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“Territoires et action publique territoriale :nouvelles ressources pour le

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sur ce livre qui délibérément fait appel à la science et aux scientifiques géographes, sociologues, démographes, économistes, politologues etc. pour participer substantiellement à l’avancement des sciences du territoire.

John FRIEDMANN dès la conférence inaugurale enregistrée d’ailleurs quelques mois auparavant ce qui lui donne encore plus de relief, a plongé l’assistance au cœur du problème.

« Le capitalisme s’enorgueillit de sa rationalité impétueuse, refusant d’admettre que son rationalisme pontifiant repose sur les fondements irrationnels du marché boursier, lequel n’a que peu de liens avec le monde matériel réellement existant. C’est un système que nous disons global dans sa portée mais qui n’est d’un bénéfice réel que pour une petite minorité ».

Qu’ajouterait-il en cette fin d’année 2008 où la crise financière submerge les bourses du monde entier menaçant directement l’économie réelle ? Relisons ce qu’il a énoncé « Mais quand nous recentrons le changement social progressiste sur les vies humaines plutôt que sur la production et spécialement la production pour l’exportation, nous fixons de nouvelles priorités. Nous devons apprendre à regarder le développement régional à travers des lunettes différentes de celles des économistes néo-classiques et également, à utiliser un vocabulaire différent et pourquoi pas un autre langage ne pouvant être instantanément coopté, à la manière dont le vert l’a été par tout le monde, y compris les corporations transnationales».

Le décor est planté, les acteurs n’ont plus qu’à jouer la pièce. Si la dernière décennie du 20ème siècle avait pu laisser croire que la science régionale était en crise (voir par exemple lors du colloque de l’ASRDLF à Fort-de-France, en 1993, les propos de P-H. DERYCKE qui rappellera plus tard dans le livre “quarante ans de science régionale francophone” que le 30 juin 1994 est marqué par la fermeture du Département de Science Régionale par les autorités de l’ Université de Pennsylvanie), il n’en est rien et pour le montrer, dans le riche ensemble des communications qu’illustrent les nouvelles orientations de la science régionale, la sélection est nécessairement arbitraire et ne doit pas être interprétée comme un classement hiérarchique. Nous commençons, cela va de soi, par la session « École québécoise de sciences régionales ». Elle comporte deux séries différentes mais très

complémentaires.

La première série d’exposés est consacrée aux aspects historiques des sciences régionales au Québec, présentés par LAFONTAINE D., KLEIN J.L., VERMOT- DESROCHES B., TELLIER L.N. ; successivement « un siècle d’études régionales », « de la critique des inégalités à l’approche de la réticularité », « la régiologie, une école encore indécise », « le rock and roll québécois des sciences régionales et de l’économie spatiale ».

De cette vaste fresque historique nous retiendrons les propos de VERMOT-DESROCHES qui rappelle l’entrée en action des « régiologues » en appui au Bureau d’Aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) dont les actions en Gaspésie laissent un amer souvenir aux familles arrachées à leur paroisse, alors que ses objectifs étaient de promouvoir un développement et une modernisation de la région sans doute de manière trop autoritaire. On comprend dès lors l’arrivée du rapport des auteurs HIGGINS B., MARTIN F., RAYNAUD A. (connu comme le rapport HMR) qui proposait de renforcer l’économie de toutes les régions en passant par le renforcement de l’économie de Montréal. Cette proposition qui prenait appui sur la théorie des pôles de croissance de PERROUX n’a pas manqué d’entraîner de vives critiques à partir de la même théorie (cf : l’article POLESE M., SHEARMUR R. 2004, « Requiescat in Pace, R.I.P., HMR, rapport Higgins, Martin, Raynaud » in « Le développement territorial, regards croisés sur la diversification et les stratégies » textes réunis par Guesnier B. et Joyal A. éd. Adicueer , IERF, Poitiers, et publiés à la suite du colloque de l’ASRDLF organisé à Trois Rivières en 2002.

