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De l'aménagement du territoire au développement territorial. L'analyse du projet Curala dans la Commune de Bagnes sous l'angle du changement de paradigme

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Academic year: 2022

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Master

Reference

De l'aménagement du territoire au développement territorial.

L'analyse du projet Curala dans la Commune de Bagnes sous l'angle du changement de paradigme

FILLIEZ, Valérie Catherine

Abstract

Le présent travail s'est focalisé sur le changement de paradigme en matière de développement territorial. L'introduction des nouvelles législations fédérales visant à une maîtrise plus rationnelle du sol témoigne d'une prise de conscience des impacts des activités humaines sur l'environnement et le paysage. En Suisse, les buts et principes de l'aménagement du territoire sont dictés au niveau fédéral. L'application de ces dispositions incombent aux cantons qui eux délègue, pour la plupart, aux communes. Cette mise en application est analysée au travers du cas d'étude de la Commune de Bagnes (Valais) et de son projet Curala. Le but est de comprendre en quoi ce projet répond aux enjeux de développement de la commune et en quoi ce projet est révélateur de cette nouvelle manière de concevoir l'aménagement du territoire. La Commune de Bagnes se caractérise par des défis singuliers comme la mixité de sa population, la saisonnalité de l'activité touristique, les enjeux financiers, ou encore les rapports de force entre les acteurs du développement régional. La Commune de Bagnes est à un moment [...]

FILLIEZ, Valérie Catherine. De l'aménagement du territoire au développement

territorial. L'analyse du projet Curala dans la Commune de Bagnes sous l'angle du changement de paradigme. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:115672

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Faculté des sciences de la société

Maîtrise universitaire en développement territorial

impact sur la résilience du territoire de L’Aquila (Italie)

Directrice : Dr. Michèle Tranda-Pittion Expert : Ivan Vuarambon

Vers un territoire plus résilient : le rôle des habitations d’urgence

Décembre 2018

Mention Aménagement du territoire et urbanisme

Valentina Grazioli

Mémoire no : 43

Poggio di Roio, Ludo Catti, 2010

Analyse de deux projets d’habitations d’urgence et de leur

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REMERCIEMENTS

Je souhaite tout d’abord adresser mes remerciements à ma directrice de mémoire Michèle Tranda-Pittion et les experts Ivan Vuarambon et Philippe Bonhôte, qui ont accepté de suivre mon mémoire.

Ensuite, je remercie Walter Mazzitti, Paolo Robazza, Dario D’Alessandro, Isabella Tomassi, Laurent Demarta, Kim Grootscholten pour le temps qu’ils m’ont accordé et pour avoir enrichi mon travail avec leur expérience.

Je remercie également les trois habitants du projet C.A.S.E., que je n’aurais pas pu contacter sans la précieuse aide de Francesca Pacitti.

Enfin, merci à mes parents, à Chiara, à Elisabetta et à Abdullah pour m’avoir encouragée et conseillée tout au long du travail.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

Problématique 6

Méthodologie 9

CADRE THÉORIQUE

1. Les risques « naturels » 14

1.1 Les risques et les désastres 14

1.2 Les risques selon l’approche classique 15

1.3 Les risques selon l’approche sociale 16

1.4 Les risques selon l’approche territoriale 21

1.5 La gestion des risques, une tâche complexe 23

2. D’un territoire vulnérable à un territoire résilient 25

2.1 Contrer le risque : de la résistance à la résilience 25

2.2 L’approche classique et l’évitement de l’aléa 27

2.3 L’approche sociale : le développement comme vecteur de résilience 31

2.4 L’approche territoriale : la protection de l’essentiel 35

2.4.1 La carte de la vulnérabilité territoriale 36

2.4.2 La SUM et la STM dans la planification urbanistique ordinaire 38

3. La résilience suite à une catastrophe 41

3.1 Les phases de l’urgence 41

3.2 La gouvernance 42

3.3 L’habitat d’urgence : le besoin d’un toit 45

3.4 L’habitat d’urgence : entre provisoire et définitif 49

3.5 L’habitat d’urgence comme partie de la reconstruction physique et sociale 53

4. La reconstruction physique 57

4.1 L’importance de la reconstruction physique 57

4.2 Où reconstruire ? 60

5. La reconstruction sociale 66

5.1 L’importance de la reconstruction sociale 66

5.2 Le capital social 67

5.3 Les lieux de socialisation 70

5.4 Le rôle de la communauté et l’importance de sa participation 73

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6. Un premier bilan 78

ÉTUDE DE CAS

7. L’Aquila, un territoire à risque 80

7.1 Contexte 80

7.2 Les séismes, une menace datant de plusieurs siècles 82

7.3 La gestion des risques en Italie 82

7.4 La prévention et l’information à L’Aquila 85

8. L’urgence : le tremblement de terre du 6 avril 2009 89

8.1 La catastrophe 89

8.2 La gestion de l’urgence 90

9. La phase port-urgence : les habitations d’urgence 91

9.1 Des solutions top-down : M.A.P. et C.A.S.E. 93

9.1.1 Provisoire et définitif : une solution durable ? 93

9.1.2 Les aires d’implantation 95

9.1.3 La répartition des logements : dispersion de la communauté 99

9.1.4 Socialisation et nouvelles communautés ? 100

9.2 Une solution bottom-up : E.V.A. 103

9.2.1 Un projet durable pour le futur de Pescomaggiore 103

9.2.2 La participation 107

9.2.3 Une communauté (re)construite ? 109

10. Reconstruction et futur : 9 ans plus tard 120

10.1 Une nouvelle « L’Aquila » ? 120

10.1.1 La reconstruction physique 120

10.1.2 La reconstruction sociale 122

10.1.3 La nouvelle planification 124

10.1.4 Un territoire plus résilient ? 125

10.2 La question de la réaffectation 125

10.2.1 C.A.S.E. : quel futur ? 125

10.2.2 E.V.A. et le développement de Pescomaggiore 127

CONCLUSION

Conclusion 133

Bibliographie 136

Table des illustrations 146

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Introduction

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6

PROBLÉMATIQUE

Les catastrophes d’origine naturelle constituent un défi majeur pour les disciplines de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. D’une part, les changements climatiques engendrent une intensification de certains phénomènes naturels (Klein et al., 2003; Toubin et al., 2012a). D’autre part les espaces urbains deviennent toujours plus importants, concentrant la majorité de la population mondiale et les systèmes névralgiques du fonctionnement du territoire à plus large échelle (Metzger & D’Ercole, 2011).

Ces derniers mois nous avons pu assister à une catastrophe de ce type en Indonésie, un séisme suivi d’un tsunami ayant provoqué plus de 1200 victimes et la destruction de Palu, ville de 350 000 habitants et capitale de l’île de Sulawesi central (Repubblica, 2018). Tout territoire peut être impacté par un événement naturel, qu’il s’agisse d’ouragans, d’inondations, d’éruptions volcaniques, de tremblements de terre ou autres (Metzger & D’Ercole, 2011). Parmi les pays européens, l’Italie est l’un des pays avec le plus grand risque sismique (ISPRA, 2012). Même si en Suisse la probabilité que des séismes se produisent est mineure par rapport à la moyenne européenne, il n’en demeure pas moins qu’elle est menacée par d’autres phénomènes tels que les crues, les avalanches et les glissements de terrain (OFEV, 2016b, 2016c).

De ce fait, il nous apparaît essentiel que la gestion des risques occupe une place importante dans le cadre de l’aménagement du territoire. L’urgence est une situation particulière, nécessitant une réponse rapide et extraordinaire (Félix et al., 2013). Dès les années 1990 le concept de résilience est apparu dans le discours de la gestion des risques (Dauphiné & Provitolo, 2007). Un territoire, système complexe constitué par des nombreuses composantes (population, bâtiments, infrastructures, services etc.), est résilient s’il est capable de faire face à une perturbation telle qu’une catastrophe et de se rétablir (Klein et al., 2003; Metzger &

D’Ercole, 2009; Toubin et al., 2012a). Cette récupération est facilitée par une gestion préventive des risques, qui permet de gérer des aspects nécessitant une réflexion plus approfondie, dans des circonstances qui ne sont pas conditionnées par l’urgence (Félix et al., 2013). La résilience permet ainsi de faire le lien entre prévention et récupération suite à la catastrophe (Klein et al., 2003).

