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Pensée sociale et pratiques langagières de futurs enseignants de l'école primaire vaudoise: l'alimentation vue à travers le prisme de la géographie scolaire

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Pensée sociale et pratiques langagières de futurs enseignants de l'école primaire vaudoise: l'alimentation vue à travers le prisme de la

géographie scolaire

PACHE, Alain

Abstract

Inscrite dans le champ des didactiques des sciences sociales, cette thèse étudie les relations complexes entre l'alimentation et la géographie scolaire, par l'intermédiaire de la pensée sociale et des pratiques langagières de futurs enseignants de l'école primaire vaudoise. Cent soixante-quatre étudiants de la HEP Vaud ont répondu à un questionnaire. Huit d'entre eux ont mis en œuvre une séquence d'enseignement dans leur classe de stage. L'analyse d'un large corpus débouche sur trois principaux résultats : a) La prédominance des mots de l'alimentation circulant dans l'espace social, au détriment des concepts et des méthodes de la géographie universitaire, qui, bien que parfois présents, ne font pas l'objet d'une véritable institutionnalisation ; b) L'importance des récits d'action, réels ou fictifs, qui permettent de transposer des situations sociales dans l'espace scolaire et qui remplissent une fonction d'argumentation ; c) Des hiatus de communication résultant de la difficulté à distinguer les divers registres de savoirs en présence, et, de manière générale, les langages, les catégories et [...]

PACHE, Alain. Pensée sociale et pratiques langagières de futurs enseignants de l'école primaire vaudoise: l'alimentation vue à travers le prisme de la géographie scolaire. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2012, no. FPSE 515

URN : urn:nbn:ch:unige-241638

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:24163

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:24163

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Section des sciences de l’éducation

Sous la direction de François Audigier & Francia Leutenegger

Pensée sociale et pratiques langagières de futurs enseignants de l’école primaire vaudoise

L’alimentation vue à travers le prisme de la géographie scolaire

THESE Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en sciences de l’éducation

par Alain PACHE d’Epalinges (Vaud)

Thèse No 515

GENEVE Septembre 2012 N° étudiant 93-425-114

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COMPOSITION DU JURY DE THESE :

François Audigier (co-directeur), Université de Genève Francia Leutenegger (co-directrice), Université de Genève

Michèle Grossen, Université de Lausanne Anne Sgard, Université de Genève

Jean-François Thémines, IUFM de l’Université de Caen Basse-Normandie

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Remerciements

J’aimerais commencer en remerciant toutes les personnes qui ont rendu possible ce travail.

Comme elles sont nombreuses, je prie d’avance celles que je ne peux citer de m’excuser.

En premier lieu, je remercie François Audigier et Francia Leutenegger pour l’expérience intellectuelle qu’ils m’ont permis de vivre, pour leur soutien et pour les qualités humaines dont ils ont fait preuve à mon égard.

Merci à Adèle, Aloïs, Cécile, Daniel, Lyrie, Michèle, Sylvie et Yvelise qui ont accepté de répondre à mes questions et de m’ouvrir leur classe, alors qu’ils réalisaient une étape délicate de leur formation.

Merci à la Direction générale de l’enseignement obligatoire, ainsi qu’aux directrices et directeurs d’établissements qui m’ont accordé les autorisations nécessaires.

Merci aux praticiens formateurs qui ont œuvré pour que les conditions de travail des étudiants soient les meilleures possibles.

Merci à tous les autres étudiants qui ont répondu à mon questionnaire.

Merci à l’ancien Conseil de direction de la HEP Vaud qui m’a fait confiance et accordé de bonnes conditions de travail. Je pense en particulier à Jacques Pilloud et à Cyril Petitpierre.

Merci au Comité de direction actuel qui a poursuivi ce soutien.

Merci à toute l’équipe ERDESS qui, par son travail, sa rigueur et sa bonne humeur, a permis mon « entrée en recherche » : Philippe Haeberli, Philippe Jenni, Nadine, Pierre-Philippe, Samuel, Pierre, Nathalie, Aude.

Merci à Sabine, Joaquim, Kristine qui ont su, selon moi, proposer une formation doctorale adaptée aux besoins des formateurs HEP. Merci aux collègues qui ont participé à ce programme : Anne, Claudio, François, Mylène, Patricia, Pierre-Olivier, Véronique et les autres.

Merci à mes collègues de la HEP Vaud qui m’ont soutenu pendant la longue période de réalisation de ce travail. Je pense en premier lieu à mon collègue et responsable de l’UER Philippe Hertig qui, part sa présence au quotidien depuis de nombreuses années, m’a donné le goût de la formation, puis de la recherche. À de multiples reprises, ses remarques et suggestions m’ont permis d’éviter les impasses tout en m’encourageant à poursuivre mon

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travail. Philippe a par ailleurs relu avec beaucoup d’attention et une grande compétence l’intégralité du texte de cette thèse. Je l’en remercie chaleureusement.

Je remercie aussi pour leurs mots d’encouragement Christine, Nicole, Séverine, Lucy, Guillaume, Lyonel, Ismaël, Nathalie, Sophie, Charlot, François, Serge, Alain, Jean-Pierre, Marco, Frédérique, Olivier, Ruth, Philippe Losego, Stéphane et tous les autres collègues que je vois moins souvent.

Tous mes remerciements vont également aux membres du jury qui ont accepté de lire cette thèse : Michèle Grossen, Anne Sgard et Jean-François Thémines.

Enfin, je ne saurais conclure sans remercier mes amis et ma famille pour les encouragements prodigués tout au long du processus qui débouche sur le présent travail. Je pense en particulier à mon épouse, Margot, ainsi qu’à mes deux enfants, Nathan et Chloé.

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Sommaire  

Remerciements... 5  

Sommaire... 7  

Introduction... 9  

PREMIERE  PARTIE  :  CONSTRUCTION  DU  QUESTIONNEMENT...19  

Chapitre  1  :  Penser  l’alimentation  pour  penser  les  sociétés ...19  

Chapitre  2  :  Les  récits  des  géographes...51  

Chapitre  3  :  L’alimentation,  entre  éducation  nutritionnelle  et  géographie  scolaire ...81  

Chapitre  4  :  Le  fonctionnement  de  la  pensée  sociale ...113  

Chapitre  5  :  Apprendre  à  l’aide  de  multiples  systèmes  sémiotiques...129  

DEUXIEME  PARTIE  :  METHODOLOGIE  DE  LA  RECHERCHE...159  

Chapitre  6  :  Questions,  hypothèses  et  méthodes...159  

TROISIEME  PARTIE  :  RESULTATS  DE  LANALYSE...197  

Chapitre  7  :  Les  élèves  et  l’alimentation...197  

Chapitre  8  :  Les  futurs  enseignants  et  l’alimentation,  le  questionnaire...245  

Chapitre  9  :  Les  contenus  et  les  dispositifs...281  

Chapitre  10  :  Les  pratiques ...313  

Conclusion ...365  

Table  des  figures ...381  

Références  citées...383  

Table  des  matières...401  

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Introduction

Au printemps 2008, des « émeutes de la faim » éclatent dans de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique centrale et d’Asie (Dagorn, 2008). Simultanément, les prix des matières premières s’envolent et provoquent un « choc alimentaire mondial » (Carfantan, 2009). Les marchés alimentaires étant déstabilisés, différents acteurs de la société civile tentent de proposer des solutions. Aux États-Unis, un mouvement comme « Stop Wasting Food » milite pour une autre approche de l’alimentation ; en Italie, « Slow Food » fait de même, alors qu’en Suisse, le mouvement « Ras-la-Fraise » s’oppose à la vente de fruits et légumes hors saison.

