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EAN
-M
ARC
C
OUVEIGNES
À propos du théorème de Belyi
Journal de Théorie des Nombres de Bordeaux, tome
8, n
o1 (1996),
p. 93-99
<http://www.numdam.org/item?id=JTNB_1996__8_1_93_0>
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À
propos du théorème deBelyi
par JEAN-MARC COUVEIGNES
RÉSUMÉ. Le théorème de Belyi affirme que sur toute courbe algébrique C lisse projective et géométriquement connexe, définie sur
Q,
il existe unefonction f non ramifiée en dehors de {0, 1, ~}. Nous montrons que cette fonction peut être choisie sans automorphismes, c’est-à-dire telle que pour
tout automorphisme non trivial a de C, on ait f o a ~ f. Nous en déduisons
que si K ~ C est une extension finie de Q, toute K-classe d’isomorphisme de courbes algébriques lisses projectives géométriquement connexes peut être caractérisée par un dessin d’enfant de Grothendieck, c’est à dire par une
classe d’isomorphisme topologique de revêtements de la sphère privée de trois points. Nous en donnons quelques exemples.
ABSTRACT. A famous theorem of Belyi asserts that on any smooth
projec-tive geometrically connected algebraic curve C defined over Q there exists a
function f unramified outside
{0,1,~}.
We show that this function can be choosen without non trivial automorphism. As a conséquence, for K C C a finite extension of Q, any K-isomorphism class of smooth projectivegeomet-rically connected algebraic curves can be characterized by a dessin d’enfant
de Grothendieck, i.e. an isomorphism class of finite connected topological coverings of the sphere minus three points. We give a few examples of this situation.
1. Introduction et définitions
Dans tout cet article le mot courbe
désignera
une courbe lisseprojective
et
géométriquement
connexe. Onappelle
fonction
deBetyi
une fonctionalgébrique f
d’une courbe C définie surC,
à valeurs dans non ramifiée en dehors de{O, 1, oo}.
Lapaire
(C, f )
estappelée paire
deBelyi.
Deux
paires
deBelyi
pour i e{1,2}
sont ditesisomorphes
s’il existe unisomorphisme i :
Ci
2013~C2
tel quef 1
=f 2
o i. Une classed’isomorphisme
depaires
deBelyi
estappelée
un dessind’enfant
selon laterminologie
de Grothendieck dans[GR].
1991 Mathematics Subject Classification. 11R32-11Y40. Mots-clés : Corps globaux, revêtements.
Le groupe des
automorphismes
agit
paires
Belyi
parconjugaison
des coefficients. Cette action estcompatible
avec la relationd’équivalence
et définit une action deAut(C)
sur les dessins. Enfait,
onmontre que tout dessin a un nombre fini de
conjugués
et que tout dessin contient unepaire
deBelyi
définie sur lesous-corps Q
C C. Ainsi l’action deAut(C)
se limite à une action der,
le groupe de Galois absolu deQ.
Le stabilisateur
Fp
d’un dessin dans r estappelé
groupe des modules du dessin. Le sous corpsKT
de Q
c C fixé parrD
estappelé
corps des modules du dessin.Nous
appelons
grouped’automorphismes
Aut(D)
d’un dessin D le groupedes
automorphismes
d’unepaire
deBelyi
de ce dessin.Si une
paire
deBelyi
est définie sur un corps de nombres K C C ondit que K est un corps de
définition
du dessin D associé. Tout corps dedéfinition de D contient le corps des modules
rD.
Si
Aut(D)
esttrivial,
alors le corps des modules est un corps de définition.Plus
précisément,
il existe uneunique
Kv-classe
d’équivalence
depaires
deBelyi
associées à D. C’est la descente deWeil,
[WE].
Plusgénéralement,
on définit le dessin réduit
Do
d’un dessin V comme lequotient
de D parAut(D)
et on montre(~C1~)
que le corps des modules de D est un corps dedéfinition de son dessin réduit et
qu’il
existe uneKv-classe
d’équivalence
canonique
depaires
deBelyi
associée àDo
vu comme dessin réduit de D.On
peut
ainsi associer à tout dessin D uneKv-classe
d’isomorphisme
decourbes lisses
projectives,
que l’on noteC(D).
Enparticulier,
si D est sansautomorphismes,
c’estsimplement
la classe associée à un modèle défini surKx
du dessin D.Réciproquement,
étant donné une extension finie K deQ,
on se demandesi toute K-classe
d’isomorphisme
de courbes est obtenue ainsi(rappelons
que dans tout cet article on entend par courbe une courbe
algébrique
lisseprojective
etgéométriquement connexe).
On sait bien que toute courbedéfinie sur K admet une fonction de
Belyi,
c’est le théorème deBelyi,
mais il reste à voir si cette fonctionpeut
être choisie sansautomorphismes.
C’est ce
qu’on
se propose de démontrer ici. Nous remercions J. Oesterléd’avoir attiré notre attention sur ce
problème.
