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Comment gagner le prix Pritzker ? Un regard sur les évolutions du milieu architectural depuis 1979

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Academic year: 2021

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Comment gagner le prix Pritzker ? Un regard sur les

évolutions du milieu architectural depuis 1979

Rosalie Robert

To cite this version:

Rosalie Robert. Comment gagner le prix Pritzker ? Un regard sur les évolutions du milieu architectural depuis 1979. Architecture, aménagement de l’espace. 2012. �dumas-01833364�

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Quel est le point commun entre Philip Johnson et Wang Shu ? En 1979

et en 2012, ils ont tous deux été récompensés par le plus prestigieux des prix

d’architecture, le Prix Pritzker. Un jury constitué des plus grands noms de

l’architecture et de la culture a décidé que leur œuvre entière avait apporté

une contribution significative à l’humanité. Pourtant, tout oppose ces deux

architectes. Il ne s’agit pas seulement d’une différence d’âge, de nationalité,

de style architectural. Récompensant à 33 ans d’intervalles un architecte-

stratège, véritable businessman de la culture, et un architecte-artisan,

proche des traditions chinoises, le Pritzker semble être le plus imprévisible

des prix.

Quel architecte célèbre, arrivé au sommet de sa carrière, ne rêve pas de gagner le prix Pritzker ? C’est l’ultime consécration. Pour les autres — l’immense majorité des architectes —, le prix est une preuve de plus du fossé qui les sépare de ce que l’on appelle «star-system». Les 37 lauréats du Pritzker seraient les architectes les plus connus de leurs générations respectives. Gagner le prix Pritzker, c’est accéder à ce petit cercle de noms célèbres internationalement

Comment gagner le prix Pritzker ? En répondant à cette question, nous expli-querons la naissance du star-system et la mise en place des mécanismes de sélec-tion d’une élite architecturale. Plus de 35 ans après sa créasélec-tion, nous avons le recul nécessaire pour porter, à travers ce prix, un regard critique sur l’évolution du milieu de l’architecture.

Comment gagner le prix Pritzker ?

un regard sur les évolutions du milieu architectural depuis 1979

Rosalie Robert - sous la direction de Marie-Paule Halgand

Comment gagner le prix Pritzker ?

Rosalie Robert

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Sommaire

Avant-propos

p.1

Introduction

p.3

Partie 1 : Le prix Pritzker

Chapitre 1 : Un «prix Nobel de l’architecture» p.8

Chapitre 2 : Création et financement, la famille Pritzker p.10

Chapitre 3 : Les lauréats p.14

Chapitre 4 : Le jury p.20

Chapitre 5 : La cérémonie p.32

Chapitre 6 : Tapis rouge p.39

Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

Chapitre 1 : Architecture et star-system p.42

Chapitre 2 : La publication de l’architecture p.47

Chapitre 3 : Les écoles d’architecture p.64

Chapitre 4 : Concours internationaux et commandes prestigieuses p.73 Chapitre 5 : Expositions : promotion et autopromotion p.86

Partie 3 : l’architecture au risque du star-system

Chapitre 1 : Comment gagner le prix Pritzker en 10 leçons p.98

Chapitre 2 : «Qu’importe l’oeuvre»... p.100

Chapitre 3 : Pronostics p.102

Chapitre 4 : L’architecture au risque du star-system p.106

Annexes

Un entretien avec François Chaslin p.111

Grand Tableau des lauréats

Table des illustrations

p.132

Médiagraphie

p.133

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Avant-propos

Ce travail est basé sur une comparaison objective de ce que nous appellerons les « C.V. » des lauréats. Cette comparaison est retranscrite, pour une part, dans le tableau situé en annexe. Ce tableau ne peut pas prétendre à l’exhaustivité (hélas !), puisque chaque architecte ne laisse filtrer que ce qu’il veut de son travail, c’est d’ailleurs un sujet que nous aborderons.

Dans la Partie 2, les graphiques associés à chaque architecte ont seulement valeur d’illustra-tion et ne sont en aucun cas des documents d’étude à part entière. Ces graphiques permettent de visualiser rapidement auquel des mécanismes abordés chaque architecte doit sa célébrité. Les dessins représentant les architectes sont tirés du Domus n°956.

Les codes « PP 96 » ou « PP 00 » qui suivent les noms des lauréats sont des abréviations pour « prix Pritzker 1996 » ou « prix Pritzker 2000 ».

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Introduction

« Honorer un architecte vivant, dont l

oeuvre construite démontre talent,

innovation, engagement, et qui a apporté une contribution significative à

l

humanité et à l

environnement construit par son architecture.»

1

Quel est le point commun entre Philip Johnson et Wang Shu ? En 1979 et en 2012, ils ont tous deux été récompensés par le plus prestigieux des prix d’architecture, le Prix Pritzker. Un jury constitué des plus grands noms de l’architecture et de la culture a décidé que leur œuvre entière avait apporté une contribution significative à l’humanité. Pourtant, tout oppose ces deux architectes. Il ne s’agit pas seulement d’une différence d’âge, de nationalité, de style architectural. Récompensant à 33 ans d’intervalles un architecte- stratège, véritable businessman de la culture, et un architecte-artisan, proche des traditions chinoises, le Pritzker semble être le plus imprévi-sible des prix.

Créé en 1979, le prix Pritzker a pour ambition de récompenser chaque année un architecte pour l’ensemble de sa carrière. En tant que prix international, parmi les mieux dotés, ne représen-tant ni une nation, ni une vision spécifique de l’architecture, le prix Pritzker occupe une place de choix. Si chacun des architectes récompensés porte une vision du métier qui lui est propre, suit une tendance de l’architecture particulière, la liste complète des lauréats du Pritzker exprime la volonté du prix : refléter le monde de l’architecture depuis 1979, dans toute sa complexité. Pour cette raison, la valeur du prix est incontestée par les architectes du monde entier. Il retient chaque année l’attention de toute la profession. Même le grand public n’y est pas indifférent. En un peu plus de 30 ans, le prix Pritzker est devenu la partie la plus visible du monde de l’architecture. Jurés triés sur le volet, cérémonies dans les endroits les plus prestigieux du monde, et lauréats au sommet de leur gloire, tout est conçu pour attirer les regards de tous, amateurs et experts réunis.

Quel architecte célèbre, arrivé au sommet de sa carrière, ne rêve pas de gagner le prix Pritz-ker ? C’est l’ultime consécration. Pour les autres — l’immense majorité des architectes —, le prix

1. «To honor a living architect whose built work demonstrates a combination of those qualities of talent, vision, and commitment, which has produced consistent and significant contributions to humanity and the built environment through the art of architecture.» Pritzker prize website

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4 Introduction

est une preuve de plus du fossé qui les sépare de ce que l’on appelle star-system. Les 37 lauréats du Pritzker seraient les architectes les plus connus de leurs générations respectives. Gagner le prix Pritzker, c’est accéder à ce petit cercle de stars, de têtes d’affiche. Les architectes lauréats sont à la tête des agences les plus connues, les plus demandées du monde.

Comment gagner le prix Pritzker ? Cette question est donc forcément liée à une réflexion sur le star-system en architecture et plus globalement, dans l’histoire de la culture.

1979, année de naissance du prix Pritzker, est la date à laquelle l’architecture bascule dans le star-system. C’est cette année-là que la Biennale d’architecture de Venise est créée à partir de la Biennale d’art. C’est aussi à ce moment que naissent les prestigieuses revues monographiques El Croquis, dont la première publication paraitra en 1982. C’est en 1979 également que se tient au MoMA l’exposition « Transformations in Modern Architecture ». La pensée postmoderne est alors admise, la mondialisation s’amplifie, le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui est en train de naître. Le prix Pritzker et les 37 noms qu’il a récompensés depuis 1979 semblent être un symbole de cette transformation. Aujourd’hui, on dit que la Biennale de Venise « tourne en rond », que la publication d’architecture est à un moment clé. Plus de 30 ans après la mise en place des systèmes contemporains, nous avons le recul nécessaire à la critique. À l’heure du bilan, le moment semble idéal pour porter sur l’architecture un regard rétrospectif, au travers du prix Pritzker.

