Analyse harmonique appliqu´ ee M1 Institut Galil´ ee
Universit´ e Sorbonne Paris Nord Ann´ ee 2019-2020
Thomas Duyckaerts et Vuk Milisic
CHAPITRE 1
Introduction au traitement du signal
Le but de ce cours est de donn´ee des applications de la th´eorie de Fourier vue dans le tronc commun du cours d’analyse harmonique, et en particulier des applications au traitement du signal. La r´ef´erence principale pour ce cours est le livre de C. Gasquet et P. Witomski1.
1. G´en´eralit´es sur les signaux et les syst`emes
1.1. Signal. Unsignal et une quantit´e d´ependant ’une ou plusiseurs variables physiques (temps, position, fr´equence), par exemple:
• l’intensit´e d’un courant ´electrique ou la diff´erence de potentiel entre deux points d’un circuit ´electrique;
• la position d’un objet;
• le volume d’un son;
• les niveaux de gris, ou de chaque couleur (Rouge Vert Bleu) d’une image;
• le nombre de cas d’une ´epid´emies, les fluctuations de valeurs boursi`eres, de temp´eratures etc...
Le but de la th´eorie du traitement du signal est de trouver des algorithmes per- mettant de comprimer, d’archiver, de transmettre, d’analyser ces signaux. Les applications sont multiples (´electronique, t´el´ecomunications, imagerie m´edicale,
´
epid´emiologie, math´ematiques financi`eres).
On dit que le signal est analogique quand la variable de d´epart est continue (par exemple dans R ou plus g´en´eralement dans Rd, d ≥ 2), et qu’il est discret quand cette variable est discr`ete, principalement dansZou plus g´en´eralementZd. La transformation d’un signal analogique en signal discret, n´ecessaire pour pou- voir stocker les signaux informatiquement, est appel´ee´echantillonnage oudiscr´e- tisation. Un des objets principaux de ce cours sera de comprendre, en utilisant l’analyse harmonique, comment l’´echantillonnage affecte les propri´et´es du signal.
Un signal peut ˆetre `a valeurs discr`etes ou continues. En pratique, on doit utiliser des valeurs discr`etes pour stocker les signaux informatiquement. Une mani`ere de le faire est de consid´erer des signaux quantifi´es, c’est `a dire multiples d’une certaine valeur q >0. Nous n’aborderons pas cet aspect ici et consid´ererons seulement des signaux `a valeurs continues.
Un signal peut ˆetre `a valeurs scalaires (l’intensit´e d’un courant ´electrique, le volume d’un son par exemple), ou vectorielle (la position d’un objet). Dans ce cours, nous consid´ererons seulement des signaux `a valeurs scalaires, c’est `a dire r´eelles ou surtout complexes.
1Claude Gasquet and Patrick Witomski.Analyse de Fourier et applications. Filtrage, calcul num´erique, ondelettes. Sciences Sup. Dunod, 2004.
3
Pour r´esumer, dans ce cours, un signal analogique sera une fonction deRdans C, ou plus g´en´eralement une distribution temp´er´ee sur R. Un signal discret sera un ´el´ement de CZ. La variable, continue ou discr`ete dont d´epend le signal sera consid´er´e comme un temps.
1.2. Exemples de signaux ´el´ementaires. Nous noteronsu(t) l’´echelon unit´e de Heaviside:
u(t) =
(0 sit <0;
1 sit >0.
La valeur ent= 0 n’ayant pas d’importance.
Unsignal rectangulaire (centr´e)r(t) est de la forme:
ra(t) =
(1 si|t|< a;
0 si|t|> a,
o`u a >0 est un param`etre. On a doncr(t) =u(t+a)−u(t−a).
Lamasse oumesurede Diracδa, distribution temp´er´ee mod´elisant une impul- sion ent=a. Rappelons queu0(t) =δ0et queδ0est limite, dansS0(R), de la suite des fonctionsn
n 2r1
n
o
n
.
Unsignal sinusoˆıdal pur, oumonochromatique est donn´e par x(t) =αcos(2πλt+ϕ),
dans le cas r´eel et
z(t) =αei(2πλt+ϕ),
dans le cas complexe. L’amplitude du signal est α >0, safr´equence est λet son d´ephasage estϕ. Lap´eriode du signal estT = 1/λet sapulsation ω= 2πλ.
Par la th´eorie de Fourier, tout signal (consid´er´e comme un ´el´ement deS0(R)) se d´ecompose en une int´egrale (ou une somme, si le signal est p´eriodique) de signaux monochromatiques. Les signaux sinuso¨ıdaux joueront donc un rˆole pr´epond´erant dans ce cours.
1.3. Syst`emes de transmission. Un syst`eme de transmission, (en abr´eg´e syst`eme), est un appareil qui transforme un signal d’entr´ee x(t) en un signal de sortie y(t). Cela peut-ˆetre par exemple un circuit ´electrique ou m´ecanique, un programme informatique permettant d’ˆoter le bruit d’un son ou d’un image...
En th´eorie du signal, on ne s’int´eresse pas `a la fa¸con dont marche l’appareil, mais `a son effet, c’est `a dire `a la transformation du signal d’entr´ee en signal de sortie.
Math´ematiquement le syst`eme est mod´elis´e par un op´erateur A : X → Y, o`u X est l’ensemble des signaux d’entr´ees etY l’ensemble des signaux de sortie. Quand les signaux d’entr´ee et de sortie sont analogiques, on parle desyst`eme analogique, quand ils sont discrets, on parle desyst`eme discret. Lorsque les deux signaux sont de natures diff´erentes, on parle de convertiseeur (analogique-discret ou discret- analogique).
1.4. Exemples de syst`emes. Le syst`emeE qui a x(t) associe {x(kT)}k∈Z est un convertisseur analogique discret, appel´e ´echantillonneur. Ici T est un r´eel strictement positif.
Le syst`emeB qui `a la suite (xk)k∈Z associe le signal analogique X
k∈Z
xk11[kT ,(k+1)T)
1. G ´EN ´ERALIT ´ES SUR LES SIGNAUX ET LES SYST `EMES 5
est un convertisseur analogique discret appel´ebloqueur (ici 11E est la fonction indi- catrice d’un ensembleE.
Remarquons queE◦Best le syst`eme discret identit´e, qui transforme un signal en lui mˆeme. Le syst`emeB◦E est ´evidemment diff´erent de l’identit´e.
Voici quelques syst`emes analogiques id´eaux. On note x(t) l’entr´ee et y(t) la sortie. On ne pr´ecise pas ici les espaces d’entr´ees et de sortiesX etY.
• L’amplificateur id´eal y(t) =qx(t),q >0.
• La ligne `a retard y(t) =x(t−a) (oua >0 est un param`etre).
• Le d´erivateury(t) =x0(t).
• Le filtre `a moyenne glissante y(t) = T1 Rt
T−tx(s)ds, o`u T > 0 est un param`etre.
Les syst`emes discrets analogues (en notant (xk)k l’entr´ee et (yk)k la sortie) sont donn´es par
• yk =qxk;
• yk =xk−a (a∈N\ {0}).