THÉORÈME. Pour toute courbe Esse
projective
définie sur une extensionfinies K
de Q
danscC,
il existe une fonction deBelyi
sansautomorphismes
2. Preuve du théorème
Dans toute cette section K est une extension finie
de Q
dans C. Nousprocéderons
en trois lemmes.LEMME 1
(BELYI~.
Soit C une courbe définie sur Ket 0
une fonction de Cdans
Pl
définie surK,
alors il existe unpolynôme
P(x)
à coefficients dansQ
tel que les valeurssingulières
de Po 0
soient dans{O, 1, oo}.
Preuve. On compose successivement à
gauche
par despolynômes
annula-teurs des valeurs
singulières
irrationnelles ainsi que dans la preuve deBelyi
([BE]).
On obtient alors une fonction00
dont toutes les valeurssingulières
sont rationnelles. Soient S et s la
plus
grande
et laplus
petite
des valeurssingulières
finies de00.
Si s = S oncompose
4>0
par lepolynôme z - z -
set c’est fini. Sinon on compose
00
par lepolynôme
On obtient alors une fonction dont toutes les valeurs
singulières
finiessont entre 0 et 1. S’il
n’y
a pas d’autre valeursingulière
que alors c’est fini. Sinon soit 0 a 1 l’une d’elles. Onpeut
écrireavec On compose alors par le
polynôme
On vérifie que = 1 et que les valeurs
singulières
deAm,n
sontdans
{O, 1, oo}.
Deplus,
et c’est le seulpoint
nouveau par rapport àBelyi,
on remarque que
Ainsi,
encomposant
parAm,n
on diminue le nombre de valeurssin-gulières
hors de{0,1,00}
et les valeurssingulières
finies de la fonction obtenue sonttoujours
dans[o,1~.
Conséquence.
La fonction deBelyi Q
Po 0
obtenue a les mêmespôles
que
0.
Plusprécisément,
pour toute fonctionf
sur C notons( f )o
lapartie
positive
du diviseur def
et sapartie
négative
si bien que( f )
=( f )a - ( f ) ~.
. Alors si p est ledegré
dupolynôme P,
on aSoit alors
C
la courbe obtenue àpartir
de C par extension des scalaires de Kà Q
et notonsAut(C)
son grouped’automorphismes.
Tout diviseurD de C
peut
se voir comme diviseur deC.
Onappelle
alors groupe desautomorphismes
de D l’ensemble desautomorphismes
de Cqui
stabilisentD. De même pour toute fonction
f
surC,
unautomorphisme
def
est unélément a de
Aut(C)
tel quef
=f
o a. On noteAut(D)
etAut ( f )
les ensembles ainsi définis. On aDans la situation
qui
nousintéresse,
supposons que le diviseur(~)oo
n’apas
d’automorphismes.
Alorsp. (0).
n’en a pas nonplus
et donc n’a pasd’automorphismes.
On en déduit le
LEMME 2. Soit C une courbe définie sur 1~.
Supposons qu’il
existe sur C un diviseurpositif
D sansautomorphismes
et défini sur alors il existeune fonction de
BeIyi
définie sur K et sansautomorphismes,
de C dansPreuve. Soit g le genre de C.
D’après
le théorème de Riemann-Roch onsait que pour tout diviseur E sur C de
degré deg(E)
supérieur
à29 -
2,
la dimensionl(E)
del’espace
linéaire associé,C(E)
estdeg(E)
+ 1- g. On endéduit que si
deg(E)
estsupérieur
à2g-1
il existe une fonctionf
dans£(E)
dont le diviseur des
pôles
est exactement lapartie positive
de E. Soitmaintenant un entier m tel que
deg(mD)
>2g - 1.
111 existe une fonctionf
telle que = mD n’a pasd’automorphismes.
On obtient alors unefonction de
Belyi
sansautomorphismes
enappliquant
la construction du lemme 1 à la fonctionf .
LEMME 3. Soit C une courbe définie sur K. Il existe sur C un diviseur
positif
défini sur K et sansautomorphisme
non trivial.Preuve. Nous montrons d’abord
qu’il
existe un diviseurpositif
défini surK dont le groupe
d’automorphismes
est fini. Ensuite nous décrivons unprocédé
pour faire diminuer ce grouped’automorphismes jusqu’à
le rendretrivial.
Soit g le genre de la courbe.
Si g
=0,
tout ensemble contenant au moinstrois
points
distincts a un grouped’automorphismes
fini. Eneffet,
toutautomorphisme
stabilisant npoints
induit unepermutation
de ces npoints.
Mais la connaissance de
l’image
de npoints
distincts avec n > 3 sufht à déterminer unehomographie.
111 y a donc auplus
n!automorphismes.
Si9 = 1 on choisit un
point
0 surC
cequi
fait deC
une courbeelliptique,
eton note que tout
automorphisme
deC
s’écritoù 0153
désigne
la loi d’addition sur la courbeelliptique,
C est unpoint
deC
et[E]
est unautomorphisme
de la courbeelliptique
(C, 0).
