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Article pp.491-522 du Vol.20 n°4-5 (2000)

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Texte intégral

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Les mots évoquent-ils des saveurs ?

Une comparaison entre étudiants de France, du Vietnam et des USA

François SAUVAGEOT1, Dung HOANG NGUYEN, Dominique VALENTIN

SUMMARY Do words evoke taste feelings? A comparison between French, American and Vietnamese students.

French students (150), American students (150) and Vietnamese students (180) participated in two successive tests to study whether certain words would eli- cite taste evocations. The first test was a free association test: Subjects had to write down on a sheet of paper what came spontaneously to their mind when reading a given word. The second test was a test of directed association: Sub- jects had to estimate numerically the association between a series of words and each of the four tastes: sweet, sour, salt and bitter. The results show considerable differences between the three groups of subjects, even though the general structural organization of the four tastes is somewhat similar for all groups. For example, the word strawberry is associated only very slightly with the taste sweet for French subjects whereas it is associated very strongly with sweet for American subjects: it obtains a score comparable with the word honey. For Vietnamese subjects, this word is also associated strongly with sweet, but even more with acid. These results can be explained by differences in both food behavior and life experience. The results also can explain why cer- tain interactions between odors and tastes appear in one culture but not in another.

Key-words: taste, odour, cross-culture differences, identification, association, evocation.

Résumé

Des étudiants de France (150), des États-Unis d’Amérique (150) et du Vietnam (180) ont participé à deux épreuves successives destinées à étudier si certains mots étaient ou non associés à des évocations renvoyant à des sensations ou à des expériences gustatives. La première était une épreuve d’association libre : les sujets avaient seulement à écrire sur une feuille ce que leur évoquait spontanément le mot à sa lecture. La seconde était une épreuve d’association

1. Ingénierie moléculaire et sensorielle de l’aliment, Ensbana, Université de Bourgogne, 1 Esplanade Erasme, Campus universitaire, 21000, Dijon, France.

Correspondance

Francois.Sauvageot@u-bourgogne.fr

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dirigée : les sujets avaient à indiquer par une note comment ils associaient le mot à chacun des quatre termes : sucré, salé, acide et amer. Les résultats montrent des différences considérables entre les trois groupes de sujets, même si l’organisation générale en fonction des quatre saveurs présente un certain nombre de ressemblances. Par exemple, pour les Français, le mot fraise est très faiblement associé au goût sucré alors qu’il l’est très fortement pour les Américains puisqu’il obtient un score comparable au mot miel ; pour les Vietnamiens, ce mot est associé fortement à sucré, mais encore plus à acide. Ces différences s’expliquent très certainement par des différences dans le comportement alimentaire et les pratiques de vie. Elles peuvent expliquer pourquoi certaines interactions entre odeurs et saveurs peuvent jouer dans une culture et non dans une autre.

Mots clefs : saveur, odeur, différences interculturelles, association, évocation.

1 - INTRODUCTION

Un certain nombre de travaux (e.g. FRANKet BYRAM, 1988 ; SCHIFFERSTEINet VERLEGH, 1996 ; CLARKet LAWLESS, 1994) ont montré que l’addition d’un arôme comme l’arôme de fraise à un échantillon développant une saveur sucrée aug- mentait la sucrosité de l’échantillon mis en en bouche : les notes d’intensité sucrée données par les sujets étaient plus élevées quand l’arôme était présent que lorsqu’il était absent. Ce phénomène n’était pas observé avec tous les composés d’arôme (par exemple, il n’était pas observé avec la cacahuète, l’anis, le chocolat) ni dans toutes les conditions (par exemple, il disparaissait quand les sujets devaient noter non seulement la sucrosité des échantillons, mais également leur intensité aromatique). L’une des explications, la plus fré- quemment avancée, pour rendre compte de ces phénomènes renvoie à un phé- nomène d’association cognitive (PRESCOTT, 1999) : dans notre vie de tous les jours, certaines odeurs sont présentes naturellement dans des produits déve- loppant une saveur sucrée, de sorte que nous avons appris à associer, souvent à notre insu, ces odeurs à la saveur sucrée. Il est alors logique que, lorsque l’on nous demande, dans une situation de laboratoire, de noter l’intensité sucrée d’un produit développant cette odeur, nous augmentions notre réponse d’inten- sité par un phénomène inconscient d’association. Mais ce phénomène ne sera pas observé si notre comportement alimentaire ne nous a pas habitués à cette association ou si le protocole expérimental nous conduit à dissocier saveur et odeur, comme lorsque les deux composantes gustative et aromatique doivent être évaluées sur deux échelles différentes.

L’étude qui suit est née de la difficulté rencontrée par l’un d’entre nous (DUNG HOANG NGUYEN) à retrouver les résultats précédents lorsqu’il a cherché à répéter les expériences de ces auteurs avec, comme sujets, des étudiants fran- çais : l’addition de l’arôme de fraise n’augmentait pas l’intensité sucrée de manière aussi intense et aussi systématique que les auteurs le rapportaient dans leurs publications. Comme ces derniers avaient travaillé avec des étu- diants américains, nous avons voulu vérifier si l’hypothèse, selon laquelle les différences observées pourraient s’expliquer par une association moins forte entre l’odeur de fraise et la saveur sucrée pour les étudiants français que pour

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les Américains, était recevable. Le postulat à la base de cette étude est que l’association sémantique est nécessaire à l’interaction psychophysique, c’est-à- dire qu’il faut, pour que l’odeur de fraise puisse augmenter la réponse d’inten- sité sucrée, qu’il existe déjà une association sémantique entre les deux concepts fraise et sucré.

