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Patrimoine genevois : état des lieux

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Academic year: 2022

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Reference

Patrimoine genevois : état des lieux

EL-WAKIL, Leïla (Ed.)

EL-WAKIL, Leïla (Ed.). Patrimoine genevois : état des lieux . Gollion : InFolio, 2007, 118 p., ill en noir; 23 cm

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5674

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P a tr im o in e g e n e v o is E t a t d E s l iE u x

tExtEs réunis par lEïla El-Wakil

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remerciements

A Sabine Nemec-Piguet, qui m’a encouragée et soutenue dans l’achèvement de ce projet.

A Lionel Breitmeyer de la Collection

iconographique genevoise (CIG) qui n’a pas compté son temps pour dénicher des photos inédites et relire les légendes de l’ouvrage.

A Andrée Gruffat, Nelson Lopez et Anne-Marie Viaccoz qui m’ont aidée à réunir l’iconographie

provenant du Service des monuments et des sites (SMS) et des Monuments d’art et d’histoire.

A Daniel Muñoz de l’atelier Dominique Broillet (ADB) qui a conçu et mis au point avec talent

la maquette de l’ouvrage.

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Patrimoine genevois Etat dEs liEux

tExtEs réunis par lEïla El-Wakil

1 — 6 introduction par Leïla el-Wakil

7 — 28 Du paysage au monument. L’évolution de la notion de patrimoine dans les guides de la genève du XiXe siècle

par Pierre Monnoyeur

29 — 56 La protection du patrimoine à genève.

mise en place et évolution du système légal par Sabine Nemec-Piguet

57 — 80 1975-2005 trente ans de défense du patrimoine architectural genevois. Une évolution lente par Armand Brulhart et Erica

81 — 104 La liste genevoise des monuments classés. Un inventaire à la Prévert Par Leïla el-Wakil

105 — 118 De la protection du patrimoine en général et à genève en particulier

par Pierre Vaisse

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genève vers 1860 CIG

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Comme l’avaient déjà relevé Jean-Pierre Babelon et André Chas- tel dans La notion de patrimoine (1980), l’être humain est tout oc- cupé à recenser ses biens dès lors qu’ils lui échappent ! Mais difficile est la prise de position claire au terme de ces pathétiques enquêtes : conflits d’intérêts, écartèlement entre sauvegarde et fuite en avant, opposition entre passé et présent. Désormais, la réflexion s’étend au patrimoine avec un grand P qu’est notre planète, et, qu’en cette circonstance, il n’y a plus à prouver que la garantie d’avenir repose sur la transmission, la conservation et la valorisation de l’héritage ! Dans notre époque écartelée entre fascination d’avenir et nos- talgie impuissante, entre refuge virtuel et fuite en avant, où situer encore l’héritage culturel auquel appartient le patrimoine bâti ? Dans un monde fébrile et mobile, quel sens donner à la permanence incarnée par l’architecture ? Objet de consensus mouvants et de soins variés, le patrimoine architectural n’échappe pas à un bal- lottage permanent. La culture d’une génération chasse celle de la précédente. L’attention et l’intérêt changent d’objet. Les doctrines et les principes mutent. Les méthodes de conservation et les savoir- faire évoluent. L’idée de ce recueil d’articles est née du constat qu’en ce domaine, la mémoire est particulièrement courte.

Une trentaine d’années après l’Année européenne du patrimoine architectural (1975), décrétée par le Conseil de l’Europe, la question de la sauvegarde ne s’est pas refermée. Elle est au contraire d’une actualité plus complexe que jamais. Le champ patrimonial s’est accru infiniment. Aux monuments exceptionnels se sont ajoutés les ensembles villageois et urbains, aux chefs-d’oeuvre incontestables des objets mineurs, aux ouvrages anciens des réalisations moder- nes. Tout ou presque dans la ville ou sur le territoire est susceptible d’être un jour promu au statut de patrimoine. Le corpus d’objets ou de sites dignes d’attention s’enfle jusqu’à l’inflation! Le patrimoine bâti genevois, qui nous intéresse ici, n’échappe pas à ce phénomène.