• yk =xk−xk−1.
• yk =N1 Pk
j=k−N+1xj.
Donnons maintenant deux exemples concrets
************Dessins n´ecessaires*********
Circuit RC. On consid`ere un circuit ´electrique constitu´e d’un condensateur (de capacit´e C >0) et d’une r´esistance R. L’entr´ee est la diff´erence de potentielx(t) aux bornes du circuit. La diff´erence de potentiel au borne du condensateur est alors solution de l’´equation diff´erentielle lin´eaire d’ordre 1.
x(t) =RCy0(t) +y(t).
On voit que pour d´eterminery(t) de mani`ere unique, il faut pr´eciser une condition initiale (ce que nous ferons, un peu plus loin, lorsque nous ´etudierons ce circuit plus syst´ematiquement).
Consid´erons maintenant un syst`eme constitu´e de deux solidesAetB, pos´es sur le sol, reli´e par un ressort. L’entr´ee est l’abscisse du premier solide, not´eex(t). La sortie est l’abscisse y(t) du deuxi`eme solide. Le de B frottement est mod´elis´e par une force proportionnelle `a y0(t). En premi`ere approximation, la force du ressort exerc´ee surB est proportionnelle `ax(t)−y(t)−`0, o`u`0 est la longueur du ressort au repos. En notant αet k les coefficients de proportionnalit´e de ces deux forces, etm la masse deB, on obtient, par la loi de Newton
my00(t) =k(x(t)−y(t)−`0)−αy0(t), ce qui donne l’´equation diff´erentielle
my00(t) +αy0(t) +ky(t) =k(x(t)−`0).
Il faut cette fois donner deux conditions initiales pour d´eterminery(t) de mani`ere unique.
Nous ´etudierons de mani`ere syst´ematique les syst`emes de transmission r´egis par des ´equations diff´erentielles au chapitre 4
2. Propri´et´es de base des syst`emes
On r´epertorie ici quelques propri´et´es classiques des syst`emes de transmission.
Ces propri´et´es seront test´ees sur les exemples vus en §1.4: la ligne `a retard, le d´erivateur et le filtre `a moyenne glissante.
Plus pr´ecis´ement, nous concentrerons sur les trois filtres analogiques:
• la ligne `a retard Rd´efinie parRx(t) =x(t−a), avecX=Y =Cb0(R).
• le d´erivateur D d´efini par Dx(t) =x0(t), avec X =Y =S0(R), (Dx)k = xk−xk−1.
• le filtre `a moyenne glissante M defini par M x(t) = T1Rt
t−Tx(s)dx, avec X =Y =Cb0(R).
Nous invitons le lecteur `a consid´erer ´egalement les exemples discrets donn´es en§1.4.
Dans toutes les d´efinitions,A:X →Y d´esigne un filtre, analogique ou discret.
2.1. Lin´earit´e. Le syst`emeAestK-lin´eaire lorsqueX etY sont munis d’une structure d’espace vectoriel sur le corpsK(g´en´eralementRouC) et queAest une application lin´eaire entre ce deux espaces, c’est `a dire queA v´erifie le principe de superposition:
∀(x, u)∈X2, ∀λ∈C, A(λx+u) =λAx+Au Tous les exemples consid´er´es sont lin´eaires
2.2. Continuit´e. LorsqueX etY sont munis d’une topologie, on peut ´etudier la continuit´e du filtreA. Ainsi:
• La ligne `a retardRet le filtre `a moyenne glissanteMsont continus, lorsque X =Y =Cb∞(R), muni de la topologie de la convergence uniforme.
• le d´erivateur est continu lorsqueX =Y =S0(R), muni de la topologie de S0, qui est la topologie de la convergence simple.
Pour v´erifier, par exemple, queM est continu il suffit de v´erifier (M ´etant lin´eaire) queM est born´e sur la boule unit´e deX. Mais un calcul direct montre:
∀t∈R, |M x(t)| ≤ kxk∞,
ce qui donne le r´esultat. L’affirmation sur la continuit´e du d´erivateur signifie que la d´eriv´ee est une op´eration continue surS0, ce qui a ´et´e vue en tronc commun et se v´erifie ais´ement. Supposons en effet
n→∞lim xn =xdansS0(R).
Cela signifie exactement
∀ϕ∈ S(R), lim
n→∞hxn, ϕi=hx, ϕi et donc
∀ϕ∈ S(R), lim
n→∞hxn, ϕ0i=hx, ϕ0i ce qui donne la propri´et´e demand´ee.
2. PROPRI ´ET ´ES DE BASE DES SYST `EMES 7
2.3. Causalit´e.
D´efinition2.1. Une syst`eme analogiqueAest ditcausal(ou r´ealisable) lorsque pour tout xde X et pour tout t0 ∈ R, (Ax)t<t0 ne d´epend que de xt<t0. En d’autres termes,
∀(x1, x2)∈X2, ∀t0∈R, (∀t < t0, x1(t) =x2(t))
=⇒(∀t < t0, (Ax1)(t) = (Ax2)(t).
On v´erifie ais´ement que nos trois exemples de syst`emes sont causaux. En revanche un syst`eme donn´ee par
y(t) =x(t+a),
o`u aest un param`etre r´eel strictement positif, ne serait pas causal.
Les syst`emes physiques sont ´evidemment causal. Dans le cas discret, on d´efinit la causalit´e comme suit:
D´efinition 2.2. Une syst`eme discret A est causal lorsque pour tout x = (xk)k∈Z deX et pour toutt0∈R, (Ax)k0 ne d´epend que de (xk)k≤k0.
2.4. Invariance. Pour un tempsa∈R, on noteτa la translation en temps:
(τax)(t) =x(t−a).
D´efinition 2.3. Un syst`eme analogiqueA estinvariant lorsqueX et Y sont invariants par les translations en temps et
∀a∈R, Aτa =τaA.
La ligne `a retard, le d´erivateur et le filtre `a moyenne glissante sont invariants.
Montrons pour le filtre `a moyenne glissante. L’espace Cb0(R,C) est invariant par translation en temps: si xest une fonction continue et born´ee, il en est de mˆeme pour toutes ses translat´ees en temps. De plus
(Aτax)(t) = 1 T
Z t t−T
x(s−a)ds= 1 T
Z t−a t−a−T
x(s0)ds0= (τ Ax)(t), o`u on a fait le changement de variable s0=s−a.
On peut facilement construire un syst`eme non invariant. Fixons par exemple une fonction continue et born´ee non constante ϕ sur R. Consid´erons le syst`eme donn´e par
Ax(t) =ϕ(t)x(t),
o`u X=Y =Cb0(R). AlorsA est continu, lin´eaire, causal, mais non invariant.
Proposition2.4. Un syst`eme invariant transforme une fonction p´eriodiquex en une fonction p´eriodique de mˆeme p´eriode.
D´emonstration. SoitT >0 etx∈X p´eriodique de p´eriodeT. Cela signifie exactementτTx=x, et donc
Ax=AτTx=τTAx,
c.`a.d. queAxest p´eriodique.