Figure 1

Un exemple du « modèle d’activation progressive » emprunté à COLLINSetLOFTUS(1975)

Example of a spreading activation model in which the length of each line (link) represents the degree of association between two concepts

(from COLLINSandLOFTUS, 1975)

Le modèle d’association sémantique, connu sous le nom de « modèle d’ac- tivation progressive » (spreading activation model) est dû à COLLINSet LOFTUS (1975). Selon ce modèle, les concepts sont reliés entre eux sous forme d’un réseau. La distance entre deux concepts est une mesure du degré d’associa- tion sémantique entre les concepts. Un exemple emprunté à COLLINSetLOFTUS (1975) est donné figure 1. Le concept voiture de pompiers est associé fortement aux concepts ambulance, autocar, camion, plus faiblement au concept automo- bile et encore plus faiblement au concept rue. Il est également associé très for-

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tement à feu, maison et à rouge. Ce concept rouge est, lui même, associé éga- lement très fortement à certaines couleurs comme orange, jaune et vert ainsi qu’à certains concepts qui possèdent en commun cette couleur rouge, comme cerise et fraise ; mais cette association est plus faible qu’avec les couleurs. Plus la distance entre deux concepts est faible, plus les deux concepts peuvent être considérés comme typiques l’un de l’autre. Ainsi, dans l’exemple de COLLINSet LOFTUS (1975), automobile et autobus sont plus typiques du concept véhicule que ne le sont ambulance ou voiture de pompiers. Le modèle d’activation pro- gressive implique que, lorsqu’un sujet « récupère » une information concep- tuelle en mémoire sémantique, une activation se propage tout au long du réseau auquel participe ce concept, mais avec une efficacité qui diminue à mesure qu’on s’éloigne du concept initiateur. Par exemple, la présentation du mot rouge activera très fortement et très rapidement les concepts comme orange et feu, mais moins fortement et moins rapidement les concepts coucher de soleil et roses (la fleur). Bien évidemment, la constitution de ce réseau et la force des liens entre concepts sont liées aux expériences antérieures de l’indi- vidu. L’exemple présenté figure 1 ne s’applique pas à un lapon ou à un habitant de la forêt amazonienne.

Comme d’autres associations que l’association « fraise-saveur sucrée » nous intéressaient, l’étude qui suit a porté, non pas sur un seul mot (le mot fraise), mais sur 38 mots. Elle a été également élargie à un troisième groupe d’étudiants : les étudiants vietnamiens, du fait de la nationalité de l’un des signataires de cet article (DUNG HOANG NGUYEN) et des différences de compor- tement alimentaire suspectées entre ces étudiants et les étudiants français ou américains. De plus, deux protocoles ont été mis en œuvre : un protocole d’as- sociation libre (les sujets étaient invités à écrire sur une feuille ce que leur évo- quait spontanément la lecture d’un mot) et un protocole d’association dirigée (les sujets étaient invités à indiquer comment ils associaient à un mot les quatre saveurs réputées fondamentales : les saveurs sucrée, acide, amère et salée).

2 - MATÉRIEL ET MÉTHODES

2.1 La collection de mots présentés

Elle comporte 38 mots (tableau 1). Trente proviennent du « loto des odeurs » commercialisé par la société Sentosphère (59, bd du Général Valin, 75015 Paris) ; leur intérêt est qu’ils ont un « répondant physique », facile à se procurer, même si ces mots peuvent apparaître spécifiquement « français » du fait qu’ils correspondent à un produit conçu et développé en France. Les huit autres pro- viennent des travaux effectués par les différents auteurs qui ont travaillé sur l’in- fluence potentielle d’un stimulus olfactif sur la sensation gustative.

2.2 Les sujets

Cent cinquante étudiants de l’Ensbana (France), 180 étudiants de l’Institut Polytechnique de Hanoi (Vietnam) et 150 membres de l’université de Purdue (de l’état d’Indiana dans le nord des États-Unis) ont participé à cette étude (entre

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septembre 1997 et décembre 1997 pour les étudiants français, en août et sep- tembre 1998 pour les étudiants vietnamiens et entre juin et août 1999 pour les sujets américains).

Du fait de la présence de 12 non-étudiants (membres du personnel de l’uni- versité de Purdue), la dispersion de l’âge du groupe des américains (18 à 35 ans) est plus élevée que celle des français (20 à 23 ans) et vietnamiens (20 à 25 ans). De plus, le nombre de femmes est plus élevé dans le groupe des français (ratio H/F : 0,36) alors que le phénomène inverse est observé pour le groupe des vietnamiens et des américains (ratio H/F égal respectivement à 1,20 et 1,68). En revanche, toutes les personnes qui ont participé à l’étude étaient nées dans le pays auquel elles ont été affectées et y avaient vécu de façon prolon- gée, sinon exclusive.

La très grande majorité des personnes ayant participé à cette étude sont donc des étudiants ; c’est pourquoi cette mention est indiquée dans le titre du présent article. Toutefois, pour alléger le texte, nous la supprimerons dans la suite de cet article et nous parlerons de Français, de Vietnamiens et d’Améri- cains. Cette dernière appellation est à l’évidence un raccourci osé (parce que non-représentatif du concept usuel).

2.3 Les épreuves

Tous les sujets ont effectué successivement deux épreuves : d’abord une épreuve d’association libre, puis une épreuve d’association dirigée (avec un temps de repos de 5 min entre les deux épreuves).

Tableau 1

Liste des 38 mots utilisés et origine Table 1

List and source of the 38 used words

Abricot* (Loto) Eucalyptus (Loto) Miel* (Loto)

Amande* (SHAFFERetFRANK, 1990) Feuillage (Loto) Muguet (Loto) Ananas* (Loto) Fleur d’oranger (Loto) Noisette* (Loto) Anis* (GILLAN, 1983) Fraise* (Loto) Noix de coco* (Loto)

Banane* (Loto) Herbe (Loto) Orange* (BURDACHetDOTY, 1987)

Biscuit* (Loto) Kiwi* (VILLANUEVA, 1997) Pamplemousse* (Loto) Cacahuète* (FRANKetBYRAM, 1988) Lait* (Loto) Pêche* (CLIFFetNOBLE, 1990) Café* (FRANKet al., 1993) Lavande (Loto) Pin (Loto)

Cassis* (Loto) Lilas (Loto) Pomme* (Loto)

Cerise* (JOHNSONet al., 1982) Mandarine* (Loto) Rose (Loto)

Chèvrefeuille (Loto) Melon* (Loto) Vanille* (Loto)

Chocolat* (Loto) Menthe* (Loto) Violette (Loto)

Citron* (Loto) Mer (Loto)

* : mots renvoyant à un comportement de consommation alimentaire (words referring to a food beha- viour).

* Loto: Loto des odeurs (SENTOSPHÈRE, Paris).

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2.3.1 L’épreuve d’association libre

Dans cette épreuve, les instructions étaient les suivantes :

Nous allons vous présenter successivement un certain nombre de termes.

Pour chaque terme, nous vous posons la question suivante :

« À quoi pensez-vous quand vous lisez ce terme ? »

Pour bien comprendre ce que nous vous demandons, voici un exemple.

Lorsque l’on demande à un vietnamien à quoi il pense quand on lui présente le mot « Française », il répond souvent « belle » et/ou « grande » alors qu’il répond

« petit » et/ou « pauvre » quand on lui présente le mot « Vietnamien » et qu’il répond « agressif » quand on lui présente le mot « Américain ».

