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Lutter contre l'échec scolaire : étude des représentations de quelques enseignants et futurs enseignants à propos de la réussite et de l'échec à l'école

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Lutter contre l'échec scolaire : étude des représentations de quelques enseignants et futurs enseignants à propos de la réussite et de

l'échec à l'école

MUGNY, Fiona

Abstract

Cette recherche étudie les représentations sociales de cinq enseignants et de cinq étudiants en dernière année de la licence mention enseignement à propos de la réussite et de l'échec scolaires. Les principaux cadres théoriques relatifs à la réussite et l'échec scolaires qui sont pris en considération ont trait aux représentations sociales et à l'attribution causale. Cette recherche est exploratoire et qualitative. Des entretiens semi-dirigés ont été menés pour récolter des données. L'analyse de celles-ci est centrée sur les dissemblances et ressemblances entre les représentations des cinq enseignants et des cinq étudiants. Cette recherche se situe dans le cadre de la lutte contre l'échec scolaire et vise la réussite de l'ensemble des élèves d'une classe, en développant une pratique réflexive sur les représentations qui influencent l'enseignement.

MUGNY, Fiona. Lutter contre l'échec scolaire : étude des représentations de quelques enseignants et futurs enseignants à propos de la réussite et de l'échec à l'école. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2675

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Juin 2009

Université de Genève

Faculté de Psychologie & des Sciences de l’Education Section des Sciences de l’éducation

Mémoire de licence

Lutter contre l’échec scolaire :

Étude des représentations de quelques enseignants et futurs enseignants à propos

de la réussite et de l’échec à l’école

Fiona Mugny

Membres de la commission :

Anne Perréard Vité – directrice de mémoire Marcel Crahay

Géry Marcoux

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Remerciements

Un grand merci à….

Anne Perréard Vite, ma directrice de mémoire, qui a su me conseiller et me soutenir tout au long de cet important voyage ! ... qui m’a épaulée à chaque doute et crainte, sans qui ce mémoire n’aurait pas abouti.

Marcel Crahay et Géry Marcoux qui ont accepté de s’impliquer dans ma recherche en faisant partie de la commission de mémoire.

Aux cinq enseignants qui m’ont accueillie dans leur classe pour répondre à un entretien, qui ont pris le temps de partager leurs regards, leur métier.

Aux cinq étudiants LME, amis, qui m’ont accordé du temps, malgré leur long périple : leur mémoire.

Mes amis, qui ont compris que cette année était assez occupée ! L’été arrive !

Ma famille, qui a toujours été là pour m’encourager dans mes études, sans qui je n’aurais pu achever ma licence.

Carmen, ma mère, pour son écoute et pour m’avoir toujours assurée que je réussirais.

Gabi, mon père, qui m’a donné goût à ce que j’ai entrepris ces quatre années, qui a su faire preuve de patience et qui a pris le temps de discuter avec moi de mes questionnements.

Jean-Michel pour avoir toujours cru en moi et pour m’avoir donné la force d’aller jusqu’au bout. Ce fut une année difficile ! Mais nous avons toute la vie pour profiter !

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Table des matières

1. Introduction………... 5

2. Problématique………... 7

2.1 Enjeux de la recherche……… 7

2.2 Choix du thème : une entrée par les représentations……….. 9

2.3 Questions et buts la recherche………. 10

2.4 Brève présentation du mémoire……….. 12

3. Cadre théorique………. 13

3.1 L’échec et la réussite scolaires……… 14

3.1.1 L’échec scolaire : une construction sociale des difficultés scolaires……... 14

3.1.2 Apprentissage cognitif et conatif des élèves………. 17

3.1.3 Concept de soi : image de soi, perception de soi et d’autrui……… 19

3.2 Les représentations sociales……… 22

3.2.1 Définition des représentations sociales et stéréotypes………... 22

3.2.2 La stigmatisation………... 24

3.2.3 L’effet Pygmalion……….. 25

3.2.4 La menace du stéréotype et la comparaison sociale………. 26

3.3 Les attributions causales de l’échec et la réussite scolaire……….. 29

3.3.1 Définition de la théorie de l’attribution……… 29

3.3.2 Brève présentation de quelques recherches sur l’attribution………... 31

3.3.3 La loi de Posthumus……….. 33

3.3.4 Conception de l’intelligence et idéologie du don……….. 34

3.3.5 La culture de l’échec et l’idéologie de l’excellence……….. 37

4. Méthodologie……… 40

4.1 Présentation et justification du choix méthodologique………... 40

4.2 Type d’entretien……….. 43

4.3 Canevas d’entretien………. 45

4.4 Présentation de l’échantillon et déroulement des entretiens………... 48

4.5 Dépouillement des données et analyse……… 50

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5. Présentation et analyse des résultats………. 52

5.1 L’échec scolaire vu par les enseignants et les futurs enseignants………... 53

5.1.1 Éléments de synthèse………. 56

5.2 Incidences des représentations sociales 57 5.2.1 Positionnement des enseignants et étudiants face aux stéréotypes………... 57

5.2.2 Elèves en difficulté : ressenti et action……….. 60

5.2.3 Affirmations à propos des incidences des représentations sociales………. 62

5.2.4 Vignettes : que pensent-ils des représentations sociales ?... 68

5.2.5 Éléments de synthèse………. 76

5.3 Les attributions causales………. 78

5.3.1 Affirmations à propos des attributions causales………... 78

5.3.2 Vignettes : que pensent-ils des attributions ?... 87

5.3.3 Éléments de synthèse………. 93

5.4 Culture de l’échec et idéologie de l’excellence………... 95

5.4.1 Affirmations à propos des cultures de l’échec et de l’excellence…………. 95

5.4.2 Vignettes : que pensent-ils ? En regard à la culture d’excellence………... 103

5.4.3 Éléments de synthèse………. 109

5.5 L’activité………. 112

5.5.1 L’élève en difficulté scolaire………. 113

5.5.2 L’élève en échec scolaire………... 114

5.5.3 L’élève en réussite scolaire………... 116

5.5.4 Éléments de synthèse………. 117

6. Conclusion………. 118

6.1 Réponses aux questions spécifiques de recherche……….. 118

6.2 Résumé synthétique : Réponse à la question principale de recherche……… 124

6.3 Apporte et limites de la recherche………... 127

6.4 Perspectives………. 128

7. Bibliographie………... 129 8. Annexes (cf. document annexe)

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1. Introduction

De nombreux chercheurs traitent les représentations sociales en tant que concept qui engloberait principalement ce qui a trait aux préjugés et aux stéréotypes. Tous les chercheurs ne sont pas de cet avis, mais dans cette recherche je considère les représentations comme un ancrage social qui concerne un objet particulier. Dans l’optique de lutter contre l’échec scolaire, je prends en compte le fait qu’au sein des représentations se trouvent divers mécanismes spécifiques, tels que les stéréotypes, les préjugés, nos propres opinions ainsi que nos jugements et croyances. L’objectif de cette recherche est d’analyser le contenu du discours de deux groupes distincts, les enseignants et les futurs enseignants, et d’examiner les différences et similitudes au sein de leurs représentations en ce qui concerne la réussite et l’échec scolaires. En revanche, il ne s’agit pas de remettre en question les débats autour de la conceptualisation des représentations sociales.

Outre mon attrait pour les représentations sociales, il me semble essentiel d’expliquer ce qui m’a attirée vers son étude et plus particulièrement dans le cadre de la réussite et de l’échec scolaires. Pour ce faire, c’est lors d’un entretien réalisé auprès d’une enseignante que j’ai réellement compris l’enjeu de ce mémoire.

