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Pluralité de conventions collectives de travail : le champ d'application de la convention collective de travail à raison de l'activité exercée par l'entreprise

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Academic year: 2022

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Pluralité de conventions collectives de travail : le champ d'application de la convention collective de travail à raison de l'activité exercée par

l'entreprise

AHMED, Fuad

Abstract

En longeant une boulangerie-pâtisserie-tea-room comme il y en a tant, le juriste, amateur de droit du travail et non moins alléché qu'un autre par la devanture bien garnie, ne peut empêcher son esprit, à l'appétit aiguisé, de nourrir quelques réflexions passionnées. Dans cette boulangerie- pâtisserie-tea-room travaillent des personnes qui servent des mets ou boissons, et d'autres, parfois les mêmes, qui font du pain et vendent divers produits. Interpellé par cette scène pourtant si banale, le juriste pénètre dans ledit lieu, commande son repas et se demande quelle convention collective de travail (ci-après: CCT) trouverait potentiellement application dans une telle entreprise. Pourrait-on appliquer plusieurs CCT dans cette entreprise ? Sinon, comment choisir la CCT appropriée? Le présent travail s'attache à la résolution de conflits de CCT à raison du champ d'application matériel. L'observation de la jurisprudence montre que la problématique du champ d'application et des conflits de CCT se pose principalement, à notre connaissance, à propos des CCT de branche. Celles-ci seront donc, pour [...]

AHMED, Fuad. Pluralité de conventions collectives de travail : le champ d'application de la convention collective de travail à raison de l'activité exercée par l'entreprise. Master : Univ. Genève, 2012

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30033

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MEMOIRE

Professeur GABRIEL AUBERT

Mme ANNE MEIER, assistante

P LURALITE DE CONVENTIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL : LE CHAMP D ’ APPLICATION DE LA CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL A RAISON DE L ’ ACTIVITE EXERCEE PAR L ’ ENTREPRISE

FUAD AHMED

ahmedfu0@etu.unige.ch

Août 2012

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Table des matières

I. Introduction ... 3

II. Résolution des conflits à l’aide du critère de l’activité caractéristique ... 7

A. Clauses de résolution de conflit ... 7

B. Origines de la notion d’activité caractéristique... 9

C. Notion d’activité caractéristique : analogie avec la prestation caractéristique ... 11

D. Application du critère de l’activité caractéristique en matière de conflits de CCT ... 13

i. Application du critère de l’activité caractéristique ... 13

ii. Activité caractéristique et volonté des parties ... 14

iii. Activité caractéristique face au principe de spécialité ... 15

III. Conclusion ... 18

IV. Liste des arrêts cités ... 19

V. Bibliographie... 20

"J'atteste que dans ce texte toute

affirmation qui n'est pas le fruit de ma réflexion personnelle est attribuée à sa source et que tout passage recopié d'une autre source est en outre placé entre guillemets".

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I. Introduction

En longeant une boulangerie-pâtisserie-tea-room comme il y en a tant, le juriste, amateur de droit du travail et non moins alléché qu’un autre par la devanture bien garnie, ne peut empêcher son esprit, à l’appétit aiguisé, de nourrir quelques réflexions passionnées1. Dans cette boulangerie- pâtisserie-tea-room travaillent des personnes qui servent des mets ou boissons, et d’autres, parfois les mêmes, qui font du pain et vendent divers produits. Interpellé par cette scène pourtant si banale, le juriste pénètre dans ledit lieu, commande son repas et se demande quelle convention collective de travail (ci-après: CCT) trouverait potentiellement application dans une telle entreprise. Pourrait-on appliquer plusieurs CCT dans cette entreprise ? Sinon, comment choisir la CCT appropriée?

Selon le principe de l’unité du contrat de travail2, un rapport de travail n’est soumis qu’à une seule CCT3, même si le travailleur exerce plusieurs activités professionnelles pour un employeur unique4. Ce principe implique de choisir l’unique CCT applicable à un contrat de travail et a pour conséquence le rejet d’une superposition de CCT. La doctrine unanime rejette la superposition de CCT5. WYLER, approuvant la jurisprudence6, juge nuisible un cumul de CCT7. D’après cet auteur8, dont l’opinion est partagée par VISCHER/ ALBRECHT9 et M.E. AUBERT10, il n’est ainsi pas possible d’appliquer constamment la clause la plus favorable au travailleur, car ce serait

« bouleverser l’équilibre négocié d’une CCT »11. En outre, une telle superposition de CCT, par l’application du principe de faveur, que nous définissons brièvement comme l’application sélective des clauses à l’avantage du travailleur, rend la compréhension du régime légal floue et participe à

1 État de fait inspiré par Chambre des relations collectives de travail du canton de Genève (CRCT GE), décision du 22 janvier 2008, in JAR 2010 pp. 491 ss et Tribunal du canton de Fribourg, décision du 9 mai 1989, in RSJ 86/1990 pp. 359 ss.

2 TF, arrêt du 27 février 1996, in JAR 1997 pp. 269 ss, c. 2bb.

3AMMANN F., « Les conflits de conventions collectives », in Panorama II en droit du travail, Berne (Staempfli) 2012, pp. 701-713, p. 709 ; BRUCHEZ C., « L’art. 356 CO », in Droit collectif du travail, documents de l’Union syndicale suisse, Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2010, pp. 265-292, CO 356 N 83 ; BRUNNER C./ BÜHLER J.-M./ WAEBER J.-B./

BRUCHEZ C., Commentaire du contrat de travail, 3e éd., Lausanne (Réalités sociales) 2010, CO 356-358 N 7 ;STREIFF

U./ VON KAENEL A./ RUDOLF R, Arbeitsvertrag, Praxiskommentar zu Art. 319-362 OR, 7e éd., Zurich (Schulthess) 2012, OR 356 N 4 ; WYLER R., Droit du travail, 2e éd., Berne (Staempfli) 2008, pp. 700-701.

4TERCIER P./ FAVRE P. G., Les contrats spéciaux, 4e éd., Zurich (Schulthess) 2009, N 4115.