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Dans ce contexte, les habitations d’urgence jouent un rôle fondamental, assurant aux sinistrés, en plus d’un toit, toutes les conditions nécessaires à un rétablissement de la vie quotidienne (Félix et al., 2013). La catastrophe provoquée par le tremblement de terre de 2009, à L’Aquila (Italie), a vu la naissance de deux projets d’habitations d’urgence ayant pour objectif principal la récupération des habitants et du territoire. Le premier, le projet C.A.S.E.1, prévu par le gouvernement pour les habitants de la commune de L’Aquila, était axé sur la rapidité, sur le confort et sur la densité, en vue d’une reconstruction de la ville qui allait probablement durer plusieurs années (Calvi et al., 2010). Contrairement à la démarche complètement top- down de C.A.S.E., le projet E.V.A.,2 construit pour le village de Pescomaggiore, a impliqué la participation active des habitants, dans une idée de reconstruction sociale et de revalorisation du village (Beyond Architecture Group, 2013).

Si d’un côté les projets d’habitations d’urgence sont très importants pour la récupération des habitants et du territoire, il s’agit d’un autre côté d’actions menées dans l’urgence. La complexité de cette situation et la promptitude nécessaire pour y répondre ne permettent pas de penser à des solutions tenant compte du contexte, des réels besoins et des spécificités locales. En résultent ainsi des effets négatifs sur le plan environnemental, social et économique, empêchant que le territoire soit résilient et puisse se rétablir (Félix et al., 2013; Johnson, 2007).

Dans l’idée d’explorer ce lien entre les projets d’habitations d’urgence et la résilience, la question de recherche à laquelle ce mémoire cherche à répondre est :

Dans quelle mesure les projets d’habitations d’urgence peuvent-ils empêcher la résilience d’un territoire ou, au contraire, la favoriser ?

Cette question de recherche fait émerger deux sous-questions : A quel point les projets d’habitations d’urgence C.A.S.E. et E.V.A. nés dans le cadre du séisme de L’Aquila, ont pu contribuer à la résilience de la

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8 commune ? Est-ce qu’une réflexion au sujet des habitations d’urgence dans le cadre d’une gestion préventive des risques pourrait permettre la mise en place de projets d’habitations favorables à la résilience ?

Ainsi, le présent travail de mémoire sera articulé autour des deux hypothèses suivantes :

D’abord, nous supposons que les projets d’habitations d’urgence pour L’Aquila, qui ont été conçus dans une situation de grande urgence et sans gouvernance avec différents acteurs, n’ont pas réussi à contribuer à la résilience du territoire. Ensuite, nous présumons qu’une gestion préventive des risques intégrant des réflexions concernant les habitations d’urgence pourrait être vecteur de résilience, pour autant qu’elle laisse la place aux décisions et aux besoins qui peuvent émerger lors de l’urgence, également à travers des pratiques bottom-up.

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MÉTHODOLOGIE

Afin de trouver une réponse à la question de recherche et à ses sous-questions, notre mémoire sera constitué d’un cadre théorique, suivi par une étude de cas.

Le cadre théorique abordera premièrement les notions de risque, d’aléa et de vulnérabilité et trois différentes façons de les appréhender. Puis, nous traiterons la question de la gestion des risques du point de vue de ces trois approches, en lien avec le concept de résilience. Ensuite, il s’agira de mettre en lumière le lien entre les actions menées juste après l’urgence et la récupération : une description des différentes temporalités de l’urgence et de la multiplicité d’acteurs qui doivent collaborer, sera suivie d’une analyse du rôle des habitations provisoires en vue d’une récupération sociale, environnementale et économique du territoire. En outre, nous nous concentrerons également sur l’importance et sur les caractéristiques d’une reconstruction qui doit concerner à la fois l’environnement bâti et les liens sociaux. Cette partie se terminera avec un bref résumé des aspects théoriques qui nous aideront à vérifier nos hypothèses.

Pour cette analyse théorique, les notions tirées de la bibliographie ont été complétées par deux entretiens :

D’abord, un premier entretien avec Laurent Demarta, architecte, ayant participé avec plusieurs ONG à des projets de reconstructions au Pakistan et en Haïti, suite aux séismes désastreux qui ont affecté ces pays, et à un projet de prévention en Tadjikistan. Cet entretien portait sur son expérience dans ces pays et sur des thématiques telles que la gouvernance, les spécificités locales et les différentes approches concernant la gestion des risques.

Ensuite, le deuxième entretien a été mené avec Kim Grootscholten, directrice exécutive de l’ONG Toit pour tous. Cette ONG vise à donner des habitations à des personnes ayant des difficultés à accéder au logement, à travers le projet d’un éco-village provisoire à Avusy (Genève). Les thématiques traitées lors de cet entretien concernaient le concept de dignité, l’importance d’avoir un toit et les choix de prévoir des constructions provisoires dans une situation autre que celle de catastrophe.

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10 La deuxième partie du présent travail concerne une étude de cas portant sur les habitations d’urgence construites pour les sinistrés du séisme qui a eu lieu à L’Aquila en 2009. Les deux projets d’habitations d’urgence analysés sont intéressants parce qu’ils constituent des réponses différentes de celles des petites maisons classiques provisoires.

Par ailleurs, il est intéressant de confronter les processus qui sont derrière ces deux projets. Si C.A.S.E. a été réalisé dans une démarche complètement top-down, E.V.A. est son antithèse. Leur analyse nous permettra de comprendre l’importance d’une gouvernance incluant les différents acteurs, notamment les futurs usagers.

En outre, les deux projets sont nés dans une situation d’urgence, ils ne faisaient pas partie d’une gestion préventive des catastrophes. Nous nous intéresserons à cet aspect, afin de comprendre à quel point il est possible de prendre des décisions déjà avant le désastre pour que les réponses à la crise n’aillent pas à l’encontre de la récupération du territoire et de son développement sur le long terme.

Il faut toutefois mentionner qu’en réalité, à côté du projet C.A.S.E., le gouvernement italien a également prévu des habitations provisoires moins denses et pensées pour être réversibles. Il s’agit des M.A.P. (Moduli Abitativi Provvisori) (Calvi et al., 2010). Plusieurs M.A.P. sont encore utilisés, car 9 ans après l’événement catastrophique, la reconstruction n’est pas encore terminée. Dans le présent travail, ce projet aura une place moindre mais sera quand même mis en relation avec les deux autres projets, notamment avec C.A.S.E., ayant été conçu dans le cadre de la même gestion de l’urgence.

Enfin, le choix du séisme de L’Aquila pour l’étude de cas découle du fait qu’il s’agit d’un désastre assez récent mais dont, en même temps, on peut déjà entrevoir les effets des décisions qui ont été prises sur les projets d’habitations d’urgence.

Pour l’étude de cas, nous nous sommes penchés, à la fois sur la littérature, et sur le Piano Regolatore Generale (P.R.G.) de L’Aquila, important instrument d’urbanisme au niveau communal.

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Plusieurs entretiens nous ont fourni aussi des informations utiles à notre analyse :

Nous avons mené un premier entretien avec Walter Mazzitti, avocat avec une grande expérience, entre autres dans les secteurs des biens culturels, de l’environnement, et du tourisme. Il a également été le président du Parc National du Gran Sasso e Monti della Laga, situé en partie sur le territoire de L’Aquila, entre 2002 et 2007.

Cet entretien a porté principalement sur la gestion de l’urgence lors du séisme de L’Aquila et dans le cadre italien, en général.