Comment gagner le prix Pritzker ? C’est à travers cette question provocatrice que nous abor-derons le domaine de l’architecture de 1979 à nos jours, afin d’en dresser un portrait critique. Très simplement, en analysant les cursus et personnalités des lauréats du prix, il nous sera pos-sible de comprendre certains mécanismes de l’architecture, et de déterminer la manière d’accé-der au star-system. Notre analyse ne portera pas sur la production proprement dite des lauréats, si ce n’est en termes statistiques. Il s’agira plutôt d’étudier les parcours, les CV, et les relations des architectes, afin de comprendre comment se diffuse et se vend l’architecture aujourd’hui. « Les stratégies, le marketing et la diffusion de produits culturels sont souvent plus intéressants

que les contenus eux-mêmes » écrit avec cynisme Frédéric Martel.1 Ces stratégies seront notre axe

d’étude.

Dans un premier temps, nous nous pencherons sur l’histoire et le fonctionnement du prix. Au travers de ces données propres au Pritzker, nous comprendrons certains jeux d’influence. Il s’agit donc tout d’abord de relever des facteurs internes au fonctionnement du prix, qui peuvent jouer en faveur de l’un ou l’autre des candidats. Nous aborderons les faits et rumeurs qui tournent autour du jury, de la famille Pritzker ou de la cérémonie.

En second lieu, nous comparerons les curriculum vitae des lauréats. En y identifiant les points communs, nous pourrons déterminer des facteurs, concrets et objectifs, qui permettent d’accéder à la célébrité, et au prix Pritzker. Nous traiterons donc, au travers de ces 37 exemples, de

cer-1. Frédéric Martel, Mainstream, enquête sur cette culture qui plait à tout le monde, Flammarion, mars 2010, p.19

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tains éléments symptomatiques du star-system en architecture. Enfin, dans une dernière partie, nous nous efforcerons d’apporter une conclusion à cette analyse sous la forme de pronostics pour l’année à venir. Selon les facteurs énoncés précédemment, nous expliquerons quels candidats peuvent prétendre au prix. D’autre part, ce sera l’occasion de porter un regard critique sur le star-system et le prix Pritzker, et de s’interroger sur leur avenir.

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PARTIE 1

Le prix Pritzker

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CHAPITRE 1

Un «prix Nobel» de l’architecture

Le prix Pritzker est un prix remis annuellement et récompensant la carrière

d’un architecte, sa production construite et théorique.

Il existe en architecture d’autres prix du même type : la médaille du RIBA et celle de l’AIA, le Praemium Imperiale remis chaque année par le Japon, d’une valeur de 15 million de yens (182 000 $), le prix Carlsberg, qui offrait tous les trois ans à un architecte 300 000 $. Malgré cette concurrence, le prix Pritzker, d’une valeur de 100 000 $ est reconnu par tous comme la plus grande récompense du monde de l’architecture. Il est appelé par la presse grand public « prix Nobel de l’architecture ». En effet, il y correspond dans son fonctionnement et ses ambitions, mais il bénéficie surtout du même prestige. Le prix Nobel fut créé en 1901 pour récompenser la physique, la littérature, la diplomatie, la médecine et la chimie. Il fut suivi au XXe siècle par d’autres récompenses dans tous les domaines, celui de la culture particulièrement. Le théâtre a ses Molières (1987), le sport ses Jeux olympiques, la littérature a le Goncourt (1903) et le Renaudot (1926), le cinéma sa Palme d’Or (1946), etc. Il en existe de nombreux autres, mais ces quelques prix bénéficient d’un intérêt particulier du public amateur. Ceux qui s’en trouvent récompensés sont des « stars », ils représentent presque à eux seuls le domaine de la culture aux yeux du grand public. L’évolution de l’architecture, du fait de sa récente mondialisation, est donc désormais assimilable à l’évolution du sport, de la mode, du cinéma. On y retrouve comme dans ces domaines la publicité, le vedettariat, les podiums, et les « gossip columns ».

Parmi tous les domaines qui forment dorénavant l’industrie de la culture, le cinéma est celui que l’on se plait le plus à rapprocher de l’architecture. Comme les actrices depuis plus de 50 ans, les architectes sont aujourd’hui désignés comme « divas », « stars », « bancables », et peut être bientôt « has been ». L’évènement le plus glamour de l’année cinématographique, et l’un des plus attendus, est le Festival de Cannes. Cérémonie où défilent les plus grandes personnalités du milieu, lauréats sélectionnés sévèrement parmi l’élite, jury de célèbres experts, remise du prix solennelle et discours enflammés... À Cannes, le glamour de la cérémonie fait oublier le marché du film qu’elle représente, les négociations et contrats qui en sont le véritable enjeu. De son côté, que cache véritablement le prestige du prix Pritzker ?

Chaque année, le choix fait par le jury à Cannes est sujet à tous les pronostics avant son annonce, puis analysé, critiqué ou applaudi. Quoi qu’il en soit, après toutes ces années de

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pétition, la Palme d’Or comme le prix Pritzker font autorité dans leur domaine, même si c’est pour être mieux contestés. En 1979, le Festival de Cannes connaissait son premier scandale. La présidente du jury, Françoise Sagan, accusait le directeur du Festival, Robert Favre Le Bret, d’avoir « manœuvré » afin de récompenser le film de Francis F. Coppola, Apocalypse Now, qui obtint la Palme d’Or.

Amitiés des jurés, pressions de la direction, influence des médias, campagnes des producteurs, à l’annonce des lauréats, les rumeurs courent. Qu’en est-il du côté du Pritzker ?

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CHAPITRE 2

Création et financement : la famille Pritzker

L’histoire du prix Pritzker commence avec la naissance d’une des familles les

plus puissantes des États-Unis, la famille Pritzker.

En 1881, un immigrant juif ukrai-nien, Nicholas Pritzker1, ouvrait à Chicago un cabinet de droit. Plus de 100 ans après, c’est son

petit fils, Jay Pritzker qui fut à l’origine du prix. Il était depuis 1957 avec son frère Robert à la tête des hôtels Hyatt, grâce auxquels la fortune familiale n’arrêtait pas de croitre. Leur intérêt pour l’architecture naquit en 1967 lorsqu’ils firent l’acquisition du futur Hyatt Regency à Atlanta. Ce bâtiment dessiné par l’architecte John Portman devint, avec son atrium élancé, iconique des hôtels Hyatt. En vendant cette image d’innovation architecturale, ils furent les premiers à utili-ser l’architecture pour leur publicité. La belle architecture pouvait pour eux devenir un moyen d’attirer le client. En 1978, Jay et sa compagne Cindy eurent l’idée de créer et de financer une récompense. Leur fortune, ainsi que la traditionnelle générosité de leur famille permirent au prix Pritzker d’être bien doté, et bientôt extrêmement connu.

Après la mort de Jay en 1999, c’est son fils Thomas Pritzker, qui prit la direction de la Fonda-tion Pritzker et du prix. Il est également l’actuel directeur de la chaîne Hyatt.

La famille Pritzker est, depuis Jay et aujourd’hui encore, une des familles les plus riches des États-Unis. Thomas est classé par Forbes « #410 Billionaire »2. Sa cousine, Penny Pritzker, est

la 8e personne la plus puissante de Chicago3. En 2011, Forbes la classait 263e personne la plus

riche des États-Unis.4 Elle fut présidente du comité de financement de Obama, avant de devenir

membre du Barack Obama’s Economic Recovery Advisory Board, constitué par le président pour le conseiller sur le plan économique5. En 1991, Penny Pritzker fondait lePritzker Realty Group,

groupe d’investissement en immobilier. Son vice-président, Martin Nesbitt, est un ami proche de Barack Obama, et lie la famille Pritzker au chef d’état.

