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Le Bassin Méditerranéen est un espace à la fois naturel et humain. Il survit grâce aux équilibres qui s’y maintiennent, mais ceux-ci sont fragiles. Soumis au stress d’un peuplement et d’une activité accrus, il lance de multiples signaux d’alerte. Mais les actions nécessaires pour y répondre ne peuvent être entreprises qu’au niveau de l’ensemble de la région si l’on veut qu’elles soient efficaces. Cela demande une coopération plus forte, plus ciblée et plus globale (incluant tous les pays riverains).

En effet, l’espace méditerranéen se comporte comme un seul système naturel. Au-delà de la mer qui en forme le cœur évident, il est composé d’un biotope dont les différentes parties dépassent le cadre des frontières5 :

déserts, aquifères, climat, végétation, système hydrographique, etc. L'altération de la côte d'un seul pays, par exemple, a des conséquences sur l'ensemble de l'écosystème marin.

Or cet environnement est menacé par de multiples maux comme la progression des zones désertiques, la disparition des terres arables et des zones naturelles du fait de l'urbanisation ou de l'érosion, la pollution des nappes phréatiques, la dégradation de la qualité de l'air, la disparition progressive de la maintenance des espaces naturels du fait de l'exode rural, etc.

Déjà, une prise de conscience a eu lieu dans un certain 5 cf. les travaux du Plan Bleu (PNUE)

Prospective territoriale

dans le monde

nombre de pays, grâce à l'initiative, notamment, du Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et de son Plan d'Action pour la Méditerranée (PAM). Mais il serait sans doute souhaitable que les Méditerranéens prennent aussi en charge le contrôle et la préservation de leur environnement commun. La dégradation environnementale n'est qu'une des deux grandes causes de tension qui s'exercent sur le système méditerranéen. La seconde est le facteur humain lui- même.

En effet, le pourtour du Bassin Méditerranéen est un lieu où les populations ne cessent de se concentrer. Deux phénomènes sont particulièrement inquiétants par leur ampleur : l'urbanisation et les migrations.

Dès les premiers peuplements, l'un des lieux les plus privilégiés s'est avéré être le bord de mer, notamment en Méditerranée, espace calme, navigable et nourricier. Aujourd'hui encore cette attractivité s'exerce de manière si forte qu'elle déséquilibre les espaces côtiers : la bordure maritime fait l'objet d'une surconcentration tandis que les arrière-pays se dépeuplent. De Tanger au Caire, de Beyrouth à Séville, les pôles urbains et économiques les plus importants se situent au bord de la Méditerranée. Leur implantation et leur richesse, au cours des deux derniers millénaires, ont généralement été dues à leur activité portuaire.

Mais la Méditerranée a perdu son rôle majeur dans ce domaine et ses ports ont connu des années difficiles. Aujourd'hui, certains connaissent une nouvelle croissance (Marseille ou Barcelone par exemple) mais ils ne la doivent plus au trafic maritime. L'avenir des ports méditerranéens est une question cruciale pour la zone : il est peu probable que des solutions individuelles puissent venir à bout de ce problème qui concerne l'ensemble du Bassin Méditerranéen. Non seulement parce que les ports continuent d'attirer des populations qui pensent y trouver un emploi ou de meilleures conditions de vie qu'à l'intérieur des terres, devenant ainsi un éventuel creuset d'instabilité sociale, mais aussi parce que les ports demeurent un centre d'activités économiques important dont la crise économique rejaillit sur toute la région, et parce qu'ils seront les premiers concernés par la dégradation du système halieutique (secteur de la pêche) et par l'éventuelle nécessité de limiter le trafic maritime ou de trouver des moyens de navigation écologiquement "propres".

Par ailleurs, la transition économique (du rural à l’industriel puis au tertiaire) n'est pas achevée dans la plupart des pays méditerranéens, ce qui signifie que des transferts importants de population sont encore à prévoir, aussi bien internes (au sein d'un même pays) qu'externes. Cette mobilité des populations (domestique

et internationale), aujourd'hui relativement stable, pourrait s'accélérer sous l'effet de plusieurs facteurs probables à l'horizon de vingt ans : une dégradation plus sévère du système climatique et écologique (sécheresse permanente, manque de ressource en eau, etc.), une incapacité à fournir des emplois et des logements à une population en croissance, un accroissement du niveau et du nombre des conflits. Une politique restrictive de l'immigration en Europe, rendue probable du fait de la nécessité de se concentrer sur la gestion de l'élargissement et des contraintes budgétaires de plus en plus fortes des Etats européens pour faire face à leurs charges sociales, créerait alors une situation explosive dans le Bassin Méditerranéen.