Du côté des organisations internationales, la FAO1 organise à Rome le 3 juin 2008 une conférence sur la sécurité alimentaire mondiale en lien avec les défis du changement climatique et des bioénergies. La Banque mondiale instaure un « Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale » (GFRP). Quant au PAM2, il lance un appel aux dons pour recueillir au moins 750 millions de dollars supplémentaires, alors que sa directrice générale, Josette Sheeran, évoque un « tsunami silencieux ». Enfin, les États débloquent des sommes inédites pour venir en aide aux victimes de la « flambée » des prix : à titre d’exemple, la Grande-Bretagne promet 500 millions d’euros sur cinq ans, la France annonce qu’elle va doubler son aide alimentaire et les États-Unis ordonnent le débloquement de 200 millions de dollars (soit 126 millions d’euros en 2008).

Ce récit, qui nous plonge au cœur de la crise alimentaire mondiale de 2008, pourrait-il être proposé à des élèves de l’école primaire ? Est-il suffisamment pertinent ou accessible pour les initier au « monde social » (Audigier, 2001a) ? Si oui, quels savoirs permettrait-il de construire ? Des savoirs disciplinaires ? Des savoirs « mondains » (Tutiaux-Guillon, 2008) ? Des savoirs langagiers ? Servirait-il de support à la construction de compétences cognitives, sociales ou éthiques (Audigier, 2000a) ?

De telles questions situent d’emblée notre propos dans le champ de la didactique disciplinaire, plus précisément de la didactique de la géographie3.

1 L’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization)

2 Le Programme alimentaire mondial est une agence humanitaire qui lutte contre la faim dans le monde.

3 Par « didactique », nous entendons une discipline de recherche qui analyse des contenus vus comme des objets d’enseignement et d’apprentissages référables à des matières scolaires (Reuter, 2007b).

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La géographie scolaire, à l’image de l’histoire et de l’éducation civique, a depuis fort longtemps pris en charge la formation du citoyen et du travailleur en proposant des savoirs sur la société dans laquelle vivent et vivront les élèves, à savoir sur les sociétés présentes et futures (Audigier, 2012). Ces savoirs s’appuient sur les apports de la discipline académique éponyme selon le principe de la transposition didactique (Verret, 1975; Chevallard, 1985), mais aussi sur d’autres savoirs directement liés à la vie sociale et au monde du travail, autrement dit sur des pratiques sociales de référence (Martinand, 1986) ou des savoirs d’action (Barbier, 1996). Mais la géographie scolaire peut aussi être vue sous l’angle de la discipline scolaire (Chervel, 1988), car elle s’appuie sur des logiques propres au système scolaire et se situe dans une dynamique perpétuelle, sous l’influence de multiples demandes sociales et du « pouvoir créateur » des enseignants (Audigier, 2001b, p. 148).

Ainsi, depuis quelques années, des changements importants ont affecté les structures du système éducatif : une citoyenneté d’appartenance cède le pas à une citoyenneté individualiste et critique, ce qui relève de la formation du travailleur se décline autour du terme d’employabilité et les curriculums s’organisent sur la base de compétences (Audigier, sous presse). Outre le « régime » de socialisation (Audigier, 2008a), c’est le « régime » des savoirs qui se modifie : autrefois pensés comme un « stock » à acquérir, ils sont aujourd’hui pensés comme des ressources à mobiliser en situation, selon la logique du « flux » (Audigier, 2008a, p. 11 et p. 13).

Ces constats nous amènent à nous intéresser de plus près aux enjeux actuels de ce que bon nombre de didacticiens qualifient de « recomposition disciplinaire » (Audigier, 2001b;

Tutiaux-Guillon & Vergnolle-Mainar, 2009; Audigier, Fink, Freudiger, & Haeberli, 2011b).

Les enjeux de la recomposition disciplinaire à l’école primaire

Le système éducatif se trouve aujourd’hui dans une situation où de nouveaux objets ont fait leur entrée à l’École4 : l’éducation à la citoyenneté, l’éducation à la santé ou encore l’éducation en vue du développement durable n’en sont que quelques exemples. Comme le relève Tutiaux-Guillon (2009) à propos de l’éducation en vue du développement durable, un tel enseignement se heurte aux logiques de la forme scolaire (Vincent, 1980; Vincent, 1994), car il implique une « triple rupture », épistémologique, avec les finalités et avec les pratiques.

4 L’ « École », écrit avec une majuscule, désigne l’institution publique, alors que l’ « école », avec une minuscule, désigne l’espace scolaire – la salle de classe, l’établissement – ou un ordre d’enseignement particulier (l’école primaire).

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Sur un plan épistémologique, il s’agit de « faire de la place à l’incertitude, au désordre, à l’instabilité, à la pluralité des interprétations », mais aussi « au futur » (Tutiaux-Guillon, 2009, p. 148). En outre, il s’agit de réfléchir à l’articulation entre les multiples dimensions prises en compte par ces Éducations à… – les dimensions politiques et juridiques, sanitaires, économiques, sociales et démographiques, culturelles, religieuses, éthiques ou encore techniques –, et les outils de pensée disciplinaires, qui ne les recouvrent pas totalement. En effet, les questions qui se posent à nos sociétés ne sont pas disciplinaires – c’est par exemple le cas de la crise alimentaire de 2008, évoquée au début de ce texte – et les solutions qui peuvent leur être apportées ne le sont pas non plus (Audigier, 2001a). Autrement dit, il s’agit de dépasser les catégories disciplinaires sans pour autant les effacer, ce qui revient à envisager la contribution de chaque discipline au projet collectif, mais aussi de réfléchir en termes de hiérarchie et de positionnement réciproque (Vergnolle Mainar, 2011). En effet, les différentes disciplines scolaires ne construisent pas les mêmes relations de l’individu à lui-même et au monde (Audigier, 2012).

Dans le cadre de cette recherche, nous partons du postulat selon lequel la géographie scolaire peut être rattachée, sur un plan épistémologique, aux sciences du monde social, autrement dit aux sciences socio-historiques (Passeron, 1991). Celles-ci permettent la catégorisation du réel, le découpage en domaine d’études. Elles s’appuient sur l’enquête, le recueil, la construction de sources et la production de textes. En outre, elles s’intéressent aux actions humaines dans leur contexte et étudient particulièrement les acteurs, les processus de décision ainsi que le rôle joué par les intérêts divers, les opinions, les croyances ou les valeurs (Audigier, sous presse).

Deuxièmement, la question des finalités est à questionner : quelle place respective accorder aux finalités « patrimoniales et civiques », aux finalités « intellectuelles et critiques », ainsi qu’aux finalités « pratiques » (Audigier, 1995) ? Ces trois catégories sont mentionnées dans le Plan d’études romand, mais la logique des compétences et de l’employabilité a tendance à favoriser la valeur d’utilité sociale. Dès lors, comment s’articulent les savoirs dont les élèves auront besoin et les actions qu’ils pourraient mener dans l’espace social ? Comment prendre en compte leur expérience dans le processus d’enseignement ?