On peut ´egalement d´efinir un syst`eme non-invariant dans le cas discret. Notons τ le d´ecalage d’indice `a gauche surCZ:
τ((xk)k) = (xk−1)k.
D´efinition 2.5. Un syst`eme discretA :X →Y est invariant quand X et Y sont invariants parτ et
Aτ=τ A.
Les analogues discrets du d´erivateur, de la ligne `a retard et du filtre `a moyenne glissante sont bien sˆur invariants.
3. Filtre
On introduit ici un exemple important de syst`eme de transmission, appel´efiltre.
3.1. D´efinition.
D´efinition 3.1. Un syst`eme de transmission A : X → Y (analogique ou discret) est appel´efiltre quand il est continu, lin´eaire et invariant.
Remarque 3.2. Nous nous int´eresserons principalement aux filtres physique- ment r´ealisables, donc causaux. Certains auteurs pr´ef`erent rajouter la causalit´e dans la d´efinition d’un filtre. Nous pr´ef´erons nous en tenir `a la d´efinition standard 3.1.
SiA est un filtre, on a donc le principe de superposition:
A
+N
X
−N
cnxn
!
=
+N
X
−N
cnAxn, pour toutes fonctions xn ∈ X et coefficients cn ∈ C. Si P
Zcnxn est une s´erie convergent dans X, on obtient, par continuit´e de A en passant `a la limite dans l’´egalit´e pr´ec´edente:
A
+∞
X
−∞
cnxn
!
=
+∞
X
−∞
cnAxn.
3.2. Effet sur les signaux sinuso¨ıdaux. Par la th´eorie des s´eries de Fourier, sixest une fonction localementL2, p´eriodique de p´eriodeT,
x(t) =
+∞
X
n=−∞
cnei2πt/T,
avec convergence dans L2(0, T). Soit A un filtre p´eriodique de p´eriode T sur L2(0, T). D’apr`es ce qui pr´ec`ede, il suffit de connaˆıtre la valeur deAsur les signaux monochromatiquesei2πt/T pour d´ecrire de compl`etement l’effet deA surL2(0, T).
Des consid´erations similaires sont valables pour des fonctions non p´eriodiques, mais d´ecroissantes `a l’infini par la formule d’inversion de Fourier.
On analyse ici l’effet d’un filtre sur une fonction monochromatiqe. On rappelle la notation:
eλ(t) =e2iπλt.
Proposition 3.3. Soitλ∈R, et A:X →Y un filtre analogique. Supposons eλ∈X. Alorseλest une fonction propre deX: il existe un nombre complexeH(λ) tel que
Aeλ=H(λ)eλ.
D´efinition 3.4. La fonction λ 7→ H(λ), d´efinie sur {λ ∈ C|eλ ∈ X}, est appel´efonction de transfert du filtreA.
3. FILTRE 9
Preuve de la proposition. Soitfλ=Aeλ. On a τueλ=e−2iπλueλ. On en d´eduit, par lin´earit´e
A(τueλ) =e−2iπλuAeλ=e−2iπλufλ. Par invariance du filtre,
A(τueλ) =τuAeλ=τufλ.
On a montr´e τufλ = e−2iπλufλ, pour tout u ∈ R. En appliquant cet ´egalit´e au tempst= 0, on obtient
fλ(−u) =e−2iπλufλ(0), soit
fλ=fλ(0)eλ,
ce qui donne le r´esultat demand´e. La fonction de transfertH(λ) ´etant donn´ee par H(λ)(0) = (Aeλ)(0).
Donnons quelques exemples.
La fonction de transfert du d´erivateur est donn´ee parλ7→2iπλ.
La fonction de transfert de la ligne `a retardx7→x(t−a) estλ7→e−2iπλa. La fonction de transfert du filtre `a moyenne glissante de p´eriodeT est
H :λ7→ 1−e−2iπλT 2iπT λ
(avec H(0) = 1). Le filtre `a moyenne glissante att´enue les hautes fr´equences (|H(λ)|.1/|λ| pour des grandsλ) mais transforme tr`es peu les basses fr´equences (H est proche de 1 pr`es de λ= 0). On dit que c’est un filtre passe-bas.
3.3. Exemple du circuitRC.
3.3.1. Filtre. On va maintenant analyser de mani`ere plus syst´ematique le cir- cuit RC, introduit en§1.4. On rappelle que la sortiey(t) v´erifie l’´equation diff´eren- tielle lin´eaire d’ordre 1
RCy0(t) +y(t) =x(t),
o`u x(t) est la sortie. On r´esout cette ´equation par la m´ethode de variation de la constante, et on obtient
y(t) = 1 RC
Z t t0
e−t−sRCx(s)ds+y(t0)e−t−tRC0, o`u t0∈Rest un temps initial arbitraire. En supposant
t0→−∞lim e−t0/(RC)y(t0) = 0,
(c’est `a dire, dans un sens tr`es faible, que la sortie y est nulle pour des temps infiniment petit), on obtient la formule
(1) y(t) = 1
RC Z t
−∞
e−t−sRCx(s)ds,
que nous prendrons comme d´efinition math´ematique du syst`eme de transmissions RC. Montrons que (1) d´efinit un filtre causal
A:Cb0(R,C)→Cb0(R,C),
o`uCb0(R,C) est muni comme d’habitude de la topologie de la convergence uniforme.
La lin´earit´e et la causalit´e sont ´evidentes. L’invariance se v´erifie ais´ement par changement de variable dans l’int´egrale:
1 RC
Z t
−∞
e−t−sRCx(s−a)ds= 1 RC
Z t−a
−∞
e−t−s0 −aRC x(s0)ds0. Pour montrer la continuit´e, on ´ecrit:
|y(t)| ≤ 1 RC
Z t
−∞
e−t−sRCdskxk∞=kxk∞,
ce qui montre que l’op´erateur A est continu et que sa norme d’op´erateur est 1 (l’´egalit´e est atteinte pourx= 1, qui donney= 1).
Exercice 3.5. NotonsL2T(R) l’espace vectoriel des (classes de) fonctions p´e- riodiques de p´eriodeT, `a carr´es int´egrables, muni de la norme
kfkL2 T = 1
T Z T
0
|f|2.
V´erifier queA est aussi continu comme application deL2T(R) dans lui-mˆeme.
3.3.2. Fonction de transfert. Par un calcul direct, Aeλ(t) = 1
2iλπRC+ 1e2iπλt= 1
2iλπRC+ 1eλ(t).
La fonction de transfert est
H(λ) = 1
1 + 2iπλRC.
On aH(0) = 1 et lim|λ|→∞H(λ) = 0. Le filtreRC est un filtre passe-bas.
3.3.3. Ecriture sous forme d’une convolution.´ La formule y(t) = 1
RC Z t
−∞
e−t−sRCx(s)ds peut s’´ecrire
y(t) = Z +∞
−∞
h(t−s)x(s)ds, o`u
h(t) = 1
RCe−RCt u(t).
