• Aucun résultat trouvé

Étude de cas

9. LA PHASE POST-URGENCE : LES HABITATIONS D’URGENCE

9.1.2. Les aires d’implantation

Les aires d’implantation des nouveaux quartiers ont été choisies le 11 mai 2009, par un groupe du Département de la Protection Civile, aidé par les bureaux techniques de la commune et de la province. Le 24 juillet, suite à des vérifications géotechniques plus approfondies, certaines ont été redéfinies (Calvi et al., 2010; Dipartimento della Protezione Civile, 2018a; Dolce, 2018).

96 Les dimensions des aires ont été définies selon les besoins quantitatifs et selon la morphologie et les caractéristiques du territoire (Calvi et al., 2010). Calvi et al. (2010) soulignent la volonté de prendre en compte différentes spécificités territoriales, telles que les lieux d’origine des sinistrés, l’environnement naturel, la mobilité ainsi que le tissu bâti et les possibilités de développement de la ville. Ainsi, les critères prioritaires pour le choix des aires d’implantation concernaient la proximité aux lieux d’origine des sinistrés, l’intégration dans le tissu bâti existant, la compatibilité avec le P.R.G. et la sécurité hydrogéologique et sismique (Calvi et al., 2010). Toutefois il n’était pas toujours possible de prendre en compte tous ces critères, pour des raisons techniques, notamment les caractéristiques géomorphologiques hydrogéologiques, ou géotechniques du sol (Calvi et al., 2010; Dolce, 2018).

Les figures 28-40 montrent l’emplacement des nouveaux quartiers par rapport au territoire existant. Selon Calvi et al. (2010), les aires de Gignano, S. Elia 1, S. Elia 2, Paganica 2, Paganica Sud, Tempera, Roio 2, Roio Poggio et Cese di Preturo (figures 28-32) s’intègrent dans le tissu bâti des centres déjà existants. En revanche, les aires de Bazzano, Coppito 2, Coppito 3, Sassa et Pagliare (figures 33-35), veulent créer une continuité dans le territoire qui était déjà fragmenté. Toutefois, comme il est possible de voir des figures, cela n’est pas vraiment le cas : la plupart des nouveaux quartiers sont détachés des centres et loin de tous services ou commerces (Alexander, 2010; Contreras et al., 2017; Gogoi & Mobasher, 2015; Venturini & Verlinghieri, 2014). Cela vaut également pour Camarda et Collebrincioni (figures 36 et 37), pour lesquelles les aires d’implantation s’inscrivent dans l’expansion prévue par le P.R.G. (Calvi et al., 2010). Ainsi, il nous semble pertinent de se demander si ce plan d’urbanisme approuvé en 1979 correspond vraiment au développement actuel de la ville. La localisation du quartier C.A.S.E. à Assergi (figure 38) est justifiée par le fait qu’il s’agissait d’une zone devant être requalifiée (Calvi et al., 2010; Dolce, 2018). De plus, comme nous l’avons pu voir lors de la visite de terrain, la morphologie du terrain dans cette zone de montagne a probablement restreint les possibilités d’implantation du quartier. La zone qui nous semble mieux s’intégrer avec l’existant est celle de S. Antonio (figure 40). En effet, il s’agissait d’une aire résiduelle à l’intérieur du tissu bâti (Calvi et al., 2010).

À côté de l’éloignement des nouveaux quartiers du bâti existant, un autre point critique concerne l’expropriation de nombreux terrains agricoles (Contreras et al., 2017; Gogoi & Mobasher, 2015). En effet,

une telle situation d’urgence permet d’exproprier les terrains et de déroger à plusieurs normes (Mazzitti, 2018). Le décret-loi n. 39 du 28 avril 2009 définit que les aires d’implantation peuvent être choisies en dérogeant aux normes urbanistiques en vigueur (Regione Abruzzo, 2009). Ainsi, d’après les informations que nous avons pu extraire du portail du système informatique territorial de la commune (Comune dell’Aquila, 2018), 10 aires d’implantations sont situées pour plus de 70% sur des terrains agricoles selon le P.R.G. Dans quatre cas, les terrains étaient voués à sauvegarder l’environnement. De plus, la carte délimitant le périmètre du Parc national (Ente Parco Nazionale del Gran Sasso e Monti della Laga, 2018b) montre que Camarda et Assergi sont situées à l’intérieur du parc.