Ensuite, afin de bien comprendre le déroulement du projet E.V.A. nous avons rencontré Paolo Robazza, fondateur de Beyond Architecture Groupe. Ce bureau d’architecture a collaboré avec le Comitato per la Rinascita di Pescomaggiore et avec les nombreux volontaires à la réalisation de l’éco-village. Par ailleurs, lors d’une visite de terrain à Pescomaggiore nous avons pu avoir un entretien avec Dario D’Alessandro, président du Comitato per la Rinascita di Pescomaggiore. De plus, Isabella Tomassi, participante active à la construction d’E.V.A. nous a accordé un entretien téléphonique, portant sur des questions autour de la participation et de la collaboration pendant la réalisation du projet ainsi que de la valorisation du bourg.

Enfin, trois entretiens avec des habitants de L’Aquila ayant vécu dans des appartements de C.A.S.E. nous ont permis d’apprendre la vision des usagers du projet, leurs craintes initiales par rapport à la reconstruction, leur satisfaction d’avoir pu accéder à des logements confortables et vraiment sûrs du point de vue sismique mais en même temps leur désir de rentrer dans leurs anciennes habitations.

Nous avons également pris contact avec Mauro Dolce, consultant auprès du chef de département de la Protection Civile. Il était responsable du projet C.A.S.E. entre 2009 et 2012 et faisait partie de la Commissione Nazionale per i Grandi Rischi au moment du tremblement de terre de L’Aquila. A travers un échange de mails, il nous a fourni des informations concernant les critères de localisation des aires d’implantation et concernant la réaffectation des bâtiments du projet C.A.S.E.

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12 Comme pour le projet E.V.A., nous nous sommes rendus sur le terrain pour visiter le quartier C.A.S.E. de Assergi, un bourg dans la commune de L’Aquila, et son centre historique.

De même que pour l’analyse théorique, l’étude de cas portera d’abord sur la situation précédant le tremblement de terre, par une description du contexte, puis celle des risques présents et enfin celle des aspects liés à la prévention et à la gestion des risques. Ensuite, nous nous concentrerons sur l’urgence et la phase suivant l’urgence. Dans cette partie nous analyserons les projets d’habitations d’urgence, avec un regard sur les aspects concernant la reconstruction physique et sociale et, par conséquent, sur la possibilité de récupération. Enfin, nous traiterons de la situation de L’Aquila et de Pescomaggiore telle qu’elle apparaît neuf ans après.

En conclusion, à la lumière de tous ces éléments, nous tirerons un bilan de l’analyse théorique et de l’étude de cas.

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Cadre théorique

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14

1. LES RISQUES « NATURELS »

1.1 Les risques et les désastres

Le terme risque est utilisé dans de nombreux domaines et à différentes échelles. Il peut s’agir des risques concernant les individus mais aussi un groupe ou une société ; un risque peut affecter un lieu spécifique ou bien tout un territoire ; dans tous les cas, ce terme exprime la possibilité de perdre quelque chose. (Metzger

& D’Ercole, 2011).

Les risques naturels et les catastrophes s’inscrivent dans une relation particulière entre l’homme et la nature.

L’homme, étant lui-même un élément naturel, il vit dans la nature et l’exploite pour pouvoir survivre.

Toutefois, ses actions sont souvent menées dans le but de la dominer et de la maîtriser. Ce besoin de contrôle et de suprématie pourrait être expliqué par la peur qu’il a de la nature (Chanvallon, 2009). Pourquoi cette peur ? Les événements naturels affectant les populations sont nombreux et parfois désastreux ; non seulement ils causent beaucoup de morts, mais la force de la nature est capable aussi de détruire ce que l’homme a mis en place pendant des siècles (Signorelli, 1992). A cause des phénomènes naturels, les espace dans lesquels se déroule notre vie quotidienne deviennent les espaces où l’on se sent le moins en sécurité (Pizzo et al., 2013). De plus, certains événements naturels, notamment les séismes, ne sont pas prévisibles et leur intensité peut être plus grande que ce que l’on aurait imaginé. Les cas où les infrastructures mises en place pour la sécurité n’ont pas été suffisantes, sont nombreux (Pelling, 2003). Ainsi, le comportement des personnes refusant d’être déplacées après une catastrophe, ce qui à première vue peut sembler irrationnel, peut être compris comme la volonté de ne pas se soumettre à la force de la nature. Rester et continuer permet de ne pas perdre les « institutions culturelles spécifiques, grâce auxquelles ils ont fait leur histoire et qui seules peuvent leur en garantir la continuité » (Signorelli, 1992 : 8).

Une catastrophe a lieu seulement en présence des hommes ou dans un contexte humanisé (O’Keefe et al., 1976; Signorelli, 1992). Les aléas sont nombreux et fréquents mais pas tous n’affectent l’humanité. Les séismes ont provoqué environ 1,87 millions de victimes pendant le 20ème siècle, mais ces décès n’ont pas été

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causé par l’ensemble des tremblements de terre qui ont eu lieu pendant cette période. Parmi les millions de séismes qui se produisent chaque année, seulement certains causent des décès (Wisner et al., 2004).

En tout cas, les définitions de risque et de catastrophe, ont évolué dans le temps et ont été appréhendées par différentes approches avec des solutions diverses pour la gestion des risques. Ces approches seront expliquées plus en détail dans les prochains chapitres. L’explication de la notion de risque se fait souvent à l’aide du paradigme Risque = Aléa x Vulnérabilité. Ce paradigme est utilisé non seulement par les scientifiques et les chercheurs mais aussi dans le cadre de la mise en place des politiques publiques visant à la prévention et à la gestion des risques, tant dans le Nord que dans le Sud du monde (Metzger & D’Ercole, 2011). Initialement, ce paradigme était pensé dans une approche qui mettait beaucoup l’accent sur l’aléa.

Cette domination de l’aléa sur la vulnérabilité était la raison pour laquelle les réponses et les actions de prévention se basaient souvent sur l’élimination de ce dernier (Metzger & D’Ercole, 2011; Pelling, 2003). Dès les années 1970, une approche donnant plus d’importance à l’aspect de la vulnérabilité a commencé à se développer. Le désastre devient ainsi le résultat de l’impact d’un aléa sur des gens devenus vulnérables à cause de facteurs socio-économiques. Ainsi, on ne peut plus parler de catastrophe naturelle mais plutôt de catastrophe d’origine naturelle. (Metzger & D’Ercole, 2011; O’Keefe et al., 1976; Wisner et al., 2004). Une troisième approche, plus récente, s’éloigne du paradigme classique et se focalise sur les éléments nécessaires au fonctionnement du territoire (Metzger & D’Ercole, 2005). Contrairement à la vision axée sur la vulnérabilité, l’attention de cette approche concerne d’abord ce qu’on risque de perdre plutôt que l’analyse de comment et pourquoi on risque de le perdre (Metzger & D’Ercole, 2011).

1.2 Les risques selon l’approche classique

Comme énoncé dans le chapitre précédent, la relation entre risques, aléas et vulnérabilité est exprimée généralement par le paradigme Risques = Aléa x Vulnérabilité. Ainsi les notions d’aléa et de vulnérabilité ont souvent été appréhendées séparément (Metzger & D’Ercole, 2011). L’écologie humaine était une des premières disciplines à analyser les comportements des populations face aux risques environnementaux et s’inscrivait dans cette approche classique. Pendant les années 1960, des auteurs comme Ian Burton et Robert

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16 origine de la catastrophe et responsable des pertes (Metzger & D’Ercole, 2005, 2011; Pelling, 2003). À leurs yeux, les désastres étaient ainsi causés par l’environnement (Pelling, 2003). La vulnérabilité, à côté de l’aléa, a souvent concerné des éléments passifs exposés à l’événement naturel. Les personnes et les objets étaient définis vulnérables si susceptibles de subir des dommages (Metzger & D’Ercole, 2005, 2011). Par conséquent, une des définitions des risques la plus répandue se basait sur l’ampleur de pertes probables, en termes de victimes et de dégâts (Metzger & D’Ercole, 2005).