D’importantes avancées ont été réalisées ces trente dernières années dans la connaissance historique de l’architecture et du territoire. La multiplication des inventaires, des recherches fonda- mentales, des publications a mis en lumière de nombreux édifices, quartiers, villages et sites. Grâce aux travaux scientifiques des chercheurs, on peut reconstituer très finement la genèse d’un projet, décrire le déroulement du chantier, connaître les matériaux et les techniques employés, identifier les maîtres d’état, dater les transfor- mations. Des bâtiments qui n’existent plus peuvent être, tout aussi minutieusement, documentés. En un mot comme en mille, on en sait aujourd’hui davantage que jamais sur le patrimoine architectural et urbain.

La connaissance matérielle des objets a fait d’immenses progrès sous l’impulsion des restaurateurs d’art, des architectes et des ingé- nieurs spécialisés et des laboratoires scientifiques. Des techniques de pointe sont au service des professionnels : la dendrochronologie pour dater l’âge d’une charpente, les rayons X pour comprendre le nombre de surpeints, la photogrammétrie pour affiner le travail de relevé, divers types de reprises en sous-œuvre dont les micropieux Introduction

ecole des arts Décoratifs

restauration Franz graf et Julien menoud Sabine Nemec-Piguet

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Si le profit et la spéculation sont depuis l’époque des « bandes noires », stigmatisées par Victor Hugo, les plus sérieux ennemis du patrimoine, est-il normal par contre de redouter dans nos démocra- ties modernes les changements de législature ? On a vu trop souvent, en effet, le patrimoine dépendre des caprices du prince, c’est-à-dire, à Genève, du conseiller d’État en charge du département - que par commodité on aimerait bien continuer à nommer des Travaux pu- blics ! Malgré l’appareil légal et l’administration mise en place pour assurer la sauvegarde du patrimoine, certains élus, pour répondre aux attentes de leur électorat, ne peuvent s’empêcher de tenter de faire la pluie et le beau temps. Tel magistrat acquis à la cause du patrimoine favorisera donc la sauvegarde du patrimoine, tandis que tel autre, mécréant en la matière, courtisera les démolisseurs.

Alors que l’engouement public manifesté lors des Journées du patrimoine est très vif, le débat relatif à la sauvegarde reste une affaire d’initiés, issus de différentes écoles, et qui, il faut aussi le reconnaître, ne sont pas toujours entre eux à l’unisson. Quoiqu’il en soit, ce sont bien eux qui maîtrisent les termes de la discussion autour de l’authenticité, de l’introduction du neuf dans l’ancien, de l’architecture d’accompagnement …, si bien que le clivage entre spécialistes et grand public demeure immense. Dans un monde qui se précipite, il serait temps de vulgariser largement les fondements du respect du cadre bâti et naturel. Il serait temps de faire compren- dre à tout un chacun, aux enfants des écoles, à leurs maîtres, aux parents le caractère précieux et unique de leur cadre de vie, l’impor- tance de la conservation de l’image, de la substance, mais aussi de l’esprit, pour que chaque citoyen ait une réelle chance de participer au débat et ne se contente pas d’un patrimoine virtuel et frelaté.

Les auteurs qui ont répondu à l’appel lancé en vue de la présente publication sont des historiens de l’art ou des architectes de la place que la question du patrimoine intéresse à divers titres. Tous ont fait partie d’instances de sauvegarde du patrimoine : ils ont siégé ou siègent encore dans les sociétés de sauvegarde, comme la Société d’art public (SAP) devenue Patrimoine suisse, ou Action Patrimoine Vivant, la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS), la Commission des monuments historiques (France) ; ils reçoivent des mandats ou oeuvrent dans le Service des monuments et des sites (SMS) de la Direction du Patrimoine de l’actuel Départe- ment des constructions et des technologies de l’information (DCTI).

Tous ont produit des écrits, de nature à documenter ou défendre les objets de patrimoine, à leur initiative, dans la presse, ou sur man- dat de la Ville ou de l’État de Genève. Ils ont travaillé dans le cadre des Monuments d’art et d’histoire de la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS) ou mené des combats de protection du patrimoine au sein d’un parti politique ou dans l’enceinte du Grand Conseil.

