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Les Alpes ont besoin d'un projet

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Academic year: 2022

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Les Alpes ont besoin d'un projet

RAFFESTIN, Claude

RAFFESTIN, Claude. Les Alpes ont besoin d'un projet. In: METTAN Guy. Les Alpes à l'avant-garde de l'Europe ? . Sion : Le Temps stratégique, 1986. p. 54-56

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4424

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LES PROMESSES

Les Alpes ont besoin d'un projet

Par Claude Raffestin

Des contributions précédentes, j'ai retenu des éléments assez para- doxaux. D'une part que les Alpes étaient revendiquées par tous bien qu'elles n'appartiennent à personne et d'autre part, que seul un con- férencier sur cinq savait ce qu'étaient vraiment les Alpes. Cela m'a fait réfléchir, si bien que je me suis demandé moi aussi si les Alpes existaient vraiment.

Je crois que oui. Je vois les Alpes comme un ensemble physique, humain, géographique donné, qui évolue avec les sociétés qui les habitent. Ce n'est donc pas tant la géographie qui détermine l'histoire que l'histoire qui exploite et conditionne la géographie.

Cela dit, peut-être faut-il voir dans la diversité des avis exprimés et dans l'incapacité de dégager un profil cohérent des Alpes le reflet d'un manque: celui d'un projet social, économique et culturel auquel pourraient s'identifier les communautés alpines. Les Alpes, le Valais, n'ont pas de tel projet. Peut-être parce qu'il y en a beaucoup. Mais dans ce domaine, il est préférable d'en avoir peu, voire un seul. On a dit qu'il ne fallait pas s'attendre à des miracles. Bien sûr qu'il faut en attendre! Les miracles adviennent quand on les fait soi-même: c'est à cela que sert un projet.

Esquisser un tel projet n'est évidemment pas chose facile et exige la collaboration de tous. J'ai entendu quelqu'un dire: «Sion est en plaine, les Alpes commencent dans les vallées latérales.»

Voilà une vision bien courte: les habitants de la plaine valaisarme sont dans les Alpes et sont aussi responsables du projet global que ceux des Alpes valaisannes.

Cette tâche est également impossible si l'on n'abandonne pas la représentation mythique que l'on se fait des Alpes. Le mythe des Alpes a été inventé à la fin du XVIIIe siècle par des gens des villes et des plaines. Célébré par Albert de Haller, repris par Rousseau, les pré-romantiques et les romantiques jusqu'à la fameuse «Montagne

Claude Raffestin est professeur de géographie humaine à l'Université de Genève. Il a publié de nom- breux ouvrages et articles louchant à la géographie théorique, politique et sociale ainsi qu'à l'écologie humaine, parmi lesquels Pour une géographie du pouvoir (Paris, Litec, 1980) et Géographie des frontières (Paris, PUF, 1974). Il était chargé de présider et d'introduire le débat de l'après-midi.

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QUEL VISAGE PRÉSENTERONT LES ALPES DEMAIN?

magique» de Thomas Mann à la fin du XIXe siècle, ce mythe, propre à une époque, a fait le bonheur des entrepreneurs du tourisme. Il exprimait l'idée que la verticalité si frappante des Alpes était en quelque sorte le pendant physique de la nécessaire élévation spiri- tuelle. On venait dans les Alpes pour se fortifier physiquement et moralement. Ce mythe des Alpes «salvatrices» est en train de dispa- raître, comme se tasse l'activité touristique qu'il a fait naître. Les Alpes ont d'autres possibilités que le tourisme, notamment dans le domaine industriel, comme on a pu le voir avec MM. Martinelli et Seravalli. Le tourisme ne doit pas être un frein à la réindustrialisation possible des Alpes.

Le projet alpin: combiner

la haute technologie et la contemplation

Je disais que l'histoire commandait la géographie et non l'inverse.

L'histoire agit sur le donné géographique au moyen d'un procédé devenu fondamental aujourd'hui, l'information. L'information, au sens large de mémoire et de savoir-faire technologique, permet en effet de penser, d'imaginer, de forger un projet. L'information est désormais une ressource des Alpes comme l'ont été - et le sont encore - la verticalité dont je viens de parler, et la mobilité des habitants, qui n'hésitaient pas à migrer vers les plaines pour gagner de l'argent.

C'est vrai que les Alpes n'ont jamais été innovatrices en matière d'information. La première révolution industrielle, celle de la vapeur au début du XIXe siècle, n'est pas une invention alpine. Mais les Alpins ont toujours eu cette capacité extraordinaire d'adopter, et d'adapter, les innovations mises au point ailleurs. Or, il se trouve que l'on arrive aujourd'hui à la fin d'une phase de développement, celle des nouveaux métaux, commencée grosso modo vers 1880 avec l'invention de l'électricité et la production de l'aluminium, et au début d'une nouvelle phase que l'on pourrait appeler «hi-tech». Ces hautes technologies, ces nouvelles informations en cours de dévelop- pement, ne sont pas nées dans les Alpes. Mais elles peuvent y être adaptées comme le furent souvent les anciennes.

Les Alpes sont même très bien placées de ce point de vue. Leurs habitants, autrefois mobiles pour gagner leur vie, sont aujourd'hui mobiles pour s'informer, pour aller chercher dans les universités, les écoles polytechniques, les instituts de recherche et les grandes entre- prises des centres urbains le savoir qui sera ensuite ramené et valorisé dans les montagnes.

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LES PROMESSES

En ce sens, il est évident que la haute technologie, comme le rap- pelait M. Martinelli, n'est pas seulement faite d'électronique, de robotique et de biotechnologie. Elle est d'abord un savoir-faire qui incorpore un maximum d'information, un produit et un processus de production. Les Alpes sont bien placées pour faire fructifier cette information parce qu'elles vont au-devant de cette volonté nouvelle de combiner à la fois le travail quotidien, la contemplation de la nature et la jouissance de la culture. Les Alpes sont une de ces régions charnières qui permettent à leurs habitants de valoriser les éléments culturels indispensables au maintien de leur identité, d'offrir un cadre naturel de qualité, en les faisant profiter des avan- tages des grandes villes proches, sans en avoir les inconvénients, d'organiser leur travail et leurs loisirs sans qu'il y ait rupture (on peut passer des loisirs au travail et vice-versa immédiatement, sans faire deux heures de voiture par exemple).

Je crois que s'amorce une nouvelle révolution industrielle dans laquelle le travail hautement qualifié, comportant un degré élevé d'information, sera combiné avec une culture beaucoup plus axée sur la contemplation. Et pour cela, peut-on trouver mieux que les Alpes?

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