L’enseignante me dit :

« Je me souviens qu’il y avait une élève qui était terrible (c’est ce qu’on avait dit à cette enseignante) et j’appréhendais vraiment de l’avoir dans ma classe. C’était une fille. Elle venait d’une autre école. Elle avait des deux ou trois de conduite. Je trouvais que dans ma classe, ça se passait plutôt bien et elle avait des cinq et six. Une fois je lui ai dit : « Mais comment ça se fait que dans ton autre classe tu avais des notes comme ça ? Je ne comprends pas ». Et puis elle m’a dit : « Tu es gentille avec moi, alors moi je suis gentille ». Alors, je lui ai demandé : « Alors explique-moi ce que je fais qui est gentil avec toi ? ». Et elle m’a répondu : « Tu ne me parles pas méchamment, tu ne dis pas toujours que c’est de ma faute ! » ». (Nadine)

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En tant que future enseignante, c’est une situation à laquelle il serait possible que je sois confrontée. Bien évidemment, je ne le souhaite pas, mais j’accepte cette idée, puisque c’est en analysant certaines situations, en acceptant de ne pas être parfait, qu’il est possible de réfléchir sur sa pratique et donc de l’améliorer. Cette situation explicite clairement l’impact que peut avoir un enseignant sur un élève et sa réussite scolaire. On remarque également que cette élève semblait, dans sa classe précédente, totalement responsable des problèmes qui se posaient. L’enseignante ne semblait pas se remettre en question. Cette situation suggère que le rapport à l’élève, fortement influencé par les jugements de l’enseignant, est primordial pour sa réussite. Par ailleurs, le fait de ne pas considérer que l’élève soit seul responsable de son échec semble l’aider considérablement dans sa réussite.

Ainsi, dans cette recherche, je souhaite réfléchir sur les représentations d’enseignants et de futurs enseignants, sachant qu’elle n’a pas la prétention d’être critique à l’égard de mes collègues et futurs collègues.

En réalité, je souhaite mettre en évidence différents regards quant à l’échec et à la réussite scolaires, dans le but d’étayer les réflexions d’enseignants et de futurs enseignants à l’égard de leurs représentations. Assurément, ces dernières sont omniprésentes dans nos vies et dans le métier d’enseignant. Les étudier conduit à une meilleure compréhension de leurs significations et de leur impact dans la vie scolaire des élèves. Connaître ces représentations est un pas à travers lequel il semble nécessaire de passer pour conduire à une réduction des inégalités sociales présentes dans le système scolaire.

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2. Problématique

2.1 Enjeux de la recherche

Depuis plusieurs décennies, le système scolaire est remis en question et discuté. Bon nombre de chercheurs en sciences humaines, notamment sociales, psychologiques et pédagogiques, tentent de comprendre le fonctionnement de l’Institution scolaire. La plupart soumettent l’idée selon laquelle le type de système d’enseignement auquel l’enfant est confronté influence de façon préjudiciable ou non le développement de ses apprentissages. A ce propos, Meirieu (1993) et d’autres font part du fait que les conceptions de l’enseignement influencent les apprentissages, que l’Ecole est un lieu de transmission dans lequel l’adaptation aux besoins de chacun est nécessaire.

Actuellement, la pédagogie qui nous entoure s’appuie notamment sur le socioconstructivisme et découle des méthodes dites actives, dans lesquelles l’enfant est placé au centre des apprentissages. Elle s’inspire de la psychologie de Vygotsky, qui introduit par exemple la zone proximale de développement, à partir de laquelle l’enseignant peut considérer le développement possible d’un élève. Cela dit, l’aspect cognitif n’est pas le seul à entrer en ligne de compte lors des évaluations et également des décisions de redoublement. Les enseignants jouent un rôle primordial pour décider de la réussite ou de l’échec d’un élève.

Dans ce mémoire, ce qui est analysé, c’est justement le contenu du discours de quelques enseignants et futurs enseignants. Je souhaite rendre compte des représentations de chacun, dans le but de mettre à jour certains des aspects subjectifs qui envahissent, chaque jour, la profession enseignante. Je désire comprendre dans quelle mesure des enseignants et futurs enseignants perçoivent que leur responsabilité est impliquée dans la réussite autant que dans l’échec des élèves. En effet, de nombreux chercheurs soulignent que la responsabilité de l’enseignant est engagée dans la réussite ou l’échec des élèves, notamment à travers leurs représentations, qui peuvent influencer leur enseignement. Par exemple, Reuchlin, cité par Crahay (2007), « craignait à juste titre que bon nombres d’élèves ne soient confrontés à des apprentissages qui dépassent largement leur zone proximale de développement » (p.112).

Finalement, suivant le cadre institutionnel, l’enfant se trouve dans un contexte plus ou moins favorable pour avancer dans sa scolarité.

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Ainsi, lorsque le système éducatif est remis en question, il paraît incontournable de prendre en compte les différents acteurs sociaux qui le font fonctionner. C’est la raison pour laquelle les enseignants et futurs enseignants sont les acteurs centraux de ma recherche, puisque selon l’enseignant auquel est confronté un élève, des enjeux variables s’établissent vis-à-vis de sa scolarité, et cela peut modifier son parcours scolaire. Je m’intéresse à eux en tant qu’individus pourvus de représentations et de jugements, aspect que j’interrogerai tout spécialement. Par ailleurs, je m’intéresse au discours pédagogique d’enseignants, mais également d’étudiants (futurs enseignants), car je compte confronter leurs points du vue, en examinant si la pratique professionnelle joue un rôle important dans les représentations sociales. J’espère observer également de quelle façon ces dernières peuvent évoluer.

Selon Crahay (2007), « c’est le fonctionnement même de l’école qui génère l’échec » (p.334), et les causes de l’échec ne se résument pas à l’élève, sa famille ou l’hérédité. Dans le cadre de ma recherche, il est nécessaire de prendre en compte le fait que « la réussite des élèves au terme d’une année scolaire est largement tributaire de la classe qu’ils fréquentent et, donc, de l’idiosyncrasie des enseignants » (p.335). Par ailleurs, certains chercheurs ont établi un constat important qui relève que les enseignants concèdent une confiance importante à leurs jugements. Ainsi, il faudrait « chercher comment on pourrait amener les enseignants à reconnaître qu’il est quasiment impossible de prononcer un jugement absolu quant aux compétences des élèves. L’idéal serait que les enseignants perçoivent la nécessité de confronter leur point de vue sur les performances de leurs élèves à un regard extérieur » (p.337). En conséquence, cette idée est centrale dans le cadre de cette recherche, dans le sens où je vais tenter de mettre à jour des jugements, des représentations vis-à-vis de la réussite et de l’échec scolaire, ceci en établissant des similitudes et des différences entre différents regards.

Par ailleurs, je souhaite comprendre certains « mécanismes » sociaux ayant un impact sur le développement des apprentissages, dans le but de comprendre certains aspects que recouvre l’échec scolaire. Ainsi, l’enjeu principal de ce mémoire est de contribuer à la réflexion sur les représentations sociales, en vue de lutter contre l’échec scolaire.

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2.2 Choix du thème : une entrée par les représentations

Lors de ma formation universitaire, j’ai appris à accorder énormément d’importance à la réflexion pratique, à son analyse. Pour ce faire, j’ai compris qu’il était inévitable de parvenir à se remettre en question. Dans le but de me préparer à ma profession future, l’enseignement, l’université m’a donné les outils pour développer un esprit critique. C’est ce dernier que je tente, dans ce mémoire, de travailler et construire. Tout au long de mes études, des enseignants, des chercheurs chevronnés ont traité de l’importance des jugements, des stéréotypes, et de l’impact qu’ils pouvaient avoir dans l’apprentissage des élèves.

