HAL Id: tel-02004682
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Calcul ab initio de l’interaction effective entre électrons f
pour les lanthanides et les oxydes d’actinides
Jean-Baptiste Moree
To cite this version:
Jean-Baptiste Moree. Calcul ab initio de l’interaction effective entre électrons f pour les lanthanides et les oxydes d’actinides. Electrons fortement corrélés [cond-mat.str-el]. Université Paris Saclay (COmUE), 2018. Français. �NNT : 2018SACLS520�. �tel-02004682�
NNT
:
2018SA
CLS520
Calcul ab initio de l’interaction effective
entre ´electrons f pour les lanthanides et
les oxydes d’actinides
Th `ese de doctorat de l’Universit ´e Paris-Saclay pr ´epar ´ee `a l’Universit ´e Paris-Sud Ecole doctorale n◦564 Physique en ˆIle-de-France (PIF) Sp ´ecialit ´e de doctorat : Physique
Th `ese pr ´esent ´ee et soutenue `a Orsay, le 28/11/2018, par
J
EAN-B
APTISTEM
OREE´
Composition du Jury :Florent Boucher
Directeur de Recherche, Institut des Mat ´eriaux Jean Rouxel de Nantes Pr ´esident
Xavier Blase
Directeur de Recherche, Institut N ´eel Rapporteur
´
Eric Bousquet
Charg ´e de Recherche, Universit ´e de Li `ege Rapporteur
Silke Biermann
Professeur, ´Ecole Polytechnique Examinatrice
Bernard Amadon
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HÈSE DE DOCTORAT
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COLE DOCTORALE
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HYSIQUE EN
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Calcul ab initio de l’interaction
effective entre électrons f pour les
lanthanides et les oxydes d’actinides
Jean-Baptiste M
ORÉEpour obtenir le grade de Docteur en Physique
Jury
Florent B
OUCHERPrésident
Xavier B
LASERapporteur
Eric B
OUSQUETRapporteur
Silke B
IERMANNExaminatrice
Bernard A
MADONDirecteur de thèse
Soutenue publiquement le 28 Novembre 2018 à Orsay
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Centre DAM Île-de-France - Bruyères-le-Châtel, 91297 Arpajon Cedex
Remerciements
Je commence par remercier très chaleureusement mon directeur de thèse, Bernard Amadon. J’ai particulièrement apprécié ta patience et ta gentillesse durant ces trois années, au cours desquelles j’ai acquis beaucoup de choses grâce à toi (dont l’autonomie et la rigueur de travail), ce pour quoi je te suis très reconnaissant.
Mes remerciements vont ensuite à mon jury de thèse, tout d’abord à Florent Boucher pour l’avoir présidé, ainsi qu’à mes deux rapporteurs, Xavier Blase et Eric Bousquet, pour leur lecture attentive ainsi que leurs remarques et questions précieuses. Merci tout par-ticulièrement à Silke Biermann, qui a également été ma tutrice scientifique au cours de cette thèse, et avec qui j’ai eu des discussions très intéressantes sur les aspects tech-niques des calculs d’interaction effective.
Je remercie ensuite l’ensemble des personnes de mon service, que j’ai eu beaucoup de plaisir à côtoyer tout au long de ces trois années. Tout d’abord mon chef de service, François, et mon chef de labo, Christophe, pour m’y avoir accueilli, ainsi qu’à Sandra, notre secrétaire, pour sa disponibilité et son aide conséquente sur les questions et dé-marches administratives.
Merci tout particulièrement à Grégory, qui fut également mon parrain de thèse, pour sa disponibilité, sa gentillesse et les discussions de physique que nous avons eues. Un grand merci également à Patrick, pour nos discussions passionnantes sur des sujets var-iés tels que l’astrophysique et la spiritualité, ainsi que pour son écoute. Merci également à Bruno, notamment pour nos discussions sur l’un de nos intérêts communs, la musique. Enfin, merci à tous les autres permanents du labo, avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à discuter, notamment Aurélien, Boris, Claire, Jean-Lin, Joëlle, Laurent, Marc, Nicolas et Ronan.
Merci ensuite à mes compagnons thésards, ainsi qu’aux anciens : Ahmed-Amine, Alexandre, Emmanuel, Estelle, Gérôme, Giovanni, Jean-Charles, Paul, Raphaël, égale-ment Aloïs et Jean-Baptiste qui nous ont rejoints il y a peu, ainsi que Thibaud, mon co-bureau, pour son humour sans limites ayant donné lieu à de nombreuses tranches de franche rigolade.
Merci tout particulièrement à Luc, qui fut également mon co-bureau pendant deux ans et partagea mon amour du café, pour toutes nos discussions riches et enjouées, sur les neurosciences et l’univers vidéo-ludique mais aussi sur tout et rien.
Merci également à Gautier pour sa jovialité et les discussions passionnantes sur l’é-conomie et les sujets de société que nous avons eues, à Nils pour nos échanges sur l’univers merveilleux des jeux de rôle et de l’heroic fantasy, ainsi qu’à Aude, avec qui j’ai partagé ma passion des jeux de plateau.
Merci également à tous les autres non-permanents que j’ai côtoyés : David, Esther, Frédéric, Jean, Luis, Nicolas, Quentin, Richard, Sami, Sébastien, Théo, Tristan, Ulysse,
Valentin et Xavier.
Enfin, je tiens à remercier les personnes extérieures au labo, à commencer par ma famille qui m’a accompagné et m’a soutenu durant ces trois années. Merci ensuite à mes amis férus de jeux de plateau, Arthur, Corentin, Marine et Paul-Claude, pour leur écoute et leur disponibilité, ainsi que pour de nombreuses soirées remplies de dés, cartes de tarot et autres jetons.
Merci également à mes autres amis, notamment Alicia, Anne, David, Marie, Siyi, Sonya et Sophie, ainsi qu’aux personnes de l’association ludique de mon ancienne école, à laquelle j’ai eu beaucoup de plaisir à retourner de temps en temps.
Résumé
Les systèmes à électrons fortement corrélés sont d’intérêt particulier pour le calcul ab initio, cherchant à modéliser ces systèmes à partir des premiers principes. La théorie de la fonctionnelle de la densité associée à une prise en compte des corrélations locales en DFT+U ou en DFT+DMFT, permet de reproduire qualitativement la physique de ces systèmes. Cependant, ces méthodes font intervenir les paramètres d’interaction effective de Hubbard U et de Hund J. Ces derniers peuvent eux-mêmes être calculés de manière ab initio, notamment avec l’approximation de phase aléatoire contrainte (cRPA), ou-vrant la voie au développement de schémas de calcul les plus prédictifs possible. Nous utilisons un schéma DFT+U/cRPA, dont le principe consiste à calculer les paramètres U et J en cRPA et la structure électronique en DFT+U de manière auto-cohérente. Nous appliquons ce schéma aux lanthanides allant du cérium au lutétium (en détaillant le cas du cérium dans ses phases gamma et alpha), et aux dioxydes des actinides allant de l’u-ranium au curium. Nous effectuons d’abord une étude de l’état fondamental en DFT+U en fonction de U, en détaillant l’influence des états métastables. Nous étudions le rôle de la localisation des orbitales corrélées sur l’interaction effective dans un cas partic-ulier. Nous détaillons ensuite les valeurs de U obtenues en cRPA en fonction de celles utilisées pour le calcul DFT+U. Nous nous intéressons plus particulièrement aux effets des processus d’écrantage sur les valeurs de U obtenues. Nous montrons que les lim-itations du schéma observées (multiplicité des valeurs auto-cohérentes de U obtenues et/ou incompatibilité de ces valeurs avec les spectres de photoémission expérimentaux) sont causées par certains processus d’écrantage spécifiques. Cela suggère d’améliorer la description de ces processus d’écrantage en modifiant le modèle.
Abstract
Strongly correlated electron systems are particularly interesting for ab initio calcu-lus, which aims to model these systems from first principles. Density functional theory, improved by taking into account local correlations within DFT+U or DFT+DMFT, en-ables to reproduce qualitatively the physics of these systems. Nonetheless, these meth-ods require the Hubbard and Hund effective interaction parameters U and J. These can be computed from first principles as well, within the constrained random phase approx-imation (cRPA), paving the way for numerical schemes as predictive as possible.