Pour les auteurs soutenant cette approche il s’agissait d’événements naturels qui affectaient mais qui n’étaient pas en lien avec la société, la gestion des risques se basait sur les notions des sciences physiques (Metzger & D’Ercole, 2011; Pelling, 2003). La prévention et la création de la sécurité partaient du principe qu’il faut d’abord identifier et étudier le phénomène naturel, aboutissant alors à des politiques publiques visant essentiellement à l’éviter ou à le contenir (Metzger & D’Ercole, 2005, 2011). La cartographie des risques montre bien ces principes : majoritairement les cartes des risques correspondent aux cartes des aléa, qui délimite ainsi le périmètre concerné par la politique de prévention (Metzger & D’Ercole, 2011). Ainsi, les acteurs principaux étaient les scientifiques, les techniciens, les ingénieurs, les gouvernements et les personnes en charge de la gestion des risques (Wisner et al., 2004).

Cette approche est souvent définie comme « classique » de par sa diffusion et le fait qu’elle a conditionné, et continue à conditionner, en grande partie les plans de prévention des risques (Metzger & D’Ercole, 2011).

1.3 Les risques selon l’approche sociale

L’approche classique se concentrant sur les aspects physiques liés à l’aléa, ne prenait pas du tout en compte les aspects sociaux, liés à la vulnérabilité (Pelling, 2003). Ce fut le point de départ d’une nouvelle approche qui a eu beaucoup de succès notamment à partir des années 1970. L’idée était de mettre en avant la dimension de vulnérabilité, sans donner trop d’importance à l’aléa (Metzger & D’Ercole, 2005). La relation entre la nature et la société dans l’apparition des désastres a été reconnue et des nombreux auteurs comme O’Keefe et al. (1976), Wisner et al. (2004), Pelling (2003) et Morrow (1999) soulignent, dans leur ouvrages, l’importance de la prise en compte des actions humaines, dans l’émergence de la vulnérabilité et donc des catastrophes (Pelling, 2003).

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On devrait accorder la même importance à ces deux dimensions aléa et vulnérabilité, sans que l’une prime sur l’autre, car le risque est lié à leur interaction (O’Keefe et al., 1976; Wisner et al., 2004). De plus, ces deux dimensions sont liées, notamment par le fait que les événements naturels sont souvent anthropisés, c’est-à- dire causés par des actions humaines et non seulement par des processus physiques, spécialement dans les espaces urbains (Metzger & D’Ercole, 2011; Smith, 2006). Pour bien exprimer le lien entre les habitants, leurs actions et l’aléa, Wisner et al. (2004) affirment que la vulnérabilité concerne seulement les personnes et non les bâtiments, l’économie et les lieux qui devraient plutôt être défini comme fragiles ou à risque.

L’exemple d’un tremblement de terre qui a eu lieu au Guatemala en 1976 montre comment une catastrophe peut être l’effet des structures sociales et de l’action humaine : parmi les 23 000 victimes, la plupart ne sont pas mortes à cause du séisme lui-même mais sont décédés dans les jours et les semaines suivantes. Il s’agissait notamment de personnes des classes sociales les plus défavorisées, qui n’ont pas pu bénéficier de l’aide internationale que le pays avait obtenu, même si c’était elles qui en avaient le plus besoin. Par conséquent, on a appelé ce séisme classquake. Vu l’ampleur des effets de l’action humaine à l’origine d’un désastre, on devrait parler plutôt de catastrophes d’origine naturelle et non de catastrophe naturelles (O’Keefe et al., 1976; Smith, 2006).

Dans cette approche la vulnérabilité est vue dans une optique plus large : il ne s’agit plus seulement de l’exposition à l’aléa, mais aussi de la possibilité de provoquer les dommages et l’incapacité à les éviter ou les absorber. Elle devient ainsi partie active de la catastrophe (Metzger & D’Ercole, 2011; Wisner et al., 2004).

Pour Pelling (2003), la vulnérabilité est composée de l’exposition, la résistance et la résilience. Par conséquent, une personne est vulnérable si elle se trouve dans un lieu dangereux, si elle n’a pas les moyens physiques, économiques ou psychologiques pour résister ni la capacité de faire face et de s’adapter à l’événement naturel. Cette « nouvelle » vulnérabilité est le résultat non de la nature et des processus physiques mais des dimensions sociales (Wisner et al., 2004). C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de ce mémoire, cette approche sera désignée approche sociale.

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18 L’impact qu’un aléa peut avoir sur une communauté varie selon différents facteurs de vulnérabilité. En effet, ces derniers influencent la capacité des gens à anticiper, faire face, résister et se rétablir suite à un phénomène d’origine naturelle. Ainsi, selon leur existence et leur vie quotidienne certaines personnes peuvent être plus ou moins en danger que d’autres (Wisner et al., 2004).

Pour bien comprendre la relation entre l’aléa et les processus sociaux comme cause de la vulnérabilité, Wisner et al. (2004) proposent deux modèles complémentaires : le Pressure and Release Model (PAR) et l’Access Model. Le but du premier est d’expliquer comment l’aléa et la vulnérabilité impactent une population et surtout comment cette vulnérabilité est provoquée. Avec le deuxième modèle, il est possible de comprendre les mécanismes et les relations socio-économiques qui ont lieu au moment de l’aléa et qui peuvent causer le désastre (Wisner et al., 2004).

Le PAR peut être imaginé comme un casse-noix : lors d’une catastrophe les gens vulnérables sont la noix, écrasée par deux forces opposées, c.-à-d. l’aléa et les processus générant la vulnérabilité. L’idée proposée par les auteurs pour diminuer le risque d’un désastre est d’enlever la pression que ces deux forces exercent sur les gens en commençant par les processus causant la vulnérabilité (Wisner et al., 2004). Selon Wisner et al.

(2004), les facteurs générant la vulnérabilité peuvent être divisés en trois catégories liées entre elles : les causes fondamentales1, les pressions dynamiques2 et les situations dangereuses3. Les causes fondamentales correspondent aux structures sociales, économiques et politiques ainsi qu’aux idéologies qui déterminent la distribution des ressources entre les personnes. On peut citer à titre d’exemple des systèmes politiques ou des idéologies favorisant la marginalisation ou limitant l’accès au pouvoir. Ces causes, de par leur ancrage dans la société et la distance temporelle de l’aléa, sont difficiles à identifier. Ensuite, il y a les pressions dynamiques, qui ne sont pas mauvaises en soi mais qui peuvent, selon le contexte, transformer les causes fondamentales en situations dangereuses3. Il s’agit entre autres, d’une urbanisation trop rapide, de conflits, d’un manque de compétences, ou encore de la croissance démographique. Une urbanisation très rapide dans un quartier marginalisé peut par exemple amener à une mauvaise construction, augmentant les

1 En anglais : Root causes (Wisner et al., 2004).

2 En anglais : Dynamic pressures (Wisner et al., 2004).

3 En anglais : Unsafe conditions (Wisner et al., 2004).

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risques en cas de séisme. La construction précaire des bâtiments est ainsi une des situations dangereuses, qui caractérisent la vie des populations vulnérables. D’autres exemple sont le manque d’accès aux ressources matérielles et immatérielles, ou l’exposition à un danger (Wisner et al., 2004). Si la définition des différents facteurs de vulnérabilité d’un lieu semble assez simple, il n’en demeure pas moins que les liens et les relations de causalité entre ces facteurs ne sont pas évidents : selon le contexte chaque cause fondamentale et pression dynamique peuvent créer des situations dangereuses différentes. C’est une des raisons pour lesquelles des nombreuses politiques publiques ont engendré des situations dangereuses. Or, modifier les facteurs de vulnérabilité peut apparaître comme une idée non-réaliste, tant ils sont ancrés dans la société (Wisner et al., 2004).

