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Article pp.337-340 du Vol.5 n°3 (2007)

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É DITORIAL

Une fois n’est pas coutume, cet éditorial commence par la fin. Non que les varia qui composent le présent numéro ne soient d’un très grand intérêt. Simplement, le hasard fait que leurs problématiques respectives, a priori hétérogènes, se trouvent magistralement éclairées et reliées les unes aux autres par le document exceptionnel que, grâce au zèle d’Ulrich Bernath et Martine Vidal, nous sommes fiers de publier en exclusivité : la transcription de l’échange qui, l’an dernier, a réuni Børje Holmberg, Michael G. Moore, Otto Peters, trois personnalités internationales de premier plan.

Ces trois débatteurs sont des pionniers de la formation à distance, à la fois praticiens et théoriciens. D’autant plus précieuse est l’initiative du réseau European Distance and E-learning Network (EDEN) qui les a invités, en octobre 2006, en Espagne, à se livrer à un dialogue passionnant, où chacun révèle un peu de sa personnalité, par exemple en évoquant les conditions qui l’ont conduit à s’intéresser à la formation à distance et à s’y spécialiser. L’origine est commune, semble-t-il, due à une même implication, en début de carrière, dans l’enseignement par correspondance. Par la suite, naturellement, les cheminements professionnels ont divergé, et, avec eux, les trajectoires théoriques. C’est un grand apport de ce dialogue d’y faire découvrir le regard rétrospectif que chacun des trois experts porte sur sa propre théorie, sur l’usage qui en a été fait par les experts et sur les théories concurrentes que, de leur côté, ses compagnons ont produites en parallèle.

De la nécessité des théories, de leur bon usage et de leur inévitable disparité : tel est, en effet, le sujet qui, rétrospectivement, donne son unité à ce débat et, par-delà, au numéro tout entier, tirant un fil rouge de l’un à l’autre de ses articles. Mais de quoi, plus précisément, est-il question dans le dialogue entre ces trois monstres sacrés ? De l’importance accordée par chacun d’eux à l’élaboration théorique, de la difficulté de cette élaboration et de la validité de celle dont il est l’auteur. Parlant des « trois âges de la généalogie d’un concept », Gilles Deleuze et Felix Guattari (1991, p. 17) en évoquent la production, la vulgarisation et la commercialisation. Or, ce sont bien ces trois âges dont en quelques pages, nous parcourons la succession, depuis les années 1950-60 jusqu’à aujourd’hui, pour la théorie de la conversation empathique entre enseignant et apprenant de Børje Holmberg, pour le paradigme industriel d’Otto Peters et pour la théorie de la distance transactionnelle de Michael Graham Moore.

Plaidoyers pro domo ? Sans doute : l’inverse aurait été surprenant. Mais le lecteur trouvera ici bien plus que de simples défenses et illustrations par leurs auteurs de trois théories fondatrices. Il découvrira des aspects moins connus. Il fera notamment la connaissance d’un Otto Peters « triste et déçu » d’avoir été si mal compris par Randy Garrisson, lorsque celui-ci croit tenir en lui un théoricien de l’organisation industrielle en éducation, alors qu’il est un simple pédagogue attentif à la nature industrielle de l’éducation, produit industrialisé d’une société elle-même industrielle. Le même lecteur ne pourra s’empêcher de sourire en entendant Børje

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338 Distances et savoirs. Volume 5 – n° 3/2007

Holmberg signaler en passant à ses deux honorables interlocuteurs qu’il les met au nombre de ceux qui ont manifesté le moins d’enthousiasme envers sa propre théorie.

Certes, les trois hommes s’accordent sur la nécessité de la théorie. C’est bien le minimum : « La principale raison qui amène à rejeter un article — dit M. G. Moore à propos de son expérience d’évaluateur pour des revues scientifiques — tient à ce que ses auteurs fournissent des données sans théorie. En d’autres termes ils ne disent pas ce qui est déjà connu avant de décrire ce qu’ils ont découvert ». Et d’ajouter : « C’est comme si on partait en voyage sans carte ». Si ses deux compagnons acquiescent implicitement, leur convergence ne va guère plus loin. C’est qu’une théorie ne sert pas uniquement à marquer la différence entre ce qui est déjà connu et ce qui ne l’est pas encore ; elle a aussi une valeur explicative ; éventuellement, une fonction prédictive ; occasionnellement, une finalité prescriptive. Déjà, à propos du poids respectif de ces trois usages de la théorie, les appréciations divergent. A fortiori divergent-elles davantage encore, lorsque leurs auteurs en viennent aux mérites comparés de leurs théories respectives : ni aggiornamento, ni compromis ou synthèse.

En réalité, chacune dans son orbe, ces trois théories ont leur légitimité.

B. Holmberg le suggère lorsque, s’autorisant de K. Popper, il rappelle qu’il est impossible de prouver la justesse d’une théorie. En revanche, l’on peut toujours démontrer que cette théorie est fausse. Au demeurant, précise-t-il malicieusement, la sienne n’a pas subi le triste sort d’une telle démonstration, ce qui, selon lui, est d’autant plus méritoire qu’elle s’applique à l’enseignement en général, et non pas uniquement à l’enseignement à distance, comme celles de ses deux collègues. O. Peters, il est vrai, reconnaît sa spécificité à l’enseignement à distance : pour lui, il ne s’agit aucunement d’une forme traditionnelle d’enseignement qui se contenterait d’utiliser de nouveaux médias ; nous sommes en présence d’une modalité pédagogique originale, avec ses principes, critères, avantages et inconvénients. M. Moore abonde dans son sens, lorsqu’il évoque la nécessité de réfléchir aux conditions propres à la formation à distance d’une autonomisation des apprenants tenant compte de leurs différences. Il est dommage que ce débat sur la spécificité de l’enseignement à distance n’ait pu qu’être esquissé : il méritera d’être poursuivi. Ce n’est pas le seul point, d’ailleurs, à faire la richesse de cet échange et à appeler des commentaires que Distances et Savoirs accueillera bien volontiers dans ses numéros à venir.

Sans vouloir conclure sur ce débat, rappelons cette évidence qui en transparaît : la fonction d’une théorie est aussi d’aider des praticiens à donner une signification à leur pratique et à en élargir la portée. Il en va, à cet égard, de la formation à distance comme de toute autre activité, en éducation et ailleurs. Sans la cybernétique et le behaviorisme, écrivent Georges-Louis Baron et Éric Bruillard (1996, p. 196), les machines à enseigner n’auraient eu qu’un faible impact sur l’éducation. Même si, comme le signalent Serge Pouts-Lajus et Marielle Riché-Magnier (1998, p. 17), à propos de Skinner justement, aucune théorie « ne marche à tous les coups ». De même, sans les travaux fondateurs d’Holmberg, Moore, Peters et quelques autres, les dispositifs d’enseignement à distance se seraient sans doute développés, dans leurs pays d’origine et plus largement, mais sans jamais affecter en profondeur les pratiques éducatives.

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Éditorial 339

Encore faut-il au praticien – et ce n’est pas la moindre de ses tâches – sinon appliquer les théories qui sont à sa disposition ou qu’il forge à son intention, du moins en interroger les dimensions anthropologiques, culturelles, économiques, politiques et sociales. Voilà ce à quoi, avec succès, s’emploient les contributeurs de ce numéro.

Quand elle s’intéresse à « la distance en formation », Annie Jézégou rappelle fort à propos que, si la théorie de la distance transactionnelle de Moore est très répandue aux États-Unis, où, depuis plus de dix ans, elle fait l’objet de vérifications empiriques, elle reste peu connue en France. Cependant, ajoute-t-elle, les travaux actuels ne valident jamais totalement cette théorie. De fait, les deux variables clés de la distance transactionnelle que sont la structure et le dialogue n’y sont pas assez clairement définies par Moore lui-même. Aussi Annie Jézégou en propose-t-elle un essai d’opérationnalisation, en s’appuyant sur la structure, caractérisée par le niveau d’ouverture ou de flexibilité de l’environnement éducatif, et sur le dialogue, défini en fonction du niveau de présence sociale, cognitive et éducative, dont elle donne une définition en s’aidant des travaux de Garrison et Anderson (2003). Le cas, limité mais intéressant, auquel, en fin d’article, elle applique sa grille d’analyse, témoigne de sa validité, même si, comme l’auteur le reconnaît honnêtement et modestement, beaucoup de travail reste encore à faire pour parvenir à l’opérationnalisation définitive de ce que Moore entend par « distance transactionnelle ».

C’est aussi de théorie, constructiviste en l’occurrence, que traite Alexandra Bal, à partir du cas My.ryerson.ca, bel exemple, selon cette chercheure canadienne, de l’évolution vers l’internationalisation qui gagne la formation au moment où se multiplient les universités virtuelles de l’Ontario. Le constructivisme, s’interroge-t-elle, n’aurait-il pas pour but, en l’occurrence, de faciliter l’avènement de l’individu hyper- autonome requis par la phase néoindustrielle du capitalisme où entrent nos sociétés ? Pour répondre à cette question d’une actualité brûlante, son analyse met en relief, par- delà les enjeux pédagogiques, les visées économiques, sociétales et politiques, propres aux logiques de profit liées à la globalisation néolibérale du savoir, alors que la virtualisation des enseignements devient l’une des armes privilégiées des universités dans la concurrence qu’elles se livrent les unes aux autres. Gageons que cette stimulante réflexion sur l’autonomie instrumentalisée ne manquera pas d’intéresser O. Peters et M. Moore, qui y verront certainement l’actualisation de plusieurs des pistes de recherche qu’ils ouvrent dans leur entretien.

Dans une perspective bien concrète Brigitte Denis et Étienne Vandeput relatent une intéressante pratique de formation à distance destinée à des adultes, dans deux établissements à Liège et Namur. Mais c’est pour traiter, eux aussi, de théorie : sinon d’une théorie générale, du moins d’un ensemble cohérent de principes élaborés par eux et dont, assez raisonnablement, ils postulent qu’appliqués à d’autres cas que ceux dans lesquels ils ont été produits, ils garantiront le succès des stratégies pédagogiques. Ainsi en va-t-il de l’isomorphisme (« que les formateurs fassent vivre aux participants des activités que ces derniers pourraient par la suite faire vivre à leurs apprenants »), du recours au projet personnel de l’apprenant, condition clé de l’« apprenance », au sens que P. Carré donne à ce terme, de la concordance entre compétences visées, activités

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340 Distances et savoirs. Volume 5 – n° 3/2007

d’apprentissage et critères d’évaluation, et, enfin, de l’hybridation entre activités en présence et activités à distance.

Françoise Thibault, enfin, nous livre, en un texte clair et très informé, la première esquisse de ce qui, à terme, est appelé à devenir une autre histoire de la formation à distance : non plus son histoire jalonnée par les innovations techniques, telle que la dessinent les travaux existants, mais son histoire sociale, culturelle et politique qui, il faut bien le reconnaître avec l’auteure, reste entièrement à élaborer. Ce qu’elle nous en livre ici est particulièrement prometteur : on y voit une genèse fortement marquée, entre 1947 et 2004, par des campagnes de presse, des prises de position de journalistes, des décisions de responsables ministériels et d’experts, et des débats publics, propres à favoriser ou à accompagner, selon les cas, d’importants revirements politiques et de considérables retournements d’opinion. Très présente, la référence à l’Open University pousse à une approche globale, associant formation initiale et formation continue et créant des synergies entre formation universitaire et formation professionnelle. Diffusé au sein des institutions européennes par des personnalités issues de l’Open University, le modèle britannique sert d’argument aux défenseurs français d’un projet de formation à distance. Cependant, à la différence de ce qui se passe en Grande-Bretagne et ailleurs, aucune force politique n’a encore été assez forte, en France, pour apporter un soutien continu à une initiative de cette envergure.

Pourquoi cette carence ? D’où vient que, chez nous, l’enseignement à distance souffre d’une vulnérabilité récurrente qui ne se rencontre guère ailleurs ? Sans doute pour les raisons avancées par F. Thibault, à la fin de son article : poids trop pesant des manières traditionnelles d’enseigner et d’apprendre, technophobie et misonéisme, effet dirimant dans l’opinion publique de formules à l’emporte-pièce comme « le marché juteux de l’enseignement par correspondance » ou, pire encore,

« l’éclatement de la bulle Internet ». Que l’on nous permette, toutefois, de suggérer que le phénomène tient aussi, peut-être surtout, à ce qu’en dépit de plusieurs contributions majeures, à commencer par celle de Lê Thanh Khoi (1967), l’on a manqué, et l’on manque toujours en France, de théories du type de celles dont les Holmberg, Moore, Peters et quelques autres ont été les auteurs en leur temps, et qui, jusqu’à aujourd’hui, conservent toute leur puissance.

Martine Vidal, Monique Grandbastien,

Pierre Mœglin Références bibliographiques

Baron G.-L., Bruillard É., L’Informatique et ses usagers dans l’éducation, Paris, Puf, 1996.

Deleuze G., Guattari F., Qu’est-ce que la philosophie ? Paris, éd. de Minuit, 1991.

Lê Thanh Khôi, L’industrie de l’enseignement, Paris, éd. de Minuit, 1967.

Pouts-Lajus S., Riché-Magnier M., L’École à l’heure d’Internet, Les enjeux du multimédia dans l’éducation, Paris, Nathan pédagogie, 1998.

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