Presque tous ont été tantôt les témoins, tantôt les acteurs d’une sauvegarde en marche durant ces trente dernières années. Dans leur pratique professionnelle, ils ont expérimenté la difficulté de construire l’argumentation de sauvegarde, la précarité des dispo- sitifs de protection, la complexité des processus économiques et politiques, parties prenantes de la conservation du patrimoine.

pour renforcer des fondations, les carottages pour analyser des matériaux ... Des métiers d’art ont ressurgi, ressuscitant des savoir- faire perdus. Les tailleurs de pierre ont réappris à manier la laye et la boucharde. Les couvreurs ont redécouvert la multiplicité des ardoises et l’infinie variété des tuiles. Des zingueries d’art peuvent produire des épis de faîtage à l’ancienne. Des écoles enseignent les techniques des trompe-l’œil, comme celle du marbre ou du bois peint. On commence à bien connaître aussi les problèmes liés aux matériaux modernes et la carbonatation du béton a ses remèdes.

De sorte qu’il n’y a pour ainsi dire plus de problèmes techniques que l’on ne sache résoudre.

Les instances chargées du patrimoine bâti ont été mises sur pied. À Genève, l’État compte une Direction du patrimoine qui héberge notamment le Service cantonal des monuments et des sites et l’équipe des chercheurs de l’Inventaire des Monuments d’art et d’histoire, tandis que la Ville possède un Conseiller en conservation du patrimoine, chargé de veiller en priorité au patrimoine munici- pal. En Suisse, des formations universitaires spécialisées consa- crées au patrimoine artistique et monumental ont été mises sur pied ; l’Institut d’architecture et la Faculté des Lettres de l’Univer- sité de Genève ont dispensé deux formations de troisième cycle, le Diplôme d’études approfondies en Sauvegarde du Patrimoine moderne et contemporain ainsi que le diplôme d’études supérieures en patrimoine et muséologie. Les spécialistes de ce domaine sont plus nombreux qu’ils n’ont jamais été.

Comment se fait-il alors que la réunion de tous ces facteurs et la possession de toutes ces données ne servent que trop faiblement à une sauvegarde raisonnée du patrimoine ? Avérés ou dissimulés, nombreux sont les obstacles et les oppositions à la préservation des biens communs d’intérêt général que sont la ville et le paysage, ces objets patrimoniaux qui ne sont pas des invariants. Des inventaires tant attendus, - mais pas achevés sur le canton de Genève -, n’ont pas été extraites les classifications préalables à une conservation raisonnée. Trop souvent encore la sauvegarde émane de choix aléa- toires ou de circonstances occasionnelles, et ne s’ancre pas vérita- blement sur le savoir scientifique existant. En France, on constate pareille impasse de l’Inventaire Général lancé par André Malraux – l’inventaire étant devenu un pléthorique but en soi -, et la digestion de l’accumulation d’informations en vue d’une hiérarchisation des patrimoines restant à faire.

La pesée des intérêts face aux pressions économiques et politi- ques est rarement sereine. Plus que jamais dans l’étroit microcosme qu’est le territoire genevois, le patrimoine monumental et paysager se mesure en droits à bâtir que des propriétaires, même éclairés, cherchent à concrétiser, quitte à déréglementer un appareil légal qui s’est patiemment constitué au fil des décennies.

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Le sentier des saules, c. 1930 CIG, Jean Cadoux

Le tandem constitué par Armand Brulhart et Erica Deuber-Zie- gler, tous deux historiens de l’art, impliqués de longue date dans l’histoire et la sauvegarde du patrimoine bâti genevois, signe un article qui se veut, une trentaine d’années plus tard, une manière de réponse à leur « Paisibles démolitions » paru en 1975 à l’occasion de l’Année européenne du patrimoine architectural. Pierre Monnoyeur, historien de l’architecture indépendant, travaille de longue date sur mandats à des sujets d’architecture genevoise ; il suit ici pour nous l’évolution de la notion de monuments à travers les guides genevois.

Sabine Nemec-Piguet, architecte et cheffe du Service des monu- ments et des sites, attachée à la Direction du patrimoine (DCTI), nous fait part d’une réflexion nourrie sur l’évolution du cadre légal genevois en matière de protection du patrimoine depuis la création de la loi sur les monuments de 1920 jusqu’à nos jours. Elle enrichit cette contribution de son long engagement au sein du Service des monuments et des sites de la Direction du Patrimoine du canton de Genève. Pierre Vaisse, professeur honoraire du département d’histoire de l’art de l’Université de Genève, livre un point de vue personnel qui a le mérite de nous décentrer un peu de nos strictes considérations locales. Son expérience en matière de patrimoine monumental et sa participation à la Commission française des Monuments historiques soutiennent son point de vue de sauvegarde.