En d’autres termes, le filtreRC est donn´e par une convolution:
Ax=h∗x.
Remarquons quehest (du moins formellement) la r´eponse `a l’impulsion de Dirac δ0. La fonction h est appel´ee “r´eponse impulsionnel”. L’´ecriture sous forme de convolution d’un filtre et sa r´eponse impulsionnelle sont des propri´et´es g´en´erales des filtres sur lesquelles nous reviendrons au chapitre 4
CHAPITRE 2
Transformation de Fourier discr` ete.
Transformation de Fourier rapide
1. Rappels rapides sur les s´eries de Fourier
Pour p∈[1,∞), on note LpT l’espace des (classes de) fonctions T p´eriodiques mesurables surR, telles que |f|p est int´egrable sur [0, T], muni de la norme:
kfkLp
T = 1
T Z T
0
|f(t)|pdt
!1/p
. L’espaceLpT s’identifie donc `a l’espace Lp(R/TZ).
A toute fonctionf ∈L1T, on associe des coefficients de Fourier:
(2) cn(f) = 1
T Z T
0
e−2iπnt/Tf(t)dt.
On rappelle que
lim
|n|→∞cn(f) = 0 et que si de plusf ∈L2T, on a
(3) f(t) =X
n∈Z
cn(f)e2iπnt/T, o`u l’´egalit´e a lieu dansL2T, ce qui signifie exactement
n→∞lim Z T
0
+N
X
n=−N
cn(f)e2iπntT −f(t)
2
dt= 0.
On a de plusl’´egalit´e de Parseval 1 T
Z T 0
|f(t)|2dt=X
n∈Z
|cn(f)|2.
La formule (3) est appel´ee d´eveloppement en s´eries de Fourier de f. Avec des hypoth`eses suppl´ementaires sur f, la convergence de la s´erie a lieu pour tout t.
C’est par exemple le cas lorsque f est continue, C1 par morceaux (th´eor`eme de Dirichlet).
Avertissement 1.1. Dans la plus grande partie du tronc commun du cours d’analyse harmonique, la p´eriode T a ´et´e fix´ee `a 2π, ce qui simplifie les formules.
Il est important ici de ne pas se restreindre `a une seule valeur de T, et le lecteur prendra bien soin au param`etreTdans la d´efinition decn(f) (qui d´epend donc aussi de T, d´ependance non indiqu´ee pour ne pas alourdir les notations). Les formules g´en´erales se d´eduisent ais´ement du casT = 2πpar un changement d’´echelle.
11
2. Transformation de Fourier discr`ete
En plus du livre de Gasquet et Witomski (cf r´ef´erence p. 3), nous conseillons l’excellente introduction `a l’analyse de Fourier de Stein et Shakarchi (en anglais)1. Le chapitre 7 traite la transform´ee de Fourier discr`ete.
2.1. Motivation. Soitf une fonction continue, p´eriodique de p´eriode T >0, et cn(f) ses coefficients de Fourier, d´efinis par (2). Lespectre (ouspectre ´en´ergie- fr´equence def est par d´efinition l’ensemble (n/T, cn(f))n∈Z. Il est donc donn´e, la p´eriodeT ´etant connue, par la suite des coefficients de Fourier def. On sait quef est compl`etement caract´eris´e par son spectre.
***** dessin ****
Un ´echantillonneur nous donne les valeurs de f sur N points f(kT /N), k = 0, . . . , N −1. Par d´efinition, la p´eriode d’´echantillonnage est l’´ecart entre deux mesures successives:
Te= T N.
On veut approcher les coefficients de Fourier def ‘a l’aide de ces N valeurs. Par p´eriodicit´e, on peut supposer que l’indice k est un ´el´ement de Z/NZ, l’anneau des classes d’´equivalence d’entiers modulo N. On est donc amen´e `a consid´erer la fonction
fN :Z/NZ→C k7→f
kT N
.
Dans ce qui suit, on va d´evelopper une th´eorie de Fourier sur les fonctions d´efinies sur le groupe ab´elien fini Z/NZ, et montrer que la transform´ee de Fourier dite transform´ee de Fourier discr`ete de FN ainsi obtenus sont li´es aux coefficients de Fourier de la fonction ´echantillonn´eef. Nous verrons notamment que sous certaines conditions, ces coefficients de Fourier. Nous verrons dans la deuxi`eme partie de ce chapitre un algorithme pour calculer rapidement la transform´ee de Fourier discr`ete, la transformation de Fourier rapide (ou FFT,Fast Fourier Transform en anglais).
2.2. D´efinition de la transform´ee de Fourier discr`ete. Rappelons qu’un caract`ere sur un groupeGsont les morphismes de Gdans le cercle unit´eS1 deC. On note, pourk∈Z/NZ,n∈ {0, . . . , N−1},
En(k) =e2iknπ/N
Proposition2.1. Les caract`eres surZ/NZsont exactement les fonctionsEn, n= 0, . . . , N −1.
D´emonstration. On v´erifie facilement que Ek(`+N) = Ek(`) pour tout entier`, et donc queEk d´efinit bien une application deZ/NZsurS1. De plus, par la formuleea+b=eaeb, on voit que pour tout j,`deZ/NZon a
En(j+`) =En(j)En(`).
Ceci montre queen est bien un caract`ere deZ/NZ.
1Elias M Stein and Rami Shakarchi. Fourier analysis: an introduction, Princeton Lectures in Analysis, volume 1. Princeton University Press, 2011
2. TRANSFORMATION DE FOURIER DISCR `ETE 13
R´eciproquement, soitϕun caract`ere deZ/NZ. Puisque N×
|{z}
1 + 1 +. . .+ 1 = N = 0 dansZ/NZ, on a
1 =ϕ(N) = (ϕ(1))N.
Donc ϕ(1) est une racine n-i`eme de l’unit´e. Il existe donc n∈ {0, . . . , N−1} tel que
ϕ(1) =e2iπn/N. On en d´eduit, pourk∈ {0, . . . , N−1},
ϕ(k) =ϕ(1)k=e2iπkn/N,
et doncϕ=En.
L’ensembleZ/NZ´etant fini, de cardinalN, l’ensemble des fonctions deZ/NZ dansCest un espace vectoriel de dimension finieN surC. On munit cette espace vectoriel du produit scalaire:
F G
=
N−1
X
k=0
F(k)G(k), qui lui conf`ere une structure d’espace hermitien.
Lemme 2.2. La famille des caract`eres (En)0≤n≤N−1 est orthogonale. Plus pr´ecis´ement,
Em
E`
=
(N sim=` 0 sim6=`.
D´emonstration. On a Em
E`
=
N−1
X
k=0
e2ikπmN e−2ikπ`N =
N−1
X
k=0
e2iπ(m−`)N k
.
Si m =`, e2iπ(m−`)N = 1 et on obtient exactement N comme annonc´e. Si m6= `, l’hypoth`ese 0≤m, `≤N−1 montre que m−` n’est pas divisible parN et donc e2iπ(m−`)N est une racineN-i`eme diff´erente de 1. Il d´ecoule de la formule de la somme d’une s´erie g´eom´etrique que le produit scalaire pr´ec´edent est nul.
