Énoncé
Soit α ∈ C. On dit que α est algébrique s'il existe un polynôme P ∈ Q [X ] non nul tel que P (α) = 0 . Un nombre complexe qui n'est pas algébrique est transcendant. Tous les espaces vectoriels de ce sujet sont des Q-espaces vectoriels.
Partie I. Le théorème de Liouville
Dans cette partie, α est un nombre algébrique réel irrationnel. On admettra que le déve- loppement décimal d'un nombre rationnel est périodique au delà d'un certain rang.
11. Montrer qu'il existe P ∈ Z [X ] non nul et sans racine rationnelle tel que P(α) = 0 . On xe un tel P et on appelle d son degré. On note aussi
M α = sup
[α−1,α+1]
|P
0|
2. Soit (a k ) k≥1 une suite de chires, i.e. a k ∈ {0, 1, · · · , 9} . On suppose que cette suite n'est pas constamment nulle à partir d'un certain rang.
a. Soit m et n entiers tels que m > n . Montrer que
m
X
k=n+1
10
−k!< 10
9 10
−(n+1)!b. Montrer que la suite (s n ) n≥1 où s n =
n
X
k=1
a k 10
−k!est convergente. On note s sa limite.
c. Préciser les 720 premières décimales de s . Ce nombre est-il rationnel ? 3. Théorème de Liouville. Montrer que pour tout nombre rationnel r :
|r − α| ≥ C α q d lorsque C α = min(1, M 1
α
) et r = p q avec p ∈ Z et q ∈ N
∗(minorer q d P
p q
).
4. Montrer que le nombre s est transcendant. On pourra raisonner par l'absurde et ma- jorer et minorer s m − s n avec n assez grand bien choisi.
1
voir l'élément de cours périodicité du développement dans une base
Partie II. Le théorème de l'élément primitif
1. Montrer que α est algébrique si et seulement si il existe un entier p tel que la famille (1, α, · · · , α p ) est liée.
2. Soit α algébrique irrationnel et d le plus petit des entiers p tels que la famille (1, α, · · · , α p ) soit liée. On dira que d est le degré de α . On note
Q [α] = Vect(1, α, · · · α d−1 ) a. Montrer que (1, α, · · · , α d−1 ) est une base de Q [α] . b. Montrer que α n ∈ Q [α] pour tout entier naturel n . c. Montrer que α
−1∈ Q [α] .
d. Montrer qu'il existe un unique P ∈ Q [X ] unitaire et irréductible tel que P (α) = 0 . Quel est son degré ?
3. Soit α algébrique de degré p et β algébrique de degré q .
On note Q [α, β] le sous-espace vectoriel engendré par les α m β n avec m entier entre 0 et p − 1 et n entier entre 0 et q − 1 . Montrer que
∀l ∈ N : (α + β ) l ∈ Q [α, β] , (αβ) l ∈ Q [α, β]
En déduire que α + β et αβ sont algébriques.
Partie III. Transformation de Tchirnhaus
On rappelle que deux polynômes ont une racine commune (dans C) si et seulement si ils ne sont pas premiers entre eux.
Soit P et Q deux polynômes à coecients rationnels. Pour tout nombre complexe s , on désigne par Q s le polynôme obtenu à partir de Q en substituant s − X à X dans Q . Soit
Q s = Q(s b − X ) = Q ◦ (s − X ) 1. Exemple.
Soient P = X 2 + X + 1 et Q = X 2 − 2 . Donner une condition nécessaire et susante portant sur s pour que P et Q s aient une racine en commun.
2. Cas général.
On admet que la condition assurant que P et Q s ont une racine en commun s'écrit C(s) = 0 où C est un polynôme. Quelles sont les racines de C ?
3. Application.
Former un polynôme irréductible dans Q [X ] à coecients entiers dont j + √ 2 est racine. Former un polynôme irréductible dans Q [X ] à coecients entiers dont √
3 + √
2
est racine.