Aujourd’hui, c’est ce que je souhaite étudier à travers cette recherche, à savoir analyser les représentations sociales des « personnes clés » de l’enseignement. J’ai pris la décision d’interroger les représentations d’enseignants et de futurs enseignants, dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire. Prendre conscience de leurs opinions, en parler librement dans le cadre confidentiel de cette étude permettra, je l’espère, de fournir un regard plus distant sur quelques jugements. Je souhaite également que cela permette aux enseignants et aux étudiants interrogés de prendre plus encore conscience des représentations qu’ils émettent ou qu’ils sont susceptibles d’émettre, chacun étant libre de les considérer comme préjudiciables ou non.

Ainsi, l’étude de certaines représentations sociales à propos de l’échec et de la réussite scolaires représente l’objet principal de cette recherche. Par ailleurs, la confrontation entre différents regards reste un aspect central de cette étude.

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2.3 Questions et buts de la recherche

Le but de cette recherche est d’étudier des représentations dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire. Comme cela a été rapporté, je souhaite confronter deux regards et observer si les représentations de futurs enseignants et d’enseignants se ressemblent ou non, et de quelle façon. Le souhait de confronter ces deux publics vient du fait qu’ils sont deux acteurs liés au système éducatif, et que je souhaite mettre en évidence qu’une représentation n’est pas un processus figé, mais qu’il peut évoluer et être remis en question. En effet, il sera intéressant de voir si, avec le temps et même si ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont interviewées à ces différents moments, on aperçoit une évolution significative.

Aussi, la question principale de cette recherche est la suivante :

- Dans quelle mesure les représentations que quelques enseignants et futurs enseignants ont de la réussite et de l’échec scolaires sont-elles identiques ou différentes ?

Pour pouvoir répondre à cette question principale, cinq questions de recherches me seront utiles :

‐ Comment les enseignants et futurs enseignants perçoivent-ils la notion d’échec scolaire ?

‐ Comment les enseignants et futurs enseignants considèrent-ils l’incidence des représentations sociales dans la profession ?

‐ A quelles causes les enseignants et futurs enseignants attribuent-ils l’échec et la réussite scolaires ?

‐ En quoi les représentations des enseignants et futurs enseignants s’apparentent-elles à la culture de l’échec et à l’idéologie de l’excellence ?

‐ Quels qualificatifs les enseignants et futurs enseignants ont-ils tendance à utiliser pour décrire un élève en échec, en difficulté et en réussite scolaires ?

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Concernant l’échec scolaire, certaines recherches montrent que « le redoublement est un bon prédicteur du décrochage scolaire » (Crahay, 2007, p.201). Aussi, l’objectif de cette recherche est-il de comprendre les représentations qui peuvent conduire les enseignants à considérer qu’un élève est en échec, dans l’optique de les analyser pour permettre aux élèves de réussir au mieux dans leurs apprentissages. D’autant plus que de considérer un élève en échec et le faire doubler n’est pas favorable à l’élève : « Que le critère d’évaluation soit cognitif […] ou affectif […], le redoublement est préjudiciable aux élèves qui en sont l’objet » (p.180). Par ailleurs, la réussite scolaire est un aspect étudié dans le cadre de cette recherche, dans le but d’éclaircir certaines conceptions relatives aux attributions causales de la réussite et de l’échec scolaires.

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2.4 Brève présentation du mémoire

Pour pouvoir répondre à la question principale, j’examinerai dans le cadre théorique certaines représentations qui entrent en jeu dans le cadre scolaire et qui peuvent être préjudiciables pour l’élève (cf. chapitre 3.2), ainsi que quelques éléments sous-jacents à la notion d’échec scolaire que je prendrai en considération dans le cadre de cette recherche. Toutefois, je commencerai par me centrer sur l’échec scolaire et l’élève en échec, en traitant des apprentissages de ce dernier et de son image de soi, en essayant de mettre en évidence que les jugements des enseignants ont des conséquences sur le développement des élèves. Je traiterai également brièvement des apprentissages cognitif et conatif, car si le développement des apprentissages des élèves doit être un objectif principal dans l’enseignement, on sait aujourd’hui que les représentations de l’échec mènent au redoublement et sont donc préjudiciables pour le développement des élèves (cf. chapitres 3.1 à 3.2).

Par la suite, j’aborderai notamment les causes que les enseignants attribuent à l’échec ou à la réussite scolaires. Il s’agit donc de déterminer les représentations des uns et des autres et sur quoi ils s’appuient pour fonder leurs représentations (cf. chapitre 3.3).

Au terme de la présentation du cadre théorique, je traiterai la méthodologie de cette recherche (cf. chapitre 4), pour pouvoir ensuite aborder la présentation et l’analyse des données récoltées (cf. chapitre 5). Les réponses aux questions spécifiques de recherche correspondent aux différents chapitres de l’analyse (cf. chapitres 5.1 à 5.5).

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3. Cadre théorique

Cette recherche s’inscrit dans différents domaines théoriques. Le premier concerne les représentations sociales. Je mettrai en évidence les concepts ou problématiques sous-jacents aux représentations, qui permettront d’analyser les données dépouillées et de répondre aux questions de recherche. En effet, dans l’optique de comprendre les mécanismes reliés à l’échec scolaire, j’ai pris la décision d’interviewer des enseignants et des futurs enseignants à propos de leurs représentations sociales. En conséquence, les représentations sociales sont essentielles à définir (cf. chapitre 3.2.1). Par ailleurs, certains processus sous-jacents aux représentations sociales constitueront un axe par lequel j’analyserai les entretiens. Je me référerai notamment aux processus de stigmatisation ainsi qu’à l’effet Pygmalion, la menace du stéréotype ou la comparaison sociale (cf. chapitres 3.2.2 à 3.2.4).

Un deuxième champ théorique concerne l’échec et la réussite scolaire. Il s’agit de mettre en évidence ce que soulèvent les termes d’échec scolaire et de difficultés scolaires (cf. chapitre 3.1.1). Le fondement de cette recherche se situe dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire, et donc de la réussite dans les apprentissages. En conséquence, un chapitre sera consacré à l’apprentissage cognitif et conatif (cf. chapitre 3.1.2), puisque l’aspect du développement cognitif est intimement lié à celui du développement conatif. A ce propos, en psychologie différentielle, Reuchlin (1991) précise bien que « l’intervention conjointe de facteurs cognitifs et conatifs dans la détermination des conduites scolaires est un fait qui s’impose à l’observation commune » (Reuchlin, p.283). Le développement cognitif et conatif des apprentissages sera appuyé par la notion d’image de soi, et la façon dont les enseignants perçoivent leurs élèves (cf. chapitre 3.1.3).

Un dernier champ théorique concerne la théorie de l’attribution. A partir de cette théorie, j’aborderai la loi de Posthumus, la conception maturationniste, les conceptions de l’intelligence et en particulier l’idéologie du don, ainsi que l’idéologie d’excellence liée à la culture de l’échec (cf. chapitres 3.3.1 à 3.3.3). Ces domaines seront primordiaux dans l’analyse des données.

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3.1 L’échec et la réussite scolaire

Dans cette partie du chapitre, j’apporte les informations concernant l’échec scolaire qui me semblent essentielles pour ma réflexion et ma recherche. Comme je l’ai annoncé, je m’arrête premièrement sur la notion d’échec scolaire, puisqu’elle constitue un des fils conducteurs de l’analyse des données, et aborderai le postulat d’éducabilité qui me semble incontournable dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire. Par la suite, je traite de l’apprentissage cognitif et conatif des élèves, car je souhaite relever les représentations qui peuvent faire obstacle à la réussite dans les apprentissages. Pour terminer ce chapitre, j’aborde ce qui a trait au concept de soi, car il me paraît essentiel d’établir le lien entre la perception que les enseignants ont de leurs élèves et l’image de soi de ces derniers.