Pour les porteurs du projet, il était important d’avoir un regard qui va au-delà du simple bâtiment : l’aménagement des espaces extérieurs, le paysage en plus de la qualité de vie à l’échelle du quartier avaient ainsi une grande importance (Calvi et al., 2010). La figure 41 montre un des plans officiels des aires d’implantation : on peut voir que les planificateurs ont prévu, en plus des grands espaces verts, des aires polyvalentes recouvrant au moins 30% de la surface du quartier. Celles-ci sont destinées à des services et des infrastructures communes ou publiques ainsi qu’aux espaces verts et de sociabilité. Il pourrait par exemple s’agir de services utiles non seulement aux habitants du quartier mais à tout le centre dans lequel le quartier est situé, en faisant le lien entre le nouveau et l’existant (Calvi et al., 2010).

Toutefois, la définition du programme pour ces aires ne fait pas partie du projet, elle est la responsabilité de l’administration communale. Aux yeux des planificateurs, il apparaît difficile de prévoir l’usage de ces espaces sans encore connaître le futur de la ville et la réaffectation des bâtiments (Calvi et al., 2010). Ainsi, presque aucun type de service n’est présent dans les quartiers (Contreras et al., 2017; Marcozzi et al., 2012; T. habitant de C.A.S.E., 2018; Trasi et al., 2011). Cela est un problème qui est ressenti assez fortement par la population.

Plus de la moitié des 500 habitants ayant répondu à un questionnaire à Cese di Preturo réclament des magasins, des bars ainsi que des services basiques et socio-culturels (Farinosi, 2012). Des résultats similaires ont été obtenus par une autre recherche menée à Assergi 2. Les personnes âgées souhaiteraient notamment avoir des services médicaux, comme une pharmacie ou un cabinet médical sur place (Marcozzi et al., 2012).

L’aire de Pagliare entoure un centre commercial qui n’a jamais été complété (figure 35). Idéalement, il aurait

98 pu fournir plusieurs services et commerces au quartier (Calvi et al., 2010). À l’heure actuelle, cela n’est pas encore le cas (Iuliano, 2017).

Contreras et al. (2017) ont analysé le nombre et la typologie des équipements et des services disponibles à moins de 10min à pied depuis les quartiers de C.A.S.E. Les équipements les plus disponibles sont les parcs et les arrêts de bus (figure 42). Cela ne correspond toutefois pas aux équipements les plus demandés par les habitants. La seule exception est le quartier de S. Antonio, s’intégrant dans un tissu urbain existant et étant un des plus proches du centre-ville. Les auteurs de cette recherche démontrent que le niveau d’insatisfaction des habitants (c’est-à-dire la volonté de changer de quartier) est lié à la distance au centre-historique et à l’absence de services ou d’équipements urbains (figure 43). De plus, figure 43 montre que les quartiers les plus peuplés ne sont pas les plus équipés (Contreras et al., 2017).

Les transports publics sont les seuls services prévus à l’intérieur des quartiers du projet C.A.S.E. Ils n’ont toutefois pas une desserte optimale (Farinosi, 2012; Marcozzi et al., 2012; T. habitant de C.A.S.E., 2018). Vu l’éloignement de certains quartiers, notamment Arischia, Assergi 2 et Collebrincioni, des centres et surtout du centre-ville de L’Aquila, les habitants sont souvent obligés d’utiliser la voiture (Calandra, 2012; Contreras et al., 2017). Cela a des répercussions en termes de temps et de coûts. Dans le cadre d’Assergi 2 par exemple, la façon la plus pratique pour se rendre à L’Aquila est d’utiliser l’autoroute. Certains habitants n’ont toutefois pas la possibilité de soutenir ces frais (Marcozzi et al., 2012). Les personnes qui souffrent le plus de cette situation sont notamment les personnes âgées, qui se sentent isolées (S. et T., habitants de C.A.S.E., 2018).

De même, pour ceux qui habitaient dans le centre historique il s’agit d’un changement notable des modes de vie. (Farinosi, 2012; Marcozzi et al., 2012). Cependant, avec la reconstruction qui avance, les logements commencent à se libérer et il y a la possibilité de demander de changer de quartier (A. et T., habitants de C.A.S.E., 2018).

Ainsi, les priorités et les problèmes techniques et organisationnels du projet ne se sont pas révélés compatibles avec les critères et les principes d’aménagement qui devaient, selon les planificateurs, caractériser le projet. Ni la relation entre les villages et le centre historique, ni les caractéristiques spatiales et

sociales du territoire ont vraiment été prises en compte. Il en résulte un territoire fragmenté (Contreras et al., 2017; Porru, 2012). De plus, le manque d’une vision à long terme ne permet pas la définition complète des quartiers.