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Conventions collectives de travail : évolution dans la perspective de l'EEE

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Conventions collectives de travail : évolution dans la perspective de l'EEE

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Conventions collectives de travail : évolution dans la perspective de l'EEE. In:

L'avenir des relations sociales dans l'Espace économique européen : symposium tenu à Lausanne le 4 septembre 1992 . Lausanne : Rencontres suisses. Centre d'étude et d'information, 1992. p. 22-28

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12324

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CONVENTIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL:

ÉVOLUTION DANS lA PERSPECTIVE DE L'EEE

Gabriel Aubert

Professeur à l'Université de Genève

Traiter de l'avenir des conventions collectives suisses de travail dans l'Espace Economique Européen, cela relève largement de la prophétie. On me pardonnera, dès lors, de n'aborder ici que certains aspects de la matière, en me bornant à la formulation de remarques et d 'hypothèses dont seul l'avenir pourra dire si elles sont bien fondées.

L'accord EEE ne comporte aucune règle contraignante en matière de conventions collectives de travail. Comme on sait, l'article 71 de ce texte se borne à prévoir que «Les parties contractantes s'efforcent d'encourager le dialogue entre par- tenaires sociaux au niveau européen». Du dialogue à la conclusion de conventions collectives européennes, il y a un pas que l'accord ne franchit nullement.

D'ailleurs, il n'existe, actuellement, aucune disposition euro- péenne qui réglementerait les conventions collectives de travail, en définissant, par exemple, leurs effets sur les rapports entre les organisations signataires ou entre les parties aux contrats individuels de travail. C'est dire que, de ce point de vue, la reprise du droit communautaire ne paraît pas devoir entraîner une révolution en droit suisse.

Les rapports entre les partenaires sociaux

On peut se demander si, en pratique, la ratification par la Suisse de l'accord EEE déploierait des conséquences sur l'atmosphère, la qualité, la nature, voire l'existence des relations collectives de travail dans notre pays. En d'autres termes, la paix du travail serait-elle menacée par l'entrée en vigueur du traité?

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Celle question appelle, probablement, une réponse négati- ve. Les relations collectives de travail sontéu'oitementenracinées dans le tissu hisforique, politique et culturel de chaque pays; la situation, en Allemagne, est fort éloignée de celle qui prévaut en Italie; en Grèce, elle ne ressemble nullement à celle que l'on observe au Royaume-Uni. Les différences entre les Etats sont telles qu'une harmonisation des règles ou des pratiques de base, concernant les rapports entre les partenaires sociaux eux-mê- mes, paraît difficilement envisageable. D'ailleurs, depuis que la Communauté existe (c'est-à-dire depuis plus de trente ans!), aucune convergence notable, due à la construction européenne, ne semble perceptible.

Les Etats signataires du protocole sur la politique sociale, qui figure en annexe au traité sur l'Union européenne, de 1992, en sont conscients, puisqu'ils ont prévu que, en matière de re- présentation et de défense collective des intérêts des travailleurs, les règles européennes ne pourraient être adoptées qu'à l'una- nimité, de sorte que chaque pays se trouve en mesure, s'il le souhaite, de sauvegarder ses particularismes. De plus, ces mê- mes Etats on t expressément souligné que le Traité de Maastrich t ne s'applique ni au droit d'association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out (cf. l'art. 2, ch. 3 et 6 du protocole). Les rapports entre les partenaires sociaux doivent demeurer l'affaire de chaque pays membre, qui peut conserver ses règ~es et ses pratiques. Si donc la paix du travail devait cesser en Suisse, ce serait certainement pour des raisons indépendantes de la cons- truction européenne.