Here, we use a DFT+U/cRPA scheme, which aims to compute self-consistently the U and J parameters with cRPA and the DFT+U electronic structure. We apply this scheme to lanthanides from cerium to lutetium (insisting on cerium and its gamma and alpha phases), and dioxides of actinides from uranium to curium.
We study the DFT+U ground state in function of U, giving more details about the influence of metastable states. We study as well the influence of the localization of correlated orbitals on the effective interaction in a particular case. We then detail the values of U obtained with cRPA, in function of those used for the DFT+U calculation. We study more particularly the effects of screening processes on the obtained values of U. We show that the limitations of the scheme (multiplicity of self-consistent values of U and/or their incompatibility with experimental photoemission spectra) are caused by specific screening processes. This suggests to improve the description of these screening processes by modifying the model.
Table des matières
Remerciements
III
Résumé
V
Table des matières
VII
Introduction générale
1
Contexte. . . 1 Approche . . . 2 Contributions . . . 3 Plan du manuscrit . . . 3I
Formalisme et méthodes
5
1 Calcul de la structure électronique d’un solide 7 A Généralités . . . 7B Théorie de la fonctionnelle de la densité . . . 12
C Cas d’un solide périodique . . . 18
2 Extension de la théorie de la fonctionnelle de la densité pour les systèmes fortement corrélés 21 A Améliorations de la DFT pour les systèmes fortement corrélés . . . 21
B Fonctions d’onde pour les électrons corrélés . . . 23
C Description des corrélations locales . . . 25
D Prise en compte des corrélations locales en DFT+U . . . 29
3 Calcul des interactions effectives entre électrons corrélés 33 A Interprétation physique des paramètres U et J . . . 34
B Méthodes de calcul des interactions effectives entre électrons corrélés . . 37
C Approximation de phase aléatoire contrainte (cRPA) . . . 41
TABLE DES MATIÈRES
4 Auto-cohérence entre la structure électronique et les interactions effectives
- Schéma DFT+U /cRPA 49
A Importance de l’auto-cohérence entre la structure électronique et les
in-teractions effectives. . . 50
B Schéma auto-cohérent DFT+U /cRPA . . . 51
C Mise en oeuvre et aspects numériques . . . 54
II
Application du schéma DFT+U /cRPA aux lanthanides et aux
oxydes d’actinides
59
5 Application au cérium 61 A Le cérium, et ses phases γ et α . . . 62B Application du schéma DFT+U /cRPA aux phases γ et α du cérium . . . 66
C Discussion sur les valeurs auto-cohérentes de U . . . 73
D Discussion sur la méthode de calcul de la structure électronique . . . 74
E Étude des processus d’écrantage en cRPA . . . 75
F Bilan . . . 81
6 Application aux lanthanides 85 A Les lanthanides . . . 86
B Application du schéma DFT+U /cRPA aux lanthanides . . . 91
C Valeurs auto-cohérentes de U . . . 99
D Étude des processus d’écrantage . . . 100
E Bilan . . . 103
7 Application aux oxydes d’actinides 105 A Les oxydes d’actinides . . . 106
B Application du schéma DFT+U /cRPA aux oxydes d’actinides . . . 114
C Valeurs auto-cohérentes de U . . . 121
D Étude des processus d’écrantage . . . 122
E Bilan . . . 123
8 Complément - Modification du modèle pour les électrons corrélés pour un cas test et comparaison des PLOWF et MLWF 125 A Modification du codeABINIT . . . 126
B Tests sur le dioxyde d’uranium . . . 127
Conclusion générale
131
Annexes
135
A Harmoniques sphériques réelles cubiques 135
B Europium : comparaison des phases bcc et fcc 137
C Dioxyde d’américium : influence de la relaxation sur l’état fondamental en
TABLE DES MATIÈRES
D Valeurs des paramètres de convergence 141
Bibliographie
141
Table des figures
153
Introduction générale
Contexte
La physique de la matière condensée s’intéresse à l’étude des milieux denses — in-cluant les matériaux solides mais aussi certains plasmas — et de leurs propriétés à l’échelle microscopique (∼ 10−10 m pour les atomes). Elle complète les disciplines
s’in-téressant à des échelles plus grandes, telles que la mécanique des milieux continus
(échelle macroscopique, descendant jusqu’à ∼ 10−3 mètres), la dynamique moléculaire
classique (s’intéressant aux interactions entre atomes dans une approche classique, à
des échelles d’environ 10−9 m), et d’autres approches situées entre ces deux dernières
(échelle mésoscopique, ∼ 10−6 m).
À l’échelle des atomes, les lois de la physique classique deviennent inadaptées et laissent place à celles de la mécanique quantique. Cette dernière permet de trouver une interprétation à certains phénomènes physiques inexplicables par la mécanique classique (tels que le magnétisme, l’effet photoélectrique, la supraconductivité...). La mécanique quantique s’intéresse plus particulièrement àu comportement des électrons au sein des matériaux, ainsi qu’au mouvement des noyaux atomiques si l’on souhaite prendre en compte certains effets comme ceux de température, traduisibles en terme de phonons — cela donne notamment lieu à la dynamique moléculaire quantique —.
Il existe des approches plus raffinées à des échelles encore plus petites, telles que
celle des noyaux atomiques (∼ 10−15 m) en physique nucléaire, traitant notamment
des interactions entre les différents constituants des noyaux atomiques. Cependant, en physique de la matière condensée, considérer les noyaux comme des charges ponctuelles est suffisant.
Les lois de la mécanique quantique sont ainsi les plus fondamentales qui soient à notre échelle d’étude. Leur usage permet donc d’être le plus prédictif possible vis-à-vis des propriétés étudiées. Ce caractère prédictif est souhaitable dans l’optique du
materials design, discipline s’attachant à créer des matériaux possédant une ou plusieurs
propriétés spécifiquement voulues.
Pour ce faire, un complément précieux à l’expérience est la simulation numérique. Une des branches de cette dernière, le calcul ab initio, a été développée afin de cal-culer — entre autres — la structure électronique des matériaux à partir des seules lois de la physique quantique, sans introduction de paramètres extérieurs. Il est possible de déduire de cette structure électronique, diverses propriétés mécaniques, électriques, magnétiques, thermiques et optiques du matériau étudié.
Parmi les matériaux importants aux yeux du materials design et du calcul ab
Ces matériaux incorporent certains éléments chimiques — de manière exclusive sous forme pure, ou non exclusive dans le cas d’oxydes ou d’autres composés —, à savoir certains métaux de transition, les lanthanides (également appelés terres rares) et les actinides. Une de leurs particularités physiques est d’incorporer des électrons localisés au voisinage de leur atome et interagissant fortement entre eux, ce qui crée de fortes corrélations électroniques locales.
Ces corrélations sont responsables des propriétés particulières de ces systèmes, qui leur confèrent de nombreuses applications technologiques. Parmi ces dernières figurent (entre autres) les aimants et les écrans tactiles pour les lanthanides, et les supracon-ducteurs à haute température critique pour certains composés incluant des métaux de transition. Les matériaux fortement corrélés sont également très intéressants d’un point de vue plus théorique : par exemple, le cérium (le plus léger des lanthanides après le lanthane) présente une transition entre ses phases solides α et γ, entre lesquelles seul le paramètre de maille de la structure cristalline change. La description précise des mé-canismes régissant cette transition de phase constitue l’un des défis de la physique de la matière condensée.
Cependant, le traitement de ces systèmes dans une approche ab initio pose des problèmes ardus. Les fortes corrélations locales entre électrons sont en effet difficiles à décrire. Les approches traditionnelles, telles que la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT) associée à ses fonctionnelles usuelles — Approximation de Densité Lo-cale (LDA) et Approximation du Gradient Généralisé (GGA) —, ne permettent pas de le faire convenablement, ce qui fausse le calcul de la structure électronique. Traiter les cor-rélations locales dans une approche de champ moyen statique (en DFT+U ) permet de prendre en compte les fortes corrélations locales, mais seulement dans la limite où les énergies d’interaction entre les électrons corrélés sont grandes devant les autres éner-gies caractéristiques du système (telles que la largeur de bande). L’approche de champ moyen dynamique (DMFT) améliore la DFT+U en traitant exactement les corrélations locales de force quelconque. Elle est cependant plus compliquée à mettre en oeuvre, et ne permet pas de décrire les corrélations non locales.