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En y regardant de plus près, comment faut-il se positionner par rapport à des normes qui envahissent l’espace public et qui, souvent, dévalorisent les savoirs et prônent les bienfaits de l’expérience ?5 Comment échapper à la « dictature du présent » (Audigier, 2012) pour penser le futur ? Comment faire preuve d’ « interprétation inventive » (Citton, 2010)6 ? Que dire alors des approches d’éducation en vue du développement durable qui se limitent à prôner des éco-gestes7, relayant ainsi un discours social dominant ?

De telles questions sont centrales et n’ont pas encore été toutes abordées dans les recherches en didactique, qui n’ont que peu développé d’outils permettant d’étudier cette nouvelle réalité.

Enfin, le troisième champ de « rupture » concerne les pratiques. Dans le contexte de l’école primaire, le nouveau projet éducatif est rendu particulièrement complexe pour plusieurs raisons. Il faut rappeler, tout d’abord, que les enseignants de cet ordre ne peuvent pas s’appuyer sur une formation académique en sciences sociales. Ils ont donc tendance à reproduire une géographie scolaire qu’ils ont connue, à savoir sur un enseignement fondé sur un « modèle dominant » (Colomb, 1987) – le cours magistral dialogué – qui ne prend généralement pas en compte les questions d’actualité, les valeurs, l’action et le social (Audigier & Tutiaux-Guillon, 2004), et qui s’appuie sur des documents présentés comme des substituts du réels (Tutiaux-Guillon, 2009). Il n’est pas inutile non plus de rappeler qu’aujourd’hui, dans les cantons romands, ces enseignants ne peuvent pas encore travailler avec des moyens d’enseignement mettant en évidence les principales caractéristiques d’une géographie recomposée ; cela ne leur simplifie certes pas la tâche8. En outre, comme l’ont montré des études récentes axées sur les pratiques à l’école primaire, le principe de

5 À titre d’exemples, on pourrait citer Larry Sanger, l’un des fondateurs de Wikipedia, qui s’inquiète d’une nouvelle forme de dénigrement du savoir qu’il qualifie d’anti-intellectualism, ou encore certaines lectures de l’œuvre de Rousseau, qui opposent l’expérience aux savoirs (voir par exemple l’exposition organisée à Genève dans le cadre du Salon international du livre et de la presse, du 25 au 29 avril 2012).

6 Pour concevoir l’éducation de cette manière, Citton (2010, pp. 121-126) propose sept « déplacements » :

« apprendre à interpréter l’information plutôt que l’emmagasiner », « partager le geste d’interprétation inventrice dans la présence interactive, plutôt que communiquer des contenus figés », « former des interprètes généralistes plutôt que des savants spécialisés », « dynamiser les disciplines grâce à la créativité des sous-cultures minoritaires », « concevoir l’autoformation comme construisant des capacités communes de partage »,

« apprendre à intégrer l’argumentation logique au sein d’une vue plus large et critique des pratiques communicationnelles », « reconfigurer l’université autour d’un grand axe mettant en tension les disciplines scientifiques avec l’indiscipline propre aux Humanités ».

7 À l’origine utilisé pour désigner le gestes écologiques du citoyen – trier ses déchets, utiliser des ampoules économiques, isoler les murs de sa maison –, le terme est aujourd’hui utilisé dans l’espace social avec une portée plus générale : il inclut, par exemple, la consommation de produits locaux, biologiques ou éthiques.

8 Dans les cantons romands, de tels manuels devraient être livrés, pour le cycle 2, au plus tôt à la rentrée 2016.

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polyvalence ne favoriserait pas l’accession à un rapport distancié au monde, ni la mise en œuvre d’une véritable interdisciplinarité9 (Philippot, 2009, novembre).

Enfin, n’oublions pas l’obstacle créé par le jeune âge des élèves, leur difficulté d’accéder à la pensée conceptuelle (Vygotski, 1934/1985) ou encore leur difficulté à se représenter des mondes qui ne sont pas les leurs.

Les enjeux sont de taille, mais pas nécessairement hors de portée des enseignants – fussent-ils novices – comme cette recherche s’efforcera de le montrer.

Pensée sociale, mondes et langages

L’objet de cette thèse consiste à comprendre comment s’exprime et se développe la pensée sociale des futurs enseignants primaires vaudois, sur le thème de l’alimentation, à travers le prisme de la géographie scolaire. Par « pensée sociale », nous entendons à la fois la manière donc chacune et chacun construit une pensée de la vie sociale, et ce qu’elle ou il utilise pour penser et communiquer avec les autres, que ce soit par oral ou par écrit (Audigier & Haeberli, 2004). Deux notions méritent donc d’être présentées d’emblée pour préciser notre projet : les notions de « monde » et de « langage ».

Pour nous, l’enjeu central de l’enseignement des disciplines de sciences sociales consiste à permettre aux élèves de s’imaginer des mondes différents des leurs, qu’ils soient passés, présents ou futurs. Nous retiendrons l’idée de Goodman (1978/1992) selon laquelle il existe une multitude de mondes qui se construisent, se combinent ou se découvrent au fur et à mesure que la connaissance progresse. Ces mondes se créent principalement par le langage qui fonctionne comme un « multiplicateur » et un « mélangeur » de mondes (François, 1993, p. 116).

Dès lors, l’étude fine des manières dont les mondes se construisent – autrement dit l’étude des pratiques langagières (Bautier, 1995) –, nous paraît tout aussi importante, si ce n’est plus, que la description des mondes que les futurs enseignants construisent. Comme le rappelle aussi Bruner (1986), le langage n’est jamais neutre. Il impose un point de vue sur le monde auquel il se réfère. Ainsi, l’École a pour fonction d’introduire les élèves dans une culture, c’est-à-dire dans des langages spécifiques et, donc dans des « mondes construits ». Mais le langage

9 Par « interdisciplinarité », nous entendons une démarche d’enseignement qui s’appuie sur des outils et des modes de pensée propres à des disciplines (Resweber, 1981; Fourez, 2002).

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scolaire a aussi pour fonction de décrire « la manière dont l’esprit est utilisé par rapport à ce monde » (Bruner, 1986, p. 147). Ainsi, il n’y a pas de monde sans langage et il n’y a pas de pensée sociale sans mondes et sans langage. C’est le fil que nous allons essayer de dérouler dans cette recherche.

Si notre choix s’est porté sur le thème de l’alimentation, c’est parce qu’il nous paraît potentiellement intéressant pour mettre en lumière trois séries de phénomènes : les enjeux sociaux d’aujourd’hui et de demain, les enjeux de la recomposition disciplinaire à l’école primaire et les spécificités de la pensée sociale, qui, comme nous le verrons, articule des savoirs de natures différentes, y compris des savoirs d’expérience, même chez les jeunes élèves. Enfin, l’articulation entre le proche et le lointain, mais aussi les dimensions d’identité et d’altérité intrinsèquement liées à l’alimentation en font un thème particulièrement riche à étudier.

Plan de la thèse

Pour mener à bien notre étude, nous avons divisé ce travail en trois parties. La première partie expose la construction du questionnement sur l’objet de recherche. La deuxième partie présente les questions, les hypothèses et les méthodes de recherche. La troisième partie est consacrée à la présentation et à l’analyse de l’enquête empirique menée auprès de cent soixante-quatre étudiants de la HEP Vaud, de huit étudiants en contexte de stage professionnel et de cent quarante-trois élèves.

