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2. D’UN TERRITOIRE VULNÉRABLE À UN TERRITOIRE RÉSILIENT

2.4 L’approche territoriale : la protection de l’essentiel

2.4.1 La carte de la vulnérabilité territoriale

Un premier exemple de la carte de la vulnérabilité envisagée par Metzger et D’Ercole a été élaboré pour le District Métropolitain de Quito, lors d’une étude menée entre 1994 et 2004. Il s’agit d’un outil innovant parce qu’elle désigne les espaces particulièrement sensibles, pouvant étendre leur vulnérabilité au territoire entier à cause d’une concentration d’enjeux majeurs vulnérables (Metzger & D’Ercole, 2005, 2009). Quatre étapes sont nécessaires pour la réalisation de cette carte : l’identification des enjeux majeurs, l’analyse de leur vulnérabilité, la création d’une carte de la vulnérabilité spatiale et enfin la création de la carte de la vulnérabilité territoriale.

L’identification des enjeux majeurs demande une hiérarchisation des éléments qui apparaissent importants à l’échelle territoriale. Cette hiérarchisation est toutefois arbitraire, il n’y a pas une méthode valant toujours et pour tous les contextes. Pour Quito, ont été choisis différents thèmes, pouvant être regroupés en trois grands champs d’investigation : la population et ses besoins essentiels ; la logistique urbaine ; l’économie et la gestion politico-administrative du territoire. Les enjeux majeurs de chaque thème ont été identifiés et

cartographiés à l’aide de critères quantitatifs, qualitatifs et spatiaux (Metzger & D’Ercole, 2005, 2009). Cette démarche a été menée tant pour le fonctionnement ordinaire que pour une situation de crise du district métropolitain (Metzger & D’Ercole, 2005).

La deuxième étape consiste à faire l’analyse de toute ce qui pourrait interrompre le fonctionnement des enjeux majeurs (Metzger & D’Ercole, 2005). Selon Metzger et D’Ercole (2005, 2009) il y a six facteurs de vulnérabilité : l’exposition à un aléa en est un. Les autres concernent la vulnérabilité intrinsèque des enjeux, la possibilité d’intervenir sur leur fonctionnement, les alternatives de fonctionnement et la dépendance de l’enjeu majeur d’un autre enjeu majeur, qui pourrait lui aussi être vulnérable. Enfin, vu l’impossibilité d’éliminer complètement la vulnérabilité d’un élément, le niveau de préparation en cas de crise en constitue un dernier facteur. Afin de spatialiser les enjeux majeurs les plus vulnérables, leurs faiblesses doivent être comparées (Metzger & D’Ercole, 2005, 2009).

Ensuite, il s’agit de créer une carte de vulnérabilité spatiale, c’est-à-dire une carte des lieux exposés à différents aléas. Leur vulnérabilité spatiale découle du nombre, du type et de la gravité des menaces possibles ou d’une mauvaise accessibilité et se transmet aux enjeux à cause de leur localisation (Metzger & D’Ercole, 2009).

Enfin, les trois types d’informations obtenues sont les bases pour la carte de la vulnérabilité territoriale. Celle-ci est majeure là où il y a la concentration la plus forte d’enjeux majeurs vulnérables et ce sont ceux-Celle-ci qu’il faudrait protéger premièrement. Pour les espaces ne présentant pas d’enjeux majeurs, la vulnérabilité territoriale est définie par la vulnérabilité spatiale (Metzger & D’Ercole, 2009).

Ainsi, les mesures à mettre en place pour sécuriser le territoire peuvent être de différente nature. Il est par exemple possible d’agir directement sur la vulnérabilité de chaque enjeu majeur, d’essayer d’empêcher la transmission de la vulnérabilité des enjeux au territoire entier, ou, au contraire, d’empêcher la transmission de la vulnérabilité spatiale aux enjeux, ou encore d’agir directement sur la vulnérabilité spatiale (Metzger &

D’Ercole, 2009).

38 2.4.2 La SUM et la STM dans la planification urbanistique ordinaire

Différents auteurs théorisant la Structure urbaine minimale (SUM) et la Structure territoriale minimale (STM) sont convaincus de l’importance de lier la planification de l’urgence à la planification ordinaire. Une ville performante en temps normal est capable de mieux réagir en cas de crise. La SUM et la STM sont, à leurs yeux, de nouveaux outils de gestion des risques, pouvant devenir partie intégrante des plans d’urbanisme. En Italie, L’Ombrie était la première région à avoir élaboré une loi14 et des directives pour intégrer la SUM dans le Piano Regolatore Generale (P.R.G.), le principal instrument d’urbanisme italien au niveau communal (Bonotti et al., 2012; Pizzo et al., 2013; Sapere, 2018).