Les corrélations électroniques sont étroitement liées à la notion d’écrantage des in-teractions entre les électrons. Les effets de l’écrantage peuvent être évalués avec d’autres méthodes complétant celles mentionnées ci-dessus. Ces méthodes permettent notam-ment de calculer les paramètres d’interaction effective entre électrons corrélés, à partir de la structure électronique. Une d’entre elles est l’approximation de phase aléatoire contrainte (cRPA), calculant les interactions effectives en retirant les processus d’écran-tage internes aux électrons corrélées — qui seront contenus dans les interactions effec-tives —.
Approche
Cette thèse se propose d’étudier le rôle de l’auto-cohérence entre les processus d’écrantage et les interactions effectives entre électrons corrélés, dans le calcul de ces dernières. Nous traitons les fortes corrélations électroniques dans une approche de champ moyen en DFT+U , et les processus d’écrantage sous l’approximation dite de phase aléatoire contrainte (cRPA). Leur usage combiné donne lieu au schéma de calcul auto-cohérent dit "DFT+U /cRPA". Ce schéma soulève des questions intéressantes dans
l’optique de son extension à d’autres schémas plus généraux. Les questions notables abordées sont les suivantes :
– Peut-on systématiquement trouver une unique valeur auto-cohérente de U avec une approche ab initio ?
– Pour des systèmes sur lesquels nous disposons de données expérimentales, les valeurs auto-cohérentes obtenues sont-elles en accord avec l’expérience ?
– Quel est le rôle des différents processus d’écrantage au sein du matériau en cRPA sur les valeurs auto-cohérentes possibles ?
– Comment choisir le modèle pour les électrons corrélés ?
– La localisation des fonctions d’onde corrélées a-t-elle une influence sur les résul-tats ?
Contributions
Pour répondre à ces questions, nous présentons des applications du schéma DFT+U /cRPA aux lanthanides du cérium au lutétium, ainsi qu’aux dioxydes des actinides allant de l’u-ranium au curium. Nous étudions les valeurs des paramètres d’interaction de Hubbard
U et de Hund J obtenues pour ces systèmes.
Nous modifions également le code de simulation ab initio ABINIT afin d’utiliser les
fonctions de Wannier maximalement localisées en cRPA. Des tests préliminaires de cette implémentation sur le dioxyde d’uranium sont présentés.
Les principaux résultats présentés sont les suivants :
– En général, le schéma auto-cohérent DFT+U /cRPA ne permet pas d’obtenir une unique valeur auto-cohérente de U (limitation méthodologique).
– Lorsqu’on obtient une unique valeur auto-cohérente de U et qu’on dispose des résultats expérimentaux — le spectre de photoémission, en l’occurence — pour comparaison, la valeur trouvée ne permet pas toujours de reproduire convenable-ment le spectre (limitation expériconvenable-mentale).
– Ces limitations trouvent leur origine dans les processus d’écrantage au sein du matériau, plus spécifiquement l’écrantage rf pour les lanthanides et l’écrantage rr pour certains dioxydes d’actinides.
– La localisation des fonctions d’onde corrélées n’a que peu d’influence sur les résul-tats pour les valeurs de U et de J calculées en cRPA.
Une possibilité [1] pour remédier aux limitations constatées est de modifier le mod-èle pour les électrons corrélés, en y incorporant des électrons supplémentaires (5d pour les lanthanides, en plus des électrons 4f , et 2p pour les dioxydes d’actinides, en plus des électrons 5f ). Une autre [2] est d’aller au-delà de la cRPA, pour laquelle il est envis-ageable que les processus d’écrantage responsables des limitations ci-dessus, soient mal décrits.
Plan du manuscrit
La partieIprésente le formalisme et les méthodes utilisées.
– Dans le chapitre1, on donne quelques généralités sur le calcul de la structure élec-tronique d’un solide, notamment en ce qui concerne la théorie de la fonctionnelle de la densité.
– Le chapitre2 étend cette dernière au cas des systèmes fortement corrélés, en
dé-taillant plus précisément la DFT+U .
– Le chapitre 3 explique ensuite les différentes méthodes de calcul des paramètres
d’interaction entre électrons corrélés, notamment l’approximation de phase aléa-toire contrainte (cRPA), utilisée dans cette thèse.
– Le chapitre4présente enfin le schéma auto-cohérent DFT+U /cRPA, permettant le
calcul de la structure électronique en DFT+U et des paramètres d’interaction ef-fective en cRPA de manière auto-cohérente, et donne quelques détails numériques.
La partie II présente nos applications du schéma auto-cohérent DFT+U /cRPA à
divers systèmes à électrons fortement corrélés.
– Le chapitre5présente l’application aux phases γ et α du cérium.
– Le chapitre 6 présente l’application aux lanthanides allant du praséodyme au
lutétium. Certains résultats du chapitre5y sont reproduits pour comparaison avec
le cérium.
– Le chapitre 7étudie le cas des dioxydes d’actinides (uranium, neptunium,
pluto-nium, américium et curium).
– Le chapitre 8 s’intéresse à la comparaison des valeurs de U et de J calculées en
utilisant les fonctions de Wannier projetées et maximalement localisées dans un cas test (dioxyde d’uranium en GGA non magnétique), en considérant différents modèles pour les électrons corrélés.
Première partie
1
|
Calcul de la structure électronique
d’un solide
Sommaire
A Généralités . . . . 7
A - 1 Fondements de la mécanique quantique, équation de Schrödinger 7 A - 2 Cas d’un système de noyaux et d’électrons, approximation de Born-Oppenheimer . . . 8
A - 3 Méthodes de résolution approchée . . . 10
B Théorie de la fonctionnelle de la densité . . . 12
B - 1 Théorèmes de Hohenberg et Kohn . . . 12
B - 2 Expression de la fonctionnelle énergie . . . 13
B - 3 Équations de Kohn et Sham . . . 15
B - 4 Limitations et approximations pour la fonctionnelle d’échange et de corrélation . . . 16
C Cas d’un solide périodique . . . 18
C - 1 Réseau cristallin, conditions aux limites, réseau réciproque et première zone de Brillouin. . . 18
C - 2 Nombres quantiques du système . . . 19
C - 3 Structure de bande et niveau de Fermi . . . 19
C - 4 Théorème de Bloch . . . 20
Ce chapitre traite du calcul de la structure électronique d’un solide. En premier lieu, nous donnons quelques généralités sur la mécanique quantique, son usage dans le cas des systèmes composés de noyaux et d’électrons (incluant les solides), ainsi que les différentes méthodes de résolution approchée de l’équation de Schrödinger. Ensuite, nous présentons le formalisme de la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), qui constitue la base du calcul de la structure électronique des systèmes de noyaux et d’électrons à partir des premiers principes. Enfin, nous détaillons le cas particulier des solides périodiques (systèmes de noyaux et d’électrons avec les noyaux arrangés périodiquement), dans lequel nous nous placerons.
A
Généralités
A - 1
Fondements de la mécanique quantique, équation de Schrödinger
On considère un système très général composé de N particules, numérotées par
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
associéeri = (xi, yi, zi). On noter0 = (r1, ...,rN)le vecteur de dimension 3N regroupant
l’ensemble des coordonnées.
