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juillet 2012 à 10h, le critique d’architecture François Chaslin m’accueillit chez lui pour un entretien autour d’un café Ce fut pour moi l’occasion de recueil-

Un entretien avec François Chaslin

Le 11 juillet 2012 à 10h, le critique d’architecture François Chaslin m’accueillit chez lui pour un entretien autour d’un café Ce fut pour moi l’occasion de recueil-

lir un témoignage primordial sur la naissance du star-system. Depuis 1973, et

sur toute la période qui m’intéresse, François Chaslin a été au coeur du domaine

de l’architecture en France. En tant que critique, rédacteur en chef de revue,

directeur du département diffusion de l’Institut Français d’Architecture, ensei-

gnant, architecte, membre de jurys de concours et de prix, auteur et spectateur

attentif des dernières décennies : il a connu de près les institutions qui m’intéresse.

Et il m’en donna un aperçu d’une grande valeur.

RR : François Chaslin, vous êtes aujourd’hui un critique d’architecture reconnu, depuis plus de 30 ans, vous travaillez dans le milieu de l’architecture et sa diffusion, et c’est ce qui m’intéresse.

FC : C’est plutôt 40 ans que 30, j’ai commencé en 73.

RR : Est-ce que vous pouvez me raconter votre parcours ?

FC : Oh, mon parcours est un parcours assez classique de ma génération, la génération qui a 20 ans en 1968. C’est à peu près à ce moment-là que j’ai commencé l’architecture, après des études assez diverses de sciences humaines, sociologie, géographie, maths sup. J’ai fait des choses diverses, avec, comme beaucoup de gens d’un milieu que j’appellerai « gauchiste », un refus abso- lu de construire, d’avoir une activité impliquant des dimensions financières. Donc , une carrière, une vie qui va un peu cahin-caha, faite de brics et de brocs, qui pour moi consiste alors à travailler pour un architecte qui est un peu oublié aujourd’hui, mais est très talentueux qui s’appelle André Bruyère. C’était un architecte très sensualiste, qui a fait de très belles choses, on pourrait le com- parer à une sorte de Niemeyer français. Il aurait d’ailleurs eu 100 ans cette année, mais il est mort il y a quelques années. Je travaillais tout en faisant beaucoup d’études, dont des études d’archi- tecture, très longues puisque je les ai faites en 13 ans et que je les ai terminées alors que j’étais déjà directeur du département diffusion de l’IFA. J’étais donc déjà très engagé dans le monde professionnel lorsque je les ai finies. Maintenant, on ne pourrait plus, on n’a plus le droit. Voilà un parcours comme ça, avec des amis qui sont plutôt des écrivains en général. Un parcours qui m’a, à un moment, emmené vers les revues d’architecture, où j’ai commencé très modestement, dans une revue assez médiocre, qui s’appelle Techniques et Architectures. Et puis, par diverses occa- sions, j’ai contribué à créer puis j’ai dirigé une revue qui s’appelle Macadam, une sorte de « zine », un journal bénévole, où le métier d’écriture m’a plu, et où j’ai commencé à me faire connaitre. Après j’ai travaillé dans pas mal de journaux, Libération, Le Monde, El Pais en Espagne, pas mal d’hebdos, et puis des revues d’architecture. Je suis devenu, à un moment, semi-fonctionnaire, à la direction de l’architecture, où j’ai dirigé Les Cahiers de la Recherche Architecturale, pendant quelques numéros. Puis je suis entré à l’IFA, où j’ai dirigé le département diffusion, c’était tout ce qui était expositions, édition, etc. Et puis, des activités diverses, avec un axe qui était la critique