SoitEn∗ = √1
Nem. La famille (E∗m)0≤m≤N−1 est une famille orthonormale, de cardinale N de l’espace hermitienFN qui est de mˆeme dimension N. C’est donc une base orthonormale deFN. On en d´eduit, pour tout fonctionF ∈ FN,
(4) F =
N−1
X
n=0
F EN∗
EN∗, kFk2=
N−1
X
n=0
F
En∗
2.
D´efinition 2.3. Pour n ∈ Z/NZ, F ∈ FN, le n-i`eme coefficient de Fourier discret deF est
cNn(F) := 1 N
N−1
X
k=0
F(k)e−2ikπnN = 1
√ N F
En∗ . L’application
F 7→(cNn(F))n∈Z/NZ
deCZ/NZdans lui mˆeme est appel´eetransformation de Fourier discr`ete.
Les formules (4) peuvent se r´e´ecrire de la mani`ere suivante:
Th´eor`eme2.4. SoitF ∈ FN. Alors
(5) F(k) =
N−1
X
n=0
cNn(F)e2iπnk/N. De plus
(6)
N−1
X
n=0
cNn(F)
2= 1 N
N−1
X
k=0
|F(k)|2.
Exemple 2.5. La formule (5) est un analogue, pour les fonctions sur Z/NZ, du d´eveloppement en s´erie de Fourier des fonctions p´eriodiques sur R, ou de la formule d’inversion de Fourier sur S0(R). La formule (6) (qui n’est autre que le th´eor`eme de Pythagore en dimension N) est un analogue discret des formules de Parseval et Plancherel. Elle montre que la transformation de Fourier discr`ete est,
`
a une constante multiplicative prˆet, une isom´etrie pour les normes hermitiennes consid´er´es Calculons la transformation de Fourier discr`ete dans le casN = 2. Soit F :Z/2Z→C. On noteF(0) =αet F(1) =β. Alors la d´efinition des coefficients de Fourier discrets donne:
c20(F) =1
2(α+β), c21(F) = 1
2(α−β).
Les formules (5) et (6) s’´ecrivent F(k) =1
2(α+β) +1
2(α−β)(−1)k, k∈Z/2Z et
1
2(α+β) 2
+ 1
2(α−β) 2
=1
2 α2+β2 .
Exercice 2.6. Calculer les coefficients de Fourier discret et ´ecrire (5) et (6) dans le casN = 3.
Exercice2.7. Calculer les coefficients de Fourier de la fonctionδ0, d´efinie par δ0(0) = 1, k∈ {1, . . . , N−1}=⇒δ0(k) = 0.
surZ/NZ.
Remarque2.8. Une fonctionF surZ/NZ`a valeurs complexes peut ´egalement ˆ
etre consid´er´ee comme une suite finie ou un ´element deCN, (F(k))0≤k≤N−1que l’on noterait plutˆot avec un indice, par exemple (yk)0≤k≤N−1. On a privil´egi´e la notation en termes de fonctions pour souligner l’analogie avec les s´eries de Fourier des fonc- tions p´eriodiques, et le lien avec l’´echantillonnage, mais on peut ´evidemment par- ler de mani`ere compl`etement ´equivalente, de la transformation de Fourier discr`ete (Yn)0≤n≤N−1 d’un ´el´ement (yk)0≤k≤N−1deCN, donn´ee par
Yn := 1 N
N−1
X
k=0
yke−2ikπnN .
Cette notation a l’avantage d’ˆetre plus sym´etrique. Par exemple, la formule d’in- version de Fourier (5) s’´ecrit:
yk=
N−1
X
n=0
Yne2iπnk/N.
3. TRANSFORMATION DE FOURIER RAPIDE 15
Remarque 2.9. Les coefficients de FouriercNn(F) sont d´efinis `a un moduloN prˆet. LorsqueN est pair, on peut donc ´ecrire la formule (5)
F(k) =
N 2−1
X
n=−N2
cne2iπnk/N,
formule plus pertinente lorsque l’on approche les coefficients de Fourier d’une fonc- tion p´eriodique par les coefficients de Fourier discret de ses ´echantillonn´ees.
2.3. Convolution.
D´efinition2.10. SoitF etGdeux applications deZ/NZdansC. La convol´ee deF etGest la fonction deZ/NZdansCd´efinie par
(F∗G)(k) = X
q∈Z/NZ
F(q)G(k−q).
Proposition 2.11. La transform´ee de Fourier discr`ete de F∗G est donn´ee par
cNn(F∗G) =N cNn(F)cNn(G), n∈Z/NZ.
D´emonstration. En utilisant les d´efinitions decNn(F) etcNn(G), on obtient N cNn(F)cNn(G) = 1
N X
k,`∈Z/NZ
F(k)G(`)
e−2ikπN n
e−2i`πN n
. En posantq=k+` dans la sommation, on obtient
N cNn(F)cNn(G) = 1 N
X
q∈Z/NZ
X
k∈Z/NZ
F(k)G(q−k)
e−2iqπN n
= 1 N
X
q∈Z/NZ
e−2iqπN n
(F∗G)(q),
ce qui donne le r´esultat d´esir´e.
On v´erifie ais´ement que la fonctionδ0d´efinie `a l’exercice 2.7 est l’´el´ement neutre pour la convolution et que c’est coh´erent avec la formule de la proposition 2.11.
3. Transformation de Fourier rapide
Etant donn´´ ee une fonctionF d´efinie surZ/NZ, on cherche `a calculer ses coef- ficients de Fourier discrets
cNn(F) = 1 N
N−1
X
k=0
F(k)e−2ikπN .
En supposant connu lesF(k) et les exponentielles complexese−2ikπ/N, il faut, pour calculer lesN coefficientscNn(F):
• N(N−1) multiplications complexes;
• N(N−1) additions complexes;
• N divisions parN,
soit N(2N −1) = O(N2) op´erations. En 1965, les math´ematiciens am´ericains James W. Cooley et John W. Tukey ont propos´e un algorithme r´ecursif, la fast Fourier transform (FFT), en fran¸cais transformation de Fourier rapide, qui permet de diminuer drastiquement le coˆut de cet algorithme.
SupposonsNpair,N = 2M, et que l’on sache calculer la transform´ee de Fourier discr`ete d’une fonctionGsur Z/MZ. On se donne une fonctionF de Z/NZdans C, et on noteF0 etF1les fonctions de Z/MZdansCd´efinies par
F0(k) =F(2k), F1(k) =F1(2k+ 1).
En regroupant les termes pairs et les termes impairs dans la d´efinition 2.3 des coefficients de Fourier discret, on obtient
cNn(F) = 1 2M
M−1
X
k=0
F(2k)e−2i(2k)πn2M +
M−1
X
k=0
F(2k+ 1)e−2i(2k+1)πn2M
!