5 AMMANN, p. 712 ; BEYELER J.-M., « Les conflits de conventions collectives de travail », in Questions de droit, Lausanne (Centre Patronal de Lausanne) 2005, N 32, pp. 3-6, p. 5 ; BRUCHEZ CO 356 N 81 ; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ CO 356-358 N 7 ; PORTMANN W., inHONSELL H./ VOGT N. P./ WIEGMAND W.

(édit.), Basler Kommentar. Obligationenrecht I, Art. 1-529 OR, 5e éd., Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2011, OR 357 N 37 ; STÖCKLI J.-F., in HAUSHEER H. (édit.), Berner Kommentar, VI/ 2/ 2/ 3, Artikel 356-360 OR, Berne (Staempfli) 1999, OR 356 N 67 ; TERCIER/ FAVRE N 4067 ; VISCHER F./ ALBRECHT A. C., inGAUCH P./ SCHMID J.

(édit.), Zürcher Kommentar. Kommentar zur 1. und 2. Abteilung (Art. 1-529 OR), Teilband V 2c, Der Arbeitsvertrag, Art. 356-360f OR, 4e éd., Zurich (Schulthess) 2006,OR 356 N 134 ; WYLER, pp. 700-701.

6 TF, arrêt du 27 février 1996, in JAR 1997 pp. 269 ss, c. 2bb ; Tribunal cantonal du canton de Vaud, décision du 19 octobre 2001, in JDT 2003 III 3 et in JAR 2004 pp. 574 ss, c. 3aa.

7WYLER, pp. 700-701.

8 Ibidem.

9VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 134.

10AUBERT M. E., Les conflits de conventions collectives de travail, Thèse, Université de Lausanne, Lausanne (Jaunin) 1957, pp. 22-27.

11WYLER, p. 700-701.

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l’insécurité juridique12. En ce sens, M. E. AUBERT relève aussi le risque, en cas de cumul, que les CCT puissent se contredire entre elles13.

Dès lors que le principe de l’unité du contrat de travail exclut un cumul de CCT comme solution aux conflits de CCT14, il conviendra de choisir la CCT qui l’emporte lorsque plusieurs conventions prétendent régir un rapport de travail. Il s’agit là du problème, encore brûlant d’actualité, de conflits de CCT15.

Circonscrire précisément la notion de conflit de conventions collectives de travail permet de distinguer entre les cas avérés et apparents de conflits de CCT. La doctrine quasi-unanime ne reconnaît, à raison, un conflit de CCT que si un rapport de travail entre simultanément dans le champ matériel, personnel, géographique et temporel de plusieurs CCT16. Si ce socle commun réunit la doctrine, chacun des différents auteurs apporte des précisions à la notion de conflit de CCT.

Certains auteurs semblent restreindre la notion de conflit de CCT17. Ainsi, VISCHER/ ALBRECHT18

estiment qu’il n’y a un conflit que lorsque chacune des CCT prétend régler entièrement ce qui relève du droit collectif de travail dans le même rapport de travail19. En outre, M.E. AUBERT joint une condition supplémentaire à l’existence d’un conflit de CCT20. En effet, selon cet auteur, apparaît « un conflit de conventions collectives chaque fois que deux conventions collectives opposées régissent le même contrat individuel de travail »21. Par conséquent, par l’ajout de cette condition, cet auteur admet, à première vue, la possibilité de cumul de CCT22. Mais à vrai dire, il ne s’agit pas d’un cumul de CCT à proprement parler, mais correspond plus, à notre avis, à une pluralité ou complexe de contrats comme le souligne une partie de la doctrine23.

D’autres auteurs relativisent le problème des conflits de CCT24. En ce sens, STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH précisent que bien souvent, le conflit de CCT n’existe qu’en apparence25. En effet, selon ces auteurs, la confrontation du rapport de travail concerné et des CCT à raison du champ

12 STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4 ; WYLER, pp. 700-701.

13 AUBERT M. E., p. 22.

14 BEYELER, p. 5.

15 NIKOLIC D., « Critique syndicale à l’épreuve du statut juridique de Gelato Mania », 16 août, in Le Temps, 2012, p. 11, Genève.

16 AMMANN, pp. 706-707 ; AUBERT M. E., pp. 19-20 ; BEYELER, pp. 3-4 ; BRUCHEZ CO 356 N 82 ; PORTMANN

OR 357 N 37 ; STÖCKLI OR 356 N 49 et N 67 ; STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4 ; VISCHER / ALBRECHT

OR 356 N 130 ; contra BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, CO 356-358 N 7 : cette minorité estime qu’il n’y a conflit de CCT que si une «relation de travail entre simultanément dans le champ d’application de deux conventions collectives de travail non étendues». Cette vision est à notre sens réductrice, car elle omet le conflit possible de deux CCT étendues.

17 VISCHER / ALBRECHT OR 356 N 130 ; AUBERT M. E., p. 20.

18 VISCHER / ALBRECHT OR 356 N 130.

19 Idem.

20 AUBERT M. E., p. 20.

21 Idem.

22 AUBERT M. E., p. 20 et pp. 22-35.

23 STÖCKLI OR 356 N 67 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 131.

24 PORTMANN OR 357 N 37 ; STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.1.

25 STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.1.

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personnel, spatial, temporel et matériel de celles-ci, permet d’exclure de nombreux cas de faux conflits26.PORTMANN estime d’ailleurs que les cas de véritables conflits sont rares dans la pratique27. Enfin, AMMANN ajoute fort logiquement, qu’il n’y a pas de conflit de CCT lorsqu’un travailleur se retrouve soumis à plusieurs CCT du fait de l’exercice de plusieurs activités, chacune relevant d’un contrat de travail distinct, pour le compte de plusieurs employeurs28.

Selon l’art. 4 al. 2 de la Loi fédérale permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective de travail (ci-après: LECCT)29, unique règle de conflit légale30, « [l]es clauses de la convention étendue l’emportent sur celles des conventions non étendues, à la réserve des dérogations stipulées en faveur des travailleurs ». Le Tribunal fédéral a rendu un arrêt montrant la précaution qu’il faut apporter aux conflits entre une CCT non-étendue et une CCT étendue31.