Première partie

Le premier volet de cette thèse se compose de cinq chapitres.

Dans le premier chapitre, nous examinons l’idée selon laquelle l’alimentation peut se concevoir comme un marqueur social, autrement dit comme un moyen de penser le fonctionnement des sociétés humaines présentes et futures. Nous nous appuyons sur le champ de recherche émergent des questions socialement vives (QSV) pour entreprendre un détour

« socio-épistémologique » (Legardez & Simonneaux, 2011) autour de trois concepts qui nous semblent illustrer trois enjeux fondamentaux en vue de la construction de notre objet de recherche et de l’enseignement de l’alimentation en classe : la crise, le risque et l’hypermodernité alimentaire.

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Dans le deuxième chapitre, nous réalisons un détour par la géographie académique pour comprendre comme les géographes se sont peu à peu intéressés à l’alimentation, et surtout, comment ils ont produit – et produisent encore – des récits sur cet objet. L’accent mis sur le récit postule que celui-ci est inhérent à la démarche géographique (Berdoulay, 1988) et précise notre intérêt non seulement pour les contenus produits, mais aussi pour les multiples manières de mettre ces contenus en mots et en images.

Avec le troisième chapitre, nous entrons dans le champ scolaire pour examiner les liens entre l’alimentation, l’éducation nutritionnelle et la géographie scolaire. Nous montrons que l’alimentation est un objet très présent dans le Plan d’études romand, car il relève à la fois de la Formation générale et de trois domaines disciplinaires, ce qui le place ainsi au sein d’un système complexe, qui oblige à définir la contribution de chaque discipline. Nous revenons alors plus en détail sur l’idée de « recomposition disciplinaire » en examinant successivement les liens avec l’éducation en vue du développement durable, l’éducation à la santé et l’éducation à la citoyenneté. Enfin, nous montrons comment les pratiques dominantes sont en rupture avec cette géographie scolaire recomposée.

Dans le quatrième chapitre, nous effectuons un détour par le champ de la psychologie sociale pour mieux comprendre les mécanismes cognitifs et sociaux qui contribuent à construire et exprimer un point de vue sur le monde. Nous mentionnons par ailleurs les principaux travaux qui ont étudié la pensée sociale dans le champ scolaire.

Enfin, le cinquième chapitre montre comment peuvent s’articuler la pensée sociale, le langage et différents savoirs. Nous questionnons les apports de la théorie historico-culturelle de Vygotski et de l’approche dialogique proposée par Bakhtine. À la lumière de ces éléments théoriques, nous examinons ensuite le rôle de l’écrit, des interactions et de l’argumentation dans le processus d’apprentissage.

Deuxième partie

La deuxième partie est constituée d’un chapitre – le sixième – qui commence par mentionner les questions et les hypothèses de la recherche. Nous indiquons ensuite les fondements méthodologiques de la recherche. Puis, nous présentons notre dispositif d’enquête. Enfin, le chapitre se termine par la présentation de la démarche et des diverses procédures d’analyse.

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Troisième partie

La troisième partie est constituée de quatre chapitres de résultats ainsi que d’une conclusion.

Le septième chapitre donne la parole aux élèves. Nous présentons leurs représentations, les compétences sociales qu’ils construisent en situation d’interaction, mais aussi les difficultés qu’ils rencontrent lors du passage à l’écrit.

Le huitième chapitre présente les résultats du volet quantitatif de notre recherche, qui a consisté à faire passer un questionnaire à cent soixante-quatre étudiants de la HEP Vaud, à l’issue de leur deuxième année de formation. Nous présentons le rapport qu’ils construisent à l’alimentation et à la géographie scolaire ainsi que les choix didactiques qu’ils privilégient.

Une typologie empirique, décrite en fin de chapitre, nous permet de dégager quatre profils qui seront tous représentés par les étudiants participant à l’enquête qualitative.

Le neuvième chapitre présente les contenus et les dispositifs préparés par les étudiants/enseignants qui participent à notre enquête qualitative. Six classes de discours et deux univers thématiques sont tout d’abord mis en évidence. Puis, nous présentons la manière dont les trois « intrigues types » portant sur l’alimentation ont été construites. Les deux dernières sections du chapitre présentent les registres de savoirs sélectionnés par les étudiants/enseignants ainsi que leurs changements de représentations au cours du processus de recherche.

Le dixième chapitre expose les principaux résultats de l’analyse des situations d’enseignement du point de vue des savoirs enseignés. Nous présentons la structuration des démarches, trois manières de construire des mondes de référence, puis une série d’exemples qui montrent l’articulation de multiples registres de savoirs et de mondes. Une discussion anticipe quelque peu la conclusion en mettant en évidence six constats qui constituent les principaux apports de ce chapitre.

Enfin, la conclusion répond aux trois questions générales de la recherche, précise l’argument fondamental de la thèse, identifie les apports principaux de la recherche, puis les limites et les pistes possibles d’approfondissement.

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Pourquoi de futurs enseignants primaires ?

Il nous reste à clarifier un point : pourquoi porter notre intérêt sur de futurs enseignants primaires ? Trois types de justification peuvent dès lors être mentionnées :

- Notre double statut de formateur à la HEP Vaud et de chercheur nous a amené à côtoyer cette catégorie d’enseignants depuis plus de dix ans. La thèse est donc l’aboutissement d’une série de questions qui ont émergé, d’une part, de notre activité professionnelle, ensuite de notre activité scientifique. En outre, la relative proximité avec les étudiants a en partie facilité l’accès au terrain et les diverses prises de données.

- Les études centrées sur l’insertion professionnelle des enseignants primaires ne font que peu état des obstacles didactiques qu’ils rencontrent. Elles insistent plutôt sur le processus de professionnalisation (Hétu, Lavoie, & Baillauquès, 1999) ou sur les diverses représentations du métier (Akkari, Solar-Pelletier, & Heer, 2007). Il existe en outre des travaux réalisés au Québec, mais ils sont plutôt centrés sur l’interdisciplinarité (Lenoir & Sauvé, 1998a, 1998b) ou sur le concept d’intervention éducative (Lenoir, Larose, Deaudelin, Kalubi, & Roy, 2002; Lenoir & Hasni, 2006).

- Enfin, nous sommes convaincus que les futurs enseignants doivent être dès que possible intégrés à des recherches collaboratives, afin qu’ils considèrent la recherche, d’une part, comme une partie intégrante de la leur formation et, d’autre part, comme un moyen de se questionner, afin de faire évoluer leurs propres pratiques. Car, en fin de compte, c’est bien la «saveur des savoirs » et le « plaisir d’apprendre » (Astolfi, 2008) qu’il s’agit d’encourager chez des personnes qui préparent le « monde d’après » (Pigasse & Finchelstein, 2009).

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P REMIERE PARTIE : CONSTRUCTION DU QUESTIONNEMENT

Chapitre 1 : Penser l’alimentation pour penser les sociétés

Il semble à beaucoup d’observateurs, dans le camp des politiques comme dans celui des philosophes, que nous sommes embarqués dans un train fou qui risque à tout moment de se précipiter sur on ne sait quel obstacle qui le fracassera une bonne fois pour toutes. [] Notre faire ayant dépassé certains seuils critiques, nous avons une obligation de savoir qui se heurte à l’impossibilité de savoir.