=1 2
1 M
M−1
X
k=0
F(2k)e−2ikπnM +e−iπkM 1 M
M−1
X
k=0
F(k)e−2ikπn2M
!
=1 2
cMn (F0) +e−iπnM cMn (F1) . (7)
Proposition 3.1. Supposons que N soit une puissance de2. La formule (7) permet de calculer r´ecursivement la transform´ee de Fourier discr`ete d’une fonction sur Z/NZen O(NlogN)op´erations.
D´emonstration. SoitAN le nombre d’op´eration n´ecessaire pour calculer la transform´ee de Fourier discr`ete (N ´etant une puissance de 2). On a A2 = 6 (cf l’exemple 2.5). Par la formule (7),
A2M ≤8M+ 2AM. On peut v´erifier que cela implique
AM ≤4M log2M,
o`u log2 est le logarithme de base 2.
4. Application aux calculs approch´es des coefficients d’une fonction p´eriodique
4.1. Approximation par calcul approch´e de l’int´egrale. Soitf une fonc- tion T-p´eriodique. On veut comparer ses coefficients de Fourier avec ceux de la transform´ee de Fourier des ´echantillonn´es de f.
On a:
cn(f) = 1 T
Z T 0
f(t)e−2iπntT dt= 1 T
N−1
X
k=0
Z (k+1)T /N kT /N
f(t)e−2iπntT dt.
4. CALCUL APPROCH ´ES DES COEFFICIENTS DE FOURIER 17
Par la m´ethode des trap`ezes, on approche l’int´egrale R(k+1)T /N
kT /N . . . par l’aire du trap`eze d´elimit´e par la fonction entre kTN et (k+1)TN , soit
cn(f)≈ 1 T
N−1
X
k=0
T 2N
f
kT
N e−2iπnkN
+f
(k+ 1)T
N e−2iπn(k+1)N
= 1 N
N−1
X
k=0
f kT
N
e−2iπnkN . NotonsfN :Z/NZ→Rla fonction ´echantillonn´ee:
fN(k) =f kT
N
, k∈Z/NZ. La formule pr´ec´edente se lit:
cn(f)≈cNn(fN).
Remarquons que nous n’avons donn´e aucune estimation de l’erreur. La formule pr´ec´edente sugg`ere notamment que tous les coefficients de Fourier cn(f), o`u les indicesnsont choisis dans la mˆeme classe modulo N sont proches, ce qui est bien sˆur compl`etement faux! Lorsque nest grand, la fonctione−2πnt est tr`es oscillante et l’approximation pr´ec´edente n’est plus valable.
4.2. Polynˆome d’interpolation. Nous verrons en travaux dirig´es que l’on peut aussi obtenir lescNn(fN), lorsqueN est pair, en cherchant le polynˆome trigo- nom´etrique de p´eriodeT,
p(t) =
N 2−1
X
k=N2
ake2iktπT qui interpolef aux points `TN,`= 0, . . . , N−1.
4.3. Une formule exacte. Nous allons maintenant donner une formule plus pr´ecise, en supposant
X|cn(f)|<∞
(ce qui est vrai, par exemple, si f est de classe C1, cf le cours sur les s´eries de Fourier).
Alors
f(t) =X
`∈Z
c`e2iπ`tT , avec convergence normale surR. On en d´eduit:
cNn(fN) = 1 N
N−1
X
k=0
f kT
N
e−2iπknN = 1 N
N−1
X
k=0
X
`∈Z
c`e2iπ`kN e−2iπnkN
= 1 N
X
`∈Z
c` X
k∈Z/NZ
e2iπkN (`−n). En remarquant que
X
k∈Z/NZ
e2iπkN (`−n)=
(N siN
`−k 0 sinon,
on obtient la formule
cNn(fN) =X
q∈Z
cn+N q, et donc
cNn(fN)−cn(f) =X
q∈Z q6=0
cn+qN.
Si la fonctionfest r´eguli`ere, ce qui implique que les coefficients de Fourier d´ecroissent vite, les cNn(fN) constituent donc de bonnes approximations des coefficients de Fourier def, lorsqueN est assez grand.
Exemple 4.1. On consid`ere un polynˆome trigonom´etrique de degr´e 6 f(t) =
+6
X
n=−6
cne2iπntT .
Les coefficients de Fourier discrets de degr´e 4,c4n :=c4n(f4) sont donn´es par:
c40=c0+c4+c−4 c41=c1+c−3+c5
c42=c2+c−6+c−2+c6 c4−1=c−1+c3+c−5.
On laisse le soin au lecteur de donner les formules pour les coefficients de degr´e 6 et de v´erifier quecNn =cn d`es queN ≥13.
CHAPITRE 3
Spectre continu et ´ echantillonnage. Th´ eor` eme de Shannon
Nous avons vu au chapitre 2 l’effet de l’´echantillonnage sur le spectre d’une fonction p´eriodique. Ce spectre est discret et d´efini par la s´erie de Fourier de la fonction f. Nous allons ´etudier ici l’´echantionnage de fonctions d´ecroissantes `a l’infini (par exempleL1), et son effet sur le spectre de la fonction, qui est cette fois d´efini par la transformation de Fourier. On commence par quelques rappels sur la transformation de Fourier des distributions temp´er´ees. On omet les d´emonstrations, qui ont ´et´e vues dans le tronc commun du cours d’analyse harmonique.
1. Transformation de Fourier des distributions temp´er´ees
On rappelle que la transform´ee de Fourier d’une fonctionf ∈L1(R) est donn´ee par
(8) (Ff)(τ) = ˆf(τ) =
Z +∞
−∞
e−2iπtτf(t)dt.
Remarque 1.1. Dans le cours du tronc commun, la transform´ee de Fourier d´ependait d’un param`etre de normalisation h (l’exponentielle dans l’int´egrande
´
etant donce−itτh). Dans toute la partie “appliqu´ee” du cours, la constantehsera fix´ee `a 2π1 comme dans (8).
On montre sif ∈L1(R) que ˆf ∈Cb0(R) et que
τ→±∞lim
fˆ(τ) = 0.
On d´efinit de mˆeme mani`ere la transform´ee inverse deg∈L1(R) par Fg(t) =
Z +∞
−∞
e2iπτ tg(τ)dτ = (Fg)(−t).
On a la formule d’inversion de Fourier:
f ∈L1 et ˆf ∈L1
=⇒ F Ff =f.
On peut ´etendre la transformation de Fourier `a un espace beaucoup plus gros que L1(R), l’espace des distributions temp´er´ees S0(R) dont on rappelle rapidement la d´efinition.
Soit S(R) l’espace de Schwartz des fonctions C∞ `a valeurs complexes, `a d´e- croissance rapide ainsi que toutes leurs d´eriv´ees: pour une fonctionf, de classeC∞ surR, on a par d´efinition
(9) f ∈ S(R) ⇐⇒ ∀N ∈N, pN(f) := X
0≤j k≤N
sup
t∈R
|t|j f(k)(t)
<∞.