3.1.1 L’échec scolaire : une construction sociale des difficultés scolaires

C’est dans les années soixante que le terme d’échec scolaire émerge (voir Isambert-Jamati, 1992). Certains parlent même de concept d’échec scolaire, dans le sens où l’échec scolaire est une construction sociale, plus particulièrement au niveau du discours social. Selon Isambert- Jamati, la notion d’échec scolaire n’est pas clairement scientifique. Best (1997) précise également que la notion d’échec scolaire n’existe pas en soi : « La notion varie selon le moment socio-historique où elle est considérée, selon les attentes de la société à l’égard de l’école et de l’école elle-même à l’égard des élèves, si bien que cette notion est loin d’être stabilisée » (p.13).

Dans les années cinquante, l’échec scolaire était attribué a une débilité mentale légère ou a une inadaptation scolaire. La notion d’échec apparaissait à propos « d’enfants que l’on s’attend à voir réussir et qui sont cependant en échec » (Hutmacher, 1992, p.45). Au début des années soixante, la démocratisation des études a pris son essor, dans le but de donner les chances à tous d’être scolarisés. Il y avait une volonté de lutter contre l’échec scolaire et contre les inégalités sociales.

L’importante évolution dans la conception de l’échec scolaire se situe dans le fait que les causes de l’échec ne dépendent plus uniquement de l’élève lui-même. Hutmacher (1993) le dit dans les termes suivants : « Un pas de plus est franchi à partir du moment où les difficultés des élèves sont lues en termes d’échec indépendamment des attentes individuelles qu’on

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pouvait avoir à leur égard » (p.30). Par ailleurs, ce sociologue fait part d’un paradoxe important relevé par Bourdieu en 1966 à ce propos : « C’est précisément en traitant également des inégaux que l’école produit le plus sûrement l’inégalité » (p.17). C’est également à ce moment que Bourdieu (1966) critique « l’idéologie du don », en montrant, entre autres, que l’échec et la réussite ne sont pas intimement liés à l’intelligence, et que cette dernière n’est pas innée. Grâce à cette conception progressiste, les retards ou échecs scolaires ne sont plus attribués à des dons, à des explications fatalistes. Le système scolaire a donc été progressivement remis en question.

Ainsi, l’évolution des conceptions est considérable, puisque le fait de s’intéresser à l’échec scolaire implique de s’intéresser à la réussite. Isambert-Jamati (1992) parle à ce propos de la réussite scolaire en tant que corrélat de l’échec scolaire. Par ailleurs, les représentations liées à l’échec ont des effets. Par exemple, comme en parle Crahay (2007), « si aujourd’hui on s’inquiète de l’importance de l’échec scolaire, c’est parce que l’idéal de la réussite scolaire pour tous s’est imposé » (p.34). Ce que montrent des chercheurs, psychologues, pédagogues ou sociologues actuels, c’est que l’échec ne concerne pas uniquement l’élève. C’est la volonté de modifier et d’élever la qualité des systèmes éducatifs qui a permis l’évolution du concept d’échec scolaire : « Non seulement le retard, mais « l’échec » devient un « problème social», puisque le niveau d’études en question est devenu nécessaire pour participer normalement à la vie sociale, en particulier professionnelle » (Isambert-Jamati, 1992, p.40). En effet, dans les années soixante, le besoin d’employer des personnes qualifiées et formées s’accroît.

Actuellement, lorsqu’on se questionne sur la façon par laquelle se traduit l’échec scolaire, la réponse est le redoublement. Pour certains, cela s’apparente également au changement d’orientation, comme les classes spécialisées. Le redoublement est le signe actuel d’échec scolaire. Toutefois, ce ne sont pas les retards scolaires qui engendrent l’échec : « Le redoublement est, lui, le signal d’alarme qui a une forte valeur prédictive de l’échec scolaire.

Tout se passe comme si le redoublement engendrait l’échec » (Best, 1997, p.23). Plus précisément, selon la définition de De Landsheere (1992), actuellement l’échec scolaire est considéré comme « une situation où un objectif éducatif n’a pas été atteint » (p.91), qui se traduit trop souvent par le redoublement.

Précisons que derrière la notion d’échec scolaire, « on peut identifier différentes catégories de difficultés scolaires » (Van Zanten, 2008, p.174). Ainsi, il existe différents niveaux de

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difficultés, le plus grave conduisant à l’échec. Cela dit, plutôt que de parler de niveaux, il semble préférable de parler de catégories de difficulté. Il existe des difficultés d’adaptation et d’apprentissage. Reuchlin (1989, 1990, 1991), pour sa part, traite des différences individuelles, qui concernent des aspects cognitifs et conatifs. Même si le but de cette recherche n’est pas d’étudier de façon précise les différentes difficultés et les différents courants à leur égard, il me semble important de retenir au moins le fait qu’il existe des difficultés d’ordre cognitif et conatif, au sens où ces deux ordres de difficultés influencent les facultés d’adaptation et d’apprentissage dans le cadre scolaire.

Sur un autre plan, à savoir dans le cadre institutionnel, la notion d’échec scolaire fait suite à un long processus. L’enseignant évalue l’élève en cours d’année scolaire. D’une part, l’enseignant évalue la distance qui sépare l’élève des objectifs à atteindre. D’autre part, il l’évalue en comparant l’élève à ses camarades. A ce propos, Hutmacher (1993) parle de

« double comparaison ». C’est dans ce cadre que l’enseignant est amené à émettre un

« jugement d’échec » :

« La décision du point de coupure entre promus et recalés résulte en fin de compte d’une double comparaison : celle qui mesure la distance qui sépare les plus faibles des objectifs du travail de l’année tels que se les représente l’enseignant et celle qui apprécie la distance qui les sépare des autres élèves de la classe. Ce caractère comparatif de l’évaluation, qui fonde le jugement, relativise encore un peu plus la notion d’échec, puisque la décision dépend pour une part de la composition de la classe ». (p.35)

Ainsi, en fonction de l’enseignant et de la composition de la classe, un élève sera plus ou moins facilement amené à échouer. L’échec scolaire devient ainsi un jugement arbitraire à reconsidérer. Dès lors, comprendre les représentations d’enseignants ou de futurs enseignants prend tout son sens, puisque ces dernières sont influencées non seulement par les demandes institutionnelles, mais également par les attentes propres des enseignants dans un contexte précis.

Pour clore ce chapitre concernant la notion d’échec scolaire, je souhaite traiter brièvement du postulat d’éducabilité, car il est incontournable dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire.

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Aussi, le postulat d’éducabilité évoqué par Meirieu (1993) est considéré comme un fondement sur lequel tout enseignant devrait établir son enseignement. Il concerne le fait de croire en l’éducabilité de tous. Ce postulat est renforcé par la situation actuelle du système scolaire occidental qui promeut la réussite pour tous. Hutmacher (1992) précise à ce propos :

« Il n’y a pas d’école sans postulat de faisabilité (d’éducabilité), sans une visée et une prétention de maîtrise des devenirs individuels par le biais de dispositifs scolaires.

Toutefois, la généralisation de la notion d’échec marque une extension radicale de la représentation que se donnent les sociétés industrielles de la faisabilité des individus par des dispositifs organisés. Dans les écoles et dans les familles, en quelques décennies, on est passé d’une prétention de faisabilité restreinte à une prétention de faisabilité universelle ». (p.48)

3.1.2 Apprentissage cognitif et conatif des élèves

Cette recherche n’est pas précisément centrée sur les apprentissages. En réalité, elle tente de mettre à jour les représentations sociales qui ont impact sur développement des élèves. Ce qu’il faut retenir cependant, c’est que l’apprentissage est lié à des processus cognitifs et conatifs étroitement liés. Reuchlin (1990) utilise la notion de styles de conduites pour désigner « un ensemble de modalités de fonctionnement observables à la fois dans les aspects cognitifs et dans les aspects conatifs » (p.112).