(Dupuy, 2002, p. 62 et p. 131)

Avant d’étudier l’alimentation dans le contexte scolaire, il nous paraît indispensable d’examiner les liens entre cet objet et nos sociétés. Il convient en particulier d’approfondir l’idée, posée en introduction, selon laquelle l’alimentation peut se concevoir comme un marqueur social, autrement dit comme un moyen de penser le fonctionnement des sociétés humaines. Pour cela, nous nous appuyons sur un domaine de recherche émergent : celui des questions socialement vives (QSV). Dans cette perspective, nous examinons trois concepts qui nous paraissent faire l’objet de nombreux débats dans le champ de l’alimentation : il s’agit de la crise, du risque et de l’hypermodernité.

Ces concepts ne résument de loin pas l’ensemble des controverses portant sur l’alimentation.

Ils nous paraissent toutefois illustrer trois enjeux fondamentaux en vue de la construction de notre objet de recherche et du traitement de l’alimentation en classe.

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1. Des questions socialement vives

Les questions socialement vives (QSV) peuvent se définir comme des questions qui sont vives dans la société, dans les savoirs de référence et dans les savoirs scolaires (Legardez &

Simonneaux, 2006). Ce sont des questions ouvertes qui s’appuient sur des savoirs des sciences de la nature, sur des savoirs de diverses disciplines en sciences humaines et sociales, mais aussi sur des savoirs sociaux, autrement dit sur des savoirs construits hors des systèmes de formation (ibid.). Les QSV sont en outre complexes et porteuses d’incertitudes. En effet, leur résolution nécessite de prendre en compte non seulement les progrès des disciplines scientifiques mais également leurs « implications sociales » ainsi que les idéologies et les valeurs qui accompagnent les décisions (Legardez & Simonneaux, 2011, p. 19).

Pour appréhender les QSV, il s’agit de mettre en œuvre un « détour socio-épistémologique » (ibid., p. 21). Cela revient à identifier les liens étroits entre les savoirs et la société qui les a vu émerger, mais aussi l’effet en retour de ces savoirs sur la société.

Pour en revenir à notre objet, l’alimentation, le sens premier du mot, repris du latin médiéval alimentatio, évoque une action ou une manière d’alimenter ou de s’alimenter. Il est donc d’emblée question de choix, à un niveau individuel, mais aussi à un niveau collectif, car la mise à disposition de denrées alimentaires fait l’objet de diverses stratégies et d’actions qui peuvent varier considérablement en fonction de leur inscription dans le temps et dans l’espace. Aujourd’hui, ces choix sont très souvent associés à la notion de « crise » 10.

2. La crise alimentaire

« Confrontés à des prix alimentaires élevés, des millions de ménages européens verront leur pouvoir d’achat se réduire. Incapables de remplir leurs chariots dans les supermarchés, ils se tourneront vers [des] associations caritatives, lesquelles auront de plus en plus de mal à collecter de la nourriture ou des fonds.

Au final, ce seront donc moins de produits, et moins variés, qui pourront être distribués. Les organismes humanitaires se trouveront chaque année confrontés à un terrible dilemme : ils devront choisir entre la réduction des rations et celle du nombre de personnes assistées. Dans tous les États de l’Union européenne, ce seront des centaines de milliers de personnes qui ne parviendront plus à assurer leur sécurité alimentaire grâce aux associations humanitaires. Cette situation aura trois conséquences directes.

10 Cela ne signifie pas pour autant que les crises n’ont pas existé dans le passé. En effet, pour bon nombre d’historiens, la hausse du prix des matières premières et les famines répétées des XVIIe et XVIIIe siècles sont un des facteurs explicatifs de la Révolution française.

(22)

D’abord, l’annonce et la mise en œuvre de normes de sélection provoqueront immanquablement de graves troubles à l’ordre public. Quels que soient les critères choisis (âge, revenu, origine, famille à charge), ceux-ci apparaîtront inacceptables aux yeux d’une population précarisée et dont les effectifs iront croissants. Les exclus n’auront, par ailleurs, d’autre issue que la mendicité ou le vol. [] Avec, pour conséquence logique, une forte détérioration de leur régime alimentaire. Les problèmes de santé publique généralement associés à une alimentation déséquilibrée (obésité, prévalence de l’hypertension, du diabète et des maladies cardiovasculaires) prendront alors en Europe une dimension considérable. A la dégradation de la qualité nutritionnelle de l’alimentation des classes moyennes viendront s’ajouter les carences spécifiques d’une population pauvre abandonnée à elle-même. Le retour de ces formes extrêmes d’insécurité alimentaire en Europe signera enfin la fin de l’État-providence. Dans ce contexte, en effet, l’ensemble des politiques de redistribution conduites par les gouvernements perdront leur légitimité et leur fonction de maintien de la cohésion sociale » (Carfantan, 2009, pp. 159-160).

Ce tableau peut paraître noir. C’est pourtant ce qui pourrait nous attendre à l’horizon 2020 si nous laissons les inégalités se creuser. Mais revenons quelque peu en arrière, pour tenter de mettre en évidence les mécanismes de la crise alimentaire qui éclate en 2008.

2.1 Une forte hausse des prix

Selon Mérenne-Schoumaker (2009), cette crise correspond avant tout à une forte hausse des cours des matières premières, alors que la tendance était plutôt à la baisse depuis les années 1980. Ainsi, l’indice FAO des prix alimentaires a augmenté en moyenne de 8% en 2006 par rapport à l’année précédente, de 24% en 2007 par rapport en 2006 et de 53% pour le premier trimestre 2008 par rapport au premier trimestre 2007. Ce sont principalement les huiles végétales qui ont enregistré la plus forte hausse (97%), suivies par les céréales hors riz (87%), les produits laitiers (58%), le riz (46%), le prix du sucre et de la viande ayant aussi augmenté, mais dans une proportion moindre (FAO, 2008).

Pour expliquer cette envolée des prix, on peut évoquer le déficit de l’offre par rapport à la demande, un phénomène qui résulte de la forte inertie des deux facteurs11. Dans le cas de la crise alimentaire de 2008, la forte croissance de la demande résulte principalement de deux facteurs. Premièrement, la forte croissance en termes de population et de revenus des pays émergents accroît la demande tout en la réorientant vers des produits riches en protéines tels que la viande, le poisson, les huiles comestibles, les fruits et les légumes. Deuxièmement, la montée en puissance des agrocarburants accroît la demande, principalement en maïs et en graine de colza. Quant à la faiblesse de l’offre, elle s’explique principalement par la

11 En effet, il existe dans le domaine agricole une loi (dite loi de King) qui veut que toute variation de production, même infime, implique des fluctuations de prix démultipliées (Brunel, 2009).

(23)

sécheresse en Australie durant l’été 2006, par de mauvaises conditions climatiques dans l’hémisphère Nord durant l’été 2007 – en Russie, en Ukraine, aux États-Unis –, mais aussi par des politiques protectionnistes qui ont conduit certains États – la Thaïlande, l’Inde ou le Vietnam – à restreindre, voire à suspendre leurs exportations (Brunel, 2009; Carfantan, 2009).