19
L’espace vectoriel S(R) est muni d’une topologie que l’on peut d´efinir par la con- vergence des suites: par d´efinition, une suite (fk)k deS(R) converge versf ∈ S(R) si et seulement si
∀N∈N, lim
k→∞pN(fk−f) = 0.
On d´efinit l’espace S0(R) des distributions temp´er´ees comme le dual topologique de S(R). C’est l’espace vectoriel des formes lin´eaires sur S(R) qui sont continues au sens de la topologie pr´ec´edente. On v´erifie facilement que si Φ est une forme lin´eaire surS(R), on a
Φ∈ S0(R) ⇐⇒ ∃N ∈N, ∃C >0, ∀f ∈ S(R), |hΦ, fi| ≤pN(f).
On munitS0(R) de la topologie de la convergence simple: par d´efinition, une suite (Φn)n de distributions temp´er´ees converge vers une distribution temp´er´ee Φ si et seulement si
∀f ∈ S(R), lim
n→∞hΦn, fi=hΦ, fi.
Soitp∈[1,∞]. Pour toutf ∈Lp(R), la forme lin´eaire Φf surS(R) d´efinie par (10) ∀g∈ S(R), hΦf, gi=
Z +∞
−∞
f(t)g(t)dt
est un ´el´ement deS0(R). L’application lin´eairef 7→Φfest une injection continue de Lp(R) dansS0(R), qui permet d’identifierLp(R) `a un sous-espace vectoriel deS0(R).
Pour all´eger les notations, on note simplement f (au lieu de Φf) la distribution temp´er´ee associ´ee `a f.
On peut de mˆeme identifier les espaces Cb0(R) (des fonctions continues et born´ees ur R), et LpT (des fonctions p´eriodiques de p´eriode T, localement dans Lp) `a des sous-espace vectoriel deS0(R).
Un exemple important de distribution temp´er´ee qui n’est pas une fonction est la masse de Diracδa au pointa∈R, d´efinie par
∀f ∈ S(R), hδa, fi=f(a).
On consid`erera aussi le peigne de Dirac de p´eriode a >0:
∆a =X
n∈Z
δna, la s´erie convergeant au sens deS0(R), c’est `a dire:
∀f ∈ S(R), h∆a, fi= lim
N→∞
+N
X
−N
f(na).
On d´efinit par dualit´e, `a partir des mˆemes op´erations surS(R), les op´erations suivantesS0(R): la d´erivation, la multiplication par une fonction et la transforma- tion de Fourier.
Lad´eriv´eed’une distribution temp´er´ee Φ est la distribution temp´er´ee Φ0d´efinie par
∀f ∈ S(R), hΦ0, fi=− hΦ, f0i.
L’applicationf 7→f0 ´etant continue sur S, l’application lin´eaire Φ0 ainsi obtenue est bien un ´el´ement deS0.
1. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMP ´ER ´EES 21
Soitg une fonction de classeC∞ surR, `a croissance au plus polynomiale ainsi que toutes ses d´eriv´ees.1On remarque que f 7→ f g est une application lin´eaire continue de S dans S. Pour toute distribution Φ, on peut donc d´efinir le produit gΦ∈ S0(R) par
∀f ∈ S(R), hgΦ, fi=hΦ, gfi.
On d´efinit la transformation de Fourier sur S0 en remarquant que la transform´ee de Fourier (d´efinie par la formule (8)) est une application continue de S(R) dans S(R) qui v´erifie de plus:
(11) ∀(f, g)∈ S2,
Z +∞
−∞
fˆ(τ)g(τ)dτ = Z +∞
−∞
f(t)ˆg(t)dt.
On d´efinit donc la transform´ee de FourierFΦ = ˆΦ d’une distribution Φ par
(12) ∀g∈ S, D
Φ, gˆ E
=hΦ,giˆ .
On v´erifie que la transformation de FourierF ainsi d´efinie est une application continue deS0 dansS0.
On peut maintenant d´efinir de deux mani`eres la transform´ee de Fourier d’une fonction f ∈ L1(R): par la formule (8), ou par la formule (12), en consid´erant f comme une distribution temp´er´ee. La formule (11) et un argument de densit´e montre que ces deux d´efinitions co¨ıncident.
On peut d´efinir de la mˆeme mani`ere la transform´ee de Fourier inverse d’une distribution temp´er´ee, par la formule:
(13) ∀g∈ S,
FΦ, g
= Φ,Fg
, et on a la formule d’inversion de Fourier dansS0:
∀Φ∈ S0, F FΦ =F FΦ = Φ.
On calcule ais´ement la transform´ee de Fourier de la masse de Dirac en 0 (cf
§2.1):
Fδ0= 1
(la fonction constante ´egale `a 1), et plus difficilement celle du peigne de Dirac (cf le livre de Gasquet et Witomski, formule 31(10)):
F∆a= 1 a∆1
a.
L’espace L2(R) ´etant un sous-espace vectoriel de S0(R), la transform´ee de Fourier d’un ´el´ementf deL2(R) est bien d´efinie. On a (th´eor`eme de Plancherel):
f ∈L2(R) =⇒fˆ∈L2(R) et Z +∞
−∞
|f(t)|2dt= Z +∞
−∞
fˆ(τ)
2dτ.
On rappelle que laconvol´eede deux fonctionsf etg deL1(R) est d´efinie par f∗g(t) =
Z +∞
∞
f(t−s)g(s)ds,
et que (f, g) → f ∗g est une forme bilin´eaire continue de L1×L1 dans L1. La transform´ee de Fourier transforme la convolution en multiplication.
∀f ∈L1, ∀g∈L1, ∀τ∈R, f[∗g(τ) = ˆf(τ)ˆg(τ),
1L’espace vectoriel form´e de ces fonctions ´etait not´e P dans le cours du tronc commun d’analyse harmonique
le produit ˆf(τ)ˆg(τ) ´etant bien d´efini, comme produit de fonctions continues.
On peut ´etendre la convolution `a des couples plus g´en´eraux de distributions temp´er´ees, avec des conditions suppl´ementaires sur ces distributions. On peut ainsi d´efinir la convol´ee d’un ´el´ement deS et d’un ´el´ement deS0, ou plus g´en´eralement d’un ´el´ement f de S0 tel que ˆf est dans P, et d’un ´el´ement g deS0. La formule f[∗g = ˆfgˆreste alors valable. La masse de Dirac δ0 est l’´el´ement neutre pour la convolution surS0.
2. Spectre, s´eries de Fourier et transformation de Fourier
2.1. D´efinition du spectre. Le spectre d’un signal analogique x(t) est la transform´ee de Fourier ˆx(τ) dex(t). Au chapitre pr´ec´edent, on a donn´e une autre d´efinition du spectre d’un signal analogique p´eriodique x ∈ L1T (cf §1 pour la d´efinition de cet espace) comme l’ensemble
nn
T, cn(x)
, n∈Z o, o`u lescn(x) sont les coefficients de Fourier:
cn(x) = 1 T
Z T 0
x(t)e−2iπntdt.