En revanche, l’Access Model aide à comprendre la façon dont un aléa impacte la population et comment celle- ci réagit. Il explique le passage d’une vie « ordinaire » à une vie « extraordinaire » et les stratégies pour s’adapter et faire face à l’événement naturel. L’analyse de la vulnérabilité d’une population se fait par la mise en relation des caractéristiques socio-économiques de la population et des aspects spatio-temporels de l’aléa (Wisner et al., 2004).

Dans la vie ordinaire, chaque individu et chaque ménage possède des ressources matérielles ou immatérielles (Wisner et al., 2004). L’accès aux ressources est déterminé par les relations socio-économiques entre différentes acteurs et les choix de chaque ménage (Morrow, 1999; Wisner et al., 2004). L’accès aux ressources correspond également à la capacité de les utiliser pour garantir les moyens de subsistance4 dans une situation de vie ordinaire et la capacité d’adaptation à une perturbation. Ainsi les individus ou les ménages sont plus ou moins vulnérables (Pelling, 2003; Wisner et al., 2004). Par conséquent, la vulnérabilité peut être diminuée par des interventions permettant une meilleure distribution de biens et de ressources. La temporalité de l’événement naturel peut se révéler cruciale pour le déroulement des événements (Wisner et al., 2004). Par exemple, les nombreuses victimes lors du séisme au Pakistan en 2005 peuvent être expliquées en fonction de l’heure. Le séisme a eu lieu en période de Ramadan, aux environ de 8 heures du matin. Les enfants se trouvaient dans des écoles (non sûres) et les hommes qui dormaient encore ont été les premières

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20 victimes. De nombreuses femmes qui travaillaient dans les champs et étaient ainsi plus en sécurité, sont mortes l’hiver suivant. Beaucoup avaient perdu leur mari et leurs habitudes culturelles ne leur permettait pas de demander de l’aide (Demarta, 2018).

La vulnérabilité influence aussi la situation après la catastrophe : le passage de « l’événement » au « désastre » est caractérisé par un accès réduit aux ressources et par un changement des possibilités et des choix de la population (Wisner et al., 2004). Cela peut engendrer ce qu’on appelle le Ratchet effect : après chaque catastrophe les gens deviennent plus vulnérables face à des phénomènes futurs (Pelling, 2003).

Dans une situation de vie extraordinaire suite à un désastre, en plus des ressources fournies par les institutions, on voit apparaître des nombreuses stratégies de protection et d’adaptation, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif. Tous les mécanismes de défense ainsi que les méthodes pour obtenir des ressources dans cette situation sont appelées coping. Les stratégies de coping sont variées et complexes.

Certaines visent à minimiser l’impact du phénomène naturel en essayant de diversifier l’accès aux ressources et de faciliter le rétablissement d’une vie ordinaire. D’autres ont pour but la création de réserves, la diversification de la production, le développement de réseaux d’entraide, l’utilisation de ressources communes etc. Elles peuvent aussi concerner la prévention des risques. Malheureusement, les actions collectives et individuelles des habitants ne sont pas toujours comprises par les décideurs et les gouvernements. Ceux-ci adoptent parfois des mesures stéréotypées, ne résultant pas d’une vraie connaissance des besoins des habitants, pouvant ainsi affecter négativement la récupération. En effet, contrairement à ce qu’on imagine souvent, le but des stratégies de coping est d’essayer de satisfaire les besoins situés les plus en haut dans la pyramide des besoins élaborée par Abraham Maslow5. Même dans des situations où il s’agit de survivre, le respect, la dignité, la communauté etc. demeurent essentiels. Ne pas prendre en considération les actions informelles et les besoins des personnes amène à un gaspillage de ressources et à la disparition des connaissances et des techniques locales (Wisner et al., 2004).

5 Le psychologue A. Maslow a hiérarchisé, sous forme de pyramide, cinq différents types de besoins. Une fois qu’un besoin est satisfait, ceux du niveau suivant apparaissent. En ordre croissant, les besoins sont : besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime et d’accomplissement de soi (Louart, 2002).

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1.4 Les risques selon l’approche territoriale

Plus récemment, on voit apparaître des nouvelles façons d’appréhender la prévention contre les risques, qu’on pourrait définir comme des approches territoriales. Plusieurs auteurs proposent des politiques de gestion des risques visant à faire fonctionner le territoire en situation de normalité comme en cas d’urgence.

En effet, outre les victimes et les dégâts matériels, une catastrophe peut engendrer la perte de l’organisation et du fonctionnement de la ville (Trasi et al., 2011). Il s’agit alors d’identifier des mesures permettant de sécuriser les éléments essentiels à ce fonctionnement. Metzger et D’Ercole (2005, 2009, 2011) appellent ces éléments enjeux majeurs ; d’autres auteurs par contre, parlent de Structure urbaine minimale (SUM) ou de Structure territoriale minimale (STM).

Contrairement aux visions sociale et classique, Metzger et D’Ercole (2005, 2009, 2011) soulignent l’importance de ne plus se focaliser sur la façon dont les pertes sont engendrées lors d’un événement catastrophique, mais sur les pertes elles-mêmes. C’est en effet la possibilité de perdre quelque chose qui crée la situation de risque (Metzger & D’Ercole, 2011). C’est la raison pour laquelle ils concentrent leur théorie sur les enjeux, c’est-à-dire les éléments qu’on risque de perdre lors d’une calamité et qui sont importants pour qu’un territoire puisse fonctionner et se développer, en situation ordinaire comme en situation de crise (Metzger & D’Ercole, 2005, 2011). Certains de ces enjeux peuvent être définis comme majeurs par le fait qu’ils sont tellement essentiels pour le fonctionnement du territoire, que leur perte ou leur endommagement pourrait avoir les effets les plus graves (Metzger & D’Ercole, 2005). Ils font partie de domaines différents : population, santé, éducation, culture, approvisionnement en eau ou électricité, mobilité, entreprises, administration etc. (Metzger & D’Ercole, 2005, 2009).

Si les objets de la théorie de Metzger et D’Ercole (2005, 2009, 2011) sont des éléments individuels, dans le cas de la SUM et de la STM il s’agit de véritables systèmes, composés par des trajets, des espaces, des fonctions, ou des bâtiments stratégiques ainsi que les relations entre eux. C’est cette structure qui permet le bon fonctionnement du territoire avant, pendant et après un désastre et il dépend de la bonne marche de chacune de ses composantes (Bonotti et al., 2012; Fazzio et al., 2010; Pizzo et al., 2013).

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22 La relation entre échelle locale et échelle territoriale est très importante pour ces nouvelles approches. Les enjeux majeurs sont si importants au niveau territorial, que les conséquences de leur endommagement peuvent se répercuter sur une échelle plus grande. Si sur un territoire il y a des lieux où se concentrent un grand nombre d’enjeux majeurs vulnérables, le territoire entier peut être défini comme vulnérable. Les villes les plus importantes à l’échelle nationale nécessitent ainsi une attention particulière. L’exemple d’un dysfonctionnement d’une station électrique de Quito (Équateur) en 2003 est emblématique : La plupart de la consommation électrique dépendant de cette station, un problème mineur a engendré des conséquences importantes non seulement au niveau du district métropolitain mais aussi des plusieurs provinces voisines.

En revanche, les effets d’autres phénomènes de plus grande ampleur ayant eu lieu dans le même district métropolitain ne se sont pas propagés à une si large échelle. Deux mécanismes de transmission de vulnérabilité ont lieu au niveau territorial : d’abord, la vulnérabilité spatiale d’un lieu (par exemple exposé à un aléa) est transmise aux enjeux majeurs ; ensuite, la vulnérabilité des enjeux majeurs se transmet au territoire entier (Metzger & D’Ercole, 2009).

Les régions urbaines deviennent alors les espaces clé pour la réflexion sur les catastrophes d’origine naturelle.

En effet, même si les villes recouvrent seulement 1% de la surface terrestre, la population urbaine augmente constamment et a déjà dépassé la population rurale. Dans ces espaces on trouve également la plupart du capital physique (c’est-à-dire les bâtiments et les infrastructures) et des systèmes économiques et politiques, en d’autres termes, des enjeux majeurs. (Metzger & D’Ercole, 2011; Pelling, 2003).