Partie IV. Problème de Routh-Hurwitz
On désigne par H l'ensemble des nombres complexes dont la partie réelle est négative ou nulle. On dira qu'un polynôme non nul et à coecients réels est positif lorsque tous ses coecients sont positifs ou nuls. On dira qu'un polynôme à coecients réels ou complexe est stable lorsque toutes ses racines sont dans H .
On considère une famille de n nombres complexes (z 1 , z 2 , · · · , z n ) . Elle dénit deux po- lynômes
A =
n
Y
i=1
(X − z i ) S A = Y
(i,j)∈{1,··· ,n}
2(X − z i − z j )
1. Quel est le degré de S A ? Si A est à coecients réels, en est-il de même pour S A ? 2. Montrer que H est stable par addition.
3. Montrer que l'ensemble des polynômes positifs est stable par multiplication.
4. Montrer qu'une éventuelle racine réelle d'un polynôme positif est forcément négative ou nulle.
5. (Cours) Quels sont les polynômes irréductibles de R [X] ? Montrer qu'un polynôme de R [X] unitaire, irréductible et stable est positif.
6. Montrer que tout diviseur d'un polynôme stable est stable.
7. Montrer que si A et S A sont positifs et à coecients réels alors A est stable.
8. Montrer que si A est stable et à coecients réels alors A et S A sont positifs.
9. Expliquez la suite des calculs à eectuer pour déterminer pratiquement si un polynôme à coecients complexes est stable.
Corrigé
Partie I. Le théorème de Liouville
1. Comme α est algébrique, il existe un polynôme P 1 ∈ Q [X ] tel que P ˜ 1 (α) = 0 . En divisant au besoin par tous les X − r où r décrit l'ensemble des éventuelles racines rationnelles de P 1 , on obtient un polynôme P 2 à coecients dans Q et sans racine rationnelle et dont α est racine. En multipliant par un multiple commun à tous les dénominateurs des coecients de P 2 , on obtient un polynôme P avec les mêmes pro- priétés que P 2 relativement aux racines mais à coecients dans Z.
2. a. La somme est formée par certaines puissance de 10 1 , celles dont l'exposant est une factorielle. L'idée est de majorer en ajoutant toutes les puissances qui manquent.
m
X
k=n+1
10
−k!< 10
−(n+1)!+ 10
−(n+1)!−1+ 10
−(n+1)!−2+ · · · + 10
−m!< 10
−(n+1)!1 − ( 10 1 ) m!−(n+1)!
1 − 10 1 < 10
−(n+1)!1
1 − 10 1 = 10
9 10
−(n+1)!b. La suite est clairement convergente, en majorant chaque a k par 9 et en utili- sant l'inégalité précédente, on obtient qu'elle est majorée par 1. Elle est donc convergente.
c. On remarque que 720 = 6! , les décimales d'ordre 1,2,3,6,24,120,720 valent 1, toutes les autres valent 0. L'intervalle entre deux 1 augmente toujours strictement, la suite des décimales ne peut donc pas être périodique, même au bout d'un certain rang. Le nombre est donc irrationnel.
3. Il y a deux idées dans cette démonstration : le théorème des accroissements nis appli- qué à la fonction polynomiale P entre α et r et le fait que comme P est à coecients entiers et de degré d
q d P ˜ ( p q ) ∈ Z Lorsque r = p q ∈ [α − 1, α + 1] :
|P (r)| = |P(r) − P (α)| ≤ |r − α|M α
On en déduit
|r − α| ≥ 1 M α
|P (r)| ≥ 1
M α q d |q d P( p
q )| ≥ 1
M α q d
car q d P ( p q ) est un entier non nul ( P n'a pas de racine rationnelle).
Dans le cas où |r − α| ≥ 1 , il est évident que
|r − α| ≥ 1 ≥ 1 q d donc dans tous les cas
|r − α| ≥ 1 ≥ C α q d où C α = min(1, M 1
α