Bien que la question de savoir si l’art. 4 al. 2 LECCT tolère la coexistence ou la superposition de deux CCT n’ait pas encore été tranchée par le Tribunal fédéral32, la doctrine majoritaire, que nous approuvons, accepte une telle coexistence33. STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH admettent eux aussi la coexistence de deux CCT34. Toutefois, ces auteurs précisent que l’art. 4 al. 2 LECCT instaure un principe de faveur qui peut anéantir l’équilibre négocié du texte de la CCT et provoquer une insécurité juridique35. Afin de remédier à ces inconvénients, ces auteurs préconisent une comparaison par groupe des clauses des CCT en cause comme dans le cas de l’art. 357 al. 2 CO36. À l’inverse, M. E. AUBERT, isolé sur ce point, estime que la CCT étendue l’emporte « en bloc » sur la CCT non-étendue37.

Le principe de l’unité de tarif postule que la CCT s’applique à toute l’entreprise, y inclus travailleurs étrangers au métier, à moins que ces derniers soient expressément écartés du champ d’application de la convention38. Dès lors, s’applique la CCT « de la branche dans laquelle l’entreprise est principalement active »39, sans égard à l’activité réelle du travailleur40. Ce principe implique qu’en présence d’un conflit entre une CCT de métier et une CCT de branche, cette

26 Idem.

27 PORTMANN OR 357 N 37.

28 AMMANN, p. 707.

29 Loi fédérale permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective de travail du 28 septembre 1956 (LECCT), RS 221.215.311, RO 1956 1645.

30 BRUCHEZ CO 356 N 83.

31 TF, arrêt du 27 février 1996, in JAR 1997 pp. 269 ss.

32 AMMANN, p. 708.

33 BEYELER, pp. 3-4 ; BRUCHEZ CO 356 N 83 ;FAVRE C./ MUNOZ C./ TOBLER R. A., Le contrat de travail code annoté, 2e éd., Lausanne (Bis et Ter) 2010, CO 356 N 1.8 ;PORTMANN OR 357 N 38 ; STÖCKLI OR 356 N 70 ; TERCIER/ FAVRE

N 4115 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 143.

34 STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.3.

35 Idem.

36 Idem.

37 AUBERT M. E., p. 68.

38 FAVRE/ MUNOZ/ TOBLER CO 356 N 1.9.

39 BRUCHEZ, CO 356 N 79 ; BRUNNER/ BÜHLER/ WAEBER/ BRUCHEZ CO 356-358 N 6.

40 STÖCKLI OR 356 N 54 ; STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.4 ; VISCHER / ALBRECHT OR 356 N 136 ; WYLER, p. 701.

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dernière l’emporte41, afin que tous les travailleurs d’une entreprise de la branche en question soient soumis à la même CCT42.

La doctrine43 et la jurisprudence44 admettent que le principe de l’unité de tarif ne peut s’appliquer sans exception. Comme l’indique la doctrine, « une même entreprise peut comporter plusieurs exploitations qui appartiennent à des branches différentes ou la même exploitation peut se composer de plusieurs parties, qui appartiennent à des branches différentes »45. Il serait dans ce cas délicat de suivre strictement le principe de l’unité de tarif. En effet, dans une telle entreprise mixte, il est difficile de justifier l’application d’une CCT unique à des branches différentes.

Nous sommes en présence d’une entreprise mixte si les conditions suivantes sont remplies.

Premièrement, l’entreprise agit dans plusieurs secteurs d’activité distincts, reconnaissables tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise46. Deuxièmement, les différentes parties de l’entreprise présentent « une autonomie suffisante, également reconnaissable de l’extérieur »47 et elles forment, troisièmement, « une unité organisationnelle propre » à laquelle on peut clairement rattacher le travailleur48. Dès lors, si ces conditions sont cumulativement remplies, une CCT différente peut régir chaque partie de l’entreprise49 en fonction de la nature de son activité caractéristique50. On pourrait imaginer le cas d’une grande entreprise de construction qui exerce des activités relevant de plusieurs branches, par exemple, la plâtrerie-peinture et la maçonnerie.

Ces éléments fondamentaux aux conflits de CCT étant indiqués, nous nous intéresserons, dans le présent travail, à la résolution des conflits de CCT à raison du champ d’application matériel.

L’observation de la jurisprudence montre que la problématique du champ d’application et des conflits de CCT se pose principalement, à notre connaissance, à propos des CCT de branche.

Celles-ci seront donc, pour l’essentiel, à la fois l’objet et les limites de ce travail. Nous suggérons l’utilisation du critère de l’activité caractéristique de l’entreprise comme critère de rattachement du contrat de travail à la CCT. En conséquence, nous mettrons en exergue la résolution des conflits de CCT à raison du champ d’application matériel par l’activité caractéristique de l’entreprise (II).

41 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000 ; BEYELER, pp. 5-6 ; BRUCHEZ CO 356 N 85 ; BRUNNER/ BÜHLER/ WAEBER/ BRUCHEZ CO 356-358 N 7 ;PORTMANN OR 357 N 38 ; STÖCKLI OR 356 N 54 et N 67 ; STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.4 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 139 ; WYLER, p. 701.

42 Tribunal cantonal du Canton de Vaud, décision du 19 octobre 2001, in JDT 2003 III 3 et in JAR 2004 pp. 574 ss, c. 3aa.

43AMMANN, p. 710 ; BEYELER, p. 6 ; BRUCHEZ CO 356 N 79 ; FAVRE/ MUNOZ/ TOBLER CO 356 N 1.9 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 136.

44 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009 ; TF, arrêt 4C.191/2006 du 17 août 2006, c. 2.3 ; TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000 ; Tribunal du canton de Vaud, décision du 19 octobre 2001, in JDT 2003 III 3 et in JAR 2004 pp. 574 ss ; Tribunal du canton de Lucerne, décision du 20 novembre 1996, in JAR 1997 pp. 277 ss.

45FAVRE/ MUNOZ/ TOBLER CO 356 N 1.9.

46 BRUCHEZ CO 356 N 79.

47 FAVRE/ MUNOZ/ TOBLER CO 356 N 1.9.

48 TF, arrêt du 15 mai 1996, in JAR 1997, pp. 265 ss ; TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3d ;AMMANN, p. 710 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 136.