Pareillement, pour la définition de la Structure urbaine minimale les questions d’échelle sont fondamentales : Pizzo et al. (2013) et Trasi et al. (2011) se demandent quelle est la taille minimale ou maximale d’un centre urbain pour que la SUM soit un outil efficace de prévention des risques. Selon le contexte, il peut parfois s’avérer important d’identifier la SUM et ses composantes même au niveau de centre mineurs ou de quartiers parce que ceux-ci jouent un rôle important pour l’organisation, les fonctions et la distribution de la population (Bonotti et al., 2012). Une possibilité serait alors de définir une ou plusieurs SUM à une échelle locale et la STM à une échelle plus vaste, les deux étant en relation entre elles (Bonotti et al., 2012; Pizzo et al., 2013).

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Cette perspective télescopique n’est toutefois pas apte à tout territoire : pour certains contextes il pourrait être plus adéquat de définir seulement la SUM mais sur un territoire plus large (Pizzo et al., 2013).

Metzger et D’Ercole (2005, 2009, 2011) affirment vouloir s’éloigner du paradigme classique. Pour eux, le risque est « la possibilité de perdre ce à quoi on accorde de l’importance » (Metzger & D’Ercole, 2005 : 25).

Dans la première partie de cette définition c’est-à-dire « la possibilité de perdre », on peut retrouver les dimensions d’aléa et de vulnérabilité ; avec la deuxième, « ce à quoi on accorde de l’importance », la dimension des enjeux prend place dans le paradigme (Metzger & D’Ercole, 2005). Par conséquent, la démarche proposée pour identifier les actions nécessaires à la prévention contre les désastres commence par la détermination de ce qui est important. C’est dans un deuxième temps que les causes du risque de la perte sont analysées. L’aléa est vu comme un des facteurs de la vulnérabilité des enjeux (Metzger & D’Ercole, 2005).

Ainsi, contrairement à l’approche classique et même à celle des sciences sociales, au lieu de rester à côté de la vulnérabilité, l’aléa en devient alors partie intégrante et perd sa place principale pour la laisser à la notion d’enjeux (Metzger & D’Ercole, 2011).

Les auteurs qui théorisent la SUM souhaitent également se distancier des visions précédentes. L’approche territoriale va au-delà de l’approche classique parce qu’elle permet de considérer l’espace urbain dans son ensemble : il n’est plus un simple conglomérat de bâtiments individuels qu’il faut sécuriser avec des solutions d’ingénierie ; l’interaction entre infrastructures, fonctions et société est prise en compte. Récemment, on a pu constater une incapacité à combiner des mesures relevant des sciences sociales et des sciences techniques sans la dominance d’une de ces deux approches. L’intégration de connaissances et d’actions découlant de disciplines différentes se révèle pourtant essentiel pour trouver des solutions permettant d’éviter des catastrophes (Trasi et al., 2011).

1.5 La gestion des risques, une tâche complexe

Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, une bonne gestion des risques paraît fondamentale.

Cela permettrait de rééquilibrer la relation homme-nature, de manière que ni l’homme ne soit menacé par

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24 essaye de la contrôler. Aller au-delà de la simple reconstruction peut, avec des politiques de prévention, amener des bénéfices à long terme (O’Keefe et al., 1976). Pendant les dernières décennies les questions concernant les risques ont acquis plus d’importance, non seulement au niveau local mais aussi international comme démontrent les nombreuses conférences qui ont eu lieu. Des progrès dans la prévention sont déjà visibles (Wisner et al., 2004).

Toutefois, quelle que soit l’approche, faire des bonnes politiques préventives n’est pas évident : des nombreuses contradictions entre risques, mais également entre territoires, entre différentes échelles, entre groupes sociaux, etc., obligent les personnes en charge à faire des arbitrages. Une solution pour atténuer un risque affectant un quartier peut par exemple en engendrer d’autres à l’échelle de la ville. Ces arbitrages seront influencés par d’autres politiques publiques, pouvant apparaître très éloignées de la problématique des risques. Des stratégies doivent ainsi être mises en place à tous les niveaux : en partant des changements des comportements individuels, jusqu’aux politiques publiques urbaines nationales et aux actions internationales (Metzger & D’Ercole, 2011).

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2. D’UN TERRITOIRE VULNÉRABLE À UN TERRITOIRE RÉSILIENT

2.1 Contrer le risque : de la résistance à la résilience

L’évolution de la façon d’appréhender les notions de risque, aléa et vulnérabilité, telle que décrite dans les chapitres précédents, a amené à de nouvelles stratégies et outils pour la prévention contre les catastrophes d’origine naturelle. Nous sommes ainsi passés de la vision classique prônant des mesures de résistance à l’aléa, basées notamment sur l’ingénierie et sur la technique, à l’application du concept de résilience (Dauphiné & Provitolo, 2007).

A l’origine, la notion de résilience était appréhendée dans de nombreuses disciplines, telles que la physique, la psychologie ou encore l’écologie. Le mot latin resilio signifiant « rebondir » (Dauphiné & Provitolo, 2007;

Klein et al., 2003), la résilience était comprise en physique comme « la capacité d’un objet à retrouver son état initial après un choc ou une pression continue » (Dauphiné & Provitolo, 2007 : 116). Cependant, dans Resilience and stability of ecological systems, publié en 1973, C.S. Holling prétendait que les systèmes écologiques résilients sont capables d’absorber une perturbation et à persister sans forcément revenir tout de suite à l’état initial. Ainsi, contrairement à la définition de la physique, les écosystèmes sont dynamiques (Dauphiné & Provitolo, 2007; Keck & Sakdapolrak, 2012; Klein et al., 2003).

Ensuite, le concept a évolué. L’idée que les systèmes écologiques et les systèmes sociaux sont liés a acquis de l’importance. Ainsi, la Resilience Alliance focalise sa recherche sur la résilience des systèmes socio-écologiques et ajoute la notion d’adaptabilité à la définition de Holling (Dyck, 2003; Keck & Sakdapolrak, 2012). Les perturbations étant imprévues, mais inévitables, les systèmes socio-écologiques doivent pouvoir s’adapter, c’est-à-dire faire face aux nouvelles situations (Dyck, 2003; Quinlan, 2003). La définition de la Resilience Alliance est interprétée comme le contraire de la vulnérabilité, amenant toutefois à des raisonnements circulaires (le système n’est pas résilient parce qu’il est vulnérable et vice versa) (Keck & Sakdapolrak, 2012;

Klein et al., 2003). En revanche, cela n’est pas le cas dans la définition de Pelling (2003), pour lequel la résilience est seulement l’une des trois composantes de la vulnérabilité, à côté de l’exposition et de la résistance (Dauphiné & Provitolo, 2007; Klein et al., 2003; Pelling, 2003).

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26 Enfin, depuis peu, les théoriciens de la résilience prétendent que suite à la perturbation, le système doit pouvoir se transformer sans retourner forcément à l’état d’origine, si celui-ci est devenu intenable à cause de facteurs économiques, écologiques ou sociaux (Keck & Sakdapolrak, 2012).

Tenant compte de cette évolution, Keck et Sakdapolrak (2012) définissent la résilience comme : « a system’s capacity to persist in its current state of functioning while facing disturbance and change, to adapt to future challenges, and to transform in ways that enhance its functioning. » (Keck & Sakdapolrack, 2012 : 8). Lors d’une perturbation, un système résilient est ainsi capable de continuer à fonctionner suivant la trajectoire désirée, évitant une rupture. La résilience est un moyen permettant un « retour à un état stable et désirable, qui évolue dans le temps en fonction des normes sociales, environnementales et techniques » (Toubin et al., 2012 : 13).