Les Pritzker sont présents dans la plupart des grandes institutions américaines, ainsi qu’au

1. http://www.britannica.com/EBchecked/topic/477277/Pritzker-family 2. http://www.forbes.com/billionaires/

3. chicagomag.com

4. «The 400 Richest Americans: #263 Penny Pritzker». Forbes. September, 2011. Retrieved 2011-10-23. « Net worth: $1.7 billion »

5. http://www.whitehouse.gov/administration/eop/perab/members/pritzker

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sein de diverses Académies et universités de la côte est. Leur influence politique est visible au travers de leur implication dans les différentes campagnes politiques. Ainsi, soutenant tour à tour les partis démocrates et républicains, les Pritzker ont financé de nombreuses campagnes depuis 2000, dont celles de George W. Bush, John McCain (2000), Al Gore, John Kerry et Hillary Clin-ton1. En 2004, les Pritzker ont financé la campagne d’Obama pour le sénat américain, puis la

campagne présidentielle de l’actuel président des États-Unis.

15 milliards de dollars, c’est le montant estimé de la fortune constituée par Jay et Robert au siècle dernier, que s’arrachent aujourd’hui leurs descendants. En 2005, la famille connut un scan-dale financier qui conduisit à la division de la fortune familiale en 11 parties. La famille Pritzker devint alors la plus représentée du classement Forbes, avec 10 Pritzker parmi les 400 personnes les plus riches des États-Unis2.

La fortune des Pritzker grandit sans cesse, et leur pouvoir s’étend. En se montrant généreux envers diverses organisations et institutions, ils assoient leur influence. On parle des « bonnes œuvres de la famille Pritzker », leurs dons se font dans tous les domaines : la santé, l’éducation, l’art et les zoos. Cette implication dans la recherche et la culture aux États-Unis, ainsi que leur présence dans la vie politique, donne à la famille Pritzker une importance considérable.

Il est alors difficile d’analyser le prix Pritzker sans effleurer les enjeux politiques et financiers qu’il porte. La position de la famille qui le finance et le dirige, ainsi que les ambitions interna-tionales du prix, donne à chaque nouvelle nomination une résonnance particulière. Ainsi cette année, le jury ayant récompensé à la surprise générale Wang Shu, un architecte chinois peu connu, la portée politique du prix semble pour certains plus évidente que jamais.

« Le lecteur sera pardonné s’il oublie momentanément qui est le lauréat du prix : la Chine ou Wang Shu, et de fait, qui représente qui. […] Pour certains chinois, au moins, la question est moins de savoir comment le travail est jugé mais plutôt s’il est jugé - c’est-à-dire, si une récompense comme le Pritzker ne représente rien de plus qu’une réprimande politique voilée ou une directive déguisée de l’occident » 3 rapportait The New Yorker. Les Pritzker ne peuvent ignorer la Chine,

dorénavant « premier marché au monde du secteur de la construction » 4 . Ainsi, la position

impor-tante des Pritzker aux États-Unis transforme, aux yeux du monde, le choix du jury en un symbole de la décision « occidentale ». Il s’agit d’un des premiers motifs de critique du prix. Mais c’est par ailleurs ce qui permet au Pritzker d’être suivi avec attention par les architectes et les amateurs du monde entier.

1. http://www.nndb.com/people/447/000122081/

2. http://www.vanityfair.com/fame/features/2003/05/andrews200305

3. «The reader will be forgiven for momentarily forgetting who the prize-winner is: China or Wang Shu, and indeed, who will be representing whom. [...] For some Chinese at least, the question is less how the work is being judged but rather if it is being judged at all—that is, if a reward like the Pritzker represents nothing more than a veiled political reprimand or dressed-up directive from the West» Jiayang Fan, «Prickly Pritzker: China’s Newly Crowned Architect», The New Yorker, 29 février 2012

4. Claude Lely, « Wang Shu, premier Chinois à gagner le “Nobel” d’architecture », Rue 89, 4 mars 2012

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fig.1 : Penny Pritzker et Oba-ma au President Economic recovery Advisory Board fig. 2 : cérémonie du Pritzker 1998, le President et Mme Clinton, Cindy et Jay Pritz-ker, et Mme Piano et Renzo Piano

fig. 3 : Barack Obama et Marty Nesbitt, vice président du Pritzker Realty Group fig. 4 : Thomas Pritzker, Mi-chael Moskow, ancien pré-sident et CEO de la Federal Reserve Bank de Chicago; et Gordon Segal.

Partie 1 : Le prix Pritzker

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fig.5 et fig.6 : hôtel Hyatt Regency à Atlanta, vue du célèbre atrium

fig.7 : la médaille du prix Pritzker

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CHAPITRE 3

Les lauréats

Lors de la création du prix Pritzker, la procédure et la récompense furent

copiées sur le prix Nobel, qui était déjà à l’époque le prix le plus attendu.

Celui-ci fut créé en 1901, et récompense depuis chaque année les personnes « ayant apporté le plus grand

bénéfice à l’humanité »1, selon le vœu fait par Alfred Nobel dans son testament. Contrairement à

d’autres prix, le Nobel n’a pas vocation à encourager une carrière naissante ou une œuvre précise, mais bien à récompenser l’aboutissement d’une vie de travail. C’est également l’objectif du prix Pritzker.

Le lauréat choisi par le jury est annoncé chaque année au printemps, quelques semaines avant la cérémonie de remise du prix. Mais les réunions de délibérations ont lieu dès le mois de janvier. Il s’agit pour le jury de choisir parmi les noms qui lui sont proposés.

« On attribue le prix sans tenir compte de la nationalité, de la race, des valeurs, ou de l’idéologie.

Les nominations sont acceptées internationalement de personnes issues de domaines divers ayant une connaissance et un intérêt dans l’évolution de la grande architecture. »2

Certaines personnes sont sollicitées pour proposer des candidats au Pritzker : les lauréats des années précédentes, les historiens de l’architecture, les critiques, les politiciens, et plus généra-lement tous les professionnels impliqués dans les domaines de l’architecture ou de la culture. Mais, tout architecte diplômé peut aussi proposer un candidat à la directrice du prix Pritzker, en lui envoyant simplement un e-mail (marthathorne@pritzkerprize.com). Les propositions sont acceptées jusqu’au 1er novembre de chaque année. Les nominations qui n’aboutissent pas à une

récompense (toutes sauf une, donc) sont automatiquement reportées à l’année suivante, et ainsi de suite.

À propos des candidatures, une anecdote amusante sur les débuts du prix fut rapportée par Bill Lacy, longtemps secrétaire du jury :

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_Nobel

2. «The prize is awarded irrespective of nationality, race, creed, or ideology. Nominations are accepted internationally from persons from diverse fields who have a knowledge of and interest in advancing great architecture» Pritzker Prize website

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«La preuve que n’importe quelle personne peut postuler est apparue en 1989 quand je reçus un appel d’une personne anonyme :

— Comment puis je proposer quelqu’un pour le prix Pritzker ? demanda-t-il. — Donnez-moi son nom, dis-je.

— C’est tout ? On ne doit pas remplir de formulaires, fournir une liste de réalisations, un portfolio et des lettres de recommandations ? Il ne faut pas être recommandé ? demanda-t-il incrédule.

— Non, donnez-moi juste son nom, et je ferais le reste, dis-je. Si la personne est éligible, je rassemblerai le matériel et le présenterai au jury pour délibération.

Une pause.

— Alors, j’aimerais me proposer.

— Et votre nom, monsieur ? demandais-je. — Je m’appelle Gordon Bunshaft, répondit-t-il. — Merci M. Bunshaft.