49 FAVRE/ MUNOZ/ TOBLER CO 356 N 1.9 ; VISCHER / ALBRECHT OR 356 N 136.

50 FAVRE/ MUNOZ/ TOBLER CO 356 N 1.9.

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II. Résolution des conflits à l’aide du critère de l’activité caractéristique

Dans ce chapitre, nous nous intéresserons d’abord aux clauses de résolution de conflit (A). Ensuite, nous aborderons successivement les origines (B), la notion (C) et les cas d’application du critère de l’activité caractéristique (D).

A. Clauses de résolution de conflit

L’interprétation des éventuelles règles de conflits contenues dans les CCT en cause comme première étape à la résolution des conflits de CCT est recommandée par plusieurs auteurs51. Deux courants, d’importance relativement égale, se dégagent. Selon le premier courant une CCT ne peut contenir que des clauses de subsidiarité52, alors que le second courant admet, en certaines circonstances, les clauses de priorité53.

Au sein du premier courant, VISCHER/ ALBRECHT se fondent sur la volonté des parties54, et conseillent, comme BRUCHEZ, l’analyse des éventuelles règles de conflits prévues dans les CCT55. Ces auteurs préconisent une telle analyse lorsque deux CCT non-étendues ou deux CCT étendues sont en conflit56. Ils précisent qu’une CCT peut prévoir une règle de subsidiarité57, donnant ainsi la préséance à une autre CCT. Toutefois, une CCT ne peut valablement contenir de règle de priorité58, car ce serait une restriction inadmissible au champ d’application d’autres CCT et reviendrait à violer « l'autonomie tarifaire d’autres organisations patronales et syndicales »59. PORTMANN partage l’opinion de VISCHER/ ALBRECHT et de BRUCHEZ mais ne précise pas si une telle analyse des clauses de conflits prévues dans les CCT vise les conflits entre CCT étendues, non-étendues ou les deux60.

La jurisprudence a eu l’occasion de confirmer la posture prônée par le premier courant61. En effet, dans un arrêt fribourgeois, le Tribunal cantonal s’est posé la question du rattachement de l'activité d’une confiserie-tea-room à la Convention collective nationale — étendue62 — de travail pour les hôtels, restaurants et cafés (ci-après: la CCNT), ou à son exclusion de celle-ci en raison de la proximité de l'activité de l’entreprise avec la vente au détail63. En effet, la CCNT exclut de son champ d’application « les établissements de restauration dont les locaux sont en relation avec des

51 TERCIER/ FAVRE N 4067.

52 BRUCHEZ CO 356 N 84 ; PORTMANN OR 357 N 38 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 138 et N 144.

53 STÖCKLI OR 356 N 68 ; STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.2.

54 VISCHER / ALBRECHT OR 356 N 138.

55 BRUCHEZ CO 356 N 84.

56 BRUCHEZ CO 356 N 84 ; VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 138 et N 144.

57 BRUCHEZ CO 356 N 84 ;VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 138.

58 Idem.

59 BRUCHEZ CO 356 N 84.

60 PORTMANN OR 357 N 38.

61 La jurisprudence n’a toutefois pas été confrontée à un cas de figure relevant du deuxième courant.

62 Tribunal cantonal de Fribourg, décision du 9 mai 1989, in RSJ 86/1990 pp. 359 ss, c. 2a.

63 Idem.

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entreprises de vente au détail qui ont, en règle générale, le même horaire et les mêmes conditions de travail que ces dernières »64. Dès lors, la Cour cantonale procède à une analyse détaillée de l’entreprise dissidente, notamment en comparant les activités du tea-room et de la confiserie sur plusieurs points65. La Cour conclut que l’entreprise en question est certes un établissement de restauration, mais que celui-ci est « en relation avec une entreprise de vente au détail »66, si bien que la CCNT ne trouve pas application.

Par ailleurs, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a été confronté au cas d’un travailleur engagé par un employeur actif principalement dans le transport routier et accessoirement dans l’exploitation de gravières67. La CCT de l’industrie vaudoise des transports routiers s’applique entre l’employeur et le travailleur, mais ce dernier réclame un supplément de salaire en se fondant sur la CCT nationale pour le secteur principal de la construction68.

Le Tribunal rejette l’application cumulative des deux CCT, afin d’éviter de modifier l’équilibre négocié par les parties69 et indique qu’en cas de conflit entre deux conventions de branche comme en l’espèce, le principe de l’unité de tarif n’apporte pas nécessairement de solution70. La Cour rejette l’application de la CCT nationale pour le secteur principal de la construction au profit de la CCT du transport pour deux raisons71. D’abord, le Tribunal relève que l’entreprise en cause ne remplit pas les conditions pour être qualifiée de mixte72. Par conséquent, elle ne peut appliquer qu’une seule CCT à ses différentes activités. En second lieu, l’instance cantonale doute de l’existence d’un conflit, au vu d’une clause de subsidiarité contenue dans la CCT nationale pour le secteur principal de la construction73.

Au sein du deuxième courant, STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH, dont nous rejoignons entièrement la logique de l’opinion, admettent qu’une CCT peut valablement prévoir non seulement une règle de subsidiarité74, mais également une règle de priorité, pour autant que l’autre CCT concernée par le conflit prévoit une règle de subsidiarité. STÖCKLI admet les règles de subsidiarité75, et même les règles de priorité76, dans la mesure où l’autre CCT impliquée dans le conflit ne prévoit pas de règle contraire77. Cet auteur admet que son analyse des clauses de résolution de conflit n’est pas relevante en cas d’application de l’art. 4 al. 2 LECCT, prévoyant le principe de faveur78.

64 Tribunal cantonal de Fribourg, décision du 9 mai 1989, in RSJ 86/1990 pp. 359 ss, c. 2a.

65 Tribunal cantonal de Fribourg, décision du 9 mai 1989, in RSJ 86/1990 pp. 359 ss, c. 2b.

66 Idem.

67 Tribunal cantonal du canton de Vaud, décision du 19 octobre 2001, in JDT 2003 III 3 et in JAR 2004 pp. 574 ss.

68 Idem.

69 Tribunal cantonal du canton de Vaud, décision du 19 octobre 2001, in JDT 2003 III 3 et in JAR 2004 pp. 574 ss, c.

3aa.