Outre ce déséquilibre entre l’offre et la demande, deux autres facteurs doivent être pris en considération, comme l’indiquent Helbling, Mercer-Blackman & Cheng (2008). Il s’agit, premièrement, de comprendre que des liens de plus en plus étroits se tissent entre les matières premières. En effet, la demande en biocarburants a favorisé l’augmentation du prix du maïs, mais également celui d’autres produits alimentaires, car le maïs sert d’intrant à leur production (viande, produits laitiers) ou de substitut proche12. Le deuxième facteur trouve son explication dans la faiblesse des taux d’intérêt et la dépréciation du dollar. En effet, la faiblesse des taux d’intérêt à amené les spéculateurs à investir dans les matières premières, liant de plus en plus ces dernières aux marchés financiers. Par ailleurs, la dépréciation du dollar a fait baisser les prix pour les consommateurs extérieurs à la zone dollar, stimulant du même coup la demande.

À cette liste de facteurs peut s’ajouter la flambée du prix du pétrole, qui dépasse 150 dollars le baril en juin 2008. En effet, ce phénomène accentue la hausse globale des prix, car il produit une double conséquence: il renchérit, d’une part, les coûts de transport internationaux, d’autre part, le prix des intrants – les engrais, les pesticides, les herbicides –, qui sont produits par l’industrie chimique à partir de dérivés pétroliers (Brunel, 2009).

2.2 Des émeutes de la faim

Comme l’indique Dagorn (2008), « on croyait les ‘émeutes de la faim’ révolues, appartenant à un autre siècle désormais très lointain, celui des manifestations de février de 1917 à Saint- Pétersbourg et Moscou, celui des conflits du Tiers-Monde et de l’explosion démographique des pays ‘sous-developpés’ des années 1970 » (p. 24). Or, ces émeutes de la faim sont réapparues dans des pays « où l’on ne s’attendait pas du tout à les voir resurgir » (ibid.), soit au Mexique, au Maroc, en Égypte ou en Argentine (figure 1). En effet, à la crise ancienne, fondée sur la malnutrition rurale qui perdure depuis soixante ans, se superpose une crise plus récente, apparue depuis quelques années, celle des classes moyennes urbaines dont les revenus sont supérieurs aux salaires moyens locaux, mais qui, en raison de l’explosion des

12 Aux États-Unis, le maïs étant en concurrence avec le soja pour les mêmes surfaces, le prix de l’huile de soja a augmenté tout comme celui des autres huiles comestibles.

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prix, rencontrent des difficultés pour se nourrir. Cette nouvelle donne est d’autant plus difficile à accepter que ces populations étaient habituées à voir les prix des denrées alimentaires baisser régulièrement depuis les années 1980.

Figure 1 : Les émeutes de la faim et l’insécurité alimentaire en 2008

Source : Brunel, 2009, p. 13

2.3 Comment nourrir neuf milliards d’hommes à l’horizon 2050 ?

À la lumière de ce qui précède, le scénario catastrophe présenté plus haut ne paraît pas si irréaliste que cela si aucun changement n’est envisagé. En effet, des données récentes montrent que l’indice FAO des prix des produits alimentaires est toujours à la hausse (figure 2). Ainsi, cet indice est, en mai 2011, 37% plus élevé qu’en mai 2010, ce qui amène les responsables de la FAO à solliciter la vigilance de la communauté internationale: « Alors que la pression sur les cours mondiaux de la plupart des produits ne se relâche pas, la communauté internationale doit rester vigilante pour éviter de nouveaux chocs de l’offre en 2011 et être prête à y parer » (FAO, 2010, p. 1).

(25)

Figure 2 : L’indice FAO des prix des produits alimentaires

Source : FAO, 2010, p. 124

Si l’objectif consiste à nourrir neuf milliards d’hommes en 2050, il convient d’analyser les besoins, puis de construire des scénarios basés sur l’analyse des défis en termes de production, de régime alimentaire et de gouvernance.

En se basant sur les travaux de Colomb (1999) et de Parmentier (2007), Mérenne-Schoumaker (2009) identifie quatre facteurs qui influencent les besoins à l’horizon 2050 : la croissance démographique, la structure par âge de la population, l’urbanisation et l’amélioration du niveau de vie. En effet, un pays à forte croissance démographique comprend une forte proportion de jeunes actifs qui mangent davantage que des personnes âgées et non actives. À l’inverse, un pays qui voit sa population rurale migrer vers les zones urbaines diminue sensiblement ses besoins alimentaires, la dépense physique étant moins importante dans une activité de service que dans une activité de production. Quant à l’amélioration du niveau de vie, elle implique un changement de régime alimentaire. La Chine, par exemple, a passé d’une consommation moyenne de viande par habitant de 38 kilos en 1995 à 59 kilos en 2005, ce qui correspond à une augmentation de 64% en dix ans (FAO, 2009).

Les besoins sont donc très différents d’un continent à l’autre : en Europe, nous aurons besoin de moins d’aliments en 2050, alors qu’en Afrique, il faudra multiplier la production par un facteur cinq en tout cas (figure 3).

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Figure 3 : De combien faudrait-il multiplier la production agricole actuelle pour nourrir tous les habitants de la planète en 2050 ? (en coefficients multiplicateurs)

Source : Colomb (1999), cité par Parmentier (2007), p. 29 et Mérenne-Schoumaker (2009), p. 10

2.3.1 Divers scénarios

Les travaux réalisés dans le cadre du projet « Agrimonde »13 proposent deux scénarios qui simulent la conséquence sur l’offre et la demande : AG0 considéré comme tendanciel, et AG1, un scénario normatif décrivant une transition vers une demande alimentaire et une production agricole durables (Paillard, Treyer, & Dorin, 2010)14.

Le premier se caractérise par une croissance économique mondiale et un impact anthropique forts sur les écosystèmes terrestres. Le marché des denrées agricoles est totalement libéralisé grâce à une réduction considérable des droits de douane et des distorsions de concurrence. Les investissements massifs dans l’éducation et la recherche se traduisent par la création rapide de nouvelles technologies, dont la diffusion est accélérée par la quasi-disparition des barrières commerciales. Les firmes multinationales s’impliquent fortement, ce qui induit une dynamique puissante de création d’entreprises. Ce scénario de forte croissance provoque par ailleurs une hausse rapide de la demande énergétique, notamment d’origine fossile. Les

13 Ce projet s’est déroulé en France de 2006 à 2008 sous l’égide de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et du Centre de Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

14 La description des deux scénarios qui va suivre s’appuie donc fortement sur le texte des auteurs mentionnés.

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progrès techniques permettent toutefois de réduire les coûts moyens de production de l’énergie et d’améliorer l’efficacité énergétique. Sur le plan environnemental, les institutions internationales ont une approche réactive de la gestion des écosystèmes, celle-ci n’apparaissant pas comme une priorité absolue. En ce qui concerne la disponibilité calorique par jour et par habitant pour l’alimentation, celle-ci augmente de presque 20% en moyenne mondiale entre 2000 et 2050, passant de 3'000 à 3'600 kcal. Les plus fortes progressions ont lieu en Asie (+900 kcal/hab/jour), en Afrique subsaharienne (+650 kcal/hab/jour) et en Amérique latine (+600 kcal/hab/jour). Pour répondre à la forte demande mondiale en viande et en poisson, des techniques de culture intensives se développent, sur la base d’un recours massif aux engrais et au matériel végétal génétiquement modifié.