Ce fut l’année où Gordon Bunshaft gagna le prix, qu’il partagea avec Oscar Niemeyer.1»

Chaque année, des centaines de concurrents sont dans la course pour le célèbre prix. Et l’enjeu est de taille, puisque le lauréat remporte, en plus de la gloire qui accompagne cette ultime consécration, une récompense de 100 000 $(US). Depuis 1979 on remet lors de la cérémonie un objet symbolique. Les premières années, le lauréat recevait une statue réalisée par Henri Moore, un sculpteur anglais qui représentait alors l’avant-garde. Depuis 1987, on remet chaque année une médaille de bronze au bout d’un cordon rouge. Le motif qui y est gravé est issu d’un dessin de Louis Sullivan, maître de l’École de Chicago au XIXe siècle. Le choix de cet architecte n’est pas anodin. Il montre d’une part les liens anciens de la famille Pritzker avec la ville de Chicago, et leur fierté d’en être originaires. D’autre part, Louis Sullivan est considéré comme un des inven-teurs du gratte-ciel, et Chicago comme la ville où naquit la modernité en architecture. Le motif présent sur la médaille est donc reconnaissable et évocateur, il est présent sur les immeubles construits par Sullivan. Ce symbole est entouré de l’inscription “Firmitas, Utilitas, Venustas”2,

les trois célèbres principes de Vitruve, qui renvoient à un autre maître de l’architecture. Sullivan et Vitruve représentent l’idéal du Pritzker, puisque tous deux ont marqué leur époque, par une œuvre construite ou théorique qui a révolutionné l’architecture.

Il s’agit donc pour les Pritzker d’utiliser des symboles neutres et incontestables de la grande architecture, afin de s’imposer comme un prix intemporel. La liste des lauréats indique cepen-dant que le Pritzker obéit aux tendances et aux mouvements de la profession.

De 1979 à 2012, le prix Pritzker a été remis 34 fois, à 37 architectes différents. Les lauréats proviennent de 19 pays différents, et expriment 37 conceptions différentes de l’architecture. Il est cependant possible de reconnaitre en eux l’expression de 4 ou 5 tendances marquantes des dernières décennies. Nous ne parlerons ni de style, ni d’idées, mais bien de tendances, par analo-gie avec la mode. Les tendances répertoriées ci-dessous sont issues de sources de type “amateur

1. Colin Amery, The Pritzker Architecture Prize: The first twenty years, Harry N. Abrams, 1999 2. trad. : « Solide, Commode et Beau »

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éclairé” (Wikipedia, presse générale), puisque les publications spécialisées rechignent à catégori-ser si franchement les architectes.

Philip Johnson américain modernisme puis postmodernisme

Luis Barragan mexicain modernisme

James Stirling britannique “new brutalism”, postmodernisme

Kevin Roche irlandais modernisme 2e génération

Ieoh Ming Pei chinois-américain modernisme 2e génération

Richard Meier américain minimalisme, “néo-corbusianisme”

Hans Hollein autrichien postmodernisme

Gottfried Bohm allemand expressionnisme

Kenzo Tange japonais modernisme, métabolisme, high-tech

Gordon Bunshaft américain modernisme

Oscar Niemeyer brésilien modernisme

Frank Gehry américain postmodernisme, déconstructivisme

Aldo Rossi italien nouveau rationalisme, postmodernisme

Robert Venturi américain postmodernisme

Alvaro Siza portugais modernisme, “régionalisme critique”

Fumihiko Maki japonais modernisme, métabolisme

Christian de Portzamparc français «hyperfonctionnalisme», postmodernisme

Tadao Ando japonais modernisme, « régionalisme critique »

Rafael Moneo espagnol modernisme, postmodernisme

Sverre Fehn norvégien modernisme scandinave

Renzo Piano italien high-tech, architecture écologique

Norman Foster britannique high-tech

Rem Koolhaas néerlandais postmodernisme, déconstructivisme

J. Herzog & P. de Meuron suisses minimalisme

Glenn Murcutt australien modernisme, architecture écologique

Jorn Utzøn danois modernisme

Zaha Hadid irakienne déconstructivisme

Thom Mayne américain déconstructivisme

Paulo Mendes da Rocha brésilien brutalisme, modernisme brésilien Richard Rogers britannique high-tech, architecture écologique

Jean Nouvel français postmodernisme, high-tech

Peter Zumthor suisse « régionalisme critique »

K. Seijima & R. Nishizawa japonais minimalisme

Eduardo Souto de Moura portugais modernisme, « régionalisme critique »

Wang Shu chinois « régionalisme critique »

Le classement de chacun de ces architectes est extrêmement difficile, car tous ont connu un parcours riche et sinueux. Certains ont une œuvre tellement complexe qu’on peut les assimiler à 2 ou 3 tendances différentes, d’autres ont un style tellement particulier qu’ils ne sont en fait

Partie 1 : Le prix Pritzker

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apparentés à aucune tendance. Il n’y a donc que peu d’intérêt à les trier ainsi, si ce n’est pour avoir un aperçu de la grande diversité des courants et styles récompensés. Cependant, on remarque en survolant cette liste que certaines tendances disparaissent, comme le modernisme, alors que d’autres apparaissent, comme le déconstructivisme et l’architecture « high-tech ». Ces évolutions correspondent plus ou moins à celles du monde de l’architecture. Ainsi, dans l’ensemble, les lau-réats choisis sont en accord, à quelques années près, avec les tendances de leur époque.

À la lecture de la liste des lauréats, la particularité du prix Pritzker est son éclectisme. D’autres prix, au contraire, cherchent à récompenser une vision spécifique de l’architecture. Ainsi, le Ri-chard H. Driehaus Prize for Classical Architecture, créé en 2003, récompense chaque année un architecte vivant dont l’œuvre représente une contribution majeure à l’architecture classique. Léon Krier en 2003, Andrés Duany en 2008, et Robert A. M. Stern en 2011 ont reçu ce prix, ainsi que les 200 000 $ de récompense. Le prix Driehaus a pour objectif de promouvoir et d’encou-rager le retour à l’architecture classique, et ne récompense que les architectes qui vont dans ce sens. Un autre, le prix Carlsberg récompensait de 300 000 $, tous les 3 ans, un architecte pour sa carrière. François Chaslin, qui fut membre du jury, témoigne : «notre point de vue a été de

récompenser des architectes de notoriété moindre que les Pritzker, donc plus jeunes, et dont on pensait qu’ils incarnaient quelque chose sur le plan de l’éthique architecturale. À l’époque, cela correspondait dans notre esprit, à ce que Frampton avait appelé le “régionalisme critique” : des

gens qui ne sont pas mondialisés, qui travaillent dans leur région, et qui font des choses sublimes.1»

Le prix récompensa alors Tadao Ando, Juha Leiviskä, puis Peter Zumthor en 1998.

Le prix Pritzker lui, ne se veut ni le témoin d’un style, ni le porteur d’une éthique. Il a pour seule ambition de récompenser l’architecture contemporaine, dans sa globalité. 37 architectes ont été lauréats, et tous portent une vision de l’architecture qui leur est propre. On aperçoit ici l’une des particularités du prix Pritzker : chaque année, le lauréat est une figure au moins représentative, au mieux emblématique, de son époque. En 34 années, le prix s’est donc imposé comme un témoin des tendances et des mouvements qui agitent le monde de l’architecture. Avec ses décalages, ses écarts de route également, le prix est dans sa globalité un reflet intéressant des dernières décennies.

1. cf. annexe : Un entretien avec F.Chaslin

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18

fig.8 :Glass House, Philip Johnson, 1949

fig. 9 : Bergisel Ski jump, Zaha Hadid, 2002

fig. 10 : Xiangshan Campus, Wang Shu, 2004

Partie 1 : Le prix Pritzker

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fig.11 : Inmos microproces-sor factory, Richard Rogers, 1982

fig. 12 : La Nuova Piazza, Perugia, Aldo Rossi, 1986 fig. 13 : Zollverein School, SANAA, 2006

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CHAPITRE 4

Le jury

Le jury est constitué chaque année de 5 à 9 personnes, invitées par la famille

Pritzker

1

. « Les membres du jury sont des professionnels reconnus dans leurs

propres domaines, architecture, affaires, éducation, publication, et culture.