70 Idem.

71 Tribunal cantonal du canton de Vaud, décision du 19 octobre 2001, in JDT 2003 III 3 et in JAR 2004 pp. 574 ss, c.

3bb.

72 Idem.

73 Idem.

74 STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.2.

75 STÖCKLI OR 356 N 68.

76 Ibid.

77 Ibid.

78 Ibid.

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B. Origines de la notion d’activité caractéristique

Il arrive qu’une entreprise dissidente, estimant que le champ d’application matériel de la CCT étendue n’est pas rempli, remette en cause sa soumission à la convention. Dès lors, le tribunal sera amené à examiner le champ matériel de ladite CCT. S’il existe un rapport de concurrence direct, soit une offre de produits et de services de même type79, entre les entreprises parties à la CCT et l’entreprise dissidente, cette dernière est réputée être de la même branche économique80 et sera soumise à la CCT. Dans ce cadre, la jurisprudence s’appuie sur la notion d’activité caractéristique afin d’examiner un rapport de concurrence direct entre l’entreprise dissidente et les entreprises parties à la CCT81.

Même si elle ne l’a pas toujours qualifié de caractéristique, la jurisprudence relève néanmoins l’importance de l’activité de l’entreprise. Ainsi, le Tribunal fédéral rejette le critère quelque peu abstrait de l’organisation historique de la branche et met en exergue la primauté de l’activité de l’entreprise. En effet, dans un arrêt ayant pour enjeu le rattachement d’une activité nouvelle82 à une branche ancienne83, le Tribunal fédéral a eu l’occasion d’éclaircir la situation d’une entreprise dissidente active dans le montage de stores84. À l’occasion de cette analyse, le Tribunal fédéral introduit et relativise le critère de l’organisation historique de la branche85. La Haute Cour indique qu’une partie de la branche peut ne pas être organisée selon la tradition de la partie majoritaire de la branche, tout en étant active sur le même marché que celle-ci et se trouver avec elle dans un rapport de concurrence direct86.

Lors d’un recours contre une sentence arbitrale87, le Tribunal fédéral a précisé que le critère de l’existence d’un rapport de concurrence direct s’analyse en fonction de la qualification de l’activité de l’entreprise88. Le but social inscrit au registre du commerce est impropre à qualifier l’activité concrète du dissident et à appliquer à ce dernier une CCT étendue89. L'assujettissement se fait plutôt en fonction de l’activité concrète, selon le domaine d'activité de l’entreprise90. Dans le cadre d’un autre recours contre une sentence arbitrale, le Tribunal fédéral a analysé l'assujettissement d’un dissident à une CCT, en fonction de l’activité de ce dernier91.

Puis, la jurisprudence commence à utiliser le terme « caractéristique », sans jamais en dessiner les contours. Amené à définir le champ d’application de la Convention nationale étendue pour le

79 TF, arrêt 4C.391/2001 du 30 avril 2002, c. 3.4.

80 Idem.

81 TF, arrêt du 15 mai 1996, in JAR 1997 pp. 265 ss, c. 2.

82 TF, arrêt 4C.45/2002 du 11 juillet 2002, c. 2.1.2.

83 Idem.

84 TF, arrêt 4C.45/2002 du 11 juillet 2002, c. 2.2.1.

85 TF, arrêt 4C.45/2002 du 11 juillet 2002, c. 2.2.2.

86 Idem.

87 TF, arrêt 4P.49/2006 du 24 avril 2006.

88 TF, arrêt 4P.49/2006 du 24 avril 2006, c. 3.6.

89 TF, arrêt 4P.49/2006 du 24 avril 2006, c. 3.3.

90 TF, arrêt 4P.49/2006 du 24 avril 2006, c. 3.4.

91 TF, arrêt 4A_280/2007 du 15 octobre 2007.

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secteur principal de la construction en Suisse (ci-après: CNT)92, le Tribunal fédéral indique qu’il doit exister un rapport de concurrence direct entre l’entreprise à laquelle on souhaite étendre le champ d’application de la CCT et les entreprises parties à la CCT93. Pour déterminer s’il existe un rapport de concurrence direct entre les entreprises, la jurisprudence s’en tient à un « critère concret »94, soit « celui de l’activité effectivement déployée par l’employeur en cause ». Il s’agit de

« l’activité généralement exercée par l’employeur en question »95, soit celle qui caractérise l’entreprise, sans prendre en compte une prestation exceptionnelle dépassant le cadre de l’activité naturelle de l’entreprise96. La Cour d’appel du canton de Berne, abondant dans le sens de la jurisprudence fédérale97, indique que le champ d’application matériel d’une CCT étendue s’établit en fonction de l’activité caractéristique de l’entreprise98 et de l’existence d’un rapport de concurrence direct entre cette dernière et les entreprises parties à la CCT99.

Le Tribunal fédéral a dû décider si un employeur était assujetti à la CCT cadre, étendue100, pour l’industrie de la plâtrerie et de la peinture101. La Haute Cour indique que « [p]our savoir si une entreprise appartient à la branche économique ou à la profession visée et entre, de ce fait, dans le champ d'application de la CCT étendue, il faut examiner de manière concrète l'activité généralement déployée par l'entreprise en cause »102. Il s’agit de déterminer l’activité qui caractérise103 l’entreprise, sans s’attacher à une activité pratiquée de façon exceptionnelle104. De plus, ajoute le Tribunal fédéral, si une entreprise exerce plusieurs activités, celle qui lui est caractéristique déterminera le rattachement à une CCT particulière105.

Lors d’un arrêt récent opposant une entreprise dissidente à deux syndicats désireux de voir cette dernière appliquer la CCT étendue de la construction, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de confirmer que la question de l’appartenance à une branche économique se résout selon l’activité qui donne à l’entreprise sa caractéristique106. Dans cet arrêt107, le Tribunal fédéral montre son attachement ferme à l’activité caractéristique de l’entreprise comme critère de rattachement à une CCT. En outre, le Tribunal indique qu’est une question de fait celle qui s’attache aux types d’activités et aux proportions avec lesquelles celles-ci sont exercées par entreprise, tandis qu’est une question de droit celle qui recherche l’activité qui donne sa caractéristique à l’entreprise108. Le

92 TF, arrêt du 15 mai 1996, in JAR 1997 pp. 265 ss, c. 2. Au sujet du rapport de concurrence direct : STREIFF/ VON

KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 13.