La mise en œuvre du droit européen dans le cadre des conventions collectives

Comme le droit suisse, le droit communautaire est attentif au rôle des partenaires sociaux. Le protocole social précité, à la demande même des organisations patronales et syndicales, leur

atlribue~ comme on le verra, un rôle marquant. Certes, on ne sait pas ce qu'il adviendra du Traité de Maastricht. Toutefois, l'importance accordée à la négociation collective répond à un consensus parmi les Etats membres de la Communauté, y com- pris le Royaume-Uni; elle s'enracine en outre dans la volonté des partenaires sociaux européens, dont le poids politique ne

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fait point de doute. Il n'est donc pas vain d'en dire quelques mots, même si, aujourd'hui, la Suisse ne s'interroge que sur l'EEE.

La priorité de la négociation collective par rapport à la législation se manifeste sur le plan interne comme sur le plan européen.

D'abord, le protOcole social autorise les Etats membres à déléguer aux partenaires sociaux, à leur demande conjointe, la mise en œuvre des directives européennes, dans le cadre des conventions collectives, pourvu que, à tout moment, le résultat voulu par ces directives soit atteint (art. 2 ch. 4 du protocole).

En second lieu, lorsqu'elle envisage de proposer au Conseil l'adoption d'une directive en matière sociale, la Commission doit en aviser les partenaires sociaux, qui disposent d'un délai de neuf mois pour édicter eux-mêmes, dans le cadre des con- ventions collectives, des règles ayant le Inême contenu; si les partenaires sociaux y parviennent, la Commission renoncera à sa proposition de directive. Les effets des conventions collec- tives ainsi conclues sont réglés soit par le droit national, soit, le cas échéant, par le droit européen (art. 3 et 4 du protocole).

Comme on le devine, le bon fonctionnement de ces deux mécanismes suppose, dans chaque Etat membre, un tissu assez dense de conventions collectives qui, gràce à leur nombre et à l'étendue de leur champ d'application, peuvent se substituer à la législation interne ou européenne. La Suisse dispose-t-elle d'un tel tissu?

A première vue, l'on serait tenté de répondre affirmative- ment à cette question. Ne nous répète-t-on pas sans cesse que notre pays serait, par excellence, celui de la réglementation sociale fondée sur les conventions collectives plutôt que sur la loi elle-même? Et n'avons-nous pas tendance à nous imaginer qu'il s'agit d'une particularité du droit suisse, créé davantage par des organisations quasi corporatives que par le législateur étatique?

A cet égard comme à d'autres, la Suisse se fait probablement des illusions. Une récente enquête de l'Office fédéral de l'in- dustrie, des arts et métiers et du travail montre en effet que, dans notre pays, seuls 54% des travailleurs son t protégés, en droit ou en fait, par une convention collective; ce pourcentage n'aurait pas varié de façon significative depuis quarante ans (La Vie

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économique, nO 5/92, p. 56). Le tissu des conventions collec- tives reste fort lacunaire; si elles jouent un rôle important dans l'industrie, il n'en va nullement de même dans l'agriculture, où elles sont inexistantes; quant aux entreprises de services, elles s'ouvrent difficilement à la négociation collective (ibid. p. 56-58).

En France ou en Allemagne, la situation se présente différem- ment. Selon les chiffres accessibles, le tissu des conventions collectives y est beaucoup plus dense. En France, le nombre des salariés au bénéfice d'une telle convention dépasse proba- blement 80% de la main-d'œuvre (M. DESPAX, Négociations, conventions et accords collectifs, Paris 1989, p. 7-8); en Allema- gne, le tauxsemonteraità 90% (F. GAMILLSCHEG,Arbeitsrecht II, Munich 1984, p. 68).

Quoi qu'elle puisse penser d'elle-même, la Suisse n'est donc pas, par excellence, le pays dans lequel les conventions collec- tives jouent le rôle principal. Au contraire de la France ou de l'Allemagne, notre pays aurait une grande difficulté à mettre en œuvre le droit européen dans un cadre conventionnel plutôt que législatif; il éprouverait une difficulté semblable à éviter, par le moyen de la négociation collective, l'adoption de directives européennes. En d'autres termes, vu la relative faiblesse de la négociation collective en Suisse, la mise en œuvre du droit européen du travail exigerait l'intervention du législateur lors méme que les institutions de Bruxelles accepteraient qu'elle se fit par le truchement des conventions entre les partenaires sociaux.