Plus particulièrement, le développement cognitif concerne le fonctionnement de l’intelligence et les processus employés dans différentes situations. Reuchlin (1999) propose une définition de la cognition en disant qu’« on s’accorde en général aujourd’hui à considérer qu’elle concerne la sélection, le stockage et le traitement de l’information » (p.226). L’important à retenir dans le cadre du développement cognitif, est la notion de vicariance. Ce concept concerne le fait que les enfants emploient différentes stratégies pour parvenir à un objectif identique. Reuchlin précise que « des enfants privilégiant des voies de développement différentes tendront à utiliser, au même âge, des processus différents pour s’adapter à la même situation » (p. 208). En conséquence, l’enseignant est amené à ne pas privilégier qu’une seule stratégie d’apprentissage ou d’adaptation, en évitant de juger les élèves, leurs aptitudes cognitives, ou uniquement une de leurs stratégies. Si un enseignant considère un élève en

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échec uniquement sur la base d’une de ses stratégies d’adaptation à une situation, il omet de considérer l’apprentissage cognitif en tant que développement vicariant.

D’autre part, les enseignants, dans leur discours, utilisent souvent le terme de concentration comme aide dans la réussite des apprentissages. A ce sujet, Reuchlin (1989) révèle que certaines croyances ne s’appliquent pas aussi aisément dans la réalité :

« On pourrait attendre que certains aspects des conduites exploratoires se trouvent en corrélation avec l’habituation : les sujets qui traitent plus rapidement l’information ou qui maîtrisent mieux leur attention devraient être capables d’explorer plus rapidement les objets nouveaux qui leur sont présentés ». (p.40)

Cette hypothèse n’est pas confirmée dans toutes les recherches. Toutefois, elle permettrait de montrer, entre autre, que les enseignants attribuent à la réussite des apprentissages des causes internes à l’élève.

Par la suite, Reuchlin (1989) se concentre sur le développement conatif. En ce sens, il s’est intéressé aux facteurs qui influencent l’apprentissage, comme la motivation ou la personnalité de l’élève. En fait, il s’est centré sur les facteurs permettant « le déclenchement de l’activité, le choix de sa direction, sa poursuite ou non au-delà de réussites ou d’échecs partiels et finalement son arrêt » (p.226).

Concernant toujours la dimension conative des apprentissages, différentes études ont été menées à ce sujet, en particulier lorsque les élèves sont amenés à redoubler. Ces études n’émettent pas les mêmes conclusions. Celles sur lesquelles s’appuient cette recherche rejoignent les études menées par Bless, Bonvin & Schüpbach (2005), qui établissent que « le redoublement semble influencer de manière négative le concept de soi académique de l’enfant, et qu’il peut entraîner des problèmes socio-émotionnels » (p.45). Ces chercheurs tentent de montrer qu’un élève en échec scolaire éprouve d’importantes difficultés à développer un comportement social adapté aux normes scolaires.

Finalement, ce qui est intéressant dans le cadre du développement cognitif et conatif des élèves, c’est que bien qu’un élève éprouve d’importantes difficultés, l’échec scolaire ne contribue pas à développer ses performances scolaires. Reuchlin, dans ses études concernant les différences dans le développement cognitif et conatif, rapporte qu’il est nécessaire d’étudier les deux types de développement de façon simultanée, puisque la dimension

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conative ou affective occupe une part importante dans le développement des apprentissages et qu’elle est intimement liée à la dimension cognitive.

3.1.3 Concept de soi : image de soi, perception de soi et d’autrui

Le concept de soi concerne différents domaines comme l’image de soi, l’estime de soi ou encore les perceptions de soi. Reuchlin (1990) montre le caractère social dans la construction du concept de soi et précise :

« La vie sociale oblige à jouer des rôles différents à l’égard de personnes différentes.

Chacun se voit jouer ces rôles, se représente lui-même les jouant, et utilise ces représentations comme guides de conduite. Chacun se représente aussi les images de lui-même qu’il suppose chez chacun des autres avec lesquels il est en contact. D’autre part, la communauté au sein de laquelle chacun est inséré lui offre des images de membres idéaux, ou au moins lui fournit matière à se construire une image personnelle de Moi idéal ». (p.65)

Les perceptions des enseignants à l’égard de leurs élèves joueraient ainsi un rôle dans la construction identitaire des élèves.

Selon une étude menée par Pierrehumbert, Plancherel & Jankech-Caretta (1987), dans laquelle ils présentent un questionnaire à des enfants et à des enseignants, il s’avère que l’échec scolaire n’est pas perçu négativement par l’enfant : « Le retard scolaire n’implique dans le cas présent aucune dévalorisation des compétences propres de l’enfant » (p.374).

Toutefois, ce qui nous intéresse ici, c’est que ce sont les enseignants qui émettent un jugement plus défavorable à l’égard des élèves en échec. Ces derniers ont une image des élèves plutôt défavorable. Ainsi, l’enseignant aurait une image de l’élève qui dépendrait de sa réussite ou de son échec, ce dernier impliquant une image beaucoup plus péjorative de l’enfant par l’enseignant. Ces chercheurs traitent également des recherches menées par Clifford et Walster (1973) qui concernent l’effet Pygmalion, communément appelé « effet Rosenthal ». Ces derniers décrivent une expérience établissant un lien entre les attentes de l’enseignant par rapport à l’intelligence ou la réussite et l’apparence physique de l’élève. Ce qui m’intéresse ici est de présenter l’hypothèse que Pierrehumbert, Plancherel & Jankech-Caretta (1987) font :

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« Nos données nous invitent à spéculer sur l’existence d’un effet réciproque, selon lequel ce serait bien la réussite ou l’échec qui conditionnerait l’appréciation de l’Apparence de l’élève ». (pp.376-377)

L’effet Pygmalion sera davantage explicité dans le chapitre 3.2.3. Le fait d’en parler déjà dans ce chapitre souligne l’importance du rapport entre les représentations d’un enseignant sur son élève et l’image de soi de l’élève.

Lorsque l’on parle d’image de soi, on ne peut s’empêcher de penser à l’estime de soi.

Dutrévis, lors de ses cours (2008), propose une définition de l’estime de soi, qui « correspond à la valeur que l’individu s’accorde et se construit sur la base d’auto-évaluations positives et négatives ». Elle rejoint Martinot et Toczek (2005) dans leur définition : L’estime de soi est

« la valeur que les individus s’accordent, s’ils s’aiment ou ne s’aiment pas, s’approuvent ou se désapprouvent » (p.26). Cela dit, « la réussite scolaire dépend non seulement des performances passées mais aussi des connaissances de soi actuelles » (Martinot, 2005, p. 90).

Pour ce qui est de la perception de soi, Martinot (1998) exprime le fait que la perception favorable des individus constitue un besoin essentiel dans la construction de soi et la réussite scolaire, et souligne l’importance d’autrui dans le processus de perception de soi. Ainsi, il apparaît que « les connaissances de soi de réussite (reliées au succès) favorisent une accentuation de l’effort, une persévérance lors de difficultés, une meilleure utilisation des stratégies acquises, ou encore une efficacité accrue » (Martinot, 2005, pp. 89-90). Aussi, ce qui comporte un intérêt particulier dans le cadre de cette recherche quant au concept de soi, c’est de rendre compte des perceptions des enseignants sur leurs élèves, ces dernières ayant un impact considérable sur la progression des élèves dans leurs apprentissages et dans le cadre de la réussite et de l’échec scolaires.

Par ailleurs, l’enseignant joue un rôle important dans l’avancée des apprentissages, et donc dans la réussite, puisque les actes de l’enseignant sont également déterminants pour permettre à l’élève de s’engager, ou au contraire se désengager. Joule (2005) parle de pédagogie de l’engagement : « Cette pédagogie de l’engagement n’est autre qu’une pédagogie de la mise en mouvement et de la responsabilisation » (p.52).

Ainsi, le fait de permettre à l’élève de prendre des décisions qu’il n’aurait pas forcément prises par lui-même, de le responsabiliser dans ses choix, sont des outils qui pourraient aider les enseignants à le guider vers des stratégies d’engagement, dans l’optique de le faire réussir.