»

2

On trouve parmi ces experts des historiens, des critiques, des directeurs de galeries, des prési-dents de multinationales, des rédacteurs de revues, mais également quelques architectes.

À ces jurés est ajouté un « directeur exécutif »3, anciennement appelé « secrétaire du jury »4,

chargé de guider le jury et d’assurer le lien avec la famille Pritzker. Ce membre n’a pas droit de vote. Au sein du jury, on distingue aussi un « président du jury »5 et parfois un « consultant »6. Les

jurés se réunissent trois fois par an. Une première fois pour un voyage à travers le monde pour visiter les œuvres architecturales concernées, puis pour deux réunions de délibération.7 Le jury

est également présent lors de la cérémonie de remise du prix, et un de ses membres prononce alors un discours sur le lauréat.

Les jurés siègent la plupart du temps au moins trois ans, afin d’assurer une transition en dou-ceur entre deux jurys. On ne peut ainsi pas prétexter un changement brutal de jury pour expliquer les différences dans les choix d’une année à l’autre. Il existe cependant au sein de chaque jury, un ou des membres plus influents, qui seraient susceptibles d’orienter les discussions.

7 architectes lauréats du prix ont été également membres du jury. Certains, comme Johnson ou Roche, le furent l’année qui suivit leur prix. Un autre, Maki, fut juré avant de recevoir à son tour le prix Pritzker. Enfin, Gehry, Piano, Murcutt et Hadid furent admis au sein du jury bien

1. «Interview with Martha Thorne, Executive Director of the Pritzker Architecture Prize», Condi-tions, 23 aout 2010

2. «The jury members are recognized professionals in their own fields of architecture, business, education, publishing, and culture » Pritzker Prize website

3. «executive director» 4. «secretary to the jury» 5. «chairman»

6. «consultant to the jury»

7. http://www.nytimes.com/2011/10/06/arts/design/stephen-breyer-pritzker-prize-jury-architec-ture.html?pagewanted=all

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après avoir été lauréats du prix. Le cas de Frank Gehry est particulièrement intéressant. Il fut en effet récompensé en 1989, alors qu’il avait peu construit et qu’il commençait à peine à être connu. C’est une dizaine d’années plus tard que sa célébrité a atteint des sommets. Le musée Guggenheim à Bilbao, ouvert en 1997, est l’œuvre qui le fit connaitre du grand public internatio-nal. Il était donc un des architectes les plus célèbres au monde, lorsqu’en 2003, il devint juré du prix Pritzker. Au sein des jurys successifs de ces années-là, Frank Gehry était LA star. Aurait-il été récompensé trop tôt ? Sa nomination en tant que juré venait alors comme une deuxième consécration. Comme le prouve l’exemple de Gehry, et comme le confirment Piano, Murcutt puis Hadid, depuis quelques années, l’architecte lauréat maintenu au sein du jury offre une légitimité au prix Pritzker. En effet, ces personnalités, déjà récompensées et toujours au centre du monde architectural, sont des preuves vivantes de l’importance du prix. Leurs exemples accréditent le « bon choix » qui a été et va être fait. Il s’agit, pour le prix Pritzker, de la meilleure des publicités. On peut s’interroger sur la pérennité d’un système en circuit fermé, dont les nouveaux jurés sont les anciens lauréats.

8 ans de participation au jury pour Roche, 6 ans pour Gehry en deux périodes, 6 ans également pour Johnson. Et ces stars ne passèrent pas inaperçues. Ce sont eux bien sûr qui représentent la profession au sein du jury. Et le reste des jurés ne peut rester indifférent aux tendances de l’archi-tecture que ceux-ci représentent. On pourrait ainsi voir dans la liste des lauréats et des jurés qui les ont choisis comme des périodes d’influences. Ainsi, sous Johnson, pionnier du mouvement moderne américain, le jury rendait hommage aux derniers des modernistes (Barragan, Pei, Meier ou Roche en héritier de Saarinen). Sous Gehry, champion des prouesses techniques, le jury ré-compensait dans les années 2000 la branche high-tech avec Hadid, Mayne, Rogers. Mais les jeux de tendances architecturales peuvent exprimer une influence des jurés, comme elles peuvent être la simple expression d’un style contemporain, indépendant du jury.

Ces jurés-lauréats ne sont qu’une infime partie des grands noms qui forment la liste des jurés depuis 1979. En 34 années, milliardaires et intellectuels, entrepreneurs et historiens se sont croi-sés au sein du jury. Tous ces personnages, issus de milieux et de pays différents, sont officielle-ment liés par un goût pour l’architecture. Leurs autres caractères communs sont leur fortune et leurs relations. On pouvait donc trouver au sein d’un même jury un architecte coéquipier de tennis de Jay Pritzker et un industriel propriétaire de la Juventus de Turin. Il est intéressant de se pencher sur leurs cursus hors du commun, afin de deviner ce qui les a menés au sein du jury, ainsi que la manière dont ils ont influencé ses choix.

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année lauréat nationalité emplacement de la

cérémonie jury

1979

Philip Johnson américain

Dumbarton Oaks, Washington, 1800 - Museum for Pre-Colombian Art, Philip Johnson ,

1963

J. Carter Brown (président), Lord Clark of Saltwood, J. Irwin Miller, Cesar Pelli,

Carleton Smith (secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

1980

Luis Barragan mexicain

Dumbarton Oaks, Washington, 1800 - Museum for Pre-Colombian Art, Philip Johnson ,

1963

J. Carter Brown (président), Lord Clark of Saltwood, Arata Isozaki, Philip Johnson, J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Carleton Smith

(secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

1981

James Stirling anglais Washington, Gen. Montgomery National Building Museum, C. Meigs , 1887

J. Carter Brown (président), Lord Clark of Saltwood, Arata Isozaki, Philip Johnson, J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Carleton Smith

(secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

1982

Kevin Roche américainirlandais

Art Institute Chicago, Shepley, Rutan and Coolidge , 1893 - Howard Van Doren Shaw , S.O.M ., Tom Beeby , C.F. Murphy , Dan Kiley ,

Renzo Piano

J. Carter Brown (président), Lord Clark of Saltwood, Arata Isozaki, Philip Johnson,

J. Irwin Miller, Cesar Pelli, Thomas J. Watson, Jr., Carleton Smith (secrétaire),

Arthur Drexler (consultant)

1983

Ieoh Ming Pei américainchinois

The Metropolitan Museum of Art, New York, Calvert Vaux et Jacob Wrey Mould , 1873 - McKim, Mead et White , 1913 -

Roche, Dinkeloo & Ass. , 1971

J. Carter Brown (président), Arata Isozaki, Philip Johnson, J. Irwin Miller,

Kevin Roche, Thomas J. Watson, Jr., Carleton Smith (secrétaire), Arthur

Drexler (consultant)

1984

Richard Meier américain Washington, John Russell Pop e, The National Gallery of Art, 1941 - Ieoh Ming Pei , 1978

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Arata Isozaki, Philip Johnson, J.Irwin Miller, Kevin Roche, Thomas J. Watson, Jr., Carleton Smith (secrétaire),

Arthur Drexler (consultant)

1985

Hans Hollein autrichien San Marino, États-Unis, Myron Bibliothèque Huntington Hunt and Elmer Grey , 1911

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Philip Johnson, Ricardo Legorreta, Fumihiko Maki, J. Irwin Miller,

Kevin Roche, Thomas J. Watson, Jr., Brendan Gill (secrétaire), Arthur Drexler

(consultant)

1986

Gottfried Bohm allemand

Worshipful Company of Goldsmiths

Londres, Royaume-Uni, Philip Hardwick , 1820

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ricardo Legorreta, Fumihiko Maki, Kevin Roche, Thomas J. Watson,

Jr., Brendan Gill (secrétaire), Arthur Drexler (consultant)

