un espace dont la spécialisation s’accélère (par la construction standardisée de lotissements), un logement de plus en plus exclusif aux dépens des catégories sociales

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les plus modestes (dont les plus jeunes qui ne trouvent pas de solution sur place), une dépendance encore renforcée à l’égard des pôles extérieurs et à l’égard de l’automobile, principale responsable de cette dédensification péri-urbaine. Cette évolution a également favorisée la fragilisation de l’écosystème de la plaine (arrachage des cultures et bétonnage des sols, accélération de l’érosion, pression sur les aquifères, rejets et pollutions) et de façon générale la dénaturation des atouts paysagers et environnementaux de ce territoire. A partir de là, deux futurs possibles, à l’horizon 2025, ont été définis. Le premier suppose un « laisser-faire » qui donne le champ libre à la promotion immobilière avec comme acteurs centraux : les groupes d’investisseurs privés. Ils orchestrent une stratégie de séduction, promouvant les atouts de ce territoire, qui conduit in fine à sa propre perte : plus on construit, plus le territoire se déprécie.

Le deuxième scenario s’inscrit dans une logique dite de

développement durable et envisage la Plaine de la Vaunage comme une « constellation villageoise de type

métropolitain ». Il s’agit de concilier le désir résidentiel

tout en édictant des réserves, réglementations, précautions et préservations. Dans ce contexte, le paysage peut devenir un principe directeur de l’urbanisation. Cette logique est notamment portée par une association de nouveaux arrivants qui revendique une identité partagée, autour d’un patrimoine territorial marqué et qui veut lutter contre la banalisation de l’espace. Pour autant cette tentative de repli porte aussi

le risque d’un entre-soi résidentiel, d’une Vaunage Privée resserrée autour des valeurs réinventées d’une identité commune.

En conclusion, Villepontoux souligne que la Plaine de la Vaunage devient victime de ses propres qualités. L’avenir de ce territoire appartient désormais aux politiques qui ont notamment a résoudre le morcellement institutionnel du territoire (à cheval sur plusieurs intercommunalités), un contexte qui ignore aujourd’hui tout projet de territoire. Portée par le discours, cette unité territoriale qui s’affirme comme est un enjeu fort pour le futur cherche aussi en même temps à se donner les moyens d’une plus grande maîtrise des conséquences socio-spatiales du modèle résidentiel. Qu’il soit remis en cause ou pas, ce modèle de développement a conduit la Vaunage à la croisée des chemins. Ce qui s’apparentait hier à une terre de conquête sociale, est aujourd’hui en passe de devenir soit une chasse gardée soit une large banlieue

pavillonnaire métropolitaine.

Sans rentrer dans une logique de choix, on peut néanmoins mettre en lumière les leçons de la démarche. D’une certaine manière, en précipitant le devenir du territoire, l’analyse par l’économie résidentielle semble poser une limite à l’exercice de prospective : en tant que démarche participative, peut-elle faire plus que de permettre d’entrevoir des futurs possibles ? Mais peut-être est-ce aussi là un nouveau défi, celui de la lente intégration d’une culture de la prospective au service du développement territorial…

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En effet, aux frontières des villes de plus en plus diffuses et de plus en plus étendues apparaissent des espaces périurbains, hybrides de ville et de campagne. Mais ce sont aussi les espaces ruraux éloignés, les petites villes et les bourgs, qui bénéficient de mouvements migratoires inédits, qui dissolvent le lien étroit qui unissait un espace et un groupe de personnes.

Aujourd’hui, les individus travaillent, habitent et se détendent tout en tissant des liens avec une diversité de territoires, urbains comme ruraux. Ces campagnes sont plus que jamais des espaces aux usages multiples : lieux de résidence et cadre de vie, lieux d’épanouissement et de sociabilité, lieux de production agricole et de nature. L’enjeu de la prospective « nouvelles ruralités » est de 1 Inra, unité prospective (moraolivier@paris.inra.fr). Cet article a également bénéficié de la contribution de Lisa Gauvrit de l’unité prospective de l’Inra. Pour une présentation détaillée de la prospective, voir Mora O. (coord.), « Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030 », Editions Quae, 111 p.

2 Directeur général délégué de l’Inra.

réfléchir à de nouvelles compositions entre « l’habiter », la production agricole, la nature, les activités économiques et les différents usages du territoire, en considérant ces compositions comme résultant de relations dynamiques entre des campagnes et des villes.

I. Objectif et méthode de la

prospective « nouvelles ruralités à

l’horizon 2030 »

Parce qu’elles concernent les milieux naturels et les lieux d’exercice de l’activité agricole, les évolutions du rural sont potentiellement porteuses de nouveaux enjeux tant pour l’agriculture que pour la recherche agronomique. Aussi, l’Inra par une démarche prospective débutée en janvier 2006, a souhaité explorer les évolutions à venir des ruralités, pour réfléchir à ses orientations de recherche et à ses partenariats institutionnels. La prospective ‘Nouvelles ruralités’ est le fruit de la réflexion d’un groupe de travail constitué d’une vingtaine d’experts provenant d’horizons