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architecturale. J’étais donc critique dans toutes sortes de situations. J’ai dirigé L’Architecture

d’Aujourd’hui pendant 7 ans. Je faisais des septennats à l’époque, comme les présidents, j’étais entré à l’IFA en 80 donc L’Architecture d’Aujourd’hui c’était en 87. Je l’ai quitté en 93, parce que le groupe avait été vendu, cela me permettait de partir dans des conditions agréables. Ça n’est pas la revue qui avait été vendue, c’est le groupe Expansion. Quelque temps après je suis devenu professeur, pendant 15 ans, j’ai arrêté l’an dernier. J’étais à Lille, puis à Paris-Malaquais. Et puis, un peu par hasard on m’a proposé de créer une émission à France Culture, ce que j’ai accepté à l’automne 1999. Je l’ai fait 13 ans, et là j’arrête. Vous remarquerez que je n’ai pas fait 2 septennats cette fois. On s’use !

RR : Vous avez travaillé pour une presse « grand public » en même temps que pour la presse spécialisée ?

FC : Oui. Ou la presse intellectuelle , Les temps Modernes , des revues de divers registres littéraires.

RR : Vous écrivez encore actuellement pour la presse?

FC : J’avais un peu arrêté parce que mon émission prend beaucoup de temps à écrire. Mais j’ai continué à écrire dans des revues étrangères pour continuer à y être connu. J’ai pas mal travaillé pour des revues espagnoles. Je vais surement reprendre un peu plus l’écriture dans l’avenir.

RR : Un autre livre ?

FC : Eh bien, j’ai déjà publié l’année dernière Périphériques, qui est un petit carnet commen- taire du boulevard périphérique, plutôt poétique. Et puis j’ai fait avec ma femme qui est morte il y a 3 ans (Annie François, éditrice du Seuil) un livre à deux, qui est sur sa mort. Ça s’appelle Mine

de Rien.

RR : Vous avez pu au cours de votre carrière, rencontrer des architectes célèbres, étrangers ou français, certains lauréats du prix Pritzker.

FC : Je pense que je les ai tous rencontrés les Pritzker.

RR : À quelle occasion avez-vous pu les rencontrer ?

FC : Vous savez, lorsqu’on est critique, on a énormément d’occasions de circuler, dans des voyages, dans des colloques. Par exemple, je voyageais beaucoup autrefois avec la fondation Aga Khan, qui me permettait de rencontrer pas mal d’architectes un peu en marge de l’occident. Donc les Pritzker, mais aussi des architectes de Ceylan, d’Amérique latine, des choses comme ça. J’ai été dans beaucoup de biennales. Parfois même j’ai été directeur de biennales, en Turquie, au Japon. On rencontre aussi beaucoup de gens à ces occasions. Par exemple la semaine dernière

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j’étais à Pampelune et il y avait 4 Pritzker, enfin à vrai dire, un s’est cassé le bras, c’était Siza, qui n’était pas là. Il y avait Moneo, il y avait Souto de Moura, et Foster. Voilà, je rencontre ces gens assez fréquemment.

RR : Et pour ce qui est des interviews ?

FC : Ah ! les interviews des Pritzker c’est assez difficile à faire parce qu’ils sont extrêmement occupés. Dès lors qu’ils sont Pritzker et même parfois avant, ils sont très difficiles à avoir. Donc si je chope une interview, c’est à une autre occasion. Lorsque j’ai fait Foster il y a quelques années c’était parce que nous commémorions le 25e anniversaire du Carré d’Art de Nîmes. Là, je l’avais pris une demi-heure ou une heure pour faire une petite interview. Parfois, c’est lorsqu’il y a une exposition rétrospective : pour Rogers, pour Piano.

RR : Vous ne faites jamais d’interview juste après la réception du prix, pour marquer l’événe- ment ?

FC : Si, j’aurais pu, mais le Pritzker ne m’intéresse pas plus que ça. Je n’attache pas de valeur particulière au Pritzker, à la différence de vous... Bon, parfois c’est une occasion radiophonique de faire quelque chose, c’est vrai. Pour Wang Shu, je n’ai pas pu le faire parce qu’il était en Chine, donc j’ai pris un morceau de conférence qui avait été faite, et j’ai fait un débat sur Wang Shu avec des gens. Ça n’est qu’aujourd’hui que je vais le voir. Je ne suis pas toujours avec un magnétophone dans ma poche ! D’autant plus que je n’ai pas le droit de faire du son pour la radio, il me faut un technicien. C’est assez compliqué à organiser. Les Pritzker, c’est compliqué !