1987

Kenzo Tange japonais Fort Worth, États-Unis, Louis Kimbell Art Museum Kahn , 1972

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo Legorreta, Fumihiko Maki, Kevin Roche,

Jacob Rothschild, Brendan Gill (secrétaire), Stuart Wrede (consultant)

Partie 1 : Le prix Pritzker

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année lauréat nationalité emplacement de la

cérémonie jury

1988

Gordon Bunshaft / Oscar Niemeyer

américain / brésilien

Art Institute Chicago, Shepley, Rutan and Coolidge , 1893 - Howard Van Doren Shaw , S.O.M ., Tom Beeby , C.F. Murphy , Dan Kiley ,

Renzo Piano

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo Legorreta, Fumihiko Maki, Kevin Roche,

Jacob Rothschild, Bill Lacy (secrétaire), Stuart Wrede (consultant)

1989

Frank Gehry américaincanadien Nara, Japon, 752Tōdai-ji

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo

Legorreta, Kevin Roche, Jacob Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

1990

Aldo Rossi italien Palazzo Grassi, Venise,Giorgio Massari , 1740

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo

Legorreta, Kevin Roche, Jacob Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

1991

Robert Venturi américain Palacio de Iturbide, Mexico City, Francisco Guerrero y Torres , 1785

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo

Legorreta, Toshio Nakamura, Kevin Roche, Lord Rothschild, Bill Lacy

(secrétaire)

1992

Alvaro Siza portugais Chicago, États-Unis, Hammond, Harold Washington Library Beeby and Babka , 1991

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Ricardo

Legorreta, Toshio Nakamura, Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

1993

Fumihiko Maki japonais Prague, République tchèque, Château de Prague 885

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Ada Louise Huxtable, Ricardo Legorreta, Toshio Nakamura, Lord Rothschild, Bill Lacy

(secrétaire)

1994

PortzamparcChristian de français Colombus, États-Unis, Cesar Commons Center Pelli , 1973

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Frank Gehry, Ada Louise Huxtable, Toshio Nakamura,

Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

1995

Tadao Ando japonais Versailles, France, 1682 Château de Versailles

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Frank Gehry, Ada Louise Huxtable, Toshio Nakamura,

Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

1996

Rafael Moneo espagnol Los Angeles, États-Unis, Getty Center Richard Meier , 1997

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Ada Louise

Huxtable, Toshio Nakamura, Jorge Silvetti, Lord Rothschild (membre

émérite), Bill Lacy (secrétaire)

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année lauréat nationalité emplacement de la

cérémonie jury

1997

Sverre Fehn norvégien Musée Guggenheim, Bilbao, F.Gehry , 1997

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Ada Louise

Huxtable, Toshio Nakamura, Jorge Silvetti, Lord Rothschild (membre

émérite), Bill Lacy (secrétaire)

1998

Renzo Piano italien Washington, États-Unis, James Maison Blanche Hoban , 1800

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Charles Correa, Ada Louise

Huxtable, Toshio Nakamura, Jorge Silvetti, Lord Rothschild (membre

émérite), Bill Lacy (secrétaire)

1999

Norman Foster anglais Berlin, Allemagne, Karl Friedrich Altes Museum Schinkel , 1828

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Toshio

Nakamura, Jorge Silvetti, Lord Rothschild, Bill Lacy (directeur exécutif)

2000

Rem Koolhaas néerlandais Site archéologique de Jerusalem

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Jorge

Silvetti, Lord Rothschild, Bill Lacy (secrétaire)

2001

Jacques Herzog & Pierre de

Meuron suisse

Monticello, Charlottesville,

Thomas Jefferson , 1772

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Carlos Jimenez, Jorge Silvetti, Lord Rothschild,

Bill Lacy (directeur exécutif)

2002

Glenn Murcutt australien Le Capitole, Rome, Michel Ange ,1538

J. Carter Brown (président), Giovanni Agnelli, Ada Louise Huxtable, Carlos Jimenez, Jorge Silvetti, Lord Rothschild,

Bill Lacy (directeur exécutif)

2003

Jorn Utzon danois

Académie royale des beaux-arts de San Fernando Madrid, Espagne, 1752- Fernando Chueca Goitia , 1972

Lord Rothschild (président), Giovanni Agnelli, Frank Gehry, Ada Louise Huxtable, Carlos Jimenez, Jorge Silvetti,

Bill Lacy (directeur exécutif)

2004

Zaha Hadid américaineirakienne

Le Musée National de l'Hermitage, Saint-Pétersbourg, Francesco Bartolomeo Rastrelli ,

1754

Lord Rothschild (président), Rolf Fehlbaum, Frank Gehry, Ada Louise Huxtable, Carlos Jimenez, Jorge Silvetti, Karen Stein, Bill Lacy (directeur exécutif)

2005

Thom Mayne américain Chicago, États-Unis, Frank Pavillon Jay Pritzker Gehry , 2004

Lord Palumbo (président), Balkrishna Vithaldas Doshi, Rolf Fehlbaum, Frank

Gehry, Ada Louise Huxtable, Carlos Jimenez, Victoria Newhouse, Karen Stein, Bill Lacy (directeur exécutif)

Partie 1 : Le prix Pritzker

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année lauréat nationalité emplacement de la

cérémonie jury

2006

Paulo Mendes da Rocha brésilien Istanbul, Turquie, Garabet Amira Palais de Dolmabahçe Balyan , 1853

Lord Palumbo (président), Balkrishna Vithaldas Doshi, Rolf Fehlbaum, Frank

Gehry, Carlos Jimenez, Victoria Newhouse, Karen Stein, Martha Thorne

(directeur exécutif)

2007

Richard Rogers anglais The Banqueting House, Londres, Inigo Jones , 1619

Lord Palumbo (président), Balkrishna Vithaldas Doshi, Rolf Fehlbaum, Carlos

Jimenez, Victoria Newhouse, Karen Stein, Toshiko Mori , Renzo Piano, Shigeru Ban, Martha Thorne (directeur

exécutif)

2008

Jean Nouvel français Bibliothèque du CongrèsWashington, États-Unis

Lord Palumbo (président) Shigeru Ban, Rolf Fehlbaum, Carlos Jimenez, Victoria Newhouse, Renzo Piano, Karen Stein, Martha Thorne

(directeur exécutif)

2009

Peter Zumthor suisse Legislative Palace of the City of Buenos Aires, Héctor Ayerza , 1930

Lord Palumbo (président), Alejandro Aravena, Shigeru Ban, Rolf Fehlbaum,

Carlos Jimenez, Juhani Pallasmaa, Renzo Piano, Karen Stein, Martha

Thorne (directeur exécutif)

2010

Kazuyo Seijima & Ryue

Nishizawa japonais

Ellis Island, New York, Boring and Tilton , 1900

Lord Palumbo (président), Alejandro Aravena, Shigeru Ban, Rolf Fehlbaum,

Carlos Jimenez, Juhani Pallasmaa, Renzo Piano, Karen Stein, Martha

Thorne (directeur exécutif)

2011

Eduardo Souto de Moura portugais Andrew W. Mellon Auditorium, Washington D.C., États-Unis, Arthur Brown, Jr , 1935

Lord Palumbo (président), Alejandro Aravena, Carlos Jimenez, Glenn Murcutt,

Juhani Pallasmaa, Renzo Piano, Karen Stein, Martha Thorne (directeur exécutif)

2012

Wang Shu chinois Great Hall of the People, Pékin, Chine, Zhang Bo , 1959

Lord Palumbo (président), Alejandro Aravena, Stephen Breyer, Yung Ho Chang, Zaha Hadid, Glenn Murcutt, Juhani Pallasmaa, Karen Stein, Martha

Thorne (directeur exécutif)

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26

Les membres fondateurs, présents en 1979, manifestèrent de la volonté première du prix : placer l’architecture dans le débat populaire.