La soussignée, historienne de l’architecture et architecte, investie depuis plus d’un quart de siècle dans le champ de la conservation du patrimoine, se questionne sur le caractère somme toute aléatoire des listes de monuments classés, d’un point de vue général et du point de vue particulier du cas genevois.

Patrimoine genevois: état des lieux a donc pour but de dresser un état de la question de quelques aspects touchant au patrimoine genevois. Il ne prétend aucunement clore le débat à propos d’un champ, qui, plus que jamais, suscite de vives discussions et qui, dans la perspective du développement durable, s’inscrit comme une pièce du grand dispositif à mettre en place pour répondre à de nou- velles préoccupations. Puisse cet ensemble de textes donner matière à réflexion aux décisionnaires et aux politiques et nourrir les spécu- lations intellectuelles des spécialistes !

Leïla el-Wakil

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1 Eugène Labiche, Le Voyage de Monsieur Perrichon, Livre de Poche, 1987, pp. 34-35. Acte I, scène 9.

L’oeuvre est donnée pour la première fois à Paris en 1860.

2 La référence à Defoe montre qu’à cette période Robinson Crusoé est désormais catalogué comme une lecture enfantine et imagée et non plus comme un grand roman.

3 Ibid., p. 38. Acte II, scène 1

4 Daniel Nordman, « Les Guides-Johanne », in Les Lieux de Mémoire (sous la direction de Pierre Nora), vol. I, Gallimard, coll. « Quarto », Paris, pp. 1035-1072

Les gUiDes sont FaUX !

Depuis le deuxième tiers du XIXe siècle, les guides de Genève à l’usage des étrangers et des voyageurs se succèdent, montrant, d’édition en édition, des pay- sages et des monuments sous un aspect changeant. Normatifs et répétitifs, ils produisent une image qui se veut arrêtée, cohérente, organisée et documentée. Mais les guides sont faux, on le sait, et parfois même totalement futiles. On se souvient du Voyage de Monsieur Perrichon, un périple qui conduit les protagonistes du vaude- ville de Paris à Genève, puis à Chamonix et enfin à l’auberge de Montanvert, prélude à la Mer de Glace, en passant par Ferney-Vol- taire. La citation sonne quasiment comme une définition du genre :

« Perrichon, à la marchande de livres.

Madame, je voudrais un livre pour ma femme et ma fille... un livre qui ne parle ni de galanterie, ni d’argent, ni de politique, ni de mariage, ni de mort.

« Daniel, à part, Robinson Crusoé !

« La marchande. Monsieur, j’ai votre affaire.

Elle lui remet un volume

« Perrichon, lisant. Les Bords de la Saône : deux francs ! (payant).

Vous me jurez qu’il n’y a pas de bêtises là-dedans ? »1.

Pensez : « un livre avec des images » ! Une littérature appropriée aux femmes, truffée d’informations inintéressantes et ennuyeuses2 : ainsi le jugent en tous les cas les deux amoureux de Mlle Perrichon, Daniel et Armand, les seuls personnages de la pièce à l’esprit réellement clair et délié.3Au mieux, les guides sont partiaux, sélectifs et péremptoires ; leur géographie

est de papier et d’encre. Ils sont le fruit d’un travail livresque qui consiste d’abord à compiler les textes précédents et à les actualiser. Ils ne visent pas l’originalité, puisque leur public cherche les poncifs de l’art : les sites inoubliables et les monu- ments de première importance. Suivant des critères le plus souvent mal définis, ils classent les lieux communs énumérés, pe- sant les uns à l’aune de critères esthéti- ques, jugeant les autres à leurs styles et à leur ancienneté, accordant de l’importance à ceux-ci, minimisant ceux-là. Montages taxinomiques et artefacts, les guides sont essentiellement un exercice d’écriture et un jeu combinatoire. Science oblige, dans le dernier tiers du XIXe siècle, ils inté- greront progressivement l’archéologie et l’histoire de l’art : d’autres classements, d’autres discriminations, sous des formes souvent tout aussi naïves ...

Les textes présentant Genève aux étrangers n’échappent pas à cette règle5. Ils sont inégaux en qualité et foison- nant, des indicateurs souvent très brefs ou des guides prolixes, en passant par toutes sortes de fascicules, plaquettes et autres opuscules. Dans cette diversité, une constante demeure. À un degré ou un autre, ils se divisent tous en deux parties : d’un côté, les excursions aux alentours de la ville, avec des courses plus lointaines, dans la vallée de Chamonix ou autour du lac Léman, de l’autre, la Cité de Calvin avec ses promenades et ses bâtiments remar- quables.