Unpoint
fixe vérifiealors
l’équation
( [~]
e et comme ledegré
del’endomorphisme
est borné par
quatre
on en déduitqu’un automorphisme
d’une courbede genre 1 a au
plus
quatre
points
fixes(cf
[SI,
page103]
pour toutceci).
Ainsi,
toutautomorphisme
fixant 5points
est trivial et donc un ensemblede n
points
distincts avec n > 5 a auplus
n!automorphismes. Si g
>1,
la courbe elle même n’a
qu’un
nombre finid’automorphismes. N’importe
quel
ensemble définisur Q
et non vide fera l’affaire. Nous obtenons danstous les cas un diviseur
positif
de grouped’automorphismes
Aut(D)
fini.Soit maintenant une courbe C définie sur K et un diviseur
positif
D défini sur K dont le grouped’automorphismes
Aut(D)
est fini et non trivial. Nousallons montrer
qu’il
existe un diviseurD2
plus grand
que D tel que le grouped’automorphismes
deD2
soit strictementplus petit
queAut(D).
Soit L le corps des fonctions de C et M =
QL
lecorps des fonctions de
C.
Le groupeAut(D)
CAut(C)
agit
sur M. Notons le sous-corps deh4 fixé par
Aut(D)
et soit1LD
= L. Alors M carAut(D)
estnon trivial. Comme
Aut(D)
n’agit
passur Q
on en déduit queL D 0
L.Soit alors
f
une fonction de L non fixée parAut(D).
Si a est unrationnel,
la fibre
f ~1 (a)
n’est pas stabilisée parAut(D)
sauf pour un nombre fini devaleurs de a. 111 existe donc une fibre non
singulière
non stabiliséepar
Aut(D)
etdisjointe
dusupport
de D. SoitDi
le diviseurpositif
associéet posons
D2
= D +(deg(D)
+1)Dl.
Alors,
toutautomorphisme
deD2
respecte
la distribution desmultiplicités
et donc induit unautomorphisme
de D
(tous
lespoints
dusupport
de D ontmultiplicité
auplus
deg(D))
etAut(D)
Aut(D)
pasDl.
3. Conclusion
Bien que la preuve donnée
plus
haut soit "constructive" il ne faut pastrop compter
calculer des revêtementsexplicites
de cette manière. Dans le casparticulier
des courbes de genre0,
une constructionplus
contournée nous apermis
d’exhiber un dessin pour touteconique
définie surQ.
Nous en montronssimplement
unexemple
sans preuve, laissant au lecteur lesoin de deviner une
généralisation
adéquate.
Pourplus
dedétails,
et despreuves, voir
[Cl], [C2].
Considérons dans
p3
laconique
d’équations
que nous
appelons
C1,2,3,5
·Alors,
il existe une fonction deBelyi 0 :
C1,2,3,5
-1
sansautomor-phismes correspondant
au dessin suivantNous
rappelons
que ce dessin est obtenu commepréimage
dusegment
[0,1]
par 0
tracée sur la surface de Riemann associée à~1~3,5.
· Lespoints
au dessus de 0 sont
représentés
par des ronds noirs. 111 y a 6points
au dessusde 1 ramifiés d’ordre 4. Les autres
points
au dessus de 1 sont non ramifiéset ils
correspondent
aux extrémités libres du dessin.Notons enfin que
C1,2,3,5
estisomorphe
à laconique
deLegendre
d’équation x2 + y2
+ 5.11.z2
= 0. Elle a donc despoints
rationnels sur tousLa fonction de
Belyi 0
est définie de lafaçon
suivante. On pose 6 =(10a-1
+9b-1
+8c-1
+6d-’)/ll
et pour toutpoint
P =(a, b, c, d)
surC1,2,3,5
ondéfinit 0
parBIBLIOGRAPHIE
[GR]
Alexandre Grothendieck, esquisse d’un programme, non publié (1974).[BE]
G.V. Belyi, On Galois extensions of the maximal cyclotomic field, Izvestiya Ak. Nauk. SSSR, ser. mat.43(2)
(1979), 269-276.[C1] Jean-Marc Couveignes, Calcul et rationalité de fonctions de Belyi en genre 0, Annales de l’Institut Fourier 44 (1994), 1-38.
[C2]
____, Quelques revêtements définis sur Q, à paraître dans ManuscriptaMath-ematica (1996).
[WE]
André Weil, The field of definition of a variety, Amer. J. Math. 78 (1956), 509-524.[SI]
Joseph Silverman, The arithmetic of elliptic curves, vol. 106, Springer LectureNotes in Math., 1986.
[SC] Leila Schneps, The Grothendieck theory of dessins d’enfant, vol. 200, Cambridge
University Press, London Mathematical Society Lecture Notes Series,1994.
Jean-Marc COUVEIGNES Universiteit Utrecht
et
A2X, Université Bordeaux I