Ce concept est entré dans le discours de la gestion de la réduction des risques d’origine naturelle, notamment dans le cadre de la Décennie internationale pour la réduction des catastrophes naturelles (IDNDR 1990-1999) (Dauphiné & Provitolo, 2007; Klein et al., 2003; Tanguy & Charreyron-Perchet, 2013). Pour faire face aux phénomènes naturels et aux changements climatiques, les partisans de l’approche sociale comme Pelling (2003) et Wisner et al. (2004) parlent du besoin de résilience sociale, c’est-à-dire des individus ou des communautés. En revanche, d’autres auteurs appliquent le concept aux systèmes urbains ou territoriaux, dont les individus font partie à côté de beaucoup d’autres éléments (Keck & Sakdapolrak, 2012; Tanguy &

Charreyron-Perchet, 2013; Toubin et al., 2012a). Dans tous les cas, en favorisant la résilience, le but n’est plus de s’opposer à l’aléa comme dans le cadre de l’approche classique, mais d’accepter le danger et d’essayer de minimiser ses effets (Dauphiné & Provitolo, 2007). Un système résilient étant capable de faire face à une perturbation et à s’en rétablir, une gestion des risques visant à favoriser la résilience permet de faire le lien entre la prévention et la récupération (Klein et al., 2003). Selon l’approche sociale, la résilience est un moyen de réduire la vulnérabilité des personnes, et par conséquent, le risque d’une catastrophe. Dans le cadre de l’approche territoriale, la résilience joue également un rôle majeur, mais le paradigme basé sur les notions d’aléa, de risque et de vulnérabilité change (Trasi et al., 2011).

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Plusieurs auteurs se questionnent sur le lien entre les notions de développement durable et de résilience.

Certains d’entre eux voient la résilience comme vecteur de développement durable (Klein et al., 2003; Toubin et al., 2012a). Dans un environnement sujet à de nombreux changements imprévisibles, la capacité à résister et à s’adapter aux perturbations permet à un territoire de poursuivre ses buts en termes de durabilité (Toubin et al., 2012a). Par ailleurs, comme nous l’expliquerons dans le chapitre 2.3, la prise en compte des questions liées à la gestion des risques dans le cadre du développement durable est un thème important de la vision sociale (Wisner et al., 2004). C’est la raison pour laquelle la définition de la Résilience Alliance est contenue dans le document d’information scientifique pour le Sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002 (Klein et al., 2003).

En psychologie, un individu peut être résilient et surmonter des traumatismes s’il possède des ressources, qui peuvent être de trois types : affectives, comportementales ou sociales, voir culturelles (Cyrulnik, 2004). De la même manière, la résilience face à des catastrophes d’origine naturelle nécessite des ressources. Pour l’approche sociale, celles-ci sont matérielles (argent, logement, nourriture etc.) ou immatérielles (connaissances concernant la survie et les aides, les réseaux d’aide etc.). Les condition sociales permettent aux individus de les obtenir et ainsi de pouvoir faire face à la perturbation (Wisner et al., 2004). Si les auteurs de l’approche territoriale ne parlent pas explicitement de ressources, leurs théories se basent aussi sur des éléments essentiels favorisant la résilience du territoire. Il ne s’agit toutefois pas de toutes les composantes d’un territoire, mais seulement des éléments indispensables, sans lesquelles son fonctionnement ne serait pas garanti en cas de perturbation (Metzger & D’Ercole, 2005, 2009, 2011; Trasi et al., 2011).

Malgré la reconnaissance de l’utilité de ce concept dans le cadre de la gestion des risques , il n’y a pas de consensus sur comment agir concrètement (Klein et al., 2003). De ce fait, les chapitres suivants présenteront des solutions proposées par différents auteurs qui soutiennent les trois visions décrites précédemment.

2.2 L’approche classique et l’évitement de l’aléa

Les stratégies d’atténuation des risques découlant de la vision classique décrite dans le chapitre 1.2, portent

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28 changement de l’utilisation du sol (Klein et al., 2003). Les effets étant plus visibles et à plus court terme, notamment par rapport aux solutions proposées par les prôneurs de la vision sociale, cette approche reste très diffusée et appréciée par les investisseurs et les politiciens (Pelling, 2003). Au Japon, par exemple, déjà après la première guerre mondiale, mais notamment durant les années 1990, de nombreuses mesures de prévention d’ingénierie et organisationnelles ont été mises en place. Sans ces mesures le tremblement de terre de Kobe, qui en 1995 a provoqué plus de 6000 victimes, aurait eu des conséquences beaucoup plus catastrophiques (RTS, 2018; Surchat Vial, 2006).

Plusieurs pays fondent leur gestion des risques sur cette approche. La prévention des tremblements de terre, par exemple, est souvent abordée par l’ingénierie parasismique (Trasi et al., 2011). Il nous semble que cela vaut également pour la Suisse. En effet, sur sa page internet dédiée à la protection contre les tremblements de terre, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) écrit : « La protection contre les tremblements de terre implique pour ce faire diverses mesures de prévention et de préparation. La plus importante d’entre elles est la construction parasismique. […] Les constructions parasismiques offrent la meilleure protection contre les tremblements de terre » (OFEV, 2016d).

Par ailleurs, les différentes mesures proposées par l’OFEV pour la réduction des risques se basent sur des données concernant l’utilisation du territoire ou l’aléa (intensité, périmètre, probabilité d’occurrence) (OFEV, 2016b). Ces dernières permettent d’élaborer plusieurs types de cartes à des échelles variées, notamment les cartes des dangers (figure 1), les cartes d’intensité et les cartes des phénomènes (OFEV, 2016a, 2016b). Les mesures préconisées par l’OFEV concernant principalement l’aménagement du territoire (utilisation du sol), les cartes des dangers doivent être prises en compte dans les plans directeurs cantonaux et dans les plans d’affectations (OFEV, 2016b). Elles montrent le niveau de danger des crues, des glissements de terrain, des processus de chute de pierres ou des avalanches menaçant les zones urbanisées et les voies de communications (OFEV, 2015, 2016a, 2016b). S’il est nécessaire, en complément aux actions d’aménagement du territoire, d’autres solutions techniques, biologiques ou organisationnelles peuvent être prévues (OFEV, 2016b).

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Les cartes des aléas et les mesures découlant de la vision présentée dans ce chapitre sont critiquées par les partisans de l’approche sociale ou territoriale pour plusieurs raisons. En effet, la délimitation exacte des espaces exposés afin d’être sécurisés apparait presque impossible pour certains types d’événements naturels tels que les séismes, les sécheresses ou les ouragans. Si cela apparaît plus faisable pour des événements comme les inondations ou les éruptions volcaniques, elle reste toutefois incertaine (Metzger & D’Ercole, 2005).

Ensuite, dans cette optique, une approche multi-aléas devient difficile : Les cartes qui sont élaborées sont nombreuses, ont des échelles variées et les mesures visant à combattre un type de phénomène naturel pourraient générer d’autres dangers (Metzger & D’Ercole, 2005, 2009).

Une autre critique porte sur le caractère très technique des cartes des dangers, ne permettant pas la prise en compte des aspects sociaux (Metzger & D’Ercole, 2009).

Par ailleurs, dans des situations présentant une forte urbanisation informelle les données concernant l’utilisation du sol sont difficiles à récolter (Pelling, 2003). Si en Suisse ou en Europe cela n’est pas une problématique prépondérante, elle l’est pour de nombreuses villes des autres continents.

De plus, les solutions proposées risquent de renforcer les inégalités présentes sur un territoire. En effet, vu la difficulté de tout sécuriser, une partie des habitants pourrait rester dans des situations à risque et les interventions d’ingénierie pourraient engendrer un mécanisme de gentrification, obligeant les plus pauvres à se déplacer (Metzger & D’Ercole, 2005; Pelling, 2003). Entre 1993 et 2006, à cause de l’énorme construction du barrage des Trois Gorges en Chine, deux millions d’individus ont dû quitter définitivement leurs villes et villages, qui auraient été submergés par l’eau. Si les populations urbaines ont pu s’installer dans de nouvelles villes, les habitants ruraux ont été forcés d’émigrer (Montavon & Koller, 2006).