Du point de vue de la physique classique, le système est décrit par l’ensemble des positions et des impulsions des particules. La physique quantique prend en compte leur aspect ondulatoire, en décrivant le système par une fonction d’onde Ψ(r0, t). Cette
fonc-tion d’onde évolue au cours du temps d’après l’équafonc-tion de Schrödinger [3] (1926), qui
s’écrit " N X i=1 ˆ p2 i 2mi + ˆV (r0, t) # Ψ(r0, t) = i~ ∂Ψ(r0, t) ∂t (1.1)
L’opérateur Hamiltonien de ce système est défini comme ˆ H = N X i=1 ˆ p2 i 2mi + ˆV (r0, t) (1.2)
et l’opérateur impulsion ˆpi pour la particule i s’écrit
ˆ
pi = −i~∇ri (1.3)
À l’équilibre, on est dans le cas stationnaire et l’équation1.1 devient une équation aux valeurs propres (l’indice des éléments propres est noté n). En reprenant l’opérateur Hamiltonien 1.2, celle-ci s’écrit
ˆ
HΨn(r0) = EnΨn(r0) (1.4)
Dans ce qui suit, nous nous intéressons à la résolution de l’équation 1.4, laquelle
donne les fonctions d’onde Ψn(r0)du système et leurs énergies En (respectivement, les
fonctions propres et les valeurs propres de l’opérateur Hamiltonien1.2) à l’équilibre. La possibilité de résoudre l’équation1.4dépend de l’expression de l’opérateur Hamil-tonien ˆH. Nous la détaillons ci-après dans le cas qui nous intéresse, c’est-à-dire celui des systèmes de noyaux et d’électrons (incluant les solides).
A - 2
Cas d’un système de noyaux et d’électrons, approximation de
Born-Oppenheimer
On considère cette fois un système de Neélectrons, l’électron i ∈ {1..Ne} ayant pour
masse me et pour coordonnée associée ri = (xi, yi, zi), et de Nn noyaux atomiques, le
noyau I ∈ {1..Nn} ayant pour masse MI, pour numéro atomique ZI et pour coordonnée
associéeRI = (XI, YI, ZI). Pour ce système, l’opérateur Hamiltonien1.2se réecrit
ˆ H = Ne X i=1 ˆ p2 i 2me | {z } ˆ T + Ne X I=1 ˆ p2 I 2MI | {z } ˆ Tn + Ne X i=1 Nn X I=1 −ZIe2 |ri−RI| | {z } ˆ Vne +1 2 Ne X i,j=1,i6=j e2 |ri−rj| | {z } ˆ Vee +1 2 Nn X I,J =1,I6=J ZIZJe2 |RI −RJ| | {z } ˆ Vnn (1.5) où les opérateurs ˆT , ˆTn, ˆVne, ˆVee et ˆVnn représentent respectivement l’énergie
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
et électrons, l’énergie d’interaction entre électrons et l’énergie d’interaction entre noy-aux.
L’opérateur Hamiltonien 1.5 peut être simplifié au moyen de l’approximation de
Born-Oppenheimer [4] (1927). Cette approximation se base sur le fait que les noyaux
sont beaucoup plus lourds que les électrons (d’un rapport ' 1836). Cela permet de considérer le mouvement des électrons comme indépendant de celui des noyaux. Ainsi, on peut décomposer la fonction d’onde totale comme un produit de la fonction d’onde des noyaux et de celle des électrons.
Ψ(r1, ...,rNe,R1, ...,RNn) = Ψnoyaux(R1, ...,RNn) × Ψe(r1, ...,rNe) (1.6)
Dans notre cas, on fixe les positions des noyaux et on s’intéresse uniquement à la détermination de la fonction d’onde des électrons Ψe. Il s’agit donc de résoudre
l’équa-tion 1.4 en ne considérant que la partie électronique de l’opérateur Hamiltonien 1.5,
qui s’écrit ˆ He = Ne X i=1 ˆ p2i 2me | {z } ˆ T + Ne X i=1 Nn X I=1 −ZIe2 |ri−RI| | {z } ˆ Vne +1 2 Ne X i,j=1,i6=j e2 |ri−rj| | {z } ˆ Vee (1.7)
On réecrit et on simplifie l’opérateur Hamiltonien électronique 1.7 en remplaçant
l’opérateur impulsion ˆpipar son expression1.3, et en se plaçant dans le système d’unités
atomiques (dans lequel me = 1, ~ = 1). De plus, on remarque que l’action des noyaux
sur un électron donné (numéro i) s’écrit sous la forme d’un potentiel extérieur, donné par vext(ri) = Nn X I=1 −ZIe2 |ri−RI| (1.8) On introduit cette notation dans l’expression1.7. En remplaçant la notation ˆVne par
ˆ
Vext, on obtient au final
ˆ He= − 1 2 Ne X i=1 ∇2 ri | {z } ˆ T + Ne X i=1 vext(ri) | {z } ˆ Vext +1 2 Ne X i,j=1,i6=j e2 |ri−rj| | {z } ˆ Vee (1.9)
On s’intéresse maintenant à la résolution de l’équation 1.4 associée à l’opérateur
Hamiltonien 1.9. Cette dernière est très complexe, du fait des interactions entre
élec-trons décrites par le terme ˆVee. De ce fait, il est en général impossible d’effectuer cette
résolution analytiquement, sauf pour l’atome d’hydrogène (un seul proton et un seul électron) et les ions hydrogénoïdes (noyau composé d’un nombre quelconque de pro-tons et de neutrons, mais toujours un seul électron). Dans ce cas, le terme ˆVeedisparaît
de l’opérateur Hamiltonien 1.9, ce qui permet le calcul exact des fonctions d’onde du
système et leurs énergies.
Ces cas particuliers fournissent néanmoins une base utile pour l’interprétation de la structure électronique d’un système dans la limite atomique.
Pour en revenir au cas général, on peut envisager de résoudre numériquement
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
difficile du fait de la complexité de l’équation, laquelle croît de manière exponentielle
avec le nombre Ne d’électrons. Pour un solide, Neest généralement trop grand (et tend
vers l’infini dans le cas d’un solide périodique) pour que la résolution puisse être faite dans un temps raisonnable. Il convient donc de développer des méthodes de résolution approchée.
A - 3
Méthodes de résolution approchée
Depuis la dérivation de l’équation de Schrödinger, des efforts considérables ont été menés pour développer des méthodes de résolution approchée. Nous en décrivons ici quelques-unes, lesquelles, outre leur caractère fondateur, ont pour point commun de
chercher sous une forme particulière des fonctions d’onde solutions de l’équation 1.4
associée à l’opérateur Hamiltonien1.9. Cela sera l’occasion d’introduire les notions d’ap-proximation de champ moyen et de corrélations électroniques, essentielles pour ce qui suit. Nous expliquerons ensuite comment concilier ces deux notions.
Approximation de Hartree Une première méthode de résolution approchée, pro-posée par Hartree en 1928 [5], consiste à chercher des solutions de l’équation1.4avec des variables séparées (forme la plus commode mathématiquement), c’est-à-dire de la forme
Ψn(r1, ...,rNe) = φ1(r1) × ... × φNe(rNe) (1.10)
Ceci constitue l’approximation de Hartree. Physiquement, elle consiste à remplacer le système d’électrons en interaction par un système d’électrons indépendants dans un potentiel extérieur, lequel est généré par l’énergie potentielle d’interaction de l’électron considéré avec tous les électrons du système (lui-même inclus). Cette idée constitue la base de l’approximation dite de champ moyen, l’une des approches les plus simples pour traiter les systèmes en interaction.
Dans une telle approche, l’application du principe variationnel fait apparaître un
sys-tème de Ne équations donnant chacune une fonction d’onde à un corps φi(ri) (et non
plus une seule équation donnant une fonction d’onde à Ne corps). Leur résolution
né-cessite d’introduire une autre notion importante, celle d’auto-cohérence : les fonctions d’onde doivent redonner le potentiel extérieur utilisé pour les calculer. Pour assurer cette auto-cohérence, ces équations sont résolues de manière itérative.
Ainsi, l’approximation de Hartree contitue une première approche pour les systèmes d’électrons en interaction. Cependant, la séparation des variables dans la forme de la
fonction d’onde 1.10 comporte une limitation physique majeure : elle ne permet pas
de respecter l’antisymétrie de la fonction d’onde totale (et donc le principe de Pauli), nécessaire dans le cas d’un système de fermions d’après le théorème de spin-statistique [6,7].