Une approche globale et novatrice est-elle possible pour atténuer l'ensemble de ces tensions ? Ou bien faut-il accepter que celles-ci mènent à terme à de nouveaux conflits autour de la Méditerranée ?

Conclusion

La Méditerranée fut indéniablement le berceau de l’Occident. Plus encore, elle sut l’accompagner dans sa croissance jusqu’au moment où cet adolescent prit son envol et quitta le nid, tandis que la «famille» Méditerranée explosait et se dispersait, voici 500 ans. Aujourd’hui, sentant l’âge venir, l’Occident cherche à revenir «à la maison» : Américains comme Européens s’y bousculent depuis quelques années. Mais —pour conduire l’analogie jusqu’au bout— la relation s’est inversée : les nouveaux adultes se comportent en maîtres vis-à-vis de parents affaiblis et ceux-ci se rebiffent. Le dialogue semble bien rompu.

Pourtant l’avenir est gros de tempêtes sur le bassin Méditerranéen : migrations, tensions géopolitiques et sécuritaires, dégradation et raréfactions des ressources, asymétries croissantes entre ses différentes composantes, en termes de démographie, d’impacts du changement climatique, de croissance économique, d’ouverture à la modernité, d’accès à la société de la connaissance… Les défis auxquels doit faire face le Sud de la Méditerranée tout particulièrement n’en finissent plus de s’énoncer. Or, à moins de construire un mur qui étanchéifierait le Nord du Sud et de l’Est, la Méditerranée nous relie continuellement les uns aux autres : ce qui est l’affaire des uns et aussi l’affaire des autres. Il est plus que temps de se remettre au travail ensemble, autour d’une même table, pour réapprendre à dialoguer. Ensuite seulement il sera possible d’élaborer ensemble une véritable vision d’avenir pour le Bassin Méditerranéen… une sorte de prospective territoriale à très grande échelle.

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 200983

Evénement

Le colloque a été parfaitement organisé et conduit dans les règles de l’art par l’équipe du Centre de Recherche sur le Développement Territorial (C.R.D.T.) de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), composée de Bruno JEAN, Professeur à l’Université du Québec à Rimouski, Directeur scientifique du CRDT, de Stève DIONNE et de Luc GOBEIL, agents de recherche. Ce colloque restera sans doute comme le plus important de l’ASRDLF et par conséquent difficile à surpasser, certes par l’ampleur de la participation mais surtout plus fondamentalement par le souffle de renouveau qui l’a inspiré et traversé de la première à la dernière session. Il restera sous le signe d’une forte volonté québécoise (largement partagée par les participants) de renouveler les fondements de la science régionale. Pour mesurer l’ampleur du mouvement, nous pouvons relire avec profit le compte-rendu de lecture de Claude Lacour

intitulé « La belle province et la science régionale canadienne » publié dans RERU n° 4 – 1986 p. 531- 545. Voici plus de 20 ans par l’analyse de quatre ouvrages (B. HIGGINS, seul auteur), (H. DIONNE - C. GAGNON - J.L. KLEIN, D.S. SAVOIE - R. RAYNAUD, M. BOISVERT - P. HAMEL, tous éditeurs). C. LACOUR inaugurait un questionnement complet des liens entre science régionale et développement régional au Canada et au Québec en particulier, donnant ainsi les prémisses du présent colloque.

La volonté de renouveau est également marquée par le lancement d’un ouvrage « Sciences du territoire, perspectives québécoises » sous la direction de Guy MASSICOTTE, qui souligne la nécessaire pluralité des disciplines qui devront être mobilisées pour analyser la dynamique des territoires et organiser une gouvernance pertinente. Nous reviendrons

Colloque de l’ASRDLFUniversité du Québec à