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Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

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marquée par son expérience à Sydney, dans les changements que connut son architecture, mais surtout dans l’ampleur des projets qu’il put ensuite réaliser.

Le Centre Pompidou et l’Opéra de Sydney ont donc lancé la carrière internationale de leurs architectes. Ces réalisations sont les précurseurs du bâtiment « symbole » ou « icône » réalisé aujourd’hui par les architectes stars pour les musées, fondations, etc, et porté à son summum avec le Guggenheim de Bilbao. Si ces bâtiments ont rencontré un tel succès, c’est selon Oriol Bohigas1

parce que l’architecte est étranger. Portant un regard neuf sur la ville, il est capable de produire un objet décontextualisé et donc frappant, qui correspond aux attentes du maître d’ouvrage pu- blic. On percevait pour la première fois, avec le centre Pompidou puis avec l’Opéra de Sydney, la valeur du concours international. Qui mieux qu’un architecte étranger peut créer un monument ? Extérieurs aux enjeux, à l’histoire et au paysage locaux, Piano, Rogers et Utzon ont su créer un fort impact sur Paris ou Sydney. Leurs œuvres sont devenues des symboles. Ces exemples furent sans doute à l’origine d’un principe, aujourd’hui répandu lors des concours, qui veut que l’on préfère souvent la signature d’un architecte étranger à la réalisation d’un architecte local. L’anecdote de l’Opéra Bastille est d’ailleurs révélatrice. En 1983, le concours pour ce grand projet mitterrandien est organisé, et parmi les 756 projets reçus, on en choisit trois, qui devaient ensuite être affinés par leurs concepteurs (anonymes) pour une deuxième sélection. « Un projet, en fait, émergeait

nettement, tant par sa parfaite fonctionnalité que par son écriture ‘white’, encore un peu lourde, mais qui laissait espérer que l’on tenait là l’œuvre de l’un des grands architectes américains du moment : Richard Meier ; cela rassurait. En fait, l’envoi de Meier avait coulé à pic, aucun membre

ne l’avait remarqué (non plus que ceux de beaucoup de célébrités), mais on croyait l’avoir sélec- tionné sous le numéro 0222. À tel point que la chose s’éventa et que chez Meier, à New York, on

pensait être en lice. » 2Lorsqu’on leva l’anonymat des candidats, l’œuvre de Richard Meier (PP

84) s’avéra être celle de Carlos Ott, un architecte uruguayen de Toronto peu connu. Le concours anonyme, qui permettait aux architectes de devenir célèbres en éblouissant le monde par leur audace, s’est transformé en une séance de quizz.

OSCAR NIEMEYER ET BRASILIA

Si le concours ouvert est donc aujourd’hui un des mécanismes qui mènent à la célébrité, il existe d’autres exemples d’association d’un élu à un architecte.

Oscar Niemeyer, le plus célèbre architecte brésilien de tous les temps fut récompensé par le prix Pritzker en 1988. Son architecture comme son succès sont profondément liés à l’évolution politique du Brésil, ainsi qu’à la diffusion du mouvement moderne au début du XXe siècle.

1. Oriol Bohigas, « Haute-couture » and « prêt-à-porter », Quaderns d’arquitectura i urbanisme, n° 252, hiver 2006, p. 14

2. François Chaslin, Les Paris de François Mitterrand, Gallimard, Paris, 1985, p.198

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Niemeyer entamait des études d’architecture en 1930 à l’école de Rio de Janeiro, qui offrait alors un enseignement traditionnel, mais influencé par l’architecte moderne Lucio Costa. En tant que dessinateur, Niemeyer rejoignit l’agence de Costa et se vit impli- qué dans un projet qui allait bouleverser sa carrière : le ministère de l’Éducation et de la Santé, réalisé en collaboration avec Le Corbusier. C’est à la tête de ce projet que Niemeyer fut confronté au maître de l’architecture moderne. Le brésilien se fit le porteur des idées de ce dernier, qu’il associa à ses idéaux communistes. En 1940, il rencontra Juscelino Kubitschek, alors maire de Belo Horizonte. Celui-ci lui proposa de développer un quartier de la ville appelé Pampulha. Niemeyer fut donc chargé de la concep- tion d’une église, d’un casino, un restaurant, un club de golf... Ces travaux offrirent déjà à l’architecte une renommée internationale. Plus tard, Kubitschek confia également à Niemeyer la conception de sa villa. « Cette entreprise marqua le début d’une entente pro-

fonde entre l’homme politique ambitieux, passionné de construc- tion, et l’architecte plein d’imagination. »1 En 1956 en effet, Ku-

bitschek fut nommé président de la République des États-Unis du Brésil. Il entreprit alors la création d’une nouvelle capitale, Brasi- lia, dont il confia la conception à Niemeyer. L’architecte accepta d’en dessiner les monuments, mais il refusa le travail d’urbanisme qui fut confié à Costa après un concours.

« Cette ville est un émerveillement. Jamais une capitale n’a été édifiée aussi rapidement, en

seulement quatre ans »2. Brasilia est en effet un cas unique, surtout parce qu’elle représente pour

les architectes l’œuvre monumentale d’un seul homme : Oscar Niemeyer. La collaboration entre un homme politique et un architecte, si elle n’est pas unique, trouve néanmoins son exemple le plus frappant avec Juscelino Kubitschek et Niemeyer. En effet, l’architecture choisie par les deux hommes pour cette nouvelle ville était porteuse d’une telle force symbolique, qu’il était impossible de ne pas y voir l’ambition d’un pays émergent. Les bâtiments dessinés par Niemeyer possédaient la monumentalité voulue par le président pour faire de la capitale une icône de la mo- dernité (fig.48 et 49). Kubitschek l’avait compris, les architectes célèbres sont depuis la fin de XXe siècle les associés privilégiés des élus qui souhaitent promouvoir leurs images de « bâtisseurs »3.

1. Yves Bruand, « Oscar Niemeyer », Encyclopaedia Universalis

2. http://www.leconomiste.com/article/niemeyer-le-communiste-qui-concut-brasilia

3. Valérie Devillard, Architecture et communication : les médiations architecturales dans les an- nées 80, Editions Panthéon Assas, Paris, 2000, p.12

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