En connaissant la SUM d’un lieu, il est possible de décider des actions urbanistiques prioritaires pour la prévention contre les risques (Fazzio et al., 2010). Comme expliqué auparavant (cf. chapitre 1.4), la SUM est constituée du système d’espaces publics, de parcours, de fonctions et de bâtiments stratégiques nécessaires au fonctionnement de la ville tant en temps ordinaire qu’en cas d’urgence et qui permettent de redémarrer les fonctions urbaines et de rétablir la vie quotidienne dans la phase suivant la catastrophe (Pizzo et al., 2013).

La STM correspond à la SUM au niveau territorial (Bonotti et al., 2012). Les différents auteurs cités dans ce chapitre ont élaboré la SUM de plusieurs petites villes italiennes, visant une prévention contre le risque sismique. Toutefois, cette méthode pourrait être appliquée à n’importe quel autre type d’événement naturel et une approche multi-aléa pourrait être étudiée (Pizzo et al., 2013; Trasi et al., 2011).

La SUM et ses composantes dépendant des spécificités de chaque contexte, leur définition requiert une bonne connaissance du système urbain en question (Bonotti et al., 2012; Fazzio et al., 2010). Les composantes de la SUM ne sont pas les éléments nécessaires à la gestion de l’urgence mais ceux qui permettent de maintenir les fonctions économiques et sociales et qui sont nécessaires pour recommencer les activités urbaines ordinaires suite à l’événement. Cependant, les plans de protection civile doivent quand même être pris en compte (Fazzio et al., 2010; Trasi et al., 2011). Certains types d’éléments font toujours partie de la SUM : d’abord il y a le système de mobilité et d’accessibilité. Ensuite, il y a le système d’espaces ouverts et sûrs, utilisables comme lieu de fuite et de récolte et pour les fonctions de protection civile. Par ailleurs il faut

14 Loi Régionale 11/2005

prendre en compte tous les bâtiments stratégiques, entre autres les sièges du gouvernement ou de l’administration et les établissements sanitaires. Enfin les réseaux technologiques principaux, telles que les centrales électriques, les aqueducs, les infrastructures de communication, etc. sont également importants (Fazzio et al., 2010). Toutefois, selon le contexte, peuvent être ajoutés à la SUM d’autres bâtiments ou fonctions, caractéristiques de la culture et de l’identité du lieu et sans lesquels rétablir la vie quotidienne après la catastrophe est difficile (Fazzio et al., 2010). Principalement, la SUM est constituée d’espaces collectifs et publics. En effet, ceux-ci permettent une intervention rapide en cas d’urgence, le redémarrage des activités urbaines après l’événement, mais aussi une vie urbaine de qualité (Pizzo et al., 2013). Il est important que les différentes composantes soient bien connectées entre elles afin de former la structure. Le système de mobilité constitue le réseau, les espaces et les bâtiments en sont les nœuds (Fazzio et al., 2010). Si un élément ne fonctionne plus, tout le système (SUM) en sera impacté. La prise en considération de ce qui est prévu par les instruments d’urbanisme (par exemple le P.R.G.) est également très importante dans la définition de la SUM (Fazzio et al., 2010).

Comme dans le cadre des enjeux majeurs de Metzger et D’Ercole (2005, 2009), l’identification des composantes de la SUM est suivie par l’évaluation de leur vulnérabilité. Les différents facteurs à analyser sont notamment la vulnérabilité intrinsèque, l’exposition à l’aléa, la vulnérabilité spatiale et l’importance de l’élément à l’intérieur de la SUM (Fazzio et al., 2010). Ce processus doit enfin aboutir à l’inclusion d’actions urbanistiques stratégiques concrètes visant l’augmentation de la fonctionnalité du système, dans les plans d’aménagement. Pour que les éléments soient sûrs et fonctionnels, les interventions envisageables peuvent par exemple être axées sur la réduction de leurs faiblesses, sur l’amélioration de leur fonctionnement ou bien sur la délocalisation des fonctions dans des endroits ou des bâtiments plus adéquats. D’autres solutions peuvent également concerner l’amélioration de tout le système grâce, par exemple à l’ajout de nouveaux éléments manquants, au renforcement des liens entre les composantes et à une majeure redondance des éléments (Fazzio et al., 2010). Une attention particulière doit être accordée à la bonne distribution et à une accessibilité adéquate des fonctions stratégiques (Fazzio et al., 2010; Pizzo et al., 2013). Enfin, afin d’accroitre sa fonctionnalité, la SUM doit pouvoir être adaptée et améliorée au fil du temps, selon les transformations et les changements urbains prévus ou en cours (Pizzo et al., 2013; Trasi et al., 2011).

Figure 1 : Extrait de la carte des dangers du canton de Genève. Dangers de crues et inondations

Inondation - Danger moyen Inondation - Danger élévé Inondation - Danger faible Erosion - Danger élévé Erosion - Danger faible Inondation - Danger résiduel Erosion - Danger moyen

Source: https://www.etat.ge.ch/geoportail