L'extension du champ d'application des conventions collectives de travail

Dans la perspective de la ratification de l'accord EEE, on peut donc se demander s'il n'y aurait pas lieu de favoriser l'applica- tion la plus large possible des conventions collectives existantes.

Comme la France, l'Allemagne ou l'Autriche, la Suisse pratique un mécanisme qui permet d'étendre aux employeurs et aux travailleurs dissidents les effets d'une convention collective de travail conclue, dans la branche, par les partenaires sociaux.

C'estl'objetd'uneloifédérale de 1956 (LECcr;R.S. 221.215.311).

Malheureusement, les conditions de l'extension, posées par cette loi, sont fortstrictes. En particulier, son article 2 ch. 3 exige

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que les partenaires sociaux, dans la branche, réunissent un triple quorum, qui se définit ainsi:

a) les employeurs liés par la convention (c'est-à-dire membres d'une organisation signataire ou adhérents à titre indivi- duel) forment la majorité des employeurs auxquels le champ d'application de la convention doit être étendu; de ce point de vue, les petites et les grandes entreprises sont placées sur le même pied;

b) les travailleurs liés par la convention (c'est-à-dire membres d'une organisation signataire, que l'employeur soit lui-même lié ou non) forment la majorité des travailleurs auxquels le champ d'application de la convention doit être étendu; ainsi, les organisations syndicales doivent être suffisamment repré- sentatives dans la branche;

c) les employeurs liés par la convention occupent la majorité de tous les travailleurs; ce troisième quorum vise à empêcher que la majorité des employeurs soit acquise dans de petites entreprises et que celle des travailleurs soit réalisée dans de grandes entreprises non liées, ce qui ferait subir un désavan- tage à ces dernières; en d'autres termes, la majorité exigée ici ne peut être acquise si une trop grande partie des travailleurs liés est occupée non pas par des employeurs liés, mais par des dissidents.

Le rapport entre le deuxième et le troisième quorum n'est pas aisé à comprendre, ni à appliquer (cf. sur ce point les ex- plications de F. VISCHER, Gesamtarbeitsvertrag und Normalar- beitsvertrag, in Das Obligationenrecht, Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Zurich 1983, n. 113adart. 356b;

plus clairs: E. SCHWEINGRUBERetF. W. BIGLER, Kommentar zum Gesamtarbeitsvertrag, Berne 1985, p. 107).

Selon l'art. 2 ch. 3 LECCT, lorsque des circonstances parti- culières le justifient, il peut être exceptionnellement dérogé à larègle exigeant la majorité des travailleurs liés par la convention.

En pratique, il n'y a qu'une dizaine de conventions collectives étendues sur le plan fédéral. Il semble que près du tiers d'entre elles le soient sans que tous les quorums se trouvent effectivement réunis (coiffure, hôtellerie, meubles en gros, menuiserie: cf.

SCHWEINGRUBERjBIGLER, p. 107).

C'est dire que les dispositions en vigueur ne répondent plus aux besoins actuels. L'Union syndicale souhaite donc que ne

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soit plus retenu que le troisième quorum (les employeurs liés par la convention doivent, en principe, occuper la majorité de tous les travailleurs touchés par l'extension envisagée).