John Carter Brown III

1 (1979-2002)2 fut

membre du jury dés les débuts du prix, et le resta jusqu’à sa mort en 2002. Issu d’une des familles les plus riches de la côte est des États-Unis, Brown est surtout connu pour avoir été directeur de la National Gallery of Art de 1969 à 1992, et pour y avoir attiré les foules. C’est sous sa direction que la galerie a gagné sa popularité. Cela sans doute grâce aux expositions « blockbuster » qu’il a organisées durant 23 ans, mais plus sûrement grâce à ses connaissances parmi les politiques de Washington et dans la haute société new-yorkaise. En 1964, il avait supervisé les travaux du nou-veau bâtiment de la National Gallery conçu par I.M. Pei (PP 83)3. Par la suite, il se fit connaître

du monde architectural par des prises de position publiques sur les grands travaux new-yorkais, soutenant par exemple en 2005 le projet de Frank Gehry (PP 89) pour la Corcoran Gallery of Art. De 1971 à 2002, il fut également Chairman de la Commission of Fine Arts, où il put croiser Roche ( PP 82) et Bunshaft ( PP 88). Kenneth Clark dit

Lord Clark of Saltwood

4

(1979-82) était un historien d’art britannique, protégé du plus célèbre critique d’art de l’époque,

Ber-nard Berenson. En 1933, à 30 ans, il devint directeur d’une autre National Gallery, à Londres. Il prit position contre l’art moderne, puis contre le postmodernisme, soutenant néanmoins toute sa vie le sculpteur moderne Henry Moore (auteur de la sculpture offerte aux lauréats du Pritzker jusqu’en 1986). Kenneth Clark fut au cœur de la vie culturelle britannique, s’engageant pour que l’art devienne accessible au plus large public. Ainsi, en 1969, il présentait sur BBC l’émission

Ci-vilisation, dans laquelle il racontait l’histoire de la civilisation occidentale à travers l’art.

Joseph

Irwin Miller

(1979-85) était un industriel américain et mécène du mouvement moderne

américain. En 1954, il établit la Cummins Foundation qui s’est engagée depuis 1957 à payer les honoraires des architectes construisant les édifices publics de la ville de Columbus. Il permit ainsi à cette ville de devenir la « 6e plus importante du pays sur le plan architectural »5, puisqu’elle put

s’offrir les services (entre autres) d’Eero Saarinen, Eliel Saarinen, I.M. Pei (PP 83), Kevin Roche (PP 82), Richard Meier (PP 84), Harry Weese, César Pelli, et Skidmore, Owings & Merrill. La maison de J. Irwin Miller, achevée en 1957, fut conçue par son ami Eero Saarinen.

César Pelli

(1979-82) est un architecte argentin américain, désigné en 1991 par l’ AIA comme « l’un des

architectes les plus influents de sa génération. » Après des études en Argentine, il commença sa carrière chez Eero Saarinen puis ouvrit sa propre agence à New Haven en 1977. Depuis, il réalise des projets d’architecture de grande envergure (parmi lesquels une extension du MoMA en 1982), et des projets d’urbanisme. De 1977 à 1984, il fut doyen de l’École d’Architecture de l’Université de Yale.

Robert Carleton Smith

(secrétaire du jury 1979-84) était le

direc-teur de la National Arts Foundation et a dirigé l’International Awards Foundation pour établir des prix dans des domaines non récompensés par le prix Nobel. Ainsi, en plus de son implication dans la création du prix Pritzker, il joua un rôle important en 1974 dans la création du J.Paul

Get-1. Michael Kimmelman, « J. Carter Brown, 67, Is Dead; Transformed Museum World», The New York Times, 19 juin 2002

2. (1979-2002) : il s’agit de la durée de participation au jury 3. (PP 83) : lauréat du prix Pritzker en 1983

4. http://en.wikipedia.org/wiki/Kenneth_Clark 5. déclaration de l’AIA, 1991

Partie 1 : Le prix Pritzker

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ty Wildlife Conservation Prize, financé par l’industriel anglo-américain J. Paul Getty1.

Arthur

Drexler

2 (consultant du jury 1979-86) fut designer, rédacteur pour la revue Architectural

Forum, puis directeur de la revue Interiors Magazine de 1948 à 1951. Il fut ensuite appelé par Johnson (PP 79) comme conservateur au Department of Architecture and Design du MoMA. En 1956, il succédait à Johnson pour 30 années à la tête de ce même département. Son rôle à ce poste fut décisif pour l’architecture post-moderne, puisqu’il organisa en 1975, sous l’influence de son mentor, l’exposition The Architecture of the Ecole des Beaux-Arts. Drexler sut utiliser le médium de l’exposition pour bouleverser le débat architectural.

Les premiers membres du jury donnèrent donc la direction à suivre. Il s’agissait, avec le prix Pritzker, de poursuivre leur volonté commune d’une architecture populaire et intellectuellement accessible. En majorité américains, ces premiers jurés s’avéraient proches des mouvements archi-tecturaux alors en vogue aux États Unis, proches aussi de leurs représentants.

Le premier architecte à intégrer le jury est le japonais

Arata Isozaki

(1980-84), formé

par Kenzo Tange (PP 87). Puis dans les années 80, ce ne sont pas des critiques d’architecture exigeants qui rejoignent le jury, mais deux entrepreneurs, amateurs seulement, mais généreux.

Thomas J. Watson, Jr.

(1982-86) était un homme d’affaire et politique américain, connu

pour ses activités philanthropiques. Il fut jusqu’en 1971 le vice-président d’IBM, et de 1979 à 1981 ambassadeur des E.U. en Union Soviétique. En 1987, le magazine Fortune le désignait comme « le plus grand capitaliste de l’histoire»3. Il était à ce titre concurrencé par

Giovanni Agnelli

(1984-2003), industriel italien à la tête de la société Fiat dont il fit la plus grande entreprise de

son pays. À l’époque, il était l’italien le plus puissant et le plus connu à l’étranger, propriétaire entre autres de la Juventus de Turin. La fondation Giovanni Agnelli est aujourd’hui encore une des fondations familiales de philanthropie les plus importantes d’Italie, avec 2,6 millions de dol-lars de dons. Dans la même veine, l’architecte mexicain

Ricardo Legorreta

(1985-93) est

issu d’une des familles les plus riches du Mexique, à la tête de la banque Banamex. Selon Anthony C.Antoniades4, cet architecte jouait au tennis au Rancho Santa Fe, avec un certain Jay Pritzker.

Ces trois jurés marquent l’histoire du prix dans la lignée de Jay Pritzker lui-même : il s’agit de personnalités internationales, issues de familles fortunées, et impliquées dans des activités phi-lanthropiques autant que politiques.

Dés 1985, les critiques d’architecture prennent la place qu’ils méritent au sein du jury.

Bren-dan Gill

( secrétaire du jury 1985-87), tout d’abord, journaliste et critique de cinéma pour

The New Yorker, qui a également présidé à la Andy Warhol foundation for the Visual Arts. Il était alors l’une des figures publiques les plus appréciées de New York. Il a écrit de nombreux livres, dont une biographie de Frank Lloyd Wright, qu’il connaissait personnellement. Puis,

Ada

Louise Huxtable

(1987-2005) prenait sa relève, écrivain et critique d’architecture qui avait

1. J. Paul Getty est le célèbre auteur du livre How To Be Rich

2. Joseph Giovaninni, «Arthur Drexler, 61, authority on architecture», The New-York Times, 17 janvier 1987

3. «the greatest capitalist in history» http://money.cnn.com/magazines/fortune/fortune_ar-chive/1987/08/31/69488/index.htm 4. http://www.acaarchitecture.com/Mag63%281%29.htm

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reçu en 1970 le prix Pulitzer de la Critique. De 1946 à 1950, elle avait été assistante-curatrice du Département d’Architecture du MoMA. Elle avait ensuite participé à la revue Progressive

Archi-tecture and Art in America jusqu’en 1953, puis elle devint la première critique d’architecture au New York Times. Elle y restera jusqu’en 1982. Elle est depuis critique au Wall Street

Jour-nal. L’influence de sa critique est reconnue de tous, son remplaçant au NY Times, Goldberger déclarait : « Avant Ada Louise Huxtable, l’architecture ne faisait pas partie du débat public »1.