Approximation de Hartree-Fock Il est néanmoins possible de concilier la séparation
des variables et le principe de Pauli en modifiant la forme 1.10 des fonctions d’onde.
En 1930, Fock [8] propose d’exprimer la fonction d’onde totale comme combinaison
d’expressions à variables séparées, sous la forme d’un déterminant de Slater — anti-symétrique, en accord avec les postulats de la mécanique quantique —
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide Ψn(r1, ...,rNe) = φ1(r1) ... φNe(r1) ... ... ... φ1(rNe) ... φNe(rNe) (1.11)
donnant l’approximation dite de Hartree-Fock. En appliquant le principe
variation-nel, on obtient un système de Ne équations à un corps, semblables à celles données par
l’approximation de Hartree, mais comportant un terme d’interaction supplémentaire en-tre électrons. Ce terme, représentant l’interaction d’échange enen-tre les électrons, dépend explicitement des fonctions d’onde.
Bien que permettant de prendre en compte le principe de Pauli au travers de l’inter-action d’échange, cette méthode présente toutefois elle aussi une limitation. En effet,
la forme 1.11 des fonctions d’onde ne permet pas de décrire les corrélations entre les
électrons.
Pour définir ces dernières1, considérons un système simplifié de deux électrons. La
densité électronique n(r1,r2) = |Ψ(r1,r2)|2dr1dr2 donne la densité de probabilité de
présence de l’électron n°1 en r1 et de l’électron n°2 enr2.
En l’absence de corrélations entre les électrons, la probabilité de présence de l’un des électrons en un point de l’espace ne dépend pas de la position de l’autre électron, et la densité électronique se décompose comme un produit de la forme n(r1)n(r2). Cela
implique de pouvoir décomposer également la fonction d’onde, et donc de séparer ses
variables, comme dans les formes 1.10et1.11.
Cependant, en présence de corrélations, les électrons sont interdépendants et cette décomposition de la densité électronique (et donc, la séparation des variables dans la fonction d’onde) n’est pas possible.
Méthodes post-Hartree-Fock Il est possible d’améliorer l’approximation de Hartree-Fock pour y inclure la prise en compte des corrélations. On sort alors de l’approximation de champ moyen.
On peut notamment exprimer la fonction d’onde totale non plus sous la forme d’un unique déterminant de Slater, mais d’une combinaison linéaire de ceux-ci. Cela donne lieu à la méthode dite d’interaction de configuration [9,10].
Une telle approche permet, en théorie, de décrire les corrélations électroniques. Toutefois, elle est très couteuse en temps de calcul. Pour la méthode d’interaction de configuration, la complexité de la résolution croît de manière exponentielle avec le
nombre d’électrons Ne. Ainsi, bien que les méthodes post-Hartree-Fock demeurent
util-isables pour des systèmes réduits tels que des molécules, il est inenvisageable de les appliquer à des systèmes plus grands, tels les solides, auxquels nous nous intéressons. Il convient donc de trouver un autre moyen de prendre en compte les corrélations élec-troniques.
Comment procéder ? Pour les systèmes qui nous intéressent, le fait de se ramener à
Ne équations à un corps — à partir de l’équation à Ne corps — est souhaitable, du fait
de la réduction du coût de calcul. Afin de permettre cela tout en prenant en compte
1. D’un point de vue plus mathématique, on utilise la notion de corrélation entre les deux variables aléatoires donnant la probabilité de présence de chacun des électrons.
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
les corrélations électroniques, une possibilité est d’aller plus loin que la seule recherche
de solutions de l’équation 1.4 sous une forme particulière. On peut entreprendre, en
plus, d’exprimer le terme d’interaction entre électrons (ainsi que les autres termes de l’opérateur Hamiltonien) sous une autre forme, dépendant explicitement de la densité électronique et non plus des fonctions d’onde.
Cette idée a été proposée en 1927 par Thomas [11] et Fermi [12]. Leur modèle, dit de Thomas-Fermi, permet de calculer la densité électronique d’un système d’électrons en interaction dans son état fondamental, en supposant que le gaz d’électrons inhomogène en interaction peut, localement, être décrit comme un gaz d’électrons homogène sans interaction.
Ce modèle n’utilise pas la notion de fonction d’onde, et est basé uniquement sur la densité électronique. Cependant, les termes d’énergie cinétique et d’interaction entre électrons (en-dehors de la partie classique) ne peuvent être exprimés en fonction de la densité. On ne peut donc les représenter que de manière approximative. Cela est à l’origine de limitations physiques importantes pour ce modèle. Par exemple, plus tard en 1962, Teller prouva que le modèle de Thomas-Fermi ne permet pas de décrire cor-rectement la liaison moléculaire [13].
Il convient donc d’aller plus loin que le modèle de Thomas-Fermi. C’est l’objet de la théorie de la fonctionnelle de la densité, présentée ci-après.
B
Théorie de la fonctionnelle de la densité
La théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), clé de voûte du calcul ab
ini-tio moderne pour les solides, est élaborée en 1964 par Hohenberg et Kohn [14]. Ces derniers reprennent l’idée du modèle de Thomas-Fermi et proposent un formalisme permettant de calculer l’état fondamental d’un système en se basant sur sa densité élec-tronique. Ce formalisme prend en compte les corrélations électroniques, tout en se
ra-menant à un système de Ne équations à un corps, présentant donc un coût de calcul
moindre. De ce fait, l’application du principe variationnel permet également d’obtenir
un système d’équations à un corps [15], dites de Kohn-Sham, que l’on peut résoudre en
pratique.
Cette théorie servira de base pour nos calculs. Nous la décrivons ici, en détaillant l’application du principe variationnel menant aux équations de Kohn-Sham. Nous dis-cutons ensuite de ses limitations.
B - 1
Théorèmes de Hohenberg et Kohn
La théorie de la fonctionnelle de la densité repose sur les théorèmes de Hohenberg et Kohn. Le premier théorème de Hohenberg et Kohn fait le lien entre le potentiel extérieur et la densité électronique
Theorème 1 Pour un système donné de Ne électrons dans un potentiel extérieur vext(r)2,
ce dernier est déterminé uniquement par la densité électronique n(r).
Or, le potentiel extérieur vext(r) est justement la seule quantité non explicitée dans
l’opérateur Hamiltonien 1.9 (il contient le potentiel 1.8 crée par les noyaux, auquel
2. Dans ce qui suit,r = (x, y, z) désigne un vecteur coordonnée à 3 composantes, contrairement à r0
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
s’ajoute un autre potentiel extérieur éventuel). Cela implique que ce dernier peut s’ex-primer uniquement en fonction de la densité électronique, et est donc une fonctionnelle de celle-ci.
Il en va de même pour la fonction d’onde totale Ψ du système, qui est elle-même déterminée par l’opérateur Hamiltonien. Ainsi, toute observable du système
(c’est-à-dire la valeur moyenne d’un opérateur ˆO) s’exprime également comme fonctionnelle de
la densité électronique. En particulier, l’observable associée à l’opérateur Hamiltonien n’est autre que l’énergie électronique totale du système. Cette dernière est donc une fonctionnelle de la densité, et s’écrit
E[n(r)] = hΨ[n(r)]| ˆH[n(r)]|Ψ[n(r)]i
hΨ[n(r)]|Ψ[n(r)]i (1.12)
C’est là l’implication majeure du premier théorème de Hohenberg et Kohn. Elle est complétée par le second théorème, qui fait le lien avec l’état fondamental du système.
Theorème 2 Pour un système donné de Ne électrons dans un potentiel extérieur vext(r)
donné, la densité électronique n0(r) minimisant la fonctionnelle énergie est la densité
élec-tronique du système dans son état fondamental
E[n0(r)] = min
n E[n(r)] (1.13)
la minimisation étant faite sous la contrainte
Z
n(r)dr = Ne (1.14)
B - 2
Expression de la fonctionnelle énergie
Pour effectuer la minimisation du théorème2, il est nécessaire d’expliciter
l’expres-sion de la fonctionnelle énergie électronique totale E[n(r)] en fonction de la densité
électronique.