93 TF, arrêt du 15 mai 1996, in JAR 1997 pp. 265 ss, c. 2a.

94 TF, arrêt du 15 mai 1996, in JAR 1997 pp. 265 ss, c. 2b.

95 Idem.

96 Idem.

97 TF, arrêt du 15 mai 1996, in JAR 1997 pp. 265 ss.

98 Cour d’appel du canton de Berne, décision du 17 mai 2001, in JAR 2002 pp. 366 ss, c. 4.

99 Idem.

100 Idem.

101 TF, arrêt 4C.191/2006 du 17 août 2006, c. 2.

102 TF, arrêt 4C.191/2006 du 17 août 2006, c. 2.2.

103 Idem.

104 Idem.

105 Idem.

106 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 3.1 : « [d]ie Frage, welchem Wirtschaftszweig ein Unternehmen zuzurechnen ist, beantwortet sich nach der Tätigkeit, die ihm das Gepräge gibt ».

107 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009.

108 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 3.1.

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cas d’espèce concerne une entreprise mixte109 offrant des prestations de transport dans les domaines de la livraison de gravier, de la démolition, de l’extraction et du terrassement110. La question est de savoir si cette entreprise mixte — qui emploie nécessairement des chauffeurs111 — est soumise à la CCT étendue de la construction. Le Tribunal fédéral rejette à nouveau le critère de l'inscription au registre du commerce pour définir ce qu’est l’activité caractéristique d’une entreprise112. En outre, le principe de l’unité de tarif rend applicable la CCT à toute la branche, sans égard à l’existence de divers métiers au sein de la même branche113. Toutefois, il se peut qu’une entreprise, alors dite mixte, exerce plusieurs activités relevant de plusieurs branches économiques différentes114. Si cette division interne des activités est aussi perceptible de l’extérieur de l’entreprise, dénotant une certaine indépendance des activités, il se peut que chaque branche de l'entreprise soit soumise à une CCT particulière115. Appliquant ces divers éléments au cas d’espèce, la Haute Cour décide que les entreprises de décharge ou de recyclage offrant des prestations de transport dans les domaines de la livraison de gravier, de la démolition, de l’extraction et du terrassement sont intégrées au marché de la construction116. Dès lors, ces prestations sont soumises à la CCT étendue des constructions, bénéficiant par conséquent aux chauffeurs117.

C. Notion d’activité caractéristique : analogie avec la prestation caractéristique

Nous venons de constater que si la notion d’activité caractéristique est utilisée par la jurisprudence, celle-ci, pas plus que la doctrine, n’en donne le contour théorique. Ce qui pose en réalité problème est le terme « caractéristique ». Comment définir ce qui est caractéristique ? À cet égard, essentiellement à propos de l’art. 117 de la Loi sur le droit international privé (ci-après : LDIP)118, la doctrine utilise quelques éléments qui peuvent, selon nous, paraître utiles à notre problématique.

Afin de cerner ce qui est caractéristique, la doctrine met en avant les fonctions sociologiques et économiques de la relation juridique en cause119. KAUFMANN-KOHLER indique en outre que la

109 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 3.

110 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 3.2.

111 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 4.4.1.

112 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 3.1.

113 Idem.

114 Idem.

115 Idem.

116 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 5.2 et c. 6.2.

117 TF, arrêt 4A_377/2009 du 25 novembre 2009, c. 6.2.

118 Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP), RS 291, RO 1988 1776.

119AMSTUTZ M./ VOGT N.P./ WANG M., in HONSELL H./ VOGT N. P./ SCHNYDER A. K./ BERTI S. V. (édit.), Basler Kommentar. Internationles Privatrecht, 2e éd., Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2007, IPRG 117 N 2 ; BONOMI A., in BUCHER A. (édit.), Commentaire romand, Loi sur le droit international privé/ Convention de Lugano, Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2011, LDIP 117 N 15 ; DUTOIT B., Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2005-2011, LDIP 117 N 2 ; KAUFMANN-KOHLER G., « La prestation caractéristique en droit international privé et l’influence sur la Suisse », in Annuaire suisse de droit international, volume anniversaire 1989 XLV, Zurich (Schulthess) 1989, pp. 195-220, p. 198 ; KELLER M./ KREN KOSTKIEWICZ J., in GIRSBERGER D./ HEINI A./ KELLER M./

KREN KOSTKIEWICZ J./ SIEHR K./ VISCHER F./ VOLKEN P./ (édit.), Zürcher Kommentar zum IPRG, Kommentar zum Bundesgesetz über das Internationale Privatrecht (IPRG) vom 18. Dezember 1987, 2e éd., Zurich (Schulthess) 2004, IPRG 117 N 26 ; VISCHER F., Internationales Vertragsrecht, die Kollisionsrechtlichen Regeln der Anknüpfung bei

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recherche de ce qui est caractéristique au contrat doit se faire non pas de façon individuelle, mais de façon collective, soit par groupes de contrats120. DUTOIT constate l’absence d’une définition de la prestation caractéristique dans la LDIP121 et indique qu’on peut considérer la prestation caractéristique « comme celle qui, d’un point de vue économique, fonctionnel et sociologique, donne à un type de contrat les contours le distinguant d’autres sortes de conventions »122. La prestation caractéristique pourrait être comparée au « code génétique d’un contrat, que l’on retrouve toujours dans les accords de même type »123. La doctrine relève que la fonction sociologique et économique du contrat doit s’apprécier en tenant compte de l’ensemble du système juridique particulier à un pays124.

Nous cherchons à définir ce qui est caractéristique à l’activité d’une entreprise. Nous avons, à notre disposition, des éléments pour cerner ce qui est caractéristique, du moins en matière de droit international privé. Il peut sembler délicat d’appliquer le raisonnement inhérent à l’art. 117 LDIP à notre problème de définition de l’activité caractéristique de l’entreprise. En effet, l’art. 117 LDIP implique de rechercher quel est le droit applicable en se fondant sur la prestation qui caractérise le contrat. Toutefois, quelques éléments nous autorisent à adopter ce raisonnement. Dans les deux cas, il s’agit, somme toute, de déterminer le droit applicable, à des échelles certes différentes. Si l’art.

