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Numérique en cas d'urgence : que faire?
BADILLO, Patrick-Yves
BADILLO, Patrick-Yves. Numérique en cas d'urgence : que faire? La Tribune de Genève, 2018
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Numérique en cas d’urgence: que faire?
26.07.2018
Très récemment, j’ai expérimenté une situation d’urgence relative dans un pays voisin. Brutalement, un orage extrêmement violent ponctué de grêlons d’une taille significative. Immédiatement, la situation prend une tournure qui n’est pas critique mais conduit à réfléchir sur l’impéritie du numérique dans un contexte d’urgence.
En effet, l’autoroute est instantanément bloquée, les aires de repos sont envahies. À certains endroits, un demi-mètre d’eau empêche toute circulation.
Dans ce cas de figure, le réflexe immédiat est d’appeler Monsieur Google. La formule magique « OK Google » est invoquée! Ici commencent les désillusions. Le réseau est évidemment très lent, voire inopérant. Le site météo national ne se télécharge pas.
Surtout, Monsieur Google indique que le beau temps est au rendez- vous! D’autres sites annoncent seulement quelques nuages!
Deux autres exemples sont intéressants. Le premier est celui de Fukushima. À grand renfort de communication, Yahoo avait créé une plate-forme numérique. Elle prenait le relais des sites officiels des ministères japonais débordés. Elle donnait des informations sur les points sensibles, mettait en relation les populations au niveau local, donnait des informations sur les sources d’électricité. Formidable initiative? Oui, mais elle intervenait plusieurs jours après le paroxysme de la crise, le temps de déployer la plate-forme. Dans l’intervalle, les journalistes diffusaient des informations locales en collant des affiches en papier sur les murs!
La réflexion qui devrait animer nos sociétés et leurs décideurs est la suivante: ne devrait-on pas disposer d’un réseau numérique spécifique dédié aux urgences, garantissant la fluidité du trafic, comme il y a le 144 pour une urgence de santé personnelle? En effet, l’impéritie du numérique apparaît en cas d’urgence: les réseaux numériques sont envahis et bloqués, les informations accessibles erronées ou obsolètes. Par exemple, dans le cas que j’évoquais, en cherchant des informations sur les violents orages en question, j’obtenais instantanément les titres suivants:
orages violents… avec une multitude de détails… pour des orages qui avaient eu lieu deux ans plus tôt! Autre exemple: le 18 janvier 2002, un train transporte des matières dangereuses dans le Dakota du Nord. Il déraille en pleine nuit et les autorités veulent avertir la population du danger du nuage toxique. Cela n’est pas possible parce que les radios sont trop peu nombreuses dans cette zone géographique et fermées à l’heure de la catastrophe. Certains diront: «Pas de souci, les réseaux sociaux vont diffuser les informations.» On sait pertinemment que cela fera du buzz. Mais il est plus que probable que des informations erronées envahissent la Toile et qu’un panurgisme néfaste se déploie! L’impéritie numérique en situation d’urgence part d’un double constat: dans ces situations, il y a fort à parier que les réseaux numériques seront inopérants et encombrés.
Cette impéritie est inquiétante car les professionnels de l’information, les journalistes sont de moins en moins nombreux. La production et la diffusion d’une information vérifiée, pertinente, hiérarchisée sont évanescentes. La société tout entière pourra alors développer ses réflexions sur le rôle des médias, notamment si l’impéritie devient réalité… pour des situations graves.
Patrick-Yves Badillo Professeur UNIGE Medi@LAB
Ne devrait-on pas disposer d’un réseau numérique spécifique dédié aux urgences?