RR : Et lorsque vous avez pu les rencontrer, est-ce que le fait que ceux-là soient plus populaires que les autres change quelque chose ?

FC : Il y en a certains que je connais depuis très longtemps. Ando, par exemple, j’étais le premier à faire une exposition et un livre sur lui, au monde. Donc je l’ai connu, presque enfant. J’étais très jeune, j’avais 34 ans. On est très amis. Foster, j’ai fait, peut-être, il faudrait que je véri- fie, le premier vrai livre sur lui, en 1985 ou 1986. Donc c’est des gens que j’ai connus jeunes, avec lesquels j’ai des relations souvent anciennes pour les plus vieux d’entre eux. Les plus récents c’est différent, ils ne me connaissent pas ou quasiment pas.

RR : Lesquels parmi eux sont les plus difficiles à atteindre ?

FC : Le pire c’est Zumthor. Moi je l’ai eu par chance, il y a très peu de gens qui peuvent inter- viewer Zumthor, il affecte, il affiche un dédain complet pour les médias. Bien sûr, c’est une image qu’il se donne. Mais il a toujours été comme ça. J’étais dans un jury qui lui a donné, il y a une quinzaine d’années, un prix. Le prix Carlsberg, qui n’existe plus, qui était trois fois doté comme le Pritzker. Zumthor était déjà extrêmement bourru, peu aimable. Il recevait donc, trois fois le Pritzker, il était absolument comme un coq en pâte, mais à part ça... Il affiche un certain dédain,

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il est un peu goujat. À part ça quand on réussit à parler avec lui, ça peut être d’un grand intérêt.

RR : Zumthor et les autres Pritzker font partie de ce que l’on appelle « star-system ». En tant que critique d’architecture, que pouvez-vous en dire ?

FC : D’abord, le star-system n’est pas une invention contemporaine, il y a toujours eu des grandes vedettes. Il ya toujours eu des architectes enclins à développer un type de comportement qu’on pourrait appeler « de vedettariat ». Et cela, si vous regardez par exemple les Mémoires du Voyage en France du Cavalier Bernin, de Chantelou, qui l’a accompagné lorsqu’il est venu quelques mois en France à la demande de Louis XIV, vous verrez une vraie cocotte. Si vous regar- dez les jugements très péjoratifs qu’un certain nombre de gens, dans la mouvance de Gropius, ont émis à l’encontre de Le Corbusier, dés les premiers CIAM dans les années 20, vous verrez que Le Corbusier était détesté par un certain nombre d’autres architectes européens. Parce que Le Corbusier avait un certain nombre de traits de caractère, de traits physiologiques, de traits physiques même puisqu’il était extraordinairement habillé, qui le faisaient peut-être jalouser par certains, mais surtout détester par d’autres. Donc, le vedettariat est une chose de tout temps. Ce qui est maintenant différent, c’est que le vedettariat s’est mondialisé. Il l’a toujours été, mais là il s’est mondialisé à une échelle bien plus rapide. Et ce vedettariat a eu un certain nombre d’effets sur la réalité architecturale, parce qu’un certain nombre de gens se sont vu propulser dans une réalité économique qui était inaccoutumée. Foster dit qu’il a 500 salariés aujourd’hui, il en a eu peut-être 1500 il y a 7 ou 8 ans. Piano c’est le plus grand chiffre d’affaires en France, Nouvel c’est le deuxième, de Portzamparc doit être plus ou moins le troisième. Donc, ces gens, qui sont des gens incontestablement de talent, qui ont une doctrine, une vision des choses, se trouvent pro- pulsés à une énorme échelle des valeurs financières, pas seulement dans leur propre pays, mais dans le monde entier. Ils sont sollicités à un point extraordinaire. Les concours d’architecture, quels qu’ils soient maintenant, et surtout dans les pays qui n’ont pas de tradition architectu- rale, les Émirats, la Chine, qui a peu d’architecture contemporaine, encore que ça commence à apparaitre, mais aussi bien à Orléans ou à Nantes, les gens qui organisent des concours veulent toujours des Pritzker. C’est une véritable maniaquerie ! Alors qu’ils ne se rendent pas compte que c’est une fausse valeur, puisque le Pritzker, maintenant, est un type qui tente de gérer une agence trop grande pour lui. C’est un effet de notoriété, parce que l’architecture est devenue un outil de marketing, pour les villes, les régions, les nations. Dans ce monde du marketing, il est indispen- sable d’afficher des grands noms, puisque c’est la seule chose qu’un journal, par exemple, puisse répercuter. Donc, même si la signature de Zaha Hadid à Marseille ne vaut rien, elle aurait pu être faite par n’importe quel marseillais, même en mieux, le fait que ce soit elle résonne, pendant des années, dans la presse, dans les mentalités, etc.