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En conséquence, les perceptions des enseignants envers leurs élèves influenceraient leurs stratégies d’enseignement et leur rapport avec eux, qui pourraient être plus ou moins favorable pour la réussite scolaire.

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3.2 Les représentations sociales

Dans cette section, les représentations sociales sont définies, puisqu’elles sont l’objet central de cette recherche. Par la suite, différents éléments qui en découlent sont traités, comme la stigmatisation, l’effet Pygmalion, la menace du stéréotype et la comparaison sociale, puisque les représentations sociales reposent en partie sur ces différents domaines.

3.2.1 Définition des représentations sociales et stéréotypes

Les représentations sociales constituent un thème de recherche récurrent. Il se situe dans divers domaines, dont le champ de la psychologie sociale. Notons qu’un des précurseurs du siècle dernier, Moscovici (1961) a établi une théorie générale des représentations sociales dans laquelle il les étudie en tant que processus socialement construits. Pour reprendre une définition plus récente de Moliner (2001),

« les représentations sociales sont donc des ensembles de connaissances, attestées ou illusoires, relatives à l’environnement des individus. Ces connaissances ont la particularité d’avoir été collectivement produites selon des processus socialement déterminés. Elles orientent les perceptions de l’environnement, les actions individuelles ou collectives et les communications ». (p.8)

Je traiterai donc les représentations sociales dans un domaine social, car « son élaboration repose sur des processus d’échange et d’interaction qui aboutissent à la construction d’un savoir commun, propre à une collectivité, à un groupe social ou à une société toute entière » (Moliner, 2001, p.8). Les représentations sociales sont considérées ici comme un ancrage social à travers lesquelles différentes notions apparaissent.

Ainsi, les notions qui découlent des représentations sociales sont donc en partie les préjugés, les stéréotypes, les croyances et les jugements. Il existe de nombreux débats sur la dénomination des représentations et ce qui en découle. Certains chercheurs rejoignent le point de vue selon lequel « la nature consensuelle des stéréotypes » est indispensable. D’autres chercheurs n’accordent pas d’importance sur le fait que les stéréotypes doivent être collectifs.

Selon Secord et Backman (1974), il existe des stéréotypes sociaux, mais aussi individuels.

Selon Leyens et ses collaborateurs (1966), les stéréotypes s’opèrent vis-à-vis d’un groupe

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d’individus, tandis que les préjugés se développement vis-à-vis d’un seul individu. Aussi, ce qu’il paraît essentiel de retenir, c’est que les stéréotypes ne sont pas des préjugés. En effet,

« pour différencier davantage stéréotypes et préjugés, Devine (1989) distingue les stéréotypes des croyances personnelles qui rejoignent ou non les stéréotypes. Les stéréotypes sont très spontanés, ou quasi-automatiques, tandis que les croyances personnelles sont sous contrôle cognitif. Ce sont les croyances personnelles qui sont essentiellement responsables du préjugé ». (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996, p.26) Le stéréotype, lui, peut être un jugement péjoratif, mais également positif, contrairement aux préjugés qui sont, eux, à connotation négative.

Pour leur part, Leyens et ses collaborateurs (1996) distinguent le processus de stéréotypisation des stéréotypes. Je retiendrai la définition générale qu’ils donnent des stéréotypes : « Il s’agit de croyances partagées concernant les caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais souvent aussi des comportements, d’un groupe de personnes » (p.24).

En outre, ils apportent une définition du processus de stéréotypisation des individus qui

« consiste à leur appliquer un jugement – stéréotypique – qui rend ces individus interchangeables avec les autres membres de leur catégorie » (p.24). Ce processus est, lui, individuel.

Plus généralement, les représentations sociales prennent leurs sens dans le fait qu’au travers de cette recherche, l’analyse se rapporte à ce que pensent les personnes interviewées. De façon plus concrète, différents processus découlent de ces représentations sociales et ce sont elles qui font l’objet plus particulier de ma recherche. Le processus de stigmatisation, l’effet Pygmalion, la menace du stéréotype et la comparaison sociale sont donc des aspects importants qui s’insèrent dans l’analyse du contenu du discours des enseignants et des étudiants.

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 24 3.2.2 La stigmatisation

La stigmatisation (Goffman, 1963) est un processus social qui implique qu’un groupe d’individu est l’objet de représentations négatives. L’enseignant, en décidant de l’échec ou de la réussite scolaire d’un élève, risque de développer un processus de stigmatisation : « Il opère un marquage social de certains élèves - les mauvais élèves – à partir duquel on a toutes les raisons de craindre que se développe un processus de stigmatisation » (Crahay, 2007, p.221).

Par exemple, dans un recherche antérieure (1999), la stigmatisation était une problématique abordée et les chercheurs ont relevé le fait qu’« on peut craindre un processus de stigmatisation des redoublants par les non-redoublants » (Crisafulli, Guida, Perréard Vité &

Crahay, 1999, p.18). En effet, un individu est stigmatisé lorsqu’il présente des caractéristiques qui le dénigrent vis-à-vis d’autrui.

Crahay (2007) montre également qu’une stigmatisation des redoublants par les non- redoublants peut être crainte, qui serait de surcroît appuyée par les enseignants. Ainsi, on peut craindre que le jugement des enseignants déclenche un processus de stigmatisation entre les élèves. Cela s’appuie par le fait que de manière générale, « pour qu’il y ait stigmatisation d’une catégorie d’individus par une autre, il faut que les deux catégories partagent un ensemble de représentations et de stéréotypes relatifs à une caractéristique psychologique ou à un événement » (Crisafulli & al., 1999, p.18). Dans le cadre scolaire, il existe donc différents effets possibles de la stigmatisation.

Finalement, l’élève est constamment l’objet d’un jugement de la part de l’enseignant. De plus, comme le fait de stigmatiser autrui permet de défendre un groupe social d’appartenance, cela vient appuyer le fait que l’enseignant au travers de son jugement peut, sans toutefois le vouloir, créer un processus de stigmatisation. Dans une recherche (Crisafulli & al., 1999), la question est par ailleurs posée : « Quel rôle est joué par les enseignants dans l’émergence de ces stéréotypes qui font consensus parmi les élèves ? » (p.34). En fait, l’enseignant a la possibilité d’atténuer ou d’accentuer les stéréotypes. Il me paraît essentiel, en tant que praticien ou futur praticien, de ne pas favoriser l’apparition de stéréotypes.

En lien avec le processus de stigmatisation et l’apparition de stéréotypes, les notions d’endogroupe et d’exogroupe prennent tout leur sens, puisque « les stéréotypes sont facteurs de constitution d’un groupe dans le mesure où ils contribuent à sa cohésion […]. D’autre part, les stéréotypes contribuent à la régulation des interactions entre différentes catégories

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d’individus » (Crahay, 2007, p.215). Plus précisément, les personnes partageant les mêmes valeurs ou les mêmes stéréotypes font partie d’un endogroupe, tandis que l’exogroupe est défini comme un groupe de non-appartenance, opposé à l’endogroupe. Cette différenciation s’accompagne de la valorisation de l’endogroupe au détriment de celle de l’exogroupe. En conséquence, comme le relève Crahay (2007), « il est légitime de supposer que les enfants non-redoublants se font une idée de leurs camarades redoublants à travers l’attribution de stéréotypes négatifs » (p.215). En conséquence, l’enseignant serait tenu de ne pas accentuer les différences entre groupes, pour éviter que les membres d’un groupe (comme les élèves en réussite scolaire) dévalorisent ceux d’un autre groupe (comme les élèves en échec scolaire), d’autant plus que certaines recherches citées par Crahay montrent que « la très grande majorité d’adjectifs retenus par les élèves qui réussissent pour caractériser l’élève qui redouble, sont à connotation négative » (p.221).  