En second lieu nous retiendrons l’analyse de TELLIER qui prolonge les propos de VERMOT- DESROCHES sous l’angle de l’opposition entre les économistes de l’analyse spatiale qui fait référence à l’œuvre d’ISARD la « regional science » et ceux qui se sont éloignés de cette conception déductive, mathématique, de la science économique.

Les sciences régionales québécoises de plus en plus sociologiques, géographiques, environnementalistes ou politiques ont pris leurs distances par rapport à la science économique standard, ainsi TELLIER évoque l’éclatement en différents courants : l’économie spatiale déductive, l’économie urbaine et régionale « descriptionniste » l’économie urbaine et régionale « synthétisante » et la Nouvelle Économie Géographique (NEG). C’est l’introduction du

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concept de force de répulsion qui, selon lui, marque le point de départ d’une reformulation de toute la théorie économique spatiale et est à l’origine à la fois du problème d’attraction-répulsion, de l’approche topodynamique et de la Nouvelle Economie Géographique. Il pense qu’il est temps de faire converger ces deux dernières approches et que cela pourrait se réaliser au sein du Groupe de Recherche International en Economie Géographique (GRIEG) qui réunit des chercheurs québécois et des chercheurs de l’Université catholique de Louvain.

Ainsi il conclut que « L’École québécoise de sciences régionales pourrait donc être sur le point de contribuer à donner une toute nouvelle impulsion à l’économie spatiale, urbaine et régionale. Ce faisant, elle pourrait, après de si longues périodes d’éloignement progressif, favoriser un rapprochement de l’économie spatiale et de l’économie classique ainsi qu’une résurgence de la théorie économique dans le domaine régional. Pour le moment, la démarche scientifique que nous venons de décrire demeure un rêve. Cependant, à aucun moment dans l’histoire récente des sciences régionales québécoise, ce rêve n’a été aussi réaliste et réalisable ».

La seconde série de communications de la session École Québécoise de sciences régionales qui est plus tournée vers l’avenir est proposée par JEAN B., VILLENEUVE P.-JODOIN Y., POLESE M., PROULX M.U., qui ont développé successivement « Le développement territorial : une discipline scientifique émergente », « La dynamique territoriale des partis politiques québécois », « La dynamique spatiale de l’économie québécoise : cinq tendances émergentes », « École québécoise de science régionale : le défi de la modélisation d’une périphérie en Amérique. » Les commentaires qui suivent sont largement redevables au rapporteur L. BOULIANNE qui a magistralement synthétisé les apports des quatre communications destinées à enrichir l’École Québécoise (en espérant ne pas trahir ni le rapporteur ni les auteurs). Les quatre textes, qui se complètent, sont en effet ambitieux manifestant la volonté d’expliquer le monde québécois avec ses spécificités. Quatre points forts se dégagent :

1- priorité à l’observation empirique pour dégager la force du terrain,

2- volonté d’agir et pour ce faire d’être une force de proposition,

3- croyance à l’effet « milieu » c’est-à-dire

d’interaction entre région et territoire (voir en parallèle le renouvellement du GREMI à l’initiative de D. MAILLAT, V. PEYRACHE-GADEAU, O. CREVOISIER, L. KEBIR sous le sigle GREMI T. pour territoire), 4- tout en faisant référence à des modèles et des analyses issues d’autres disciplines.

Tous font recours à l’analyse de la science régionale pour appréhender les territorialités émergentes qui se révèlent en décalage avec l’organisation institutionnelle des régions et d’autres découpages (ce qui fait référence aux opérations de fusion-défusion des collectivités). Ces communications dans leur apport font preuve de la pertinence d’une approche économique (Polèse), d’une approche modélisatrice et planificatrice (Proulx), d’une approche socio- politique ( Villeneuve-Jodain), et surtout d’une démarche épistémologique en proposant le concept de développement territorial comme nouveau paradigme scientifique pour remplacer celui de développement régional ( Jean). Il s’agit de révéler le rôle du territoire et de ses multiples dimensions sociologique (processus socio-ancrés), économique, culturelle, patrimoniale, historique.