Cette proposition n'a rien d'exorbitant. Elle correspond d'ailleurs à la pratique de l'extension dans quelques pays voi- sins. Ainsi, en Allemagne, le seul quorum requis est celui proposé par l'Union syndicale: occupation, par les employeurs liés, d'au moins 50% des travailleurs compris dans le champ d'application de la convention collective (art. 5, para. l ch. l Tarifvertrags- gesetz). En France, il suffit que la convention collective dont l'extension est sollicitée ait été signée par une organisation représentative etquda Commission nationale de la négociation collective (dont la composition s'apparente à celle de notre Commission fédérale du travail) aitdonnéun avis motivé (art. 133- 1,133-2 et 133-8du code du travail). Enfin, enAutriche,l'extension se fait à la demande d'une organisation représentative, si la convention a dans la branche une importance prépondérante (art. 18, para. 3 Arbeitsverfassungsgesetz); pratiquement, cela signifie que les employeurs liés par la convention collective doivent occuper au moins 50% des travailleurs auxquels la convention étendue s'appliquera (T. TOMANDL : Arbeitsrecht I, Vienne 1984, p. 125). Cette solution correspond, grosso modo, à l'allemande.

La loi sur l'extension du champ d'application des conven- tions collectives de travail est en révision depuis de nombreuses années. A l'occasion de la ratification de l'accord EEE, cette procédure de révision pourrait être accélérée, de façon àdonner aux conventions collectives une importance plus grande.

Le contenu de la négociation collective

De la nature oude la structure des relations entre les partenaires sociaux eux-mêmes, il faut distinguer l'objet de la négociation, c'est-à-<iire les matières réglées par les conventions collectives.

De ce point de vue, l'impact de l'accord EEE peut être considéré comme non négligeable.

Dans plusieurs domaines, en effet, l'Etat s'est abstenu de légiférer, en souhaitant que les parties aux conventions collectives adoptent elles-mêmes les règles qui leur paraissent nécessaires.

Toutefois, beaucoup de secteurs de l'économie sont restés

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dépourvus d'une réglementation collective suffisamment dé- taillée, parce que les employeurs ne voulaient pas, en fait, de nouvelles contraintes et que les syndicats ne se sont pas révélés en mesure d'exercer sur eux une pression suffisante. En d'autres termes, plutôt que de profiter de la liberté que leur laissait le législateur pour convenir avec les syndicats de règles adaptées à chaque branche, les employeursontsouvent préféré se soustraire à la négociation collective. Il en est résulté des blocages insur- montables.

tvtême si certaines conventions particulièrement avancées on t montré l'exemple sur quelques points, comme l'horlogerie, l'industrie des machines, l'industrie chimique bâloise, etc., les lacunes de la négociation collective apparaissent de plus en plus évidentes. C'est le cas, par exemple, de ce qui touche à la participation des représentants des travailleurs à l'exploitation dans les entreprises. aux licenciements collectifs, au congé- maternité ou à l'égalité entre femmes et hommes.

Or, dans le cadre de l'EEE, la marge de manœuvre laissée aux partenaires sociaux suisses sera plus limitée: les employeurs ne pourront i'lvoquer la primauté de la convention collective pour éviter l'adoption par le législateur de règles considérées, sur le plan européen, comme indispensables. Ainsi, la loi rendra obligatoire la négociation collective en matière de licenciements économiques; la création de commissions d'entreprise et l'adoption de règles concernant leur fonctionnement se trouveront encouragées également par la loi; l'application du principe de l'égalité entre femmes et hommes se trouvera renforcée par le même moyen; le parlement devrait engendrer un véritable congé-maternité.

Toutefois, force est de constater que, dans ces matières, la législation communautaire ne va guère au-delà de ce que prévoient les conventions collectives suisses les plus importantes. On ne peutdonc pas dire qu'elle provoquerai tde gmnds bouleversements.

Au contraire, elle ferait bénéficier l'ensemble des salariés de règles dont ne profitent jusqu'ici, dans notre pays, que les travailleurs de certaines branches, pour des raisons de moins en moins faciles à justifier. Il résulterait donc de la reprise de l'acquis communautaire une plus grande homogénéité de la protection des travailleurs en Suisse, là où la négociation col- lective, reconnaissons-le, n'a pas tenu toutes ses promesses.

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