 

3.2.3 L’effet pygmalion

Ce sont Rosenthal et Jacobson qui, à la fin des années soixante, ont relevé et expliqué l’effet Pygmalion, suite à une étude publiée en 1964. Cet effet révèle qu’un lien « vicieux » existe entre l’échec ou la réussite scolaire, par exemple, et les attentes et les opinions de l’entourage d’un individu. Cet effet suggère aussi que les enfants ont tendance à se conformer à l’image que l’on a d’eux. De façon vulgarisée, un élève que l’on considère comme étant en échec aura davantage de chance de continuer à échouer, tandis qu’un élève en qui l’on croit, pour qui notre image est celle de la réussite, aura davantage de chance de réussir. Ce dernier point souligne l’importance du postulat d’éducabilité dans l’enseignement.

Pour confirmer cet effet dans le cadre scolaire, comme le dit Gosling (1992), « la représentation que le maître a de l’élève a une influence notable sur le comportement de l’élève et sur ses résultats » (p.17). L’effet Pygmalion, également appelé « effet Rosenthal », renforce l’hypothèse selon laquelle les enseignants ne sont pas à l’abri de jugements préjudiciables pour leurs élèves.

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3.2.4 La menace du stéréotype et la comparaison sociale

Steele et Aronson (1995) montrent que les individus appartenant à un groupe qui fait l’objet d’un stigmate, c’est-à-dire d’un stéréotype négatif, ont tendance à réussir moins bien des tâches dans lesquelles leurs compétences sont en jeu, notamment lors de tests censés mesurer leur intelligence. Cet effet, qualifié de menace du stéréotype, s’explique par le fait que les membres du groupe stigmatisé craignent de ne pas être suffisamment compétents et donc de confirmer le stéréotype dont leur groupe fait l’objet. La crainte de ne pas réussir produit ainsi une pression évaluative :

« A court terme, la pression ainsi créée peut perturber le fonctionnement cognitif et le comportement de la cible […]. A long terme, le fait d’être constamment confronté à cette suspicion d’infériorité intellectuelle peut amener la personne à progressivement se désidentifier du domaine concerné ou de l’école en général ». (Désert, Croizet &

Leyens, 2002, p.555)

Ainsi, la menace du stéréotype est pertinente pour un groupe social particulier, comme celui des élèves en difficulté ou en échec scolaire. Plus généralement, les groupes stigmatisés doivent, pour réussir, franchir davantage d’obstacles. D’autres études (Croizet & Claire, 1998) ont démontré l’effet préjudiciable de la menace du stéréotype sur la réussite des étudiants issus de milieux socioéconomiques modestes. Spencer, Steele et Quinn (1999) démontrent l’effet nuisible de la menace du stéréotype à propos de la réussite des femmes en mathématiques. Ces études démontrent que si l’on rend inapplicable le stéréotype dans certaines situations, comme celle d’évaluation à laquelle on confronte l’élève, les écarts entre les individus diminuent. Ainsi, le niveau de réussite diffère moins, voire même plus du tout.

Un aspect particulier de la menace du stéréotype est que le groupe stigmatisé n’a pas forcément besoin d’adhérer au stéréotype. Si le groupe est confronté à une situation où la menace du stéréotype est présente, ses membres confirment le stéréotype, sans forcément le vouloir. En effet,

« non seulement, les membres de groupes stigmatisés [par exemple les élèves en échec] ont à franchir une série d’obstacles structurels et culturels à leur réussite scolaire et professionnelle. […] Lorsqu’ils réussissent à franchir toutes ces barrières, […] il reste toujours un autre obstacle, une autre menace : leur comportement risque

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de confirmer le stéréotype négatif attaché à leur groupe ou d’être interprété en fonction de celui-ci ». (Désert, Croizet & Leyens, 2002, p.558)

Sur un autre plan, « les réputations d’infériorité intellectuelle ne se limitent pas exclusivement à l’histoire personnelle des individus, elles peuvent également émaner de leur appartenance groupale » (Toczek & Martinot, 2005, p.64). Le sentiment d’infériorité constitue donc également un processus social accentué par la stigmatisation sociale et par la menace du stéréotype.

En ce qui concerne la comparaison sociale, elle est donc un domaine important dans le cadre de la menace du stéréotype, car des chercheurs ont démontré que « des élèves au parcours scolaire faible sont sensibles à la comparaison avec les bons élèves » (Désert, Croizet &

Leyens, 2002, p.560). Ils ont voulu se centrer davantage sur l’individu et non plus seulement sur le groupe social, dans le but de montrer que la menace du stéréotype peut avoir un effet direct sur l’individu. L’importance d’accorder une attention particulière aux stéréotypes que l’enseignant peut faire émerger, pour pouvoir les atténuer, est alors grande. En effet, Spencer, Steele et Quinn (1999) ont montré, lors d’une étude sur la performance mathématique de femmes en situation de menace du stéréotype, que « lorsque les consignes rendaient le stéréotype inapplicable à la situation, femmes et hommes présentèrent le même niveau de réussite au test » (Désert, Croizet & Leyens, 2002, p.559). Il est ainsi essentiel de comprendre que si l’enseignant rend le stéréotype dans la situation d’évaluation inapplicable, tous les élèves auront davantage de chance de réussir.

Plus précisément, la comparaison sociale se situe au cœur de la théorie de l’identité sociale qui concerne l’appartenance à des groupes distincts (Tajfel, 1972 ; Turner, 1975). Cette théorie renvoie au fait que la société est divisée en catégories sociales qui interagissent en fonction de statuts différents. Elle se centre sur les groupes et non plus seulement sur l’individu. De manière générale, la comparaison sociale montre que les membres d’un endogroupe recueillent des jugements plus favorables que les membres de l’exogroupe. Cela s’expliquerait par le fait que les individus préfèrent être associés à des catégories positives. En conséquence, des chercheurs expliquent que la comparaison sociale « est largement susceptible d’être biaisée de sorte que l’endogroupe en ressort toujours positif » (Leyens, Yzerbyt & Schadron, 1996, p.90). Cet aspect aura son importance dans la distinction entre

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élèves en réussite et en échec, mais également entre certaines représentations d’enseignants et futurs enseignants, notamment quant à l’apport de l’expérience du métier.

Par ailleurs, la comparaison sociale des compétences est un processus social qui évolue. Par exemple, Martinot (2005) explique qu’à la fin de l’enfance, entre 8 et 11 ans, les enfants accordent davantage d’importance aux comparaisons. Ces dernières « jouent un rôle de plus en plus important et ne sont plus uniquement temporelles […], mais se produisent avec autrui » (p.86). Pour sa part, l’élève doublant fait bien partie d’un groupe stigmatisé. En conséquence, son identité sociale est dévalorisée par autrui, ce qui a une répercussion négative sur l’estime qu’il a de lui. La stigmatisation est donc une problématique récurrente dans la société, et une recherche parmi d’autres confirme qu’« on peut craindre un processus de stigmatisation des redoublants par les non-redoublants » (Crisafulli, Guida, Perréard Vité &

Crahay, 1999, p.18). De plus, « durant l’enfance et l’adolescence, l’image que se construit un individu lui est principalement renvoyée par son groupe social de référence » (Croizet &

Martinot, 2004, p.29). L’entourage de l’enfant serait donc primordial pour maintenir l’estime de soi. Ainsi, même un élève issu d’un groupe stigmatisé pourrait avoir une estime de soi satisfaisante si son entourage l’aide à la développer. Toutefois, certains facteurs renforcent la dévalorisation des groupes stigmatisés, tels que « la visibilité du stigmate, la régularité des interactions avec les individus non-stigmatisés et la perception de l’existence d’une discrimination » (p.31).