Le lancement de l’ouvrage “Sciences du Territoire (Perspectives québécoises)”, dans le prolongement de ces huit communications, est au cours du colloque un appel à la science. Ce volume de 422 pages, sous la direction de Guy MASSICOTTE, publié aux Presses Universitaires du Québec, relance ainsi le chantier d’une grande pertinence sociale autour du « territoire » ressource valorisée par une construction de sociétés locales, et creuset et d’expérimentation et de créativité.

Les quinze professeur(e)s, originaires de diverses régions du Québec et appartenant à différentes universités, disciplines scientifiques et générations, qui ont contribué à cet ouvrage montrent un rôle déterminant des chercheurs de l’Université du Québec. Ils font preuve d’un fort engagement en faveur de la pérennité des territoires par le plein développement de leur potentiel selon des finalités d’équité, de durabilité, d’efficacité, de démocratie, de cohérence et de solidarité. Sommes-nous en présence des prémisses d’une « théorie géographique (et économique) de la territorialité des hommes », comme cela était évoqué dans les lectures de C. Lacour en août 1986 qui concluait ainsi son compte rendu « la richesse de la littérature qui nous vient du Canada et tout spécialement du Québec, les débats sérieux et francs qui s’y produisent, témoignent au

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contraire d’une très grande mobilisation des esprits, base de la capacité d’invention et de créativité … ». (RERU N°4, 1986).

On peut imaginer que ces trois points de suspension annonçaient la publication de cet ouvrage « Sciences du territoire ».Finalement si l’important de l’Ecole Québécoise de Sciences Régionale reste bien la contribution à l’observatoire de la société québécoise et sa force de proposition, il n’en demeure pas moins qu’elle s’ouvre délibérément sur un appel à la communauté scientifique internationale en faveur d’une analyse, d’une prospective et d’une gouvernance territorialisées.

Les neuf prestations des auteurs dont celle de FRIEDMAN et l’ouvrage « Sciences du territoire » ne doivent pas occulter la richesse et la densité des quelques 250 autres communications du colloque qui ont largement exploré de nombreuses branches de la Science Régionale et peut-être ouvert de nouvelles pistes et perspectives de la Science Territoriale. À titre d’illustration les communications du colloque qui sont en ligne sur le site http://asrdlf2008.uqar. qc.ca développent des analyses pénétrantes autour des mots-clefs suivants qui ne sont qu’une petite illustration de l’ensemble des travaux : réseaux productifs - innovation - firme et acteurs moteurs du changement, périurbain – mobilité – transport – migration – polycentrisme - multipolarité, économie sociale – solidaire - vieillissement - jeunes, décentralisation – gouvernance - action publique locale – politique de développement rural – ressources naturelles (paysages) culturelles - patrimoniales – développement durable, conflits territoriaux - conflits d’usage, apprentissage collectif – compétence – intelligence économique et sociale.

L’éventail des thèmes traités peut paraître large mais face à la complexité croissante du système socio-économique il faut des réponses multiples qui doivent pouvoir prendre appui sur des analyses diversifiées.

Pour conclure ce tour d’horizon trop rapide d’un colloque qui restera marqué dans l’histoire du CRDT, de l’UQTR, du Québec et de l’ASRDLF nous voudrions souligner un dernier point qui marque la continuité de la recherche en science régionale. D’abord nous noterons le passage du « bâton » aux futurs organisateurs du prochain colloque à Clermont- Ferrand représentés par V. ANGEON et A. CARON.

Colloque qui se tiendra les 6-7-8 juillet 2009 sur le thème : « Entre projets locaux de développement et globalisation de l’économie : quels équilibres pour les espaces régionaux ?»