Consid´erons un signal sinuso¨ıdal monochromatique
(14) x(t) =αe2iπtµ.
On rappelle le calcul de la transformation de Fourier deδµ. On a, pourf ∈ S(R):
D δbµ, fE
=D δµ,fbE
=fb(µ) = Z
R
e−2iπτ µf(τ)dτ,
et la transform´ee de Fourier deδµ est doncτ7→e−2iτ µ. Par la formule d’inversion de Fourier, la transform´ee de Fourier det7→e2itµest δµ.
Le spectre ´energie-fr´equence du signal x(t) d´efini par (14), consid´er´e comme une fonction de p´eriode 1/µ est donc (µ, α). Le spectre du mˆeme signal, consid´er´e comme une distribution temp´er´ee, estαδµ. On voit que ces deux d´efinitions portent exactement la mˆeme information et sont donc coh´erentes. Nous allons maintenant g´en´eraliser ceci aux fonctions p´eriodiques quelconques.
2.2. Comparaison entre s´eries et transformation de Fourier. Comme auparavant, on peut identifier un ´el´ement f deL1T `a la distribution temp´er´ee
ϕ7→
Z
R
f(t)ϕ(t)dt.
Le th´eor`eme suivant montre que la s´erie de Fourier de f converge dans S0(R) et compare la somme de cette s´erie de Fourier `a la transform´ee de Fourier de f, consid´er´ee comme une distribution temp´er´ee.
Th´eor`eme2.1. Si f ∈L1T, alors f(t) =
+∞
X
k=−∞
ck(f)e2ikπtT dansS0 (15)
fˆ(τ) =
+∞
X
k=−∞
ck(f)δk
T dans S0. (16)
2. SPECTRE, S ´ERIES DE FOURIER ET TRANSFORMATION DE FOURIER 23
La formule (15) signifie exactement:
∀ϕ∈ S(R), lim
N→∞
N
X
k=−N
ck(f) Z
R
e2iπktT ϕ(t)dt= Z
R
f(t)ϕ(t)dt.
La formule (16) signifie:
∀f ∈ S(R), Z
R
fˆ(τ)ϕ(τ)dτ = lim
N→∞
+N
X
k=−N
ck(f)ϕ k
T
.
Le th´eor`eme 2.1 montre les deux d´efinitions du spectre de f par les s´eries de Fourier ou la transformation de Fourier portent exactement la mˆeme information.
Preuve du th´eor`eme. La formule (16) d´ecoule imm´ediatement de la formule (15), de la continuit´e de la transformation de Fourier dans S0 et du calcul de la transform´ee de Fourier d’un signal monochromatique fait plus haut.
Montrons (15). On commence par montrer que cette formule est vraie pour f ∈L2T. Dans ce cas, par la th´eorie des s´eries de Fourier,
(17) lim
N→∞
+N
X
k=−N
ck(f)e2ikπtT =f(t),
o`u la convergence a lieu dans L2T, et donc, par p´eriodicit´e, en norme L2 sur tout intervalle fini. Notons
RN(t) =f(t))−
+N
X
k=−N
ck(f)e2ikπtT . La fonctionRN est p´eriodique, de p´eriodeT, et v´erifie
lim
N→∞kRNkL2
T = 0, Fixonsϕ∈ S(R). Alors
Z
R
RN(t)ϕ(t)dt
=
X
j∈Z
Z (j+1)T jT
RN(t)ϕ(t)dt
≤ kRNkL2 T
v u u t
X
j∈Z
Z (j+1)T jT
|ϕ(t)|2dt≤ kRNkL2 TCTX
j∈Z
s
N2(ϕ)2 (|j|+ 1)4, o`u on a utilis´e Cauchy-Schwarz sur chaque intervalle [jT,(j+ 1)T]. La constante CT ne d´epend que de T. On a donc
t→∞lim Z
R
RN(t)ϕ(t)dt
= 0, ce qui montre la convergence (15) lorsquef ∈L2T.
Pour g´en´eraliser `af ∈L1T, on commence par remarquer queL2T est dense dans L1T: en effet, les fonctions continues p´eriodiques de p´eriodeT sont denses dansL1T, et ces fonctions sont clairement dansL2T. On montre ensuite que,ϕ´etant fix´e dans S(R), les formes lin´eaires
f 7→
Z
R
f(t)ϕ(t)dt
et
f 7→ lim
N→∞
+N
X
k=−N
ck(f) Z
R
e2ikπtT ϕ(t)dt
sont bien d´efinies, et continues, sur L1T (le deuxi`eme point d´ecoule de la borne
|ck(f)| ≤ kfkL1
T et du fait que la s´erie P
k
R
Re2ikπtT ϕ(t)dt est absolument conver- gente, ˆϕ´etant dansS). Ces deux formes lin´eaires co¨ıncidant surL2T, on en d´eduit quelles sont ´egales surL1T, ce qui signifie exactement.
∀f ∈L1T, Z
R
f(t)ϕ(t)dt= lim
N→∞
+N
X
k=−N
ck(f) Z
R
e2ikπtT ϕ(t)dt,
et conclut la preuve, puisqueϕ∈ S est arbitraire.
3. Formule de Poisson et ´echantillonnage On consid`ere maintenant un signal analogique
f ∈Cb0(R,C).
On suppose que sa transformation de Fourier ˆf(qui est bien d´efinie puisqueCb0(R,C) s’identifie `a un sous-espace deS0) et dansL1(R) et `a support compact, c’est `a dire
(18) supp ˆf ⊂[−λc, λc],
pour un certainλc>0, ou plus rigoureusement que la classe de fonctions ˆf admet un repr´esentant dont le support est inclus dans [−λc, λc].
On d´efinitl’´echantillonn´e def de p´eriodea >0 comme la distribution af∆a =a
+∞
X
n=−∞
f(na)δna.
Remarquons quef(na) est une suite born´ee. On peut en d´eduire facilement que la s´erieP+∞
n=−∞f(na)δna converge dansS0(R), ce qui justifie la d´efinition deaf∆a. Th´eor`eme3.1. Supposonsf ∈Cb0(R,C),fˆ∈L1etsupp ˆf `a support compact.
Alors
afd∆a(λ) =
+∞
X
n=−∞
fˆ λ−n
a
dansS0.
En d’autres termes, le spectre de l’´echantillonn´e (avec une p´eriode d’´echan- tillonnagea) est le p´eriodis´e (de p´eriode 1/a) du spectre def.
Corollaire3.2. Sous les hypoth`eses du th´eor`eme pr´ec´edent, si on suppose de plus (18)et 1a >2λc, alors
∀λ∈R, fˆ(λ) =af∆da(λ)11[−λc,λc].
(la fr´equence 2λc est parfois appel´e taux de Nyquist,Nyquist rate en anglais).
******* dessin********* Remarquons que les hypoth`eses du th´eor`eme 3.1 et du Corollaire 3.2 sont tr`es fortes. La transform´ee de Fourier de f ´etant `a support compact, la fonctionf est de classeC∞, et mˆeme d´eveloppable en s´eries enti`eres, surR.