Enfin, précisons qu’il existe deux types de comparaison des compétences entre individus, ascendante et descendante. La comparaison ascendante consiste à se comparer à meilleur que soi, tandis que la descendante consiste à se comparer à moins bon que soi. Il paraît intéressant à ce sujet de relever le fait que « pour les individus stigmatisés, les comparaisons avec l’endogroupe permettent donc d’éviter les comparaisons ascendantes avec les individus non- stigmatisés – comparaisons néfastes pour l’estime de soi » (Croizet & Leyens, 2004, p.36).

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3.3 Les attributions causales de l’échec et de la réussite scolaire

Dans cette partie de chapitre, j’aborde la théorie de l’attribution causale de la réussite et l’échec scolaires, puisque cette théorie est incontournable pour pouvoir répondre aux questions spécifiques de recherche. Après une définition de la théorie de l’attribution, différentes recherches concernant les attributions causales de la réussite et de l’échec scolaires, ainsi que la conception maturationniste, seront abordées. Je traiterai ensuite de la loi de Posthumus, de la conception de l’intelligence et de l’idéologie du don, ainsi que de la culture de l’échec et de l’idéologie de l’excellence. Ces divers aspects, tout comme la conception maturationniste, sont liées aux attributions causales, et sont essentielles dans le cadre de l’analyse des données pour comprendre les représentations des personnes interviewées quant à la réussite et l’échec scolaires.

3.3.1 Définition de la théorie de l’attribution

Dans l’optique d’expliquer notre comportement et celui d’autrui, on ne peut ignorer la théorie de l’attribution, dont Heider (1944, 1958) fut un des pionniers. La théorie de l’attribution permet de comprendre quelles causes sont attribuées à l’échec ou à la réussite scolaire.

L’attribution causale est un processus à travers lequel les individus infèrent les causes des comportements ou événements, comme la réussite ou l’échec. En traitant de la théorie de l’attribution, Deschamps (1992) parle de psychologie du sens commun qui « permet d’expliquer notre comportement et celui d’autrui, d’interpréter ce qui nous arrive ou ce qui arrive à notre voisin » (p.52). Il parle de sens commun, par opposition à la connaissance scientifique, pour montrer que la théorie de l’attribution concerne des représentations sociales, dont on sait qu’elles sont subjectives.

De manière générale, il y a des attributions causales internes et externes. Deschamps et ses collaborateurs expliquent ainsi cette distinction dans la théorie de l’attribution :

« L’idée centrale est celle selon laquelle les événements, les conduites, résultent ou sont dues à des forces, à des déterminismes, émanant soit des personnes en cause, soit de l’environnement. Dans le premier cas, on parle de causalité interne ou de facteurs dispositionnels ; dans le second cas, on parle de causalité externe ou de facteurs situationnels ». (Doise, Deschamps & Mugny, 1991, p.184)

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Par ailleurs, il existe deux biais d’attribution qui sont pertinents dans le champ éducatif.

D’une part, le biais d’auto-complaisance (Miller & Ross, 1975) est essentiel dans le cadre des attributions. Ce biais consiste à attribuer sa réussite à des causes internes (auto-attribution) et à attribuer son échec à des causes externes (hétéro-attribution), dans le but de maintenir une image positive de soi. Autrement dit, « les attributions causales entrainent parfois un biais d’auto-complaisance : les individus s’attribuent la responsabilité de leur réussite (attribution interne), mais rejettent la responsabilité de leurs échecs sur autrui ou sur autre chose (attribution externe) » (Martinot & Toczek, 2005, p.25). Ce biais pourrait indirectement expliquer que les enseignants tendent à attribuer l’échec de leurs élèves à des causes extrascolaires ou internes à l’élève, dans le but que leurs propres compétences ne soient pas remises en cause. Dans ce cas, les causes de l’échec seraient externes à l’enseignant. Les individus prédisent des causes internes ou externes pour expliquer l’échec ou la réussite dans l’optique de maintenir une image positive de soi.

D’autre part, le fait que les enseignants attribuent les causes de l’échec scolaire à l’élève pourrait amener le second biais, celui de l’auto-handicap. Leary et Shepperd (1986) parlent de stratégie préventive pour expliquer le biais d’auto-handicap. Il consiste à attribuer son échec à des causes externes, dans le but de conserver une image positive de soi. Il est relié au biais d’auto-complaisance, car il concerne la protection et la valorisation de l’image de soi.

L’individu attribuerait à l’échec des causes externes, dans le but d’éviter de considérer que le manque de compétence soit une cause plausible de l’échec. Cette dynamique, qui explique que les enseignants attribuent l’échec aux élèves (biais d’auto-complaisance), pourrait amener les élèves à adopter un comportement handicapant.

Concernant l’élève en particulier, il semble important de préciser que les élèves ont tendance à attribuer leur échec au manque d’effort, plutôt qu’à l’enseignant, à la chance ou à l’intelligence. Dweck (1989) relève dans ses recherches un aspect encourageant de cette analyse, car « si les enfants attribuent leurs échecs à un manque d’efforts ou à l’utilisation de mauvaises stratégies, ils conservent l’espoir de réussir et demeurent persévérants dans la réalisation des activités » (Crahay, 2007, p.251), tout en ayant conscience que le contexte dans lequel se trouve l’élève est également déterminant pour sa réussite.

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3.3.2 Brève présentation de quelques recherches sur l’attribution causale

Différentes recherches établissent à quels facteurs les enseignants attribuent l’échec scolaire.

Ainsi, dans sa recherche, Burdevet (1994) montre que deux catégories de causes de l’échec sont prépondérantes, le climat/milieu familial et le manque de maturité, les enseignants interviewés attribuant l’échec scolaire à des causes internes à l’élève ou à des causes extrascolaires : « Les enseignants invoquent principalement des causes non scolaires pour expliquer leurs décisions de redoublement » (Crahay, 2007, p.152). De cette manière, quand un élève échoue, les enseignants ne se remettraient pas en cause, ni leur enseignement.

L’attribution de l’échec est ainsi externe à l’enseignant. Concernant plus spécifiquement le redoublement, « la croyance dans les bienfaits du redoublement est donc bien réelle, même s’ils spécifient des conditions essentiellement liées à la réactivité de l’élève et de son entourage social » (Marcoux & Crahay, à paraître).

Concernant une autre recherche, Byrnes (1990), cité par Crahay (2007), a montré que les enseignants attribuent l’échec à des causes liées au manque de maturité, à la faible estime de soi ou encore à une baisse de la motivation. Les difficultés didactiques liées aux apprentissages paraissent beaucoup moins importantes pour expliquer l’échec d’un élève.

Crahay (2007) relève que « les difficultés d’apprentissage ne sont qu’une composante parmi d’autres de l’échec » (p.133).

Par ailleurs, l’enquête de Pini (1991) auprès des enseignants genevois a également montré comment les enseignants expliquent l’échec. Il a mis en évidence que les enseignants attribuent l’échec de l’élève à des facteurs extrascolaires face auxquels l’école ne peut rien faire. Par rapport à l’échec scolaire, l’enseignant ne semble pas « considérer le redoublement comme un échec de son propre enseignement et, d’autre part, que cette mesure ne constitue pas à ses yeux une forme d’injustice dont l’élève serait en quelque sorte la victime » (Pini, 1991, p.263). Un autre constat faisant suite à cette étude concerne une culture de l’échec et un parallèle avec l’idéologie de l’excellence, qui seront évoquées plus loin. En reprenant les études de Pini (1991), Crahay (2007) relève qu’« on peut supposer que les enseignants craignent que leurs collègues ne les blâment d’avoir eu la faiblesse de promouvoir un élève faible » (p.119). En conséquence, un enseignant peut être amené à considérer un élève en échec scolaire en prévoyant ses capacités à suivre l’enseignement de l’année suivante, plutôt que se concentrer sur ses acquis.

Références

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Genève : Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 2003, 248 p.

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