Le rôle qu’elle a joué dans la publicité du débat architectural est donc majeur. Et en tant que membre du jury, elle donna au prix une nouvelle légitimité.

En 1987, le Pritzker s’adjoint un dernier milliardaire avec

Jacob Rothschild

(1987-2004),

banquier anglais, issu de la célèbre famille Rotschild. Philanthrope et amateur d’art reconnu, il entamait sa collection à 20 ans avec les sculptures de Giacometti. Son intérêt pour l’architecture s’est affirmé lorsqu’en tant que président du conseil d’administration de la National Gallery de Londres(1985-1991), il choisit Robert Venturi (PP 91), parmi Stirling, Pei, et d’autres, pour réa-liser l’extension du musée en 19862.

Pendant les 7 années qui suivirent, le jury fut rejoint par quelques intellectuels. Historiens, ar-chitectes étrangers et directeurs de revues internationales donnèrent à l’ensemble une crédibilité renforcée. À partir de 1992, la liste des lauréats se fit par ailleurs moins « select », on clôt la série des puissants.

Stuart Wrede

(Acting Consultant to the Jury 1987-88) est un architecte

né en Finlande et étudiant à Yale jusqu’en 1970. Également historien d’architecture spécialiste de l’architecture Nordique, il fut directeur du département d’architecture du MoMA, de 1988 à 1991. Il fut auparavant directeur de l’École de Design d’Oregon, et enseignant depuis 1977 aux écoles d’architecture de Columbia, Yale, et au MIT. En 1975 et 1976, il fit partie de l’IAUS à New York. Le japonais

Toshio Nakamura

(1991-99) est rédacteur en chef de la revue A+U, et

un des critiques d’architecture les plus réputés au monde. Il a, entre autres, rendu célèbre inter-nationalement son ami Ricardo Legorreta, qu’il côtoya deux ans au sein du jury.

Charles

Cor-rea

(1993-98) est un architecte indien, pionnier de l’architecture contemporaine en Orient, et

sensible aux problématiques du Tiers Monde. De 1970 à 1975, il fut l’architecte en chef du New Bombay, et en 1985 le premier ministre indien le nomma directeur de la Commission Nationale d’Urbanisation.

Jorge Silvetti

3 (1996-2004) est un architecte, professeur à l’école

d’architec-ture de l’Université de Harvard depuis 1975, et directeur du département d’architecd’architec-ture de 1995 à 2002. En 1986, il reçut le prix de Rome de l’Académie américaine. Son agence « Machado and Silvetti Associates » est décrite comme la plus influente de Boston. En 1993, il fut choisi pour réaliser la rénovation de la Villa Getty, un des deux espaces du Getty Museum. En 1996, la céré-monie du prix Pritzker eut d’ailleurs lieu dans le Getty Centre, alors que la Villa Getty fermait pour le début des travaux. Enfin,

Carlos Jimenez

(2001-11) est un architecte né au Costa

Rica, travaillant à Houston, États-Unis.

1. «Before Ada Louise Huxtable, architecture was not a part of the public dialogue» : Paul Gold-berger, «Tribute to Ada Louise Huxtable», The New-York Times, 25 mars 1996

2. Paul Goldberger, «Venturi chosen to design extension of the national gallery», The New-York Times, 25 janvier 1986

3. http://archrecord.construction.com/features/boston/emerging/new-1.asp

Partie 1 : Le prix Pritzker

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Avec ces jurés d’origines diverses, le prix Pritzker prenait enfin un rayonnement international. C’est d’ailleurs à partir des années 1990 que les lauréats furent réellement sélectionnés dans le monde entier (Europe, Japon...).

En 2004, après le départ d’Agnelli, le suisse

Rolf Fehlbaum

1 (2004-10) apporta à son

tour au jury sa fortune et ses relations. Entrepreneur intellectuel, fils de Willi Fehlbaum qui créa Vitra en 1934, il prit la tête de l’entreprise en 1977. Vitra produit des meubles de designers et architectes du XXe siècle, et édite les créations de designers actuels. Sous la direction de Rolf Fehlbaum, l’entreprise confia chacune de ses nouvelles constructions à un architecte célèbre. Ainsi, en 1989, le Vitra Design Museum fut réalisé par Frank Gehry (PP 89), en 1993, le pavillon de conférences par Tadao Ando (PP 95) et la caserne des pompiers par Zaha Hadid (PP 04), un atelier de fabrication fut confié à Alvaro Siza (PP 92) en 1994, et le showroom Vitra à Herzog & de Meuron (PP 01) en 2010. Venu d’Angleterre cette fois,

Lord Palumbo

2 (Chairman

2005-12) est un tout aussi riche promoteur immobilier. Collectionneur de voitures, de tableaux, puis de

maisons, il devint propriétaire de la Farnsworth House de Mies Van der Rohe, de la Maison Jaoul de Le Corbusier et de Kentuck Knob de F.L. Wright. Il embaucha Mies peu avant sa mort pour le projet « No 1 Poultry » sur le site Mappin&Webb, mais c’est finalement James Stirling (PP 81) qui le réalisa. De 1988 à 1993, il fut directeur du Art Coucil of Great Britain, il est aujourd’hui directeur de la Galerie Serpentine. Parmi ses amis haut placés, on trouvait le Prince Charles, coéquipier de polo, avec lequel il rompit définitivement leur amitié en 1984 après un désaccord architectural, mais aussi Richard Rogers (PP 07).

En 2004 et 2005, le jury du prix s’orientait vers le monde de l’édition avec

Karen Stein

(2004-12), des éditions Phaidon, et l’auteure et historienne de l’architecture

Victoria

Newhouse

(2005-08). À la même période, le consultant du jury Bill Lacy est remplacé par

Marta Thorne

(2006-12), auteure de nombreux ouvrages sur l’architecture. Cette

améri-caine fut commissaire associée du département d’architecture de The Art Institute of Chicago de 1996 à 2005. Ayant ajouté à ses diplômes d’urbanisme et d’art des études d’économie, c’est une spécialiste de l’industrie de la culture.

En 2005, l’arrivée de l’architecte indien

Balkrishna Doshi

(2005-07) annonçait une

nouvelle tendance. Celui qui était alors le dernier collaborateur vivant de Le Corbusier fut dans son pays une figure phare du XXe siècle. Internationalement, il fut un pionnier de l’architecture durable et du logement à bas prix. Peu après lui, deux autres architectes devinrent membres du jury, apportant à cette assemblée l’humilité qui lui manquait.

Shigeru Ban

3 (2007-10) est un

architecte japonais, connu pour ses travaux sur l’habitat d’urgence, et spécialiste de l’utilisation de matériaux pauvres. Il est conseiller pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

1. Pascaline Cuvelier, «Rolf Fehlbaum se cache derrière les meubles, cet Allemand discret a fait de son musée un temple à la gloire du design industriel», Libération, 15 juin 1995

2. «Profile: Builder of dreams or monuments? Peter Palumbo, a visionary at the Arts Council», The Independent, 4 décembre 1993

3. http://www.archilab.org/public/1999/artistes/shig01fr.htm

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Figure

fig.  3  :  Barack  Obama  et  Marty Nesbitt, vice président  du Pritzker Realty Group fig
fig.  9  :  Bergisel  Ski  jump,  Zaha Hadid, 2002
fig.  12  :  La  Nuova  Piazza,  Perugia, Aldo Rossi, 1986 fig.  13  :    Zollverein  School,  SANAA, 2006ECOLE NATIONALE SUPERIEURE  D'ARCHITECTURE  DE  NANTES DOCUMENT SOUMIS AU DROIT D'AUTEUR

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