117 LDIP cherche à déterminer quelle est la législation nationale applicable, nous cherchons à cerner quelle est la CCT applicable. En outre, nous ne nous attachons qu’au terme

« caractéristique » et celui-ci est commun tant à la prestation de l’art. 117 LDIP qu’à l’activité de l’entreprise. Dans les deux cas, il s’agit du même mot, soit « caractéristique ». Il serait dès lors étonnant de le définir de façon différente.

Par analogie à ce qui vient d’être exposé, nous suggérons donc, à l’occasion des conflits de CCT, de rechercher les fonctions sociologiques et économiques de l’entreprise, au sein de son champ d’action, afin de cerner son activité caractéristique. L’aspect sociologique se concentrera sur l’« [é]tude scientifique des faits sociaux humains, considérés comme appartenant à un ordre particulier, et étudiés dans leur ensemble ou à un haut degré de généralité »125. L’aspect économique visera les « [...] phénomènes concernant la production, la distribution et la consommation des ressources, des biens matériels dans la société humaine »126. Il s’agirait de rechercher quelle est la fonction économique et sociologique de l’entreprise en cause tout en gardant à l’idée que celle-ci fait partie d’un système juridique et économique. Au « code génétique » avancé par DUTOIT127, on ajoutera l’idée de rechercher ce qui fait le coeur de l’entreprise, le rôle de celle-ci dans l’économie et la société. En somme, il convient d’utiliser les critères sociologiques et économiques pour guider le raisonnement et avoir une vision d’ensemble du rôle que joue l’entreprise dans son rayon d’action. Il ne s’agit pas de critères qui viennent bouleverser l’ordre des choses, mais plutôt une

Internationalen Verträgen, Berne (Staempfli) 1962 ; VISCHER F./ HUBER L./ OSER D., Internationales Vertragsrecht, 2e éd. révisée, Berne (Staempfli) 2000, pp. 115-116.

120 KAUFMANN-KOHLER, p. 198.

121 DUTOIT LDIP 117 N 6.

122 Cet élément de différenciation se retrouve aussi chez AMSTUTZ/ VOGT/ WANG IPRG 117 N 17 et BONOMI LDIP N 7.

123 DUTOIT LDIP 117 N 6.

124 AMSTUTZ/ VOGT/ WANG IPRG 117 N 17 ; VISCHER/ HUBER/ OSER, pp. 115-116.

125 Le Petit Robert de la langue française 2013.

126 Le Petit Robert de la langue française 2013.

127 DUTOIT LDIP 117 N 6.

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proposition de cadre à l’activité caractéristique, afin d’améliorer la prévisibilité juridique. Nous souhaitons poser des mots sur une évolution que l’on perçoit dans la jurisprudence.

D. Application du critère de l’activité caractéristique en matière de conflits de CCT

Le critère de l’activité caractéristique n’a que trop rarement été mis à profit lors de la résolution des conflits de CCT. Dans cette section, nous verrons successivement un cas d’application du critère de l’activité caractéristique (i), l’insuffisance de la volonté des parties (ii) et la faiblesse du principe de spécialité (iii).

i. Application du critère de l’activité caractéristique

Si G. AUBERT relève que « l’activité de l’entreprise est déterminante »128 à l’application d’une CCT, STÖCKLI129 et STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH130 pointent clairement l’activité caractéristique de l’entreprise comme critère de rattachement à une CCT. Il n’existe que peu de jurisprudence concernant les conflits de CCT à raison de la matière et à notre connaissance, seul un arrêt mettant en avant le critère de l’activité caractéristique a été rendu.

En effet, un arrêt131 important malheureusement resté isolé132 relève la pertinence de l'activité qui caractérise l’entreprise133.

In casu, l’employeur est actif dans deux domaines différents134, à savoir la construction de bâtiment, y inclus le génie civil135 et la plâtrerie-peinture136. L’un des travailleurs, spécialement actif dans le domaine de la plâtrerie et de la peinture137, est rémunéré selon la CCNT de la construction138. Il a réclamé, avec son syndicat, son assujettissement à la CCT peinture et plâtrerie139.

128 AUBERT G., in THEVENOZ L./ WERRO F. (édit.), Commentaire romand, Code des obligations I, Bâle (Helbing Lichtenhahn) 2003, CO 357 N 15.

129 STÖCKLI OR 356 N 53 et N 69 : selon cet auteur, l’analyse d’un tel rattachement doit intervenir lors de l’examen du champ d’application matériel de la CCT. Nous ne partageons pas cette vision restrictive. En effet, en l’absence de conflit de CCT, il n’y a aucune raison de ne pas appliquer une CCT dont les champs d’application sont remplis. Ce n’est que dans la mesure, hypothétique, où l’activité caractéristique de l’entreprise est saisie par deux CCT que STÖCKLI

admet un conflit de CCT et préconise de recourir au principe de spécialité, et à défaut, au plus grand nombre de travailleurs concernés par la CCT.

130 STREIFF/ VON KAENEL/ RUDOLPH OR 356 N 4.5 : ces auteurs relèvent qu’en cas de conflit entre deux CCT de branche non-étendues, il n’y a pas de règle de résolution stricte. Si ces auteurs indiquent la priorité doit être donnée au principe de spécialité, ils précisent d’emblée que le rattachement à raison du champ matériel d’une CCT doit se faire selon l’activité qui donne sa caractéristique à l’entreprise.

131 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000.

132 À notre connaissance, aucun cas donnant l’occasion au Tribunal fédéral de confirmer cet arrêt ne lui est parvenu depuis lors.

133 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3b.

134 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 1a.

135 Idem.

136 Idem.

137 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 1a.

138 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000.

139 Idem.

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Dans un tel conflit entre deux CCT de branche, il n’y a pas de règle de résolution140. Le principe de l’unité de tarif, réglant un conflit entre une CCT de métier et une CCT de branche n’est pas applicable en l’espèce141.