La lecture de ces itinéraires pour- rait n’être que bien plate, si elle se faisait ligne après ligne, guide après guide. Mais, comme la littérature à l’usage des voya- geurs est affaire de répétitions et de re-

DU Paysage aU monUment l’évolution dE la

notion dE patrimoinE dans lEs guidEs dE gEnèvE

au xix

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sièclE

piErrE monnoyEur

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5 Voir plus généralement sur le sujet, Bertrand Lévy, Rafael Matos et Sven Raffestin, Le tourisme à Genève : une géographie humaine, Metropolis, Genève, 2002.

6 H. Hentsch, Guide genevois à l’usage des étrangers, Genève, 1830

7 Ibid., p. 27. Le seul monument inscrit comme tel dans la liste est le « Monument aux 17 citoyens genevois tués en 1602, derrière le temple de Saint-Gervais. Monument antique et fort simple », p. 30.

8 Nouveau guide de l’étranger à Genève et ses environs, Genève, 1845, p. 38

9 A l’instar des Guides Conty. Guide-Pratique des étrangers dans Genève et ses environs, Paris, 1872, p. 25

10 Guide historique et descriptif de Genève et le tour du lac, Genève et Lausanne, 1873, pp. 21-22

11 Guide historique et descriptif de Genève et les rives du lac Léman, Genève, 1880, pp. 36-40

12 Guide illustré de Genève, Association des intérêts du commerce et de l’industrie, Genève, 1887, p. 61

13 Pierre Monnoyeur, « Le collège Saint-Antoine : une histoire monumentale et urbaine », in Bulletin de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève, à paraître

14 Cette vue par-dessus les Tranchées a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses aquarelles.

15 Peupleuraie ou mail en espagnol. Ce terme exotique apparaît dès 1844, dans le Nouveau guide de l’étranger à Genève et dans ses environs, Genève, 1844, p. 10.

16 Ibid. éd. de 1856, p. 10

prises, elle peut être lue par transparence, une édition ne cachant jamais complète- ment l’autre, comme dans un palimpseste.

C’est entre les couches, entre les feuillets, que réside l’intérêt du texte. Surprises, repentirs, corrections, caviardages pren- nent alors tout leur relief : ils forment des parcours hésitants, empruntant là des grandes voies, ici des sentiers de traverse, rebroussant chemin au besoin devant des laies oubliées et perdues.

Après tout, le voyage est une affaire d’ima- gination et la lecture est un vagabondage de l’esprit ...

La période couverte par cette étude va des années 1830 au début du XXe siècle, avec deux moments clé : le démantèlement des fortifications en 1850 et l’arrivée du che- min de fer à Cornavin en 1858. C’est une histoire qui commence avec les voyages à pied, à cheval, en chaise, en poste, en dili- gence et se poursuit avec les déplacements en train, ce grand moyen de communica- tion de l’ère industrielle. Elle s’achève avec l’avènement de l’automobile et du monde moderne, qu’illustrent la carte postale et la photographie amateur.

Les vUes

natUreLLes et Les PersPectives aLPines

Au début, tout est affaire de mesure et de juste poids. Dans les anciens guides, la part consacrée à la visite de Genève est très différente de celle accordée aux randonnées dans les campagnes circonvoi- sines et aux courses alpines. La descrip- tion de la ville intra-muros est sommaire.

En 1830, le Guide genevois à l’usage des étrangers recense vingt objets dignes

d’intérêt, de la cathédrale au manège, le tout réparti en onze pages. Les excursions et les promenades viennent ensuite. Vingt- sept buts de courses sont proposés en quatorze pages, du « tour de la Tranchée » à une « course à la Dôle », en passant par une « promenade à Plainpalais », au bois de la Bâtie, à Monnetier, Chambésy, Ferney- Voltaire, etc6. Les guides suivant confir- ment cette disproportion de traitement, comme si la ville et son univers minéral intéressaient moins les voyageurs que les paysages environnants.

