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Depuis la période moderne, les écoles d’architecture ont permis aux architectes d’asseoir leur influence et leur célébrité Aujourd’hui, les stars sont absorbées

par les écoles qui souhaitent développer leur réputation. « Grandes » écoles et

« grandes » agences sont de plus en plus liées.

Construire n’est pas pour un architecte, la seule manière d’accéder à la célébrité. L’architecte du XXe siècle est aussi une figure intellectuelle, un penseur de son époque. Sa recherche s’ex- prime dans l’écriture, mais aussi dans le débat et l’enseignement. De grands architectes de notre temps se sont ainsi imposés à leurs pairs en tant que professeurs, critiques ou historiens. Ainsi, John Hejduk, figure majeure de la fin du postmodernisme, préférait dissocier « architecture » et « construction ». « I’m in my mid-fifties now and I feel I’m just ready to build... What I don’t agree

with is the emphasis on building rather than architecture. The very thing an architect can do is to affect your psyche and spirit- that’s his job. It’s simply not enough for him to answer only to the physical. » 1

La publication des réflexions de l’architecte2 est indissociable de l’enseignement. Les archi-

tectes cités précédemment, célèbres pour leurs travaux théoriques, furent également reconnus en tant qu’enseignants. Parfois même, les ouvrages qu’ils produisirent étaient issus de recherches menées avec leurs étudiants. Ainsi, Robert Venturi, enseignant à Yale, écrivit l’ouvrage Learning

From Las Vegas, après une étude du Strip menée avec ses étudiants. Rem Koolhaas, enseignant à Harvard, publia un an après avoir reçu le prix Pritzker, Mutations, puis deux autres ouvrages3,

tirés du studio « Project on the City » qu’il dirigeait depuis 1995.

L’enseignement n’est donc pas considéré comme une activité supplémentaire, mais bien

1. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- tieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.105

2. cf. chapitre 2

3. Rem Koolhaas, S. Boeri, S. Kwinter, D. Fabricius, H. U. Obrist, N. Tazi, Mutations, Arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux, 2001

Rem Koolhaas, C. J. Chung, J. Inaba, S. Tsung Leong, The Harvard Design School Guide to Shopping. Harvard Design School Project on the City 2, Taschen, New York, 2002

Rem Koolhaas, B. Chang, M. Craciun, N. Lin, Y. Liu, K. Orff, S. Smith, The Great Leap Forward. Harvard Design School Project on the City, Taschen, New York, 2002

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comme l’un des « métiers » qu’englobe l’architecture. En effet, un poste de professeur peut suf- fire à subvenir aux besoins d’un architecte, sans qu’il ait besoin de construire. Ainsi, dans le cas de Thom Mayne (PP 05), «Enseigner nous a permis de sélectionner les travaux qui continueraient

nos propres explorations, nos recherches, sans avoir à nous préoccuper de la charge de mener l’agence»1. Enseigner permet donc aux architectes d’aménager un temps indispensable au sein de

leur parcours pour développer et enrichir une pensée architecturale qui leur est propre.

Il est fréquent que les architectes célèbres aient enseigné. Parmi les prix Pritzker, on trouve : - des architectes ayant enseigné avant de construire : Tange (PP 87), Rossi (PP 90), Venturi (PP 91), ou Maki (PP 93) qui fut professeur aux États-Unis avant de s’installer à son compte au Japon.

- des architectes qui ont su partager leur activité entre enseignement et construction : Johnson (PP 79), Meier (PP 84), Gehry (PP 89), Koolhaas (PP 00), Herzog & de Meuron (PP 01), Hadid (PP 04), Mayne (PP 05)...

- des architectes qui ont interrompu leur activité construite pour être professeur à l’étranger : Stirling (PP 81), Moneo (PP 96).

Le système universitaire tel que nous le connaissons aujourd’hui dans le monde entier semble avoir fusionné avec le star-system. Il existe des milliers d’écoles d’architecture dans le monde. Mais une vingtaine d’entre elles seulement sont connues et considérées comme « les meilleures ». Depuis les années 1970, certaines écoles se placent au centre du débat architectural. Elles ont les meilleurs professeurs, publient les meilleurs ouvrages, produisent les meilleurs travaux, et forment ceux qui seront les meilleurs architectes de leur génération : ces écoles sont incontour- nables. AA school of architecture, Harvard Graduate School of Design, Yale School of Architec- ture, Eidgenössische Technische Hochschule Zürich, Columbia Graduate School of Architecture Planning and Preservation, University of Southern California School of Architecture, Politecnico di Milano, Accademia di Architettura di Mendrisio... La cote des écoles augmente et diminue, et quelques-unes alternent sur le podium.

XXe SIèCLE, « NOTES ON AMERICAN ARCHITECTURAL EDUCATION »2

Si en France l’enseignement de l’architecture fut institutionnalisé dés le XVIIe siècle, il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir apparaitre celui-ci dans les Universités Amé- ricaines. À partir de 1865, on enseigna l’architecture au Massachussets Institute of Technology (MIT), en 1867 à l’University of Illinois school d’Urbana, et en 1898 il existait neuf écoles d’archi- tecture aux États-Unis. Auparavant, l’architecture de la jeune nation était aux mains d’une élite, formée à l’école des Beaux Arts de Paris ou à Londres, puis était transmise par apprentissage. Ce sont donc les écoles européennes qui furent prises pour modèle lors de la constitution de

1. Magali Sarfatti Larson, Behind the Postmodern Facade, Architectural Change in Late Twen- tieth Century America, University of California Press, Los Angeles, 1993, p.136

2. Kenneth Frampton, Alessandra Latour, « Notes on American architectural education », LO- TUS, n° 27, 2e trimestre 1980, pp.5-39.

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l’enseignement de l’architecture aux États-Unis. Dans les années 1920, des architectes français des Beaux-Arts prirent la direction des écoles américaines. Chaque école était alors menée par une personnalité : Jacques Carlu au MIT, Léon Arnal à l’University of Minnesota, Jean Labatut à Princeton... Les écoles furent ainsi associées aux célèbres professeurs qui les dirigeaient.

En Europe, c’est l’école du Bauhaus qui révolutionnait l’architecture, sa pratique et son ensei- gnement. Avant-gardiste, elle fut dissoute en 1933 car produisant un « art dégénéré » selon les nazis. Par l’intermédiaire de Philip Johnson (PP 79), les maîtres du Bauhaus furent alors invités à enseigner dans les écoles américaines, et à y diffuser l’architecture moderne. Ils y entamèrent une réorganisation radicale. Ainsi, à la demande de Joseph Hudnut, l’architecte allemand Gropius devint professeur à Harvard en 1937, puis devint directeur du département d’architecture de cette même école en 1938. Mies van der Rohe devint en 1938 directeur du département d’archi- tecture de l’Illinois Institute of Technology (IIT)1. Ces deux maîtres de l’architecture moderne

furent bientôt rejoints par leurs anciens collaborateurs, parmi lesquels Breuer, Wagner... Les écoles américaines connurent en quelques années des transformations capitales qui menèrent au système d’enseignement actuel. Malgré la présence de deux architectes du Bauhaus, les relations entre l’école d’Harvard et l’IIT restèrent distantes. Les conceptions différentes de l’enseignement portées par Gropius et Mies van der Rohe mirent les deux écoles en position d’antagonisme, presque de concurrence. C’était donc le début de la rivalité propre aux stars que l’on trouve aujourd’hui entre les écoles d’architecture. Les diplômés des deux écoles développèrent égale- ment deux types de pratique. D’un côté les diplômés d’Harvard, parmi lesquels, Philip Johnson (PP 79), Ulrich Franzen, Paul Rudolph ou I.M. Pei (PP 83), constituèrent une élite libérale, représentant l’établissement de l’hégémonie américaine. De l’autre, les diplômés du IIT, dont Skidmore, Owings & Merrill, et C.N. Murphy & Associates, devinrent des militants du mouve- ment moderne2. De plus en plus, l’école et son directeur en tant que « mentor », devenaient le

centre névralgique du débat, le symbole d’une pensée et d’une pratique.

Avec l’enseignement de Gropius déjà, la sensibilisation des étudiants au milieu profession- nel prenait une part importante dans l’enseignement. En effet, l’architecte allemand avait mis au cœur du fonctionnement des studios de projet le travail d’équipe, « team-work », et d’autres principes issus du Bauhaus. À partir de 1957, le grand architecte américain Louis Kahn devint enseignant à Philadelphia, University of Pennsylvania. Avec le soutien du doyen Holmes Perkins, Kahn tenta d’intégrer la pratique professionnelle à l’enseignement de l’école. On choisit donc pour professeurs de jeunes architectes peu connus, « qui étaient capables de créer une interaction

entre l’école et le monde extérieur ». Ceux-ci se nommaient Romaldo Giurgola, ou Robert Venturi (PP 91). Louis Kahn tentait alors de faire pénétrer la ville dans l’école. La réciproque était déjà acquise, puisque Philadelphia profitait de l’influence de l’école et de son célèbre professeur. L’importance de l’architecte rayonnait sur la ville entière, en faisant un des centres urbains les plus progressistes de la côte est3.

1. IIT qui était jusqu’en 1940, l’Armour Institute

2. Kenneth Frampton, Alessandra Latour, « Notes on American architectural education », LO- TUS, n°27, 2e trimestre 1980, p.17

3. ibid. p.25

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Dans les années 1960, c’est au tour de Colin Rowe de devenir par l’intermédiaire de l’ensei- gnement l’une des figures intellectuelles majeures de son époque. Après être devenu en Angle- terre un critique reconnu, il poursuivit sa carrière aux États-Unis à partir de 1953. Hamilton Harwell Harris, alors directeur de la University of Austin, au Texas, souhaitait modifier l’image de son école. Il décida alors de recruter « un groupe de jeunes radicaux »1, parmi lesquels on

trouvait Colin Rowe, John Hejduk, Bernard Hoesli... L’expérience fut un succès. L’influence considérable que le directeur pouvait avoir sur l’image de l’école, en nommant tel ou tel type de professeur, fit des émules dans d’autres écoles. Colin Rowe fut lui invité à la Cornell University, où il fut professeur à partir de 1962. L’influence de cet intellectuel fut alors immense, il initia un nouveau système. En effet, en tant qu’enseignant, Rowe devint le mentor à la fois des étudiants et des plus jeunes des professeurs. Au sein des élèves dévoués à sa cause apparurent alors des « star pupils »2, qui devinrent à leur tour enseignants, déjà convertis à la pensée de Rowe et qui purent,

eux aussi, la diffuser. À la fin des années 1960, l’école ainsi transformée s’avérait être un outil de publicité inégalable.

Cet aperçu de l’histoire de l’enseignement de l’architecture aux États-Unis nous est livré par Kenneth Frampton et Alessandra Latour en 1980. On y voit naître l’école d’architecture telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les mécanismes du star-system s’y développent lentement, jusqu’aux années 1960 qui semblent annoncer un tournant. Aujourd’hui, l’image des écoles, l’in- fluence de ses professeurs et le noyau d’architectes qui se forme autour d’eux sont des dispositifs bien installés.

JAMES STIRLING, YALE SCHOOL OF ARCHITECTURE

Lauréat du prix Pritzker en 1981, l’architecte britannique était alors un des architectes les plus célèbres de sa génération. Il était devenu l’une des coqueluches du milieu intellectuel londonien dans les années 1950, où il fréquentait les figures importantes de l’époque, parmi lesquelles Reyner Banham, les Smithsons, et sur- tout Colin Rowe. Il fut enseignant à la AA School dés 1956, alors qu’il montait à peine sa propre agence, « Stirling & Gowan ». Dés ses premiers projets, il fut associé par Banham au « New Bruta- lism », représenté par Peter et Alison Smithson. Ce courant repré- sentait alors l’avant-garde, en rupture avec le Style International en vogue aux États-Unis. Paul Rudolph était à l’époque un des architectes américains les plus connus et dirigeait la Yale School of Architecture. Il réunissait alors dans les jurys des critiques choisis pour leurs qualités et leurs opinions différentes, et il invita Stir-

1. ibid. p.27 2. ibid. p.31

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ling à y participer à partir de 1959. Le jeune architecte se trouva confronté, lors des « crits »1 aux plus grandes figures de l’époque :

Peter Eisenman, Philip Johnson (PP 79)... Ce fut l’occasion pour Stirling de vivre aux États-Unis, et de s’y faire connaître. Il accom- pagna à Yale des étudiants de la AA School : Su et Richard Rogers (PP 07), Norman Foster (PP 99), et Eldred Evans, qui devint sa petite amie. James Stirling semble avoir toujours été plus proche des étudiants et des jeunes diplômés que des professeurs. Son caractère excentrique, son mode de vie choquant, et ses liaisons avec des étudiantes étaient sans doute à l’origine de la sympathie que lui portaient ses élèves, parmi lesquels on trouvait Charles Gwathmey, ou George Buchanan. C’est d’ailleurs parmi ses étu- diants que Stirling sélectionna les membres de son agence à New York. Il avait en effet décidé de profiter du poste de « Davenport professor of Architecture » qu’on lui offrit en 1966 pour s’établir en tant qu’architecte aux États-Unis. L’équipe de travail qu’il constitua était exclusivement constituée de jeunes diplômés de Yale ou de Princeton.

En 1977, lorsque Cesar Pelli devint doyen de Yale, James Stirling y était une star. Il était l’un des professeurs les plus respectés de l’école, pas grâce à sa méthode de travail, mais grâce à l’attache- ment particulier qu’il avait pour ses élèves. Pour les « crits », il invi- tait les personnes les plus puissantes du monde de l’architecture : Michael Graves, Philip Johnson, Peter Blake, Peter Eisenman, « a roomful of Who’sWhos »2. Il demeura professeur à Yale, au côté

du doyen Cesar Pelli jusqu’en 1983. James souhaitait construire aux États-Unis, mais ses connaissances parmi les architectes ne lui servaient à rien dans un pays où ces derniers sont absents des jurys de concours. Yale ne lui a donc pas apporté de travail. Pourtant, c’est à cette époque qu’il connut la célébrité internationale. En tant qu’enseignant, il avait d’une part pu côtoyer les grands archi- tectes de sa génération, mais il avait surtout su se faire apprécier de la génération suivante. Il fut ainsi considéré par tous comme une figure brillante et incontournable de la scène internationale.

1. « crits » : terme anglais pour désigner les jurys des projets d’étudiants

2. Mark Girouard, Big Jim: the life and work of James Stirling, Chatto Windus, Londres, 1998, p. 133

Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

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REM KOOLHAAS, ZAHA HADID, LA AA SCHOOL DANS LES ANNÉES 1980.

Les écoles américaines étaient jusqu’aux années 1970 les plus célèbres, les années 1980 semblent avoir été dominées par une école britannique : la AA. C’est Alvin Boyarsky, directeur de l’école londonienne de 1971 à 1990, qui fit de l’Architectural Association School une institution puissante internationalement1. C’est sous sa direction que sortirent de cette école des architectes

aujourd’hui célèbres : dont Rem Koolhaas, Zaha Hadid, Peter Wilson, Nigel Coates...

Rem Koolhaas, lauréat du prix Pritzker en 2000, fut diplômé de la AA School en 1972. Il avait eu pour professeur le désormais célèbre Elia Zenghelis, qui prodiguait alors l’un des enseigne- ments les plus radicaux. Après des études complémentaires aux États-Unis, à la Cornell Uni- versity, il fondait en 1975 à Londres son agence, O.M.A, avec son ancien professeur. La même année, il commençait à enseigner à l’école londonienne. Alvin Boyarsky, ne croyant pas alors à l’utilité d’un programme d’études, avait décidé de laisser aux professeurs la plus grande liberté pédagogique. Cette initiative attirait de grands noms de l’architecture de l’époque : Bernard Ts- chumi, Peter Cook, Dalibar Vasely, Joseph Rykwert ou Daniel Libeskind, et enfin Rem Koolhaas. Parmi eux, ce dernier bénéficiait d’une grande popularité. Venu de Hollande, Koolhaas adoptait en effet une position provocatrice par rapport aux architectes de son pays. Hertzberger, Van Eyck ou Weeber auraient pu être ses mentors, mais Koolhaas, depuis Londres, les critiquait et se moquait de leurs discours. Son attitude cynique, réaliste par rapport à la profession, puis son par- cours brillant firent du jeune architecte le modèle de toute une génération. Parmi les étudiantes les plus brillantes de Koolhaas, on trouvait Zaha Hadid (PP 04), jeune architecte irakienne. Elle reçut son diplôme en 1977, et commença immédiatement à travailler dans l’agence O.M.A. La même année, elle assista Koolhaas à la AA School, et en 1987 elle possédait son propre studio de projet. Zaha Hadid doit une partie de sa réputation à la AA School, car elle avait peu construit lorsqu’elle reçut le prix Pritzker. Dans les années 1990, Zaha Hadid et Rem Koolhaas devinrent tous deux professeurs à Harvard. L’école de Londres était alors tellement célèbre que les écoles américaines se disputaient ses représentants.