Ensuite nous relevons le passage du flambeau entre générations. En effet, l’organisation du colloque annuel prévoit la remise du prix Ph. AYDALOT attribué solennellement à un(e) jeune doctorant(e). C’est ainsi que Stéphanie PÉRÈS a présenté sa recherche : “La vigne et la ville : Forme urbaine et usage des sols”, réalisée sous la direction de Cl. LACOUR (magnifique coïncidence).

Enfin nous retiendrons que les organisateurs locaux ont également tenu à placer sous la haute responsabilité de Yves DION et de Philippe MATHIS un évènement hommage à Cl. LACOUR pour son départ officiel en retraite. Cet hommage est d’autant plus justifié que ce dernier a eu l’opportunité de dire la bonne parole à RIMOUSKI, il y a déjà quelques décennies, et d’y professer le passage de la métaphore au concept de la tectonique des territoires suggérée, semble-t-il, par la concomitance ou simplement la réminiscence de l’imminence supposée d’une éruption volcanique dans l’île de La Martinique. (La tectonique des territoires: d’une métaphore à la théorisation. Cahiers de recherche de l’IERSO n°93-01).

Sans doute, ce rappel sur les origines d’ailleurs très controversées, du concept peut paraître anecdotique, mais il n’en reste pas moins vrai que la naissance du concept de “tectonique des territoires” issu de l’expression “ tectonique des plaques” a interpellé les universitaires de Rimouski puis du Québec, et aujourd’hui le concept reste une source d’inspiration et de réflexion pour la communauté des scientifiques de la science régionale. De plus, n’a-t-il pas fait une nouvelle irruption au cours de ce colloque de l’ASRDLF?

En effet, ce colloque a été organisé par le CRDT avec la ferme volonté de refonder la science régionale en science du territoire en intégrant les divers aspects de la vie concrète des territoires et en invitant les différents courants des disciplines scientifiques à une coopération interdisciplinaire comme le suggère avec vigueur la secousse tellurique qu’entendent déclencher les auteurs du volume « Sciences du Territoire »

Territoires du Futur, N°10 Mai-Juin 2009

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Bibliographie

L’ouvrage montre, qu’à travers les siècles, de nombreuses conjectures ont alimenté les réflexions sur l’avenir, que ce soit en littérature, en philosophie, en sociologie ou encore en politique. Pour brosser ce panorama de l’histoire des futurs, l’ouvrage fait appel à un grand nombre de documents, qu’ils soient romans, essais ou simple articles. Le livre est ainsi très érudit ; il est pourtant également servi par une bonne part d’humour.1

Son auteur, Bernard Cazes est un ancien responsable des études à long terme du Commissariat au Plan ; il est aujourd’hui un contributeur actif des revues Futuribles, Sociétal et Politique Etrangère.

Il s’efforce tout au long de l’ouvrage d’organiser rigoureusement sa présentation, en conceptualisant systématiquement les éléments en présence.

Au niveau de la structure générale du livre, B. Cazes distingue ainsi deux intentions différentes dans la recherche d’une image du futur. On trouve en effet, d’un coté, les textes, nombreux, que l’auteur appelle des nourritures psychiques 1 L’édition lue fut celle de 1986, chez Ed. Seghers

ou spirituelles, et qui constitue pour leurs lecteurs des « aliments immatériels propres à contenter l’âme ou l’intellect » (p. 10). De l’autre, se trouvent les textes, moins nombreux et plus récents, qui ont une fonction plus pratique d’aide à la décision. On retrouve ensuite tout au long de l’ouvrage une seconde subdivision essentielle en matière de prospective, celle entre une vision envisageant le futur dans une continuité avec le passé et le présent, et entre une autre où le changement à venir présente des éléments de discontinuité.

Mais avant de s’attaquer à ces deux catégories, l’auteur nous emmène jusqu’à l’Antiquité pour y trouver les prémices de l’attitude anticipatrice.

Les prémices de l’attitude