Le second scénario a été construit en réponse à trois crises simultanées : l’accélération du changement climatique, la multiplication des crises alimentaires et la crise énergétique, qui ne devrait prendre fin que vers 2040, lorsque l’essor des énergies de substitution permettra de relâcher la contrainte. Il consiste à ralentir l’exode rural grâce à la diffusion de techniques modernes, à l’intensification écologique de la production et au développement des infrastructures d’aménagement du territoire et des filières. Sont ainsi créées des infrastructures de transport, de stockage, de transformation, mais aussi des services de santé, d’éducation et de formation. Les échanges agricoles sont gérés sur le modèle d’une libéralisation régulée par l’Organisation des Nations unies pour la sécurité alimentaire (UNOFS), une organisation à créer dont l’objectif premier consiste à garantir la sécurité alimentaire. Cette organisation vise en particulier à assurer une gestion des stocks et des échanges qui protège les pays dépendant des importations agricoles. Ces diverses innovations et les transformations des systèmes agricoles et alimentaires sont accompagnées par des politiques nationales et régionales. Celles-ci appuient la constitution de marchés régionaux dans les régions d’agriculture moins productives, en mobilisant divers outils, comme par exemple l’accès au crédit et à l’assurance. Enfin ces politiques conduisent à minimiser l’impact des systèmes agricoles et alimentaires sur les écosystèmes et les ressources naturelles, tant au travers de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que des autres dimensions environnementales (eau, biodiversité, protection des sols).

Dans ce scénario, les régimes alimentaires des différentes régions du monde convergent en matière d’apport calorique pour se situer aux alentours de 3'000 kcal par habitant et par jour en disponibilité moyenne. Toutefois, des spécificités culturelles importantes maintiennent une certaine diversité dans la répartition de ces apports entre les différentes sources

(28)

d’alimentation. L’augmentation du revenu ne conduit donc pas à une convergence des régimes alimentaires vers le régime occidental. Ainsi, par exemple, dans les pays de l’OCDE, la consommation calorique moyenne passe de plus de 4'000 kcal par habitant et par jour à 3'000 kcal/hab/jour. Cette rupture de tendance repose sur un changement des modes de consommation de manière à diminuer les pertes chez l’usager ou dans les systèmes de restauration, mais aussi sur une plus grande efficacité des politiques nutritionnelles.

Quel regard faut-il porter sur ces divers scénarios ? Comment sont-ils construits ? Quelles sont les marges de manœuvre possibles ? Nous tentons d’y répondre dans la sous-section suivante.

2.3.2 Incertitudes et marges de manoeuvre

Dans un article récent, ces divers scénarios – mais d’autres également – ont été comparés dans le but de montrer la diversité des modèles théoriques pris en compte et, partant, la marge d’erreurs et d’incertitudes liée à tout type de prévisions (Even & Laisney, 2011). Les auteurs constatent que les différents scénarios produits envisagent une croissance de la demande alimentaire mondiale entre 2000 et 2050 qui pourrait être comprise entre + 40% et +68%, selon différentes hypothèses d’évolution de la population, des régimes alimentaires ou du gaspillage, elles-mêmes en partie dépendantes des évolutions du contexte économique, politique et social. Mais, selon ces auteurs, les hypothèses proposées n’épuisent pas le champ des possibles. En effet, pour le seul facteur démographique, la plupart des prévisions se fondent sur la variante centrale des prévisions des Nations unies : 9.1 milliards d’habitants en 2050, soit environ 43% d’augmentation par rapport à 2005. Or, la fourchette de ces prévisions s’échelonne de 8 à 11 milliards en 2050, en fonction d’hypothèses contrastées sur les taux de fécondité et de mortalité. De plus, en ce qui concerne la transition nutritionnelle, ils montrent qu’il n’y a pas de déterminisme en la matière (figure 4) :

(…) pour un même niveau de développement, des niveaux très différents peuvent être observés. Ainsi, la transition nutritionnelle chinoise a été plus rapide que celle observée en Europe. Depuis les années 1980, la consommation de viande par habitant y a été multipliée par quatre, celle de lait par dix et celle d’œufs par huit. La consommation de produits de l’élevage par habitant a aussi beaucoup augmenté dans le reste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. À l’inverse, les préférences culturelles et religieuses peuvent freiner la transition nutritionnelle, et notamment la croissance de la consommation de viande. Cela a été le cas pour le Japon, pays très développé mais où la consommation de viande est faible (p. 3).

(29)

Figure 4 : PIB et consommation de viande par habitant et par pays en 2005

Source : FAO, SOFA, 2009, cité par Even & Laisney (2011), p. 3

Ces auteurs évoquent par ailleurs une « deuxième transition nutritionnelle » dans les pays développés, car les catégories aisées et les couches moyennes supérieures sont généralement les premières à intégrer les messages nutritionnels qui consistent à diminuer la consommation de viande et de graisse. Les autres groupes sociaux adoptent souvent avec un décalage leurs modes de consommation.

Cette prise en compte des risques liés à un régime carné pourrait, selon ces auteurs, constituer une alternative à l’augmentation de la production. Trois facteurs pourraient favoriser cette prise de conscience : la croissance des revenus, l’augmentation de l’espérance de vie et l’élévation du niveau d’éducation des populations. Dès lors, une inflexion du scénario tendanciel dans les pays émergents n’est pas improbable, car des problèmes de santé en lien avec l’adoption de régimes alimentaires riches en graisses animales, en sucres et en sel ont tendance à augmenter (p. 4) :

En Chine, aujourd’hui, près de 25% de la population adulte sont en surpoids ou obèses. Le coût de cette épidémie est estimé entre 4% et 6% du PIB chinois et son extension prévisible présente une sérieuse menace pour le système de santé.

Une autre marge de manœuvre importante consiste à diminuer le gaspillage. Les auteurs citent une étude britannique qui estime qu’un quart des produits alimentaires achetés finissent à la poubelle. En outre, selon une étude américaine citée par Bué & Plet (2010), cela représenterait aux États-Unis en moyenne 1400 calories par habitant et par jour, soit 40% de l’approvisionnement alimentaire du pays (contre 28% en 1974). Ce gaspillage coûterait ainsi plus d’un quart de la consommation d’eau potable, 4% de la consommation de pétrole annuelle, sans parler du rejet de méthane dans l’atmosphère. Parmi l’ensemble des scénarios

CENTRE D’ÉTUDES ET DE PROSPECTIVEAnalyseN° 27 - Février 2011 3 revenus impliquerait une augmentation de

la demande alimentaire plus faible à court terme, mais prolongée à long terme10. À l’inverse, les scénarios plus normatifs d’Agrimonde et de l’Institut de Vienne ima- ginent une diminution des inégalités qui permet une convergence des rations ali- mentaires entre pays développés et pays en développement, aboutissant à une moin- dre demande alimentaire mondiale.

La fourchette des hypothèses de consommation individuelle moyenne est comprise entre une stabilisation et une augmentation de près de 30 %. De plus, cette évolution moyenne cache des dif- férences encore plus importantes en ter- mes de consommation de produits d’origine animale, qui varie ainsi entre – 50 et + 80 % selon les exercices.Or, il faut entre 3 et 14 kg de produits végétaux pour produire 1 kg de viande (selon le type et le système de production). Au-delà de l’évolution du nombre moyen de calories, c’est donc aussi la demande en produits animaux qui exercera une forte tension sur la production agricole future.