Une autre problématique demeure dans l’incertitude par rapport à la force de l’événement naturel. Même les meilleures techniques de construction peuvent faillir, si la nature agit avec une force imprévue (Dauphiné &

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30 Provitolo, 2007; Pelling, 2003). L’architecte Toyô Itô s’en est rendu compte lors de la catastrophe qui a eu lieu au Japon en 2011. Gardant dans sa mémoire le dévastant séisme de Kobe en 1995, en 2001 il avait conçu à Sendai une médiathèque avec une attention particulière pour la construction parasismique. Cependant, lors du séisme de 2011 le plafond s’est effondré (Itô, 2014). En se référant à ce désastre, il écrit : « Une catastrophe d’une telle ampleur suscite inévitablement un débat sur la nécessité de renforcer la sécurité de diverses installations et bâtiments. Effectivement, les leçons tirées des catastrophes passées ont permis d’améliorer un certain nombre de normes de sécurité. Mais le risque zéro n’existe pas, quelles que soient les circonstances.

Même pour un seul bâtiment, la sécurité absolue relève de l’impossible » (Itô, 2014 : 37).

Enfin, il ne faut pas oublier que la mise en place de règlements de constructions nécessite aussi des contrôles.

Ceux-ci sont parfois difficilement faisables dans les centres urbains avec des ressources humaines et financières limitées ou dans les villes comptant une grande quantité de bâtiments, parfois informels. En outre, pour qu’ils soient vraiment fonctionnels, ces règlements doivent être conçus pour le contexte local, un aspect qui n’est pas toujours pris en compte. En Jamaïque par exemple, les effondrements lors de plusieurs ouragans étaient dus à l’utilisation des standards de construction britanniques, non adaptés au contexte (Pelling, 2003).

En conclusion, si l’une des raisons pour lesquelles les décideurs préfèrent les solutions « classiques » demeure dans le rapport coût-bénéfices, dépassé un certain degré de danger, les coûts deviennent insoutenables (Toubin et al., 2012b). Les mesures d’ingénierie coûtent cher et si certains pays, comme par exemple la Suisse, peuvent éventuellement se le permettre, il n’en demeure pas moins qu’il serait possible d’économiser de l’argent avec des actions de nature différente (Demarta, 2018). Chaque année, la protection contre les dangers naturels coûte à la Suisse 2,9 milliards de CHF. Cela équivaut à 400 CHF par personne (PLANAT, 2007). Les mesures de préventions telles que la sécurité des bâtiments, la protection directe, les cartes des dangers, etc.

recouvrent environ la moitié du budget. L’autre moitié est dépensée principalement pour les assurances ou est gardé en réserve pour la reconstruction. Seul un petit pourcentage est investi pour la recherche et pour la préparation des secours (PLANAT, 2007).

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2.3 L’approche sociale : le développement comme vecteur de résilience

Selon le Pressure and Release Model (PAR) de Wisner et al. (2004), présenté dans le chapitre 1.3, les habitants d’un territoire à risque subissent la pression de deux forces : l’aléa et la vulnérabilité. Aux yeux des auteurs, diminuer cette pression en modérant la vulnérabilité des habitants, est la clé de la réduction des risques. Si les solutions proposées par la vision classique concernaient principalement les infrastructures physiques, les aspects sociaux sont au cœur de l’approche axée sur la vulnérabilité. Cela ne signifie pas qu’il faut oublier les questions liées à l’ingénierie. Cependant, la réduction de la vulnérabilité ne peut pas être complètement atteinte sans avoir pris en compte le développement social (Pelling, 2003). L’Acces Model (AM) de Wisner et al. (2004) explique l’importance de l’accès aux ressources dans la mise en place des stratégies adaptives, c’est- à-dire de résilience (Pelling, 2003). Qu’on considère la résilience comme l’opposé de la vulnérabilité, ou comme l’un des trois facteurs qui la composent, dans les deux cas, une majeure résilience permet une diminution de la vulnérabilité (Dauphiné & Provitolo, 2007). Concrètement, et suivant la logique du PAR et du AM, Wisner et al. (2004), soutenus par de nombreux autres auteurs, exposent 7 objectifs pour réduire les risques. Ceux-ci seront présentés dans ce chapitre.

Objectif n°1 : comprendre et communiquer la vulnérabilité

Il est très important que les habitants des territoires à risque comprennent les raisons de leur vulnérabilité.

L’éducation et l’information sont en ce sens essentielles. D’un côté, il s’agit d’apprendre des notions concernant les risques, les menaces, la vulnérabilité, etc. D’autre part, la simple information n’est pas suffisante et doit être accompagnée par un changement des comportements, qui pourrait être atteint à l’aide de l’éducation. Plusieurs ONG se servent du PAR comme outil pour aider les communautés à définir leur vulnérabilité, leurs ressources et leurs capacités (Wisner et al., 2004). C’est au niveau des communautés et des organisations locales que ce type d’information et d’éducation peut avoir lieu : les individus n’ont parfois pas les moyens et pour la société civile, il est plus simple de rejoindre les plus marginalisés, que pour le secteur public (Pelling, 2003; Wisner et al., 2004). De plus, la planification et la gestion des risques au niveau local, en incluant la communauté, sont essentielles pour comprendre les structures économiques, politiques et sociales à la base de la vulnérabilité, qui peuvent varier au sein d’un même territoire (Morrow, 1999;

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32 Objectif n°2 : analyser la vulnérabilité

La réduction de la vulnérabilité n’est pas possible sans l’avoir analysée. Trop souvent, les responsables de l’atténuation des risques se limitent à une analyse de l’aléa. Cependant, des progrès ont été faits et des organisations comme la FICR6 ou certains pays en voie de développement mettent en place des analyses intégrées de la vulnérabilité et des aléas7. Ce genre d’analyses nécessite de l’interdisciplinarité, permettant de ne pas oublier de prendre en compte certains facteurs essentiels, mais qui n’est pas facile à mettre en place (Wisner et al., 2004). Le but est d’identifier les groupes d’individus les plus vulnérables, ceux-ci pouvant varier dans chaque société. Généralement, il s’agit des personnes avec un faible accès aux ressources, en raison de leur santé, de leur âge, du besoin d’assistance ou du fait qu’ils ne sont pas indépendants. Les prendre en compte permet une planification adaptée à leurs exigences (Morrow, 1999; Wisner et al., 2004). Elle pourrait être faite sur la base d’une carte de la vulnérabilité. La création de ce type de cartes démarre avec un inventaire et une spatialisation des groupes vulnérables. Ensuite, y sont indiquées les ressources communautaires telles que les abris, les parcs, les organisations, etc. Enfin, la carte pourrait être complétée par des informations concernant par exemple les aléas, les constructions ou la géographie. Ces cartes mettent en évidence les besoins locaux qu’il y a avant, pendant et après un désastre et peuvent enrichir les initiatives d’éducation, de prévention ou de planification. Par ailleurs, il est envisageable de les développer au niveau communautaire et avec des matériaux très simples (Morrow, 1999).

Objectif n°3 : inverser le PAR en contrastant les facteurs qui causent la vulnérabilité

La pression du PAR peut être diminuée en contrastant directement ou indirectement les causes fondamentales8, les pressions dynamiques9 et les situations dangereuses10 (Wisner et al., 2004). Grâce au développement économique et social, les pressions dynamiques, et même les causes fondamentales ne sont pas impossibles à changer. L’accès aux ressources, la diminution de la pauvreté, l’augmentation des capacités des communautés à faire face à un événement naturel, mais surtout une bonne gouvernance sont en ce sens des aspects centraux (Pelling, 2003; Wisner et al., 2004). Les solutions techniques tels que des règlements

6 Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

7 Integrated hazard and capacity/vulnerability analysis (CVA) (Wisner et al., 2004).

8 En anglais : root causes (Wisner et al., 2004).

9 En anglais : dynamic pressures (Wisner et al., 2004).

10 En anglais : unsafe conditions (Wisner et al., 2004).

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