Vous pouvez donc donner plusieurs réponses. Et comme nous vous deman- dons de répondre spontanément, c’est-à-dire d’indiquer ce qui vient immédiate- ment à votre esprit quand vous prenez connaissance du mot qui vous est proposé, la forme de réponse est totalement libre : un mot, deux mots, trois mots, un fragment de phrase, une phrase entière, plusieurs phrases (exception- nellement… nous n’attendons pas une dissertation !).

2.3.2 L’épreuve d’association dirigée

Dans cette épreuve d’association dirigée, les instructions étaient les sui- vantes :

Dans ce questionnaire, nous allons vous proposer à nouveau un certain nombre de termes ; mais nous allons maintenant vous demander comment vous les associez à chacun des quatre termes suivants : sucré, salé, acide et amer en leur attribuant une note comprise entre 0 et 10

avec : 0 : ce terme n’est pas du tout, pour moi, associé avec sucré (ou salé, acide ou amer)

10 : ce terme est spontanément, pour moi, associé avec sucré (ou salé, acide ou amer).

Et le questionnaire ajoutait : Donc, dans une ligne, la première association qui vous vient à l’esprit doit avoir la note la plus élevée de la ligne et les autres associations une note inférieure, qui peut ou non être égale à 0. Toutefois cette consigne n’a pas toujours été bien comprise : la note la plus élevée a parfois été associée à deux saveurs.

2.4 Le déroulement d’une séance

Pour l’épreuve d’association libre, le sujet recevait un carnet de 40 pages (non numérotées). La première page comportait trois questions : une question sur le sexe, une question sur l’âge et une question sur l’heure de début de pas- sation. Les 38 pages suivantes comportaient, chacune, un mot, l’ordre des mots étant aléatoire et différent selon les sujets. La dernière page comportait une question sur l’heure de fin de passation du questionnaire.

La durée de passation de l’épreuve n’était donc pas fixée. Toutefois, les ins- tructions écrites comportaient la phrase suivante : Comme nous aimerions connaître vos réponses spontanées, nous souhaitons que vous répondiez rapidement. À titre d’indication, une durée de l’ordre de 20 secondes pour chaque question nous semble être une durée moyenne tout à fait normale pour

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la plupart d’entre vous. Mais il est possible que certains soient beaucoup plus rapides ou beaucoup moins rapides. Les instructions écrites (reprises égale- ment par oral) stipulaient que les sujets étaient obligés d’écrire au moins un mot sur chaque page : Il n’est pas possible de ne pas répondre au moins par un mot : tous les termes qui vont vous être présentés vous évoquent nécessaire- ment quelque chose ! De plus, le retour sur une page déjà remplie n’était pas accepté.

Pour l’épreuve d’association dirigée, les sujets recevaient une feuille com- portant en ligne les 38 mots et en colonne les quatre saveurs. L’ordre des mots était différent selon les sujets ; en revanche, l’ordre des quatre saveurs était le même pour tous les sujets : sucré, acide, salé et amer (de gauche à droite).

La passation des questionnaires a été assurée, pour les sujets français, par le troisième auteur de l’article (Dominique VALENTIN) à l’occasion de cours de communication qui réunissaient entre 15 et 20 étudiants. Celle des sujets viet- namiens a été assurée par le deuxième auteur (DUNG HOANG NGUYEN), égale- ment sur le lieu d’enseignement des étudiants, mais à l’occasion de cours de technologie alimentaire qui réunissaient entre 30 et 40 étudiants. Les sujets américains ont été interrogés à leur domicile par deux étudiantes de l’Ensbana alors qu’elles effectuaient leur mémoire de recherche de deuxième année d’in- génieur Ensbana (dans un tout autre domaine) à l’université de Purdue : Peggy WALTERet Marie LAURENT.

Pour l’épreuve d’association libre, les questionnaires présentés aux sujets étaient, hormis la langue, identiques pour les trois groupes ; toutefois, pour le groupe des américains, le fragment de phrase : il répond agressif quand on lui présente le mot américain avait été supprimé. Pour l’épreuve d’association diri- gée, les exemples de réponse ont différé selon les trois groupes. Les sujets français ont reçu, par écrit, le texte suivant : Supposons, par exemple, que nous vous proposions le mot Lamartine, il est possible que certain d’entre vous asso- cient spontanément à ce poète romantique le terme sucré alors que d’autres lui associeront spontanément le terme acide et/ou amer. Mais il est possible aussi que ce mot n’ait aucun sens particulier pour vous et que même sa phonétique (sa musique !) n’évoque rien pour vous : dans ce cas là (que nous pensons très peu fréquent), vous ne nous indiquerez aucune association. Pour les étudiants vietnamiens les exemples donnés oralement ont été empruntés aux grands évé- nement de la vie (« la vie et l’amour sont souvent considérés spontanément comme sucrés alors que la mort est souvent considérée comme amère » ; pour les Américains ils ont été empruntés au domaine des légumes (« les tomates sont souvent considérées comme sucrées et les brocolis comme amers »).

2.5 Le dépouillement des réponses 2.5.1 Le questionnaire libre

Tous les 38 mots ont été l’objet d’un dépouillement identique. Toutefois, dans cet article, nous nous intéresserons essentiellement aux 26 mots ren- voyant à une consommation alimentaire familière pour un étudiant français, c’est-à-dire aux mots susceptibles d’identifier un produit ou un élément d’un produit faisant partie de l’univers alimentaire d’un étudiant ; ces mots sont indi- qués dans le tableau 1 par un astérisque. Ces 26 mots peuvent être classés en deux catégories selon qu’ils identifient explicitement un produit alimentaire

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comme biscuit ou café ou qu’ils identifient un arôme largement utilisé dans la fabrication de certaines boissons ou la préparation de certains plats comme anis et vanille. On remarquera que la classe des fruits est particulièrement bien représentée (17 représentants dont 3 pour la classe fruits secs).

Bien que le choix de ces 26 mots ait été effectué au vu du comportement de l’étudiant français, il semble que ces 26 mots renvoient également, dans leur ensemble, à une consommation familière pour un étudiant vietnamien ou améri- cain, à l’exception peut-être du mot anis.

Le dépouillement a consisté à relever, par ordre d’apparition, chacun des seg- ments de réponse indiqués par un sujet sur la feuille qui lui avait été remise. Par

« segment », nous entendons tout mot ou ensemble de mots pouvant être consi- dérés comme apportant une seule information. Par exemple, la réponse odeur d’ananas a été considérée comme une information et non comme deux informa- tions : odeur et ananas ; il en a été de même pour la réponse abeille qui butine ou encore des abeilles qui butinent. Pour la grande majorité des sujets, les segments étaient formés d’un seul mot et ils étaient séparés par une virgule ou un tiret, par- fois par un point d’exclamation. Dans un second temps, les segments donnant la même information (par exemple : abeille, abeilles, abeille qui butine, abeilles buti- nant…) ont été regroupés et un dénombrement a été effectué pour chaque nou- veau segment (abeille dans l’exemple précédent) ; une distinction a été faite selon que le dénombrement était effectué sur les citations données en position 1 et sur les citations données quelle que soit leur position. Pour les Français, ce regroupe- ment n’a posé généralement aucune difficulté, à l’exception toutefois de deux ambiguïtés concernant les citations à connotations gustatives. La première avec le mot « amande » pour lequel l’adjectif amer a été utilisé au masculin par certains sujets et au féminin par d’autres ; or il est possible que la forme au masculin ren- voie à la saveur (amère) alors que la forme au féminin renvoie à une dénomination (amande amère). La seconde avec le mot « miel » où certains sujets ont utilisé l’ad- jectif sucré et d’autres le substantif sucre ; or il est possible que l’adjectif renvoie à la saveur (sucrée) et le substantif au morceau de sucre. Toutefois, dans ces deux cas, nous avons rapporté les deux réponses à la même classe (amère ou sucrée).

Pour les étudiants vietnamiens et américains, le dépouillement a été effectué dans la langue d’origine. La traduction en langue française a été effectuée après regroupement des segments voisins dans une même classe ; ce regroupement n’a jamais posé de problème, tout au moins concernant les évocations de nature gustative. Pour les étudiants américains, le terme « sweet » a été traduit par sucré, bien qu’il ait également une connotation de doux et d’agréable (sea is sweet and salty !). À signaler que, dans un certain nombre de cas, les sujets américains, à la différence des sujets français ou des sujets vietnamiens, ont répondu par une marque (par exemple : Chiquitta pour le mot banane, Juan Val- dez pour café, Hershey pour chocolat. Toutefois, l’accord entre les sujets n’a pas été tel que cette marque vienne spontanément en tête des évocations, comme le montre le tableau 3 où elle n’apparaît pas.

2.5.2 Le questionnaire dirigé

Pour chaque mot, les notes données par un sujet à chacune des quatre saveurs ont été transformées en rangs (avec le rang 1 pour la saveur ayant obtenu la note la plus élevée et le rang 4 pour la saveur ayant obtenu la note la plus faible). En cas d’ex æquo, le rang moyen a été attribué de manière à ce

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que la somme des rangs soit toujours égale à 10. Puis le dénombrement des rangs 1, 2, 3 et 4 (ainsi que les rangs 1,5, 2,5 et 3,5) a été effectué.

Pour la comparaison des résultats obtenus avec le questionnaire dirigé avec ceux du questionnaire libre, les réponses en rang 1 (au sens strict, c’est-à-dire que les ex aequo ne sont pas pris en compte) ont été privilégiées ; celles-ci nous ont semblé en effet les plus pertinentes et les plus spontanées, donc potentiellement les plus proches des réponses obtenues par association libre.

2.6 L’interprétation statistique

Les résultats ont été soumis à une analyse du χ2et à une Analyse Factorielle des Correspondances (A.F.C.) effectuée à l’aide du logiciel SPAD version 3 (1 av. Herbillon, 94160 Saint-Mandé).

Du fait même de sa nature, l’épreuve d’association libre conduit souvent à des réponses peu consensuelles. Pour faciliter la lecture des tableaux, nous avons posé qu’une association pouvait être considérée comme « saillante » dès lors qu’elle était donnée par 5 % des sujets en position 1 ou par 10 % des sujets, toutes positions prises en compte, soit respectivement 8 et 15 citations pour 150 réponses (étudiants français et américains) et 9 et 18 citations pour 180 réponses (étudiants vietnamiens).

Inversement, les épreuves d’association dirigée conduisent plutôt à des réponses très consensuelles, de sorte que, là encore pour faciliter la lecture des tableaux, nous avons posé qu’une association pouvait être considérée comme

« saillante » quand 80 % des sujets au moins la plaçait en rang 1 au sens strict.

Toutefois, par rapport au questionnaire libre, la notion d’association saillante, telle qu’elle vient d’être définie, présente, dans le cas du questionnaire dirigé, deux caractéristiques particulières : 1°) un mot ne peut être associé qu’à une seule saveur saillante ; 2°) dès lors que plus de 20 % des sujets attribuent à un mot une note plus élevée à une saveur différente de celle choisie par les autres sujets, aucune association ne pourra être saillante.

3 - RÉSULTATS

3.1 L’association libre

Aucune différence de durée dans les réponses n’a été observée entre les groupes : les Français ont mis en moyenne 11,56 min (écart type : 3,68), les Amé- ricains 13,88 min (e. t. : 5,95) et les Vietnamiens 11,61 min (e. t. : 3,75). Les ins- tructions conseillaient une durée de l’ordre de 20 s par mot, soit un peu moins de 13 min pour 38 mots. La durée légèrement plus élevée pour les Américains s’ex- plique sans doute par le fait que ceux-ci n’ont pas travaillé en groupe et qu’ils n’ont donc pas été soumis à une certaine stimulation sociale. Elle n’est pas due à une production plus importante de mots : les sujets les plus « productifs » ont été les Français avec une moyenne de 2,85 associations par sujet et par mot (e. t. : 0,36) ; ils sont suivis par les Vietnamiens (moyenne : 2,06 ; e. t. : 0,33) ; les Améri- cains arrivent bons derniers avec 1,78 associations (e. t. : 0,14).

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3.1.1 Les étudiants français

Les résultats sont donnés, mot par mot, dans le tableau 2 pour les évoca- tions en position 1 et pour les évocations toutes positions confondues. Compte tenu de l’objet de cet article, les évocations concernant les saveurs ont été pri- vilégiées ; c’est pourquoi chacune des quatre saveurs possède sa propre colonne où est donné le nombre de sujets ayant cité cette saveur. Pour per- mettre au lecteur une comparaison immédiate, nous avons également ajouté, dans une 5e colonne, le terme le plus souvent évoqué, accompagné, entre parenthèses, du nombre de citations de ce terme.

Deux cent soixante douze évocations renvoyant à une saveur sont données en position 1, soit une fréquence égale à 7,0 %. Cette valeur est faible ; en effet, tous les sujets ayant donné au moins une réponse pour chaque mot, elle signi- fie que 93 % des associations (total possible 26 ×150 = 3 900 réponses) ne renvoient pas à une saveur. La saveur la plus souvent évoquée est la saveur acide avec 107 citations ; elle est associée le plus à citron (37 citations), à pam- plemousse (30 citations) et à ananas (11 citations). Vient ensuite la saveur sucrée avec 80 citations ; elle est associée à miel (23 citations) et à vanille (12 citations). La saveur amère associée à amande (27 citations) et à pample- mousse (14 citations) arrive en 3eposition avec 65 citations. En dernière posi- tion, on trouve la saveur salée (20 citations), associée presque exclusivement à cacahuète (18 citations). L’association spontanée mot-saveur la plus élevée est donc observée pour citron : elle est donnée par un français sur quatre. Si l’on compare cette valeur avec celle observée pour les évocations ne renvoyant pas à une sensation gustative, les deux associations les plus fréquentes (un peu plus d’un français sur deux) concernent anis-pastis et miel-abeille (avec un nombre d’occurrences identique : 77). Puis viennent les associations caca- huète-apéritif (58 citations), lait-vache (56 citations) et noisette-écureuil (52 cita- tions). Trois autres associations dépassent encore l’association citron-acide : orange-jus (45), kiwi-vert (41), melon-été (39), sans compter une (nouvelle) asso- ciation où le mot citron est impliqué : l’association citron-jaune (41 citations).

Lorsque l’on prend en compte les évocations quelle que soit leur position, les conclusions sont à la fois identiques et différentes. Identiques en ce sens que la faible fréquence d’évocations spontanées pour les sensations gustatives est confirmée, même si elle passe de 7,0 % à 14,6 % (c’est-à-dire de 272 à 569 évo- cations), toujours pour un total possible de 3 900 réponses. Pour aucun mot, l’as- sociation n’atteint 50 %. L’association la plus élevée dans laquelle est impliquée une sensation gustative est toujours citron-acide (67 citations enregistrées pour 150 citations possibles, soit 45 % des sujets) ; elle est suivie de miel sucré et amande amer (52 citations) et de pamplemousse-acide (42 citations). De plus, les deux associations les plus fréquentes sont toujours miel-abeille et anis-pastis : elles sont données par deux français sur trois (100 et 99 citations) ; elles sont sui- vies également des associations cacahuète-apéritif (89), lait-vache (74), kiwi-vert (70), noisette-écureuil (69), orange-jus (69) et melon-été (55).

Différentes en ce sens que l’ordre respectif des quatre saveurs est modifié : la saveur la plus citée devient la saveur sucrée (avec 237 citations) : elle est associée au moins une fois à tous les mots, sauf au mot citron. La saveur acide arrive en seconde position (avec 174 citations). En revanche, l’ordre des deux autres saveurs n’est pas modifié. L’opposition concernant les saveurs sucrée et acide se traduit par des différences significatives au niveau du test du χ2quand

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on compare les deux distributions sucré, acide, salé, amer en position 1 et toutes positions confondues (χ2obs.= 12,31 pour 3 ddl, P < 0,01).

Par ailleurs, dix associations atteignent la barre des 10 % d’évocations pour pouvoir être considérées comme saillantes : sept possédaient déjà cette qualité quand on examinait les citations en position 1 : miel et vanille avec sucré, citron et pamplemousse avec acide, amande et pamplemousse avec amer et caca- huète avec salé. Perd cette qualité (pour une citation manquante) l’association ananas-acide ; mais la gagnent les quatre associations melon-sucré, kiwi-acide, biscuit-sucré et café-amer.

3.1.2 Les étudiants américains

Le nombre de citations (tableau 3) renvoyant, en position 1, à une saveur est légèrement plus élevé pour les étudiants américains que pour les étudiants fran- çais : 337 contre 272 ; cette différence est significative (χ2obs.= 6,73 pour 1 ddl, P < 0,01). Les Américains associent donc davantage une saveur aux mots pro- posés que les Français. Cette augmentation est due exclusivement à la saveur sucrée : le nombre d’associations entre un mot et sucré est un peu plus de deux fois plus élevé pour les Américains que pour les Français alors qu’on observe, au contraire, une diminution pour les trois autres associations, faible pour la saveur acide, forte pour la saveur amère et pour la sensation salée. La diminution observée pour la saveur amère n’est pas surprenante : l’association linguistique amande amère n’existe pas aux États-Unis ; pour la saveur salée, les faibles effectifs dénombrés invitent à une grande prudence. Ces différences dans les distributions observées pour les quatre saveurs conduisent à une valeur du χ2particulièrement élevée (χ2obs.= 90,05 pour 3 ddl, P < 0,0001).

Le plus grand nombre d’évocations sucré se traduit par une augmentation considérable d’associations saillantes impliquant cette saveur. Alors que pour les Français seulement deux associations atteignaient la valeur critique, pour les Américains neuf associations l’atteignent : deux associations sont communes avec les Français (miel (32) et vanille (18)) et sept sont spécifiques (les associa- tions avec fraise (31), chocolat (18), mandarine (15), pêche (14), biscuit (13), melon et kiwi (9)). Pour l’évocation acide, les deux associations saillantes pour les Français : citron (57) et pamplemousse (34) sont retrouvées, mais non l’as- sociation ananas-acide. Enfin, pour les évocations salé, l’association avec cacahuète reste saillante et, pour les citations amer, une nouvelle association est observée, en plus de celle avec pamplemousse : celle avec café (mais pour ce produit le nombre de citations amer est inférieur, pour les Français, d’une seule unité à la valeur critique).

Lorsque l’on prend en compte toutes les évocations, quelle que soit leur position de citation, le nombre d’évocations gustatives augmente, mais plus fai- blement que pour les Français de sorte que le nombre final de citations est plus bas pour les Américains (447 citations) que pour les Français (569 citations) : la fréquence croît de 8,6 % à 11,5 % pour les Américains alors qu’elle augmentait de 7,0 % à 14,6 % pour les Français. De plus, à la différence de ce qui avait été observé pour les Français, cette croissance n’entraîne pas de différences dans la distribution des évocations de saveur (χ2obs.= 0,75 pour 3 ddl, P = 0,86) : le nombre d’associations est multiplié par 1,20 pour la saveur acide, par 1,38 pour les saveurs sucrée ou salée et par 1,40 pour la saveur amère. La plus faible croissance du nombre de citations se traduit, logiquement, par un plus faible

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Tableau2 Nombre de citations évoquant une saveur pour les français (n =150) en fonction de la position. On a indiqué également la citation la plus fréquente avec, entre parenthèses, l’effectif. En caractère gras, les associations saillantes, c’est-à-dire les associations pour lesquelles le nombre de citations est au moins égal à 8 en position 1 ou à 15, toutes positions confondues (voir paragraphe1.2.5) Table 2 Number of quotations evoking a taste for French students and most frequent quotations (n =150) according to the order of quotation. The number in parentheses indicates the number of quotations. The most salient associations (i.e. those for which the number of quotations is at least 8 in first position and 15 in all positions) appear in bold face (cf §1.2.5) Position 1Toutes positions prises en compte MotSaveurCitation SaveurCitation sucréeacidesaléeamèrela plus fréquentesucréeacidesaléeamèrela plus fréquente Abricot211Fruit (32)711Fruit (40) Amande27Amer (27)152Amer (52) Ananas2111Fruit (33)9141Fruit (44) Anis11Pastis (77)312Pastis (99) Banane5Jaune (30)7Jaune (47) Biscuit62Quatre heures (33)163Quatre heures (44) Cacahuète18Apéritif (58)134Apéritif (89) Café17Noir (19)515Noir (36) Cassis43Kir (22)565Kir (50) Cerise3Rouge (32)9Rouge (53) Chocolat23Gourmand (22)118Noir (40) Citron372Jaune (41)676Jaune (68) Fraise6Rouge (20)13Rouge (43) Kiwi16Vert (41)8171Vert (70) LaitVache (56)1Vache (74) Mandarine71Noël (23)4132Orange (48)

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Tableau2 (suite) Nombre de citations évoquant une saveur pour les français (n =150) en fonction de la position. On a indiqué également la citation la plus fréquente avec, entre parenthèses, l’effectif. En caractère gras, les associations saillantes, c’est-à-dire les associations pour lesquelles le nombre de citations est au moins égal à 8 en position 1 ou à 15, toutes positions confondues (voir paragraphe1.2.5) Table 2 (continued) Number of quotations evoking a taste for French students and most frequent quotations (n =150) according to the order of quotation. The number in parentheses indicates the number of quotations. The most salient associations (i.e. those for which the number of quotations is at least 8 in first position and 15 in all positions) appear in bold face (cf §1.2.5) Position 1Toutes positions prises en compte MotSaveurCitation SaveurCitation sucréeacidesaléeamèrela plus fréquentesucréeacidesaléeamèrela plus fréquente Melon5Été (39)19Été (55) Menthe11Frais (34)31Frais (50) Miel23Abeille (77)52Abeille (100) Noisette11Écureuil (52)111Écureuil (69) Noix de coco4Iles (18)8Iles (34) Orange154Jus (45)584Jus (69) Pamplemousse33014Acide (30)44223Acide (42), Rose (42) Pêche3Fruit (28)10Fruit (42) Pomme3Vert (28)43Vert (44) Vanille12Glace (27)31Parfum (48) Somme80107206523717437121 S.saveurs272569

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Tableau3 Nombre de citations évoquant une saveur pour les américains (n =150) en fonction de la position. On a indiqué également la citation la plus fréquente avec, entre parenthèses, l’effectif. En caractère gras, les associations saillantes, c’est-à-dire les associations pour lesquelles le nombre de citations est au moins égal à 8 en position 1 ou à 15, toutes positions confondues (voir paragraphe1.2.5) Table 3 Number of quotations evoking a taste for Americans students and most frequent quotations (n =150) according to the order of quotation. The number in parentheses indicates the number of quotations. The most salient associations (i.e. those for which the number of quotations is at least 8 in first position and 15 in all positions) appear in bold face (cf §1.2.5) Position 1Toutes positions prises en compte MotSaveurCitationSaveurCitation sucréeacidesaléeamèrela plus fréquentesucréeAcidesaléeamèrela plus fréquente Abricot 53Fruit (34)93Fruit (37) Amande11Noix (27)22Noix (37) Ananas611Jus (15)1122Fruit (20), Jus (20) Anis21Réglisse (13)21Réglisse (15) Banane Jaune (40)1Jaune (52) Biscuit 13Pépite chocolat (26)17Pépite chocolat (31) Cacahuète 8Beurre (58)11Beurre (65) Café 111Fève (Bean, 13)114Matin (16) Cassis 3Noir (19)213Noir (21) Cerise21Rouge (26)42Rouge (35) Chocolat 18Sucré (18)31Sucré (31) Citron 1574Acide (57)1646Acide (64) Fraise 311Sucré (31)361Sucré (36) Kiwi9Vert (43)1411Vert (51) Lait11Vache (30)12Vache (40)

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Tableau3 (suite) Nombre de citations évoquant une saveur pour les américains (n =150) en fonction de la position. On a indiqué également la citation la plus fréquente avec, entre parenthèses, l’effectif. En caractère gras, les associations saillantes, c’est-à-dire les associations pour lesquelles le nombre de citations est au moins égal à 8 en position 1 ou à 15, toutes positions confondues (voir paragraphe1.2.5) Table 3 (continued) Number of quotations evoking a taste for Americans students and most frequent quotations (n =150) according to the order of quotation. The number in parentheses indicates the number of quotations. The most salient associations (i.e. those for which the number of quotations is at least 8 in first position and 15 in all positions) appear in bold face (cf §1.2.5) Position 1Toutes positions prises en compte MotSaveurCitationSaveurCitation sucréeacidesaléeamèrela plus fréquentesucréeAcidesaléeamèrela plus fréquente Mandarine 153Orange (34)204Orange (53) Melon 9Pastèque (35)10Pastèque (36) Menthe 2Frais (26)4Frais (34) Miel32Abeille (61)44Abeille (68) Noisette 2Café (62)21Café (66) Noix de coco 1Hawaï (15)2Hawaï (18) Orange 61Jus (35)82Jus (48) Pamplemousse 4349Acide (34)54012Acide (40) Pêche14Velouté (Fuzzy, 26)18Velouté (Fuzzy, 33) Pomme 4Rouge (50)9Rouge (60) Vanille 18Glace (64)18Glace (70) Somme1961038302701241142 S.saveurs337447

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nombre d’associations saillantes puisque cinq associations perdent cette qua- lité entre les citations en position 1 et les citations toutes positions confondues : les associations melon-sucré, cacahuète-salé, pamplemousse-amer, kiwi-sucré et café-amer, ces deux dernières associations étant inférieures seulement d’une seule unité à la valeur critique.

Les différences entre français et américains concernant la distribution du nombre de citations des quatre saveurs sont moins élevées quand on prend en compte toutes les citations enregistrées que lorsqu’on prend en compte seule- ment les citations données en position 1 ; mais elles restent encore très hautement significatives (χ2obs.= 51,22 pour 3 ddl, P < 0,0001, à comparer avec le χ2obs.pré- cédent égal à 90,05). Même si l’on néglige les différences concernant le mot amande (différences qui s’expliquent par l’utilisation, chez les Français, de l’ex- pression amande amère), des différences considérables sont observées au niveau des associations saillantes : pour les Américains, la cacahuète n’est pas salée, le kiwi n’est pas acide, le melon n’est pas sucré, le pamplemousse n’est pas amer ; pour les Français, le chocolat, la mandarine, la pêche et la fraise ne sont pas sucrés. Les points d’accord, outre le miel, concernent seulement le biscuit et la vanille (qui sont sucrés), et le citron et le pamplemousse (qui sont acides).

3.1.3 Les étudiants vietnamiens

Le tableau 4 montre que la fréquence d’une évocation de nature gustative en position 1 est au moins deux fois plus élevée pour les Vietnamiens que pour les Américains et pour les Français : 17,7 % contre 8,6 et 7,0 %. Cette augmen- tation est due aux citations acide, sucré et, mais plus faiblement, amer, mais non à la citation salé qui n’apparaît jamais en position 1. Pour la citation sucré, cette augmentation ne s’accompagne pas, par rapport au groupe américain, d’une augmentation notable d’associations saillantes puisque ce nombre est égal à 11 avec cinq associations déjà présentes chez les Américains (les asso- ciations avec miel, chocolat, biscuit, mandarine et fraise) et six associations nouvelles (avec orange, lait, banane, ananas, noix de coco et pomme). Pour la citation acide, en revanche, l’augmentation s’accompagne d’un nombre plus élevé de mots atteignant la valeur critique. Ce nombre, en effet, est égal à 8 (contre 2 pour les Américains) avec les mots citron et pamplemousse (en com- mun avec les Américains et les Français) et, dans l’ordre décroissant, les mots abricot, mandarine, orange, fraise, pomme et ananas.

Lorsque l’on prend en compte toutes les citations, le pourcentage d’évoca- tion d’une sensation gustative augmente de 17,7 % à 28,5 %. Cette augmenta- tion est due à un accroissement préférentiel de la citation sucré (celle-ci est multipliée par 1,83) par rapport à la citation acide (multipliée par 1,46) et amer (multipliée par 1,42). Onze associations avec sucré atteignent la valeur critique égale à 18 (10 l’atteignaient déjà pour les citations données en position 1, la 11eavec pamplemousse remplaçant l’association avec noix de coco). Neuf l’at- teignent avec acide (les mêmes que celles observées en position 1) et deux avec amer (également les mêmes que celles en position 1).

À la lecture de ces lignes, il est donc évident que, dans la culture vietna- mienne, les saveurs sont davantage associées spontanément aux mots propo- sés que dans les cultures américaine et française. Mais les associations saillantes observées chez les Français ou chez les Américains sont elles égale- ment saillantes chez les Vietnamiens ? La réponse serait plutôt négative pour

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les Français : sur les 10 associations saillantes observées chez les Français, quatre sont également retrouvées chez les Vietnamiens (biscuit et miel avec sucré ; citron et pamplemousse avec acide) mais six ne sont pas retrouvées (melon et vanille avec sucré ; kiwi avec acide, cacahuète avec salé ; café avec amer). En revanche la réponse serait plutôt positive pour les Américains : sur les 11 associations déclarées saillantes (en position 1 ou toutes positions confon- dues), huit sont retrouvées chez les Vietnamiens (biscuit, chocolat, fraise, man- darine et miel avec sucré ; citron et pamplemousse avec acide, café avec amer) et trois ne sont pas retrouvées (pêche et vanille avec sucré, kiwi avec acide).

3.2 L’association dirigée 3.2.1 Les étudiants français

La saveur la plus associée à un mot est la saveur sucrée (tableau 5) : elle obtient le rang 1 pour 66,4 % des réponses contre 12.0 % pour la saveur acide, 10.6 % pour la saveur amère et 5.4 % pour la saveur salée (la somme de ces pourcentages calculés sur 150 réponses est légèrement inférieure à 100 % : en effet, ces pourcentages sont calculés seulement sur les réponses de rang 1 strict, c’est-à-dire que les réponses des sujets donnant deux saveurs en rang 1 ne sont pas prises en compte, pour le calcul de la proportion, au niveau du numérateur alors qu’elles le sont au niveau du dénominateur). En d’autres termes, près de deux fois sur trois les sujets ont attribué à la saveur sucrée la note la plus élevée. Dans l’association libre, le nombre de citations sucré arrivait en tête (toutes positions de citations prises en compte) pour 15 mots sur 26.

Dans l’association dirigée, la saveur sucrée obtient la somme la plus élevée pour 21 mots ; font exception café et amande associés à amer, citron et pam- plemousse associés à acide et cacahuète associé à salé. L’association dirigée entraîne une modification dans le sens de la saveur sucrée pour ananas, cassis, kiwi, orange et mandarine (qui étaient acides) et pour noisette (qui était à la fois sucrée, acide et amère).

Dans ces conditions, il est logique que, sur les douze associations saillantes, dix concernent la saveur sucrée, une la saveur salée (cacahuète : 145) et une la saveur acide (citron : 140). Pour la saveur sucrée, le mot obtenant la somme la plus élevée est, logiquement, miel : il obtient la somme maximale possible : 150.

Il est suivi de banane, fraise et pêche (147), cerise (146), melon (145), vanille (143), noix de coco (134), abricot (132) et chocolat (126). Par rapport à l’asso- ciation libre, sept associations deviennent saillantes : banane, fraise, pêche, cerise, noix de coco et abricot contre une qui perd cette qualité (biscuit).

La figure 2a donne le premier plan factoriel d’une A.F.C. effectuée sur une matrice comportant huit colonnes (les quatre saveurs évoquées en association libre : sucré 1, acide 1, salé 1 et amer 1 et les quatre saveurs proposées en association dirigée : sucré 2, acide 2, salé 2 et amer 2) et 26 lignes (les 26 mots). Les valeurs introduites dans cette matrice sont le nombre d’évocations (tableau 2) et la somme des rangs 1 stricts (tableau 5). Pour cette analyse, les mots amande et cacahuète, compte tenu de leur spécificité « française » dans les deux expressions amande amère et cacahuète salée, ont été mis en élé- ments supplémentaires (non actifs) pour ne pas fausser les comparaisons ulté- rieures avec les graphes obtenus pour les deux autres groupes. Sur ce premier plan expliquant 82 % de l’inertie initiale, l’axe 1 oppose la sensation sucrée à la sensation acide. Les deux points acide sont proches l’un de l’autre, de même

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Tableau4 Nombre de citations évoquant une saveur pour les vietnamiens (n =180) en fonction de la position. On a indiqué également la citation la plus fréquente avec, entre parenthèses, l’effectif. En caractère gras, les associations saillantes, c’est-à-dire les associations pour lesquelles le nombre de citations est au moins égal à 9 en position 1 ou à 18, toutes positions confondues (voir paragraphe1.2.5) Table 4 Number of quotations evoking a taste for Americans students and most frequent quotations (n =180) according to the order of quotation. The number in parentheses indicates the number of quotations. The most salient associations (i.e. those for which the number of quotations is at least 9 in first position and 18 in all positions) appear in bold face (cf §1.2.5) Position 1Toutes positions prises en compte MotSaveurCitationSaveurCitation sucréeacidesaléeamèrela plus fréquentesucréeAcidesaléeamèrela plus fréquente Abricot 703Acide (70)49818Acide (98) Amande 62Sent bon (27)52Sent bon (39) Ananas 1313Sent bon (46)4225Sent bon (68) Anis1Sent bon (74)161Sent bon (85) Banane233Bon (26)423Sucré (42) Biscuit 27Sucré (27)51Sucré (51) Cacahuète Bùi(50)*:Légèrement gras et agréable au goûtBùi(66)* Café66Amer (66)6292Amer (92) CassisExotique (65)1Exotique (68) Cerise1Japon (31)3Japon (46) Chocolat 3513Sucré (35)4830Sucré (48) Citron 137Acide (137)152Acide (152) Fraise 1326Nourrissant (42)2634Rouge (51) KiwiExotique (81)31Exotique (86) Lait 26Sucré (26)423Sucré (42)

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Tableau4 (suite) Nombre de citations évoquant une saveur pour les vietnamiens (n =180) en fonction de la position. On a indiqué également la citation la plus fréquente avec, entre parenthèses, l’effectif. En caractère gras, les associations saillantes, c’est-à-dire les associations pour lesquelles le nombre de citations est au moins égal à 9 en position 1 ou à 18, toutes positions confondues (voir paragraphe1.2.5) Table 4 (continued) Number of quotations evoking a taste for Americans students and most frequent quotations (n =180) according to the order of quotation. The number in parentheses indicates the number of quotations. The most salient associations (i.e. those for which the number of quotations is at least 9 in first position and 18 in all positions) appear in bold face (cf §1.2.5) Position 1Toutes positions prises en compte MotSaveurCitationSaveurCitation sucréeacidesaléeamèrela plus fréquentesucréeAcidesaléeamèrela plus fréquente Mandarine253612Acide (36)5064Acide (64) Melon53Fruit (34)103Fruit (34) Menthe2Piquant (51)4Piquant (72) Miel105Sucré (105)134Sucré (134) NoisetteBùi (20)*1Bùi (56)* Noix de coco 131Frais (47)132Frais (47) Orange 3029Frais (32)4952Acide (52) Pamplemousse6403Acide (40)32697Acide (69) Pêche35Fête (50)1313Fête (59) Pomme918Bon (24)3335Acide (35) Vanille 4Sent bon (78)62Sent bon (88) Somme34638101006345561142 S.saveurs8271333

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Tableau5 Somme des rangs 1 stricts calculés à partir des notes attribuées lors de l’épreuve d’association dirigée. En caractère gras: associations considérées comme saillantes, c’est-à-dire dépassant 120 pour les étudiants français et américains et 144 pour les étudiants vietnamiens Table 5 Total of ranks 1 calculated from the scores attributed to the four tastes during the test of directed association. The most salient associations (i.e. those longer than 120 for the French and Americans students and 144 for the Vietnamese students) are indicated in bold face Sujets françaisSujets américainsSujets vietnamiens (n =150)(n =150)(n =180) Mot SaveurSaveurSaveur SucréeAcideSaléeAmèreSucréeAcideSaléeAmèreSucréeAcideSaléeamère Abricot132010411414251715723 Amande48016764155021668641 Ananas114270110526241264461 Anis8051493072264481265 Banane147002134243173222 Biscuit1180801033204174050 Cacahuète30145213411731000359 Café311010714431031100167 Cassis102280146114418111546 Cerise14620012114069329228 Chocolat12610141320051450427 Citron014006710739517220 Fraise1472001323411026930 Kiwi97370610818274411107 Lait114648761948171611 Mandarine9142091042325868160 Melon1452011345231193464

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Tableau5 (suite) Somme des rangs 1 stricts calculés à partir des notes attribuées lors de l’épreuve d’association dirigée. En caractère gras: associations considérées comme saillantes, c’est-à-dire dépassant 120 pour les étudiants français et américains et 144 pour les étudiants vietnamiens Table 5 (continued) Total of ranks 1 calculated from the scores attributed to the four tastes during the test of directed association. The most salient associations (i.e. those longer than 120 for the French and Americans students and 144 for the Vietnamese students) are indicated in bold face Sujets françaisSujets américainsSujets vietnamiens (n =150)(n =150)(n =180) Mot SaveurSaveurSaveur SucréeAcideSaléeAmèreSucréeAcideSaléeAmèreSucréeAcideSaléeamère Menthe91151249011219609480 Miel150000145102176101 Noisette72226345752735773911 Noix de coco13420131125615162960 Orange92460410320021076621 Pamplemousse158303423752283711885 Pêche1471001383221224237 Pomme104240112110231145660 Vanille143003129348672746 Somme258946621141223474012663452409928152552

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Figures 2

Premier plan factoriel obtenu par A.F.C. d’après les résultats de l’association libre (repérée par 1) et de l’association dirigée (repérée par 2) pour les français (figure 2a),

les américains (figure 2b) et les vietnamiens (figure 2c) Les mots amande et cacahuète sont mis en éléments supplémentaires dans les trois graphes

First factorial subspace obtained with Correspondence Analysis from free association (symbol: 1) and directed association (symbol: 2) In the three graphs, the words “almond” and “peanut” are supplementary points

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