Ces variations proviennent essentielle- ment de divergences sur l’appréciation des liens entre croissance économique,

urbanisation et adoption d’un régime occidental riche en graisse et produits animaux.Ce phénomène a effectivement été observé dans nombre de pays et décrit sous le terme de « transition nutrition- nelle », pour faire le parallèle avec la tran- sition démographique (voir graphique 1).

Qu’elle soit très précoce, comme en Angleterre, ou un peu plus tardive, comme dans les pays du sud de l’Europe, la tran- sition nutritionnelle arrive à son terme au cours de la seconde moitié du XXesiècle dans la plupart des pays développés. Ce sont à présent les pays en développement qui sont concernés11.

Cependant, il n’y a pas de « détermi- nisme » en la matière puisque, pour un même niveau de développement, des niveaux de consommation de viande très différents peuvent être observés(voir graphique 2). Ainsi, la transition nutrition- nelle chinoise a été plus rapide que celle observée en Europe. Depuis les années 1980, la consommation de viande par habi- tant y a été multipliée par quatre, celle de lait par dix et celle d’œufs par huit. La consommation de produits de l’élevage par habitant a aussi beaucoup augmenté dans le reste de l’Asie de l’Est et du Sud-Est. À

l’inverse, les préférences culturelles et reli- gieuses peuvent freiner la transition nutri- tionnelle, et notamment la croissance de la consommation de viande. Cela a été le cas pour le Japon, pays très développé mais où la consommation de viande est faible12. C’est le cas en Inde, où le végétarisme lié à l’hindouisme reste important et peut éga- lement être une façon de résister à l’occi- dentalisation13. Cependant, la croissance de la consommation de lait et de beurre dans ce pays nécessitera l’entretien de bovins. D’une manière générale, étant donné son poids démographique, l’évolu- tion des comportements alimentaires indiens aura un impact majeur sur la demande alimentaire mondiale.

Si la transition nutritionnelle s’est faite très rapidement dans certains pays émer- gents, rien n’empêche de penser que d’au- tres évolutions majeures puissent se produire d’ici 2050. On observe en effet une deuxième transition nutritionnelle dans les pays développés : les catégories très aisées et les couches moyennes supé- rieures sont généralement les premières à intégrer les messages nutritionnels et à diminuer leur consommation de graisse et de viande, et les autres groupes sociaux adoptent souvent, avec un décalage, leurs modes de consommation. Plusieurs facteurs pourraient donc favoriser une prise de conscience des impacts sur la santé d’un régime alimentaire trop riche en produits carnés : la croissance des revenus, l’aug- mentation de l’espérance de vie (plus celle- ci est élevée, plus on intègre des préoccupations de long terme, dont les bienfaits d’une alimentation saine) et l’élé- vation du niveau d’éducation des popula- tions (qui devrait être particulièrement forte en Chine et en Inde14).

3 - Des marges de manœuvre réelles pour infléchir la demande

L’amélioration de l’accès à la contracep- tion, à l’éducation et la mise en place de filets sociaux de sécurité sont des leviers efficaces pour accélérer la transition

10. X. Cirera, E. Masset, 2010, Income Distribution Trends and Future Food Demand, Philosophical Transactions of The Royal Society.

11. P. Combris, 2006, « Le poids des contraintes éco- nomiques dans les choix alimentaires », Cahiers de Nutrition et de Diététique.

12. Compensée cependant par une très forte consom- mation de poisson.

13. B. Sebastia, 2010, « Be a vegetarian ! Discours en Inde sur les bienfaits du végétarisme pour un corps pur et sain », Le Mangeur Ocha. http://www.leman- geur-ocha.com/fileadmin/images/sciences_humai- nes/Be-a-vegetarian.pdf.

14. KC Samir et al., 2010, Projection of populations by level of educational attainment, age, and sex for 120 countries for 2005-2050, Demographic Research.

http://www.demographic-research.org/Volumes/

Vol22/15/

Graphique 1- Évolution du niveau des apports énergétiques en France

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500

1780 1800 1820 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1980 Calories totales

Céréales, féculents Produits animaux,

fruits et légumes

Graisses, sucres Calories/personne/jour

Source : P. Combris d’après J. C. Toutain.

PIB par habitant (USD PPA) 0

20 40 60 80 100 120 140

Consommation de viande par habitant (kg/an)

États-Unis d’Amérique

Japon Chine

Brésil

Inde

0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000

Graphique 2- PIB et consommation de viandes par habitant et par pays en 2005

Sources : FAO, SOFA 2009.

(30)

analysés, seul le scénario « Agrimonde AG1 » fait l’hypothèse d’une diminution des gaspillages, qui permettrait de stabiliser la demande alimentaire individuelle moyenne. En lien avec ce problème, des politiques publiques commencent toutefois à se mettre en place.

C’est le cas en France, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. Dans ce dernier pays, le ministère de l’Agriculture, de la Nature et de la Qualité alimentaire a décidé de réduire de 20% le gaspillage d’ici à 201515.

2.3.3 Les défis en termes de production

Pour d’autres spécialistes, l’augmentation de la production serait incontournable. Cela revient dans ce cas à distinguer deux facteurs: l’accroissement des rendements et l’accroissement des superficies cultivées.

Comme le rappelle Charvet (2008), au cours des deux derniers siècles, les rôles respectifs de l’accroissement des rendements et des surfaces se sont inversés. Alors que la population mondiale passait de un à deux milliards d’habitants entre 1810 et 1920, l’augmentation de la production agricole mondiale a principalement reposé sur un accroissement des superficies cultivées, grâce à la mise en culture des terres laissées en jachère et, surtout, au défrichement de dizaine de millions d’hectares de nouvelles terres dans des « pays neufs » (États-Unis, Canada, Argentine, Brésil, Afrique du Sud et du Nord, Australie, Nouvelle Zélande, Russie,

…). Au cours des dernières décennies, la situation a été radicalement différente, puisque l’accroissement de la production agricole mondiale a reposé sur la progression des rendements obtenus par hectare de terre cultivée :

Pendant que la population mondiale passait de 4.4 milliards de personnes en 1980 à 6.4 milliards de personnes en 2004, soit une augmentation de 44%, les terres arables [] sont passées de 1'346 millions d’hectares en 1980 à 1'398 millions d’hectares en 2000, soit une progression de 4% seulement en deux décennies (p. 34).

Aujourd’hui, augmenter les superficies reste encore possible, même si les avis divergent sur ce point. Alors que les statistiques de la FAO indiquent que 4.15 millions d’hectares seraient aptes à l’agriculture pluviale, Carfantan (2009) se montre plus circonspect en suggérant d’examiner si ces surfaces sont effectivement disponibles. En effet, elles peuvent être

15 Une enquête réalisée en Belgique, auprès de la population wallonne, entre 2007 et 2010, a montré que la perception du gaspillage alimentaire s’améliore. En effet, 75% des consommateurs interrogés ont développé des attitudes et des comportements favorables à la limitation du gaspillage, même s’ils ne savent pas toujours comment agir de manière efficace (Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs – CRIOC –, septembre 2010).

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