Le Tribunal fédéral constate que les deux CCT en cause admettent leur application à une partie de l’entreprise142, dans le cas où cette dernière pourrait être qualifiée de mixte143. La Haute Cour relève que la plâtrerie n’est pas qu’une simple activité annexe144 et constate sur la base des observations de la cour cantonale, que l'entreprise en cause est mixte145. Le Tribunal fédéral indique avec raison, que l’activité qui caractérise l’entreprise ou la partie d’entreprise concernée par le litige est le critère de rattachement majeur à la CCT146. Dès lors, la partie de l’entreprise mixte dont l’activité caractéristique est la plâtrerie-peinture est soumise, fort logiquement, à la CCT plâtrerie et peinture147.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral relève, à juste titre selon nous, l’importance de l’activité caractéristique de l’entreprise pour la résolution d’un conflit de CCT. Il nous paraît en effet souhaitable qu’une entreprise, ou une partie d’une entreprise mixte, soit soumise à une CCT en fonction de son activité caractéristique. Une fois que le Tribunal fédéral a constaté que l’entreprise en cause était mixte, il aurait dû, selon nous, indiquer comment cerner l’activité caractéristique de la branche litigieuse de l’entreprise. Il aurait été agréable de bénéficier d’un canevas à l’analyse de l’activité caractéristique, à l’exemple de celui que nous avons proposé. Ainsi, le Tribunal fédéral aurait pu se demander quelle est la fonction sociologique et économique d’une telle partie, ou branche, d’une entreprise mixte. Il aurait alors constaté que cette partie d’entreprise avait pour activité caractéristique la plâtrerie-peinture et lui aurait appliqué la CCT plâtrerie-peinture.

ii. Activité caractéristique et volonté des parties

VISCHER/ ALBRECHT se basent sur la volonté des parties comme moyen de résolution des conflits de CCT148. Un arrêt assez récent du Tribunal fédéral fait appel à la volonté des parties149. Cet arrêt opposait un travailleur, engagé en tant que cuisinier150, à son ex-employeur, un traiteur dont l’activité essentielle consistait « à préparer et à livrer des mets prêts à être consommés et à l'emporter et que ces prestations sont proposées contre rémunération et accessibles à tout un chacun »151. Fondant ses prétentions sur la Convention collective nationale — étendue152 — de

140 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000.

141 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3a.

142 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3c.

143 Idem.

144 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3e.

145 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3g.

146 Idem.

147 TF, arrêt 4C.350/2000 du 12 mars 2000, c. 3g.

148 VISCHER / ALBRECHT OR 356 N 138.

149 TF, arrêt 4A_491/2008 du 4 février 2009, c. 2.3.2.

150 Idem.

151 TF, arrêt 4A_491/2008 du 4 février 2009, c. 2.2.

152 TF, arrêt 4A_491/2008 du 4 février 2009, c. 2.

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travail pour les hôtels, restaurants et cafés, conclue le 6 juillet 1998, (ci-après: la CCNT), le travailleur réclamait le paiement de divers arriérés à son ex-employeur153. La question que devait préalablement résoudre la Haute Cour était celle de savoir si l’entreprise était assujettie à la CCNT.

S’appuyant sur le champ d’application de la CCNT154, le Tribunal fédéral assimile l’activité de traiteur à celle de restaurateur, car toutes deux relèvent de la restauration155 et que telle serait en outre la volonté des parties156.

D’après nous, il aurait fallu déterminer l’activité caractéristique d’un traiteur en recherchant le rôle d’une telle entreprise au sein de l’économie et de la société. Nous approuvons le résultat auquel parvient le Tribunal fédéral, mais nous fournirons les explications suivantes quant à la réflexion que nous aurions menée pour y parvenir. Nous observons que la notion de restauration évolue dans notre société. De façon classique, l’activité caractéristique d’un restaurant est de cuisiner des plats que les gens mangent, très souvent sur place, contre une rémunération. Avec le temps, sont apparus les lieux de restauration rapide — « fast food » —, notoirement qualifiés de restaurants, où les gens font très souvent le choix d’emporter leurs mets. Ainsi, l’activité caractéristique d’un traiteur qui est également de cuisiner des mets que les gens consomment, certes ailleurs que dans le restaurant, doit être assujettie à la même CCT que la catégorie de restaurateurs. En effet, ces trois types d’entreprise, soit le restaurant, les lieux de restauration rapide et les traiteurs, partagent selon nous la même activité caractéristique, soit celle de préparer des plats que les gens achètent. L’évolution de la société, dont il faut tenir compte, indique que lieu de consommation n’est plus pertinent. Dès lors, ce qui importe n’est pas seulement la volonté des parties d’assujettir tous les métiers de la restauration à leur CCT étendue. En effet, il faut en outre que l’activité caractéristique de l’entreprise dissidente, in casu un traiteur, relève du champ d’application de la CCT. C’est d’autant plus vrai vis-à-vis d’un dissident, — par définition pas partie à la CCT —, à qui l’on applique une convention par interprétation du champ d’application matériel de celle-ci.

iii. Activité caractéristique face au principe de spécialité

Le principe de spécialité se borne à indiquer qu’est applicable la CCT qui correspond le mieux, au regard du rapport de travail, aux particularités de l’entreprise et aux besoins singuliers du travailleur157. Une partie de la doctrine justifie l’application du principe de la spécialité158 en indiquant que celui-ci guide vers la CCT la plus appropriée « aux caractéristiques de l’entreprise ou de l’activité exercée »159. C’est à notre avis une définition bien plus large et malléable que l’activité caractéristique d’une entreprise. En effet, une entreprise peut, selon nous, avoir diverses caractéristiques, dont sa taille, sa situation géographique, son marché, etc. De plus, on pourrait

153 TF, arrêt 4A_491/2008 du 4 février 2009.

154 TF, arrêt 4A_491/2008 du 4 février 2009, c. 2.3.1.

155 TF, arrêt 4A_491/2008 du 4 février 2009, c. 2.3.2.

156 Idem.

157 AMMANN, p. 710 ; BRUCHEZ CO 356 N 85 ; BRUNNER/ BÜHLER/ WAEBER/ BRUCHEZ CO 356-358 N 7 ;VISCHER/ ALBRECHT OR 356 N 140.

158 AMMANN, p. 710 ; BRUCHEZ CO 356 N 85 ; BRUNNER/ BÜHLER/ WAEBER/ BRUCHEZ CO 356-358 N 7.

159 BRUCHEZ CO 356 N 85.

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