RR : Qu’est-ce qui a changé pour nous mener à ça ?

FC : Ce qui a changé c’est la mondialisation, le marketing, qui n’existait pas. Autrefois, si les gens qui ont été voir Le Corbusier pour Chandigarh ont été le voir c’est parce que c’était un homme d’une notoriété immense, mais aussi parce qu’ils pensaient que cette notoriété et ce qu’il

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portait de valeurs architecturales pouvaient faire du bien à cette jeune nation. Ce qui est mainte- nant différent c’est la dimension que ça a prise, pour tous ces Pritzker, ou tous ces architectes du star-system, parce qu’on peut aussi bien prendre Libeskind, qui est à peu près au même niveau de notoriété et de sollicitation, et de caprices dans son architecture, et de coût faramineux. Donc, le problème, c’est que le marketing est une discipline récente, qui a 20 ou 30 ans, s’applique à des quantités de domaines de la vie sociale et politique, et l’architecture est un élément très actif et très important dans ce jeu.

RR : Et comment les « personnages » des architectes ont, eux, évolué ?

FC : Ils ont évolué de différentes façons. D’abord, ils sont forcés de se déguiser. Vous savez que les architectes se sont toujours déguisés. Par exemple, Le Corbusier, c’était évident, il des- sinait ses lunettes, son noeud papillon, etc. Auguste Perret, qui n’est pas un rigolo, s’est complè- tement dessiné, que ce soit sa barbe, que ce soit la sous-face de son canotier de paille qu’il avait peinte en blanc, etc. Il y a toujours eu une construction de soi même chez les architectes. Mais maintenant, c’est une chose tout à fait importante. C’est à dire, que les vêtements de Zaha Hadid comptent énormément, que les santiags de Libeskind comptent énormément, que les lunettes particulières d’Eisenman comptent particulièrement, ou la barbe de sage de Renzo Piano tout autant. Renzo Piano c’est une espèce d’abbé Pierre, dans l’image qu’il veut donner. Ce qui est manifeste, c’est qu’ils y sont forcés dans un monde de marketing. Une chose qu’il faut savoir, c’est que le monde du marketing, ce n’est pas un monde du « ceci contre cela », ou du « moderne contre postmoderne », du « social contre l’élitiste », c’est un monde dans lequel tout se vaut et dans lequel les gens choisissent des figures d’artistes les plus singulières possible. Si vous prenez Ando, Ando ça a pu signifier quelques choses il y a 30 ans, aujourd’hui c’est l’architecte le plus prisé dans les milieux de la mode, dans les milieux de l’industrie, par les Pinault, les gens comme ça, ce n’est plus qu’une signature, une griffe. Donc, il y a un certain nombre de griffes. Mais pas plein ! Parce qu’on ne peut pas connaitre 400 griffes ! Des architectures extraordinairement « typées », il y en a peut-être 20. Et ces griffes sont très difficiles à définir, donc ça implique que l’architecte, outre ce qu’il croit, ce qu’il pense ou ce qu’il porte en lui comme valeurs, est contraint lui aussi de développer une identité très forte. C’est aussi pour ça qu’il se déguise. Jean Nouvel est déguisé, avec son chapeau noir, ses habits déstructurés Yamamoto, c’est un personnage qui s’est construit et dessiné d’une certaine façon. Il a géré son type extraordinaire de beauté, ou de laideur comme on voudra, mais je trouve que c’est une tête assez exceptionnelle. C’est un person- nage qui s’est construit, beaucoup plus qu’un Vasconi, ou qu’un Jean-Marie Duthilleul, ou qu’un Viguier. Il leur suffisait, eux, d’avoir une écharpe rouge ou jaune autour du cou pour signifier « architecte ». Ils portaient cet élément significatif là. Les autres aujourd’hui, vont beaucoup plus loin dans la construction physique et vestimentaire de leur personnage.