Pour ce faire, une première étape est d’effectuer une recherche contrainte sur la densité électronique, proposée par Levy [16,17] : pour une densité électronique donnée n(r), E[n(r)] est le minimum sur l’ensemble des fonctions d’onde Ψ antisymétriques à
Ne particules donnant la densité n(r), c’est-à-dire satisfaisant la relation
n(r) =
Z
|Ψ(r1, ...,rNe−1,r)|
2dr
1...drNe−1 (1.15)
que l’on note plus simplement Ψ → n. Ainsi, la définition de E[n(r)] s’écrit
E[n(r)] = min
Ψ→n
hΨ| ˆH[n(r)]|Ψi
hΨ|Ψi (1.16)
Une deuxième étape est de décomposer l’opérateur Hamiltonien de manière
ana-logue à l’équation 1.9, chacun des termes donnant une fonctionnelle de la densité à
part entière. Ainsi, l’équation1.16se met sous la forme
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
où T0[n(r)] est la fonctionnelle énergie cinétique des électrons sans interaction, Vee[n(r)]
est la fonctionnelle énergie d’interaction entre électrons, et Vext[n(r)] est la fonctionnelle
énergie potentielle extérieure.
Cette dernière dépend du potentiel extérieur vext(r) considéré, et s’exprime
explicite-ment en fonction de la densité électronique comme Vext[n(r)] =
Z
vext(r)n(r)dr (1.18)
À l’inverse, les fonctionnelles énergie cinétique des électrons sans interaction et én-ergie d’interaction entre électrons ne dépendent pas du potentiel extérieur considéré. De ce fait, on les regroupe au sein d’une même fonctionnelle, appelée fonctionnelle universelle de la densité
F [n(r)] = T0[n(r)] + Vee[n(r)] (1.19)
Il convient d’expliciter un peu plus la fonctionnelle universelle de la densité 1.19. Kohn et Sham ont proposé de la décomposer sous la forme
F [n(r)] = 1 2 Z Z n(r)n(r’) |r − r’| drdr’ | {z } EH[n(r)] + Exc[n(r)] (1.20)
où le terme EH[n(r)], appelé fonctionnelle énergie de Hartree, représente la
par-tie classique de l’interaction entre électrons3, et le terme E
xc[n(r)] représente l’énergie
d’échange et de corrélation. On définit les potentiels associés à ces deux termes, respec-tivement le potentiel de Hartree
vH[n(r)](r) =
δEH[n(r)]
δn(r) =
Z n(r’)
|r − r’|dr’ (1.21)
et le potentiel d’échange et de corrélation vxc[n(r)](r) =
δExc[n(r)]
δn(r) (1.22)
Munis des définitions ci-dessus, on peut réecrire l’équation1.17sous la forme E[n(r)] = Z h vext(r) + vH[n(r)](r) + vxc[n(r)](r) i n(r)dr + T0[n(r)] (1.23)
On a donc explicité l’expression de E[n(r)] en fonction de la densité électronique,
à l’exception de la partie cinétique et de la partie d’échange et de corrélation. Pour la première, nous n’avons en fait pas besoin de l’expliciter en fonction de la densité électronique, comme nous allons le voir ci-après. Pour la deuxième, nous y reviendrons plus tard ; on la suppose connue pour le moment.
3. Dans le cadre de l’approximation de Hartree présentée précédemment, seul ce terme apparaît dans l’énergie d’interaction entre électrons.
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
B - 3
Équations de Kohn et Sham
Nous disposons maintenant d’une expression plus explicite pour la fonctionnelle énergie (équation1.23).
Pour y expliciter la fonctionnelle énergie cinétique, on exprime la densité électron-ique à partir de fonctions d’onde à une particule, appelées fonctions d’onde de
Kohn-Sham et notées ψi(r) (on note fi leurs occupations en nombre d’électrons, entre 0 et
1) n(r) = X i occ |ψi(r)|2 = X Ri fiψi∗(r)ψi(r) (1.24)
L’énergie cinétique des électrons sans interaction ne peut être exprimée explicite-ment en fonction de la densité, mais peut l’être en fonction des fonctions d’onde de Kohn-Sham, sous la forme
T0[n(r)] = X Ri fiψi∗(r) h − 1 2∇ 2iψ i(r) (1.25)
Ensuite, on inclut la contrainte de minimisation 1.14 dans l’expression 1.23 en
in-troduisant le multiplicateur de Lagrange associé µ (le potentiel chimique). De plus, on introduit les contraintes de normalisation des fonctions d’onde de Kohn-Sham
hψi|ψii = 1 (1.26)
et on note i les multiplicateurs de Lagrange associés. On se ramène au final à la
min-imisation sans contraintes du Lagrangien donné par
L[n(r)] = E[n(r)] + µh Z n(r)dr − Ne i −X i hZ ψi∗(r0)ψi(r0)dr0− 1 i (1.27)
On applique au Lagrangien1.27 le principe variationnel donné par l’équation1.13,
lequel implique que
δL[n(r)]
δn(r) = 0 (1.28)
La minimisation par rapport à la densité électronique peut être reformulée comme la minimisation par rapport à ψ∗
i(r), pour tout i
∀ i, δL[n(r)]
δψ∗i(r) = 0 (1.29)
En appliquant1.29 au Lagrangien 1.27, on obtient les équations satisfaites par les
fonctions d’onde de Kohn-Sham ψi, appelées équations de Kohn-Sham
h −1 2∇ 2+ v ext[n(r)] + vH[n(r)] + vxc[n(r)] | {z } ˆ HKS[n(r)] i ψi(r) = iψi(r) (1.30)
Les multiplicateurs de Lagrange i prennent alors leur sens physique : ils
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
De plus, on fait apparaître dans1.30l’opérateur Hamiltonien de Kohn-Sham ˆHKS[n(r)],
opérateur à un corps dont les valeurs et les vecteurs propres sont respectivement les én-ergies i et les fonctions d’onde ψi de Kohn-Sham.
Notons que les fonctions d’onde de Kohn-Sham n’ont pas de sens physique en tant
que telles, mais reproduisent par la formule 1.24 la densité électronique du système
réel.
Résolution
La résolution des équations de Kohn-Sham1.30permet de calculer la structure
élec-tronique en DFT, donnée par les fonctions d’onde de Kohn-Sham ψi, leurs énergies i et
leurs occupations fi.
Il convient néanmoins de vérifier l’auto-cohérence entre ces quantités. D’une part,
les fonctions d’onde et leurs énergies sont obtenues grâce aux équations 1.30, à partir
de la densité électronique. Réciproquement, cette dernière est calculable à partir de
l’expression des fonctions d’onde, par l’équation 1.24. Toutes ces quantités sont donc
reliées entre elles de manière cyclique.
Ainsi, les équations de Kohn-Sham1.30sont en pratique résolues de manière
itéra-tive, comme illustré dans la figure 1.1. On part d’une expression de départ, soit de la
densité électronique, soit des fonctions d’onde de Kohn-Sham (desquelles on déduit
directement la densité électronique par l’équation 1.24). On en déduit l’expression de
l’opérateur Hamiltonien de Kohn-Sham. La résolution des équations de Kohn-Sham1.30
donne alors de nouvelles fonctions d’onde ψi, et une nouvelle densité électronique,
tou-jours par l’équation1.24. À chaque itération, on vérifie l’auto-cohérence (AC4) entre la
valeur d’une quantité choisie (la densité électronique, les fonctions d’onde ou les éner-gies de Kohn-Sham) à l’itération courante (numéro n) et celle à l’itération précédente (numéro n − 1). On arrête le processus lorsque la quantité choisie ne varie plus d’une itération à l’autre. Afin d’accélérer la convergence, on peut réaliser un mélange de la densité électronique, en utilisant ses valeurs aux itérations précédentes.
B - 4
Limitations et approximations pour la fonctionnelle d’échange
et de corrélation
La seule inconnue demeurant dans la résolution des équations de Kohn-Sham est l’expression de la partie d’échange et de corrélation, que nous n’avons pas explicitée dans l’équation1.23.