Un architecte pouvait ainsi être adopté, plébiscité par des étudiants pour des qualités qui n’avaient pas forcément à voir avec une production construite. Il pouvait s’agir de son personnage, de son attitude provocatrice, de sa position atypique dans le milieu architectural... Sa réputation pouvait ensuite prendre une ampleur internationale, au travers d’autres écoles d’architecture.

1. Paul Davies & Torsten Schmiedeknecht, An Architect’s Guide to Fame, Architectural Press, 2005, p.111

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ALVARO SIZA, EDUARDO SOUTO DE MOURA, L’ÉCOLE DE PORTO

Selon Frédéric Martel1, le développement de la culture américaine et sa diffusion, vont de

pair avec l’éclosion de cultures nationales ou locales. Ainsi, en architecture, en même temps que s’imposaient de grandes écoles américaines comme Harvard, la Cooper Union, Yale, et que leur modèle se répandait (à la AA School par exemple), des écoles régionales constituaient leurs propres noyaux d’influence.

Le portugais Alvaro Siza fut lauréat du prix Pritzker en 1992. Cette année-là se terminait la construction de la Faculdade de

Arquitectura da Universidade do Porto (FAUP), son projet le plus important, architecturalement et symboliquement. En effet, Siza fit ses études d’architecture à la Escola de Belas Artes do Porto dont il fut diplômé en 1955. Il y avait pour professeur un des ar- chitectes portugais les plus importants de l’époque moderne, Fer- nando Tavora. Une fois architecte, Siza travailla quelques années dans l’agence de celui que l’on considère comme son mentor, tout en développant sa pratique personnelle. À partir de 1966, Alvaro Siza rejoignit Tavora comme professeur d’architecture à la Escola

do Porto. Il eut pour élève Eduardo Souto de Moura (PP 11), qu’il forma à travers l’école et en agence. Celui-ci fut diplômé en 1980 et entama aussitôt une carrière prometteuse, au travers de projets en collaboration avec Siza, et de projets personnels exprimant son influence. Dés 1981, Souto de Moura devint professeur assistant à la Escola do Porto. Autour de cette école, c’est donc Tavora, Siza puis Souto de Moura qui se firent connaitre comme les plus grands architectes portugais de leurs générations respectives. Leur approche de l’architecture, d’une modernité propre à leur région, se développa en continu au travers de l’enseignement de l’un à l’autre. On parle aujourd’hui d’une « École de Porto » pour désigner leur pratique.

Cette naissance d’une école régionale autour d’un architecte et de ses élèves n’est pas un cas isolé. On peut le comparer avec l’Université de Tokyo et l’architecte Kenzo Tange (PP 87), l’école de Barcelone et Rafael Moneo (PP 96), l’école de São Paulo et Paulo Mendes da Rocha (PP 06), ou avec celle de Mendrisio et l’architecte Peter Zumthor (PP 09). François Chaslin relève ce phé- nomène : « Il y a eu longtemps des pays d’Europe comme l’Espagne, dans lesquels vous aviez des

écoles régionales, dans tous les sens du mot. Vous aviez un lieu universitaire, des élites, un milieu architectural, une esthétique, une philosophie, des clients. Tout ça créait un milieu. Barcelone par exemple, c’est très connu. Mais c’était le cas aussi à Porto. La ville est devenue très célèbre parce que vous avez, là, une école d’architecture conçue par le plus célèbre architecte du moment, dont

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Partie 2 : Comment gagner le prix Pritzker ?

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le gendre est aussi Pritzker, Souto de Moura, dont tous les profs ont été formés par eux. C’est une sorte de chapelle. Et en plus, tous les élus font appel à ces gens là pour développer les bâtiments publics. Vous êtes là dans le cas très particulier d’une école, dans tous les sens du mot, école stylis-