RR : Et dans leur architecture également.

FC : Et dans leur architecture.

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RR : Vous parliez de Jean Nouvel. Lui et de Portzamparc sont deux architectes de votre géné- ration. Quelles sont vos relations avec eux ?

FC : Je n’ai de relations avec aucun architecte. Mais je veux quand même dire que j’ai déjeuné avec de Portzamparc il y a trois semaines ! (rires) après une interview que j’ai faite de lui, mais ça n’était pas arrivé depuis longtemps. J’ai pour principe de ne pas avoir de relations avec ces gens.

RR : Je parlais de relation, au sens où vous les côtoyez forcément beaucoup plus que les archi- tectes étrangers.

FC : Outre qu’on est fâchés, je n’ai pas vu Jean Nouvel depuis plusieurs années : on s’est vaguement embrassé, pour la sortie d’un film sur Claude Parent, il y a un mois. Et puis je l’ai revu la semaine dernière, puisqu’il y a eu une présentation au Pavillon de l’Arsenal de son projet de gratte-ciel pour Paris. Mais comme j’avais fait une petite chronique pas très sympathique, c’était un peu froid. Je ne les fréquente pas trop. En plus, je n’aime pas beaucoup leur travail. De Portzamparc je n’aime pas son travail, il le sait. Je l’aime beaucoup, c’est un type délicieux, et tout ça. Mais je n’aime pas son travail, pour des raisons assez compliquées à expliquer, mais qui tiennent à son manque d’architectonique, je trouve qu’il maitrise mal la dimension constructive des choses. Je n’aime pas son travail, et ça me gêne beaucoup. Nouvel également, je critique beaucoup son travail depuis quelques années, donc ça me gêne parce que ces gens je les aime assez, je les ai vus évoluer, j’ai voyagé avec eux, on a souvent diné ensemble autrefois à l’étranger, en colloque. Il y a donc cette difficulté de relation légitime entre les architectes et les critiques, en tout cas comme j’entends moi la critique. C’est que j’ai besoin d’avoir une certaine distance, ce sont des objets d’étude, des objets critiques, éventuellement des objets de reproche. C’est abso- lument impossible si les gens pensent que vous êtes leur ami. La première fois que j’ai dit un truc qui a déplu à de Portzamparc, il m’a téléphoné ici à minuit, j’étais un « fasciste épouvantable », je me souviens du mot, il était totalement effondré parce que j’avais critiqué son projet. C’était un concours qui opposait de Portzamparc, Nouvel et Starck pour la transformation du pavillon français de la Biennale de Venise. Il était bouleversé, parce qu’il pensait que c’était comme une trahison, comme un amant qui vous trahit ! De fait, ils ont du mal à admettre ça les architectes. À la longue ils admettent. Au bout de 40 ans, ils se rendent compte qu’ils ont face à eux quelqu’un