C’est là la limitation majeure de la théorie de la fonctionnelle de la densité. Les théorèmes de Hohenberg et Kohn ne disent rien quant à son expression exacte, qui de-meure inconnue. Il est donc nécessaire, en pratique, d’utiliser une expression approchée pour la fonctionnelle énergie d’échange et de corrélation, ce qui permet de résoudre les équations de Kohn-Sham.
De nombreuses fonctionnelles approchées ont été proposées depuis l’élaboration de la théorie de la fonctionnelle de la densité. Nous en détaillons ici deux, dont nous nous servirons plus tard.
Approximation de Densité Locale (LDA) L’approximation de densité locale (LDA) [15] consiste à exprimer l’énergie d’échange et de corrélation en fonction de la densité
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide Initialisation ψi(r) ou n(r) ˆ HKS[n(r)] i, ψi(r), fi n(r) Mélange de n(r) AC ? Résultat i, ψi(r), fi, n(r) Eq.1.30 Eq.1.24 Non Oui
FIGURE 1.1 – Schéma de calcul auto-cohérent de résolution des équations de Kohn-Sham 1.30 en DFT, avec mélange de la densité. On débute en initialisant les fonctions d’onde de Kohn-Sham ψi(r) ou la densité n(r). À chaque itération, on vérifie l’auto-cohérence (AC) entre les différentes quantités (au choix, fonctions d’onde, densité ou énergie totale) à l’itération actuelle et à l’itération précédente.
d’énergie d’échange et de corrélation du gaz d’électrons homogène, notée unif
xc [n]. Cette
dernière peut être calculée ; le terme d’échange unif
x [n]a été calculé analytiquement par
Dirac [18] et vaut unifx [n] = − 3 4π h 3π2ni 1/3 (1.31) Le terme de corrélation unif
c [n] a quant à lui été calculé numériquement par des
méthodes de Monte-Carlo, par Ceperley et Alder [19]. En additionant ces deux termes,
on obtient unif
xc [n]pour une densité uniforme donnée n.
On exprime ensuite l’énergie d’échange et de corrélation en considérant que, au
voisinage d’un point donnér, la densité d’énergie d’echange et de corrélation est égale
à celle du gaz d’électrons homogène de densité n(r). Cela donne
ExcLDA[n(r)] =
Z
unifxc [n(r)]n(r)dr (1.32)
La fonctionnelle LDA n’est exacte que dans l’hypothèse où la densité électronique est constante. Cependant, elle donne des résultats en accord approximatif avec l’expérience pour la plupart des systèmes simples, du fait d’une compensation d’erreur entre l’énergie d’échange (surestimée) et l’énergie de corrélation (sous-estimée) [20].
Néanmoins, la LDA possède une autre limitation, très importante : l’erreur dite
d’auto-interaction [21], qui fait qu’un électron donné interagit avec lui-même. Cette
limitation est particulièrement contraignante pour les systèmes fortement corrélés, et ne permet pas de les décrire correctement (comme nous le verrons par exemple pour le cérium dans le chapitre5).
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
Approximation du Gradient Généralisé (GGA) L’approximation du gradient général-isé (GGA) [22] va plus loin que la LDA, en tenant compte des variations de densité dans l’énergie d’échange et de corrélation. Celle-ci s’exprime alors sous la forme
EGGA
xc [n(r)] =
Z
xc[n(r), ∇n(r)]n(r)dr (1.33)
Bien que la GGA soit un peu plus précise que la LDA (notamment pour décrire les én-ergies de liaison de certains systèmes), elle possède néanmoins la même limitation pour les systèmes fortement corrélés (comme nous le verrons par exemple pour les dioxydes d’actinides dans le chapitre 7).
Malgré les limitations de la LDA et la GGA, la théorie de la fonctionnelle de la densité nous permettra tout de même de décrire les systèmes fortement corrélés en utilisant ces fonctionnelles, moyennant quelques améliorations dont nous parlerons dans le chapitre
2. La variante de la LDA utilisée sera celle dite de Perdew-Wang [23], et la variante de la GGA utilisée sera celle dite de Perdew-Burke-Ernzerhof (PBE) [24].
Avant de décrire les améliorations de la théorie de la fonctionnelle de la densité, nous donnons quelques précisions sur son usage dans le cas que nous traiterons en pratique, celui d’un solide périodique.
C
Cas d’un solide périodique
Le système de Nn noyaux et de Ne électrons que nous avons étudié jusqu’à présent
demeure très général, les noyaux pouvant avoir des positions quelconques.
Dans ce qui suit, nous nous intéressons au cas particulier d’un solide pour lequel
les noyaux sont agencés selon un motif périodique — les nombres Nn de noyaux et Ne
d’électrons tendent alors vers l’infini —. Nous introduisons ici quelques définitions utiles pour la description d’un tel solide, et détaillons les spécificités des quantités calculées en DFT dans ce cas particulier.
C - 1
Réseau cristallin, conditions aux limites, réseau réciproque et
première zone de Brillouin
Dans l’espace réel, noté R, les noyaux sont agencés selon un motif périodique, for-mant un réseau cristallin (appelé réseau de Bravais), noté B (on a B ⊂ R). Ce réseau est défini par les vecteurs primitifs de translation (notés a1, a2 eta3), à partir desquels
on peut exprimer les éléments de B (représentant les vecteurs position des noyaux), sous la forme
R = n1a1+ n2a2+ n3a3 ∀(n1, n2, n3) ∈ Z3 (1.34)
La périodicité permet de restreindre la simulation à la maille primitive du réseau B (appelée maille de Wigner-Seitz). Pour ce faire, on impose des conditions aux limites périodiques pour les fonctions d’onde de Kohn-Sham et la densité électronique. Cela permet notamment de ne considérer que les électrons contenus dans la maille, dont le nombre est fini.
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
On définit également le réseau réciproque au réseau B, noté B∗, dans l’espace
ré-ciproque, noté R∗ (on a B∗ ⊂ R∗). Les vecteurs primitifs de translation du réseau
réciproque (notésa∗ 1,a
∗ 2 eta
∗
3) se définissent à partir de ceux du réseau cristallin, par la
formule a∗ i = 2π aj ×ak ai.(aj ×ak) (1.35) où le triplet i, j, k est une permutation circulaire de {1, 2, 3}. De la même manière, les
éléments de B∗ sont définis comme
G = n1a∗1+ n2a∗2+ n3a∗3 ∀(n1, n2, n3) ∈ Z3 (1.36)
Le réseau réciproque B∗ étant également périodique, on peut se restreindre à sa
maille primitive, appelée la première zone de Brillouin (abrégée en 1ZB). On utilise par
défaut la notation k pour désigner les éléments de la première zone de Brillouin. On
note également V1ZB son volume dans l’espace réciproque.
C - 2
Nombres quantiques du système
Jusqu’à présent, on a indicé les énergies et fonctions d’onde de Kohn-Sham et leurs occupations par un nombre i, variant entre 1 et le nombre d’électrons Ne.
De manière plus générale, les quantités calculées en DFT sont indicées par les dif-férents nombres quantiques du système. On peut montrer que, dans le cas où on ne tient pas compte du couplage spin-orbite, les nombres quantiques pour un solide sont
les composantes du vecteur d’onde k (pour un solide périodique, ce vecteur peut
pren-dre toutes les valeurs sur la première zone de Brillouin), l’indice de bande ν (à valeurs entières), ainsi que le nombre quantique de spin σ (si on considère le cas polarisé en spin).
Les énergies et fonctions d’onde de Kohn-Sham et leurs occupations sont donc
in-dicées par un doublet (k, ν), ou un triplet (k, ν, σ) dans le cas polarisé en spin. On
considèrera par défaut le cas polarisé en spin dans ce qui suit, sauf indication contraire.
C - 3
Structure de bande et niveau de Fermi
Une première conséquence de cet indiçage concerne la relation de dispersion σ
kν(k).
Cette dernière possède la même périodicité que le réseau réciproque, et pour une valeur donnée de l’indice de bande ν et du spin σ, les énergies σ
kν(k) varient continument.
Ainsi, en traçant σ
kν(k) sur un chemin continu choisi dans la première zone de
Brillouin, on fait apparaître une structure de bande. Les bandes sont différenciées par l’indice de bande ν et le spin σ.
De plus, le système étudié en DFT étant restreint aux seuls électrons (qui sont des fermions), on peut définir son énergie de Fermi F (égale ici à la plus haute énergie des
fonctions d’onde de Kohn-Sham occupées). La position de l’énergie de Fermi dans la structure de bande conditionne le comportement du matériau en tant que conducteur (métal) ou isolant.
La figure1.2donne un exemple de structure de bandes schématique dans le cas d’un
Chapitre 1. Calcul de la structure électronique d’un solide
Dans le cas d’un métal, au moins une bande (sur la figure, la bande ν1) est traversée
par l’énergie de Fermi, et donc partiellement remplie. Les électrons qui l’occupent sont à l’origine du comportement métallique du matériau.
Dans le cas d’un isolant (ou d’un semi-conducteur), la densité d’états est nulle au niveau de Fermi, et la plus haute bande occupée (sur la figure, la bande ν1) est
entière-ment remplie. On peut dans ce cas définir l’énergie d’ouverture de bande (ou gap) gap
comme la différence entre la plus haute énergie parmi les états occupés et la plus basse parmi les états inoccupés (sur la figure, le minimum surk de kν2 − kν1).
F k kν ν1 ν2 F k kν ν1 ν2 gap
FIGURE 1.2 – Structure de bandes schématique pour un métal (à gauche) et un isolant (à droite), dans le cas non polarisé en spin (on omet l’indice σ).
La visualisation de la structure de bande et/ou de la densité d’états correspondante donne de précieuses informations sur la nature des fonctions d’onde de Kohn-Sham composant les différentes bandes, notamment en ce qui concerne leur localisation dans l’espace réel. Ainsi, des fonctions d’onde de Kohn-Sham fortement localisées formeront des bandes peu dispersives (telles que σ
kν(k) varie peu avec k), tandis que des fonctions
d’onde de Kohn-Sham peu localisées formeront des bandes très dispersives (telles que σkν(k) varie beaucoup avec k). Dans cette thèse, nous nous intéresserons plus
spécifique-ment à la visualisation de la densité d’états.
C - 4
Théorème de Bloch
Une deuxième conséquence de l’indiçage concerne la forme des fonctions d’onde
de Kohn-Sham. Le théorème de Bloch [25] stipule que, pour un solide périodique, les
solutions de l’équation de Schrödinger à un électron (ici, les fonctions d’onde de Kohn-Sham) s’écrivent sous la forme
ψkνσ (r) = uσ
kν(r)eikr (1.37)
où les fonctions uσ
kν(r) ont la périodicité du cristal, c’est-à-dire
uσkν(r) = uσ
2
|
Extension de la théorie de la
fonc-tionnelle de la densité pour les
sys-tèmes fortement corrélés
Sommaire
A Améliorations de la DFT pour les systèmes fortement corrélés . . . 21 B Fonctions d’onde pour les électrons corrélés . . . 23 B - 1 Différents choix. . . 23 B - 2 Quantités locales . . . 25 C Description des corrélations locales . . . 25 C - 1 Hamiltonien en seconde quantification . . . 26 C - 2 Modèle de Hubbard . . . 27 C - 3 Transition de Mott . . . 27 D Prise en compte des corrélations locales en DFT+U . . . 29 D - 1 Énergie en DFT+U . . . 29 D - 2 Conséquences de la DFT+U . . . 30
Dans ce chapitre, nous discutons les différentes améliorations de la DFT élaborées pour traiter les systèmes fortement corrélés. Nous définissons également les différents types de fonctions d’onde que l’on peut considérer pour les électrons corrélés. Nous présentons ensuite l’approche retenue dans le cadre de cette thèse, la DFT+U .
A
Améliorations de la DFT pour les systèmes fortement
corrélés
Différentes améliorations de la DFT ont été élaborées afin de mieux décrire les sys-tèmes fortement corrélés. Deux critères peuvent être retenus pour juger de la pertinence d’une méthode donnée : son caractère ab initio (conditionnant sa capacité prédictive) et sa précision par rapport aux résultats expérimentaux.
Fonctionnelles hybrides Une première idée consiste à proposer des fonctionnelles alternatives à la LDA et à la GGA pour la DFT, afin de pallier leurs limitations.
Cer-taines, comme la fonctionnelle PBE0 proposée par Burke en 1997 [26] et celle dite
"HSE screened-Coulomb hybrid", proposée par Heyd en 2004 [27], comportent une
part d’énergie d’interaction d’échange de Fock. De telles fonctionnelles sont appelées fonctionnelles hybrides.
Chapitre 2. Extension de la théorie de la fonctionnelle de la densité pour les systèmes fortement corrélés
Leur usage permet de corriger partiellement l’erreur d’auto-interaction inhérente à la LDA et à la GGA, et d’améliorer entre autres la description des systèmes fortement corrélés. Notamment, dans le cas des oxydes d’actinides, la fonctionnelle HSE permet
de reproduire correctement les propriétés spectrales comme structurales [28].
Des paramètres ajustables sont introduits dans l’expression des fonctionnelles hy-brides. Leur valeur peut être calculée de manière ab initio [29]. Cependant, le choix de l’expression de la fonctionnelle en fonction de ces paramètres demeure délicat. Ici, nous souhaitons adopter une autre approche.
Approximation GW Une deuxième idée pour aller plus loin que la DFT consiste à utiliser l’approximation dite GW, introduite par Hedin en 1961 [30], issue de l’approx-imation de phase aléatoire (RPA). Cela consiste à partir de la structure électronique calculée en DFT, et de la corriger par l’usage de la théorie de perturbation à N corps.
Une différence notable par rapport aux autres méthodes présentées dans cette sec-tion est que l’approximasec-tion GW permet de calculer les états excités du système, en plus de son état fondamental (la DFT ne permettant de calculer que ce dernier). Cela permet de prendre en compte les corrélations entre électrons, telles que décrites par l’approximation RPA.
Cette méthode préserve le caractère ab initio du calcul, et permet de décrire cor-rectement les corrections dûes aux faibles corrélations [31]. Cependant, elle ne suffit pas dans le cas de corrélations plus fortes, comme montré par exemple pour le cérium [32].
DFT avec correction d’auto-interaction (SIC-DFT) Une troisième possibilité d’amélio-ration de la DFT est la correction d’auto-interaction (SIC-DFT). Cette notion a été
intro-duite par Fermi et Amaldi dès 1934 [33] pour corriger l’erreur d’auto-interaction dans
le modèle de Thomas-Fermi. L’idée est ensuite reprise par Perdew et Zunger en 1981 [34] pour l’adapter au cas des fonctionnelles polarisées en spin pour la DFT.
Dans le cas de la LDA polarisée en spin (LSDA), cette correction est fructueuse pour décrire les corrélations. Elle s’avère notamment plus précise que l’approximation de
Hartree-Fock et moins coûteuse en temps de calcul [34]. La méthode permet de
repro-duire certaines propriétés structurales, parfois avec de bons résultats, mais aussi parfois avec des écarts quantitatifs, comme montré par Svane et al en 1996 dans le cas du
cérium [35], et par Gerward et al en 2005 dans le cas des dioxydes de cérium et de
praséodyme [36].
Idéalement, nous voudrions utiliser une méthode donnant des résultats précis pour les propriétés structurales comme pour les propriétés spectrales des systèmes fortement corrélés.
Approches modèles - DFT+U , DFT+DMFT, approximation de Gutzwiller Une qua-trième possibilité consiste à introduire dans le formalisme DFT un opérateur Hamil-tonien modèle, prenant explicitement en compte les interactions entre électrons cor-rélés au moyen d’un paramètre (noté U ). Cela donne lieu à des approches telles que
l’approximation introduite par Gutzwiller en 1963 [37], la DFT+U [38] introduite par
Anisimov et Gunnarsson en 1991, la DMFT [39,40] introduite par Georges et al à partir de 1992, et la combinaison de cette dernière à la DFT (DFT+DMFT) par Anisimov et al à partir de 1997 [41].