Une étude plus attentive des textes confirme cet état de fait. On constate en premier lieu que le substantif de « monu- ment » peine à s’imposer comme élément constitutif de l’espace urbain. En 1830, la cathédrale, l’hôtel de ville, la bibliothèque publique et les autres bâtiments-phares de l’urbanisme genevois sont regroupés sous une rubrique intitulée « Indication des principaux établissements publics, monuments et curiosités, qui peuvent offrir quelque intérêt à un étranger »7. Vraisemblablement édité en 1835, le Guide du voyageur à Genève et aux environs parle lui simplement de « Curiosités » ; un an après, un opuscule anglais, Genava and Chamonix préfère utiliser une péri- phrase et sélectionne pour ses lecteurs la liste des « objets de valeurs à visiter ». En 1845, le nom de « monument » réapparaît dans le vocabulaire des vade-mecum genevois, mais de manière encore timide puisque le substantif est précédé du terme

« curiosités », dont la valeur d’usage et l’ancienneté sont clairement destinées à atténuer la portée sémantique du nouveau nom introduit. Un pas supplémentaire est franchi en 1872, quand, par inversion des termes, l’expression « monuments et curio- sités » vient désormais chapeauter la liste

des édifices touristiques de la ville9. Un an après, le Guide historique et descriptif de Genève, introduit dans le corps de son texte, le « Monument national » inauguré en 186910. Quant au « Monument Brunswick », il est cité dès 1880. Enfin, le renverse- ment décisif se produit en 1887, lorsque le Guide illustré de Genève, regroupe sous le titre « monuments, musées, etc. » toutes les architectures et les sculptures cen- sées intéresser un touriste12. Cette for- mule entérine la disparition définitive du substantif « curiosité », cet archaïsme des voyages romantiques et pittoresques. Elle donne aussi clairement à entendre que les monuments deviennent des pièces isolées et uniques qui s’alignent dans un musée de plein air, des objets d’art et d’histoire qu’il convient d’admirer au même titre que les peintures de chevalet.

Si le monument peine à s’imposer, si les guides témoignent du peu d’empres- sement à décrire la ville et ses bâtiments, c’est que l’étranger, tel qu’il est présenté par les textes, est adepte d’autres sensa- tions et recherche d’autres plaisirs : ceux que procure la vision des paysages et des larges dégagements aux alentours de la ville. La vue est l’expérience esthétique par excellence. Ainsi, pour le « tour de ville », partie obligée dans le plan des premiers guides, la visite commence-t-elle le plus souvent par la terrasse de Saint-Antoine, non pas tellement parce que son collège est encore apprécié13, mais bien plutôt parce que, depuis sa promenade ombragée, on découvre une vaste perspective en direc- tion du lac : la plus belle depuis la ville disent les textes, « un superbe point de vue », rapporte en 1844 le Nouveau guide de l’étranger à Genève. Une perspective

souvent reproduite ! Si cette « alameda »15 n’est pas toujours en tête de la liste des lieux et des monuments insignes à visiter, elle se place au troisième ou quatrième rang, ne perdant sa valeur panoramique et touristique qu’au moment où le déman- tèlement des fortifications survient et que l’agglomération urbaine s’étend. C’est ce que note le même guide dans son édition de 1856 : « on y jouissait autrefois d’un superbe point de vue, aujourd’hui gâté par les nouvelles constructions »16.

De l’extrémité de la promenade Saint- Antoine, le voyageur regarde vers l’extérieur, vers le lac : l’observation est une activité centrifuge. Il suffit d’un belvédère et les environs de la ville en re- gorgent. En 1830, toutes les courses ont la

« vue » pour prétexte. Ce plaisir esthétique trouve d’ailleurs de nombreux synonymes :

« panoramas », « regards »17, « coups d’oeil » ou « points de vue » qualifient presque tous les sites, qu’il s’agisse du Bastion de Cornavin, du village de Vandoeuvres, d’Hermance ou des autres lieux remar- quables des environs. Ce topos est encore plus insistant dans le guide de 1835. Si une perspective naturelle manque, comme à Douvaine, cette particularité est aussitôt mentionnée : le village « ne jouit d’aucune vue » ; mais le texte d’ajouter six lignes plus bas, comme pour se rattraper, qu’à Massongy, tout près, « le voyageur repose agréablement sa vue sur la belle et large vallée qui se déploie aux regards ». Quant à l’excursion du Grand-Saconnex, elle est entreprise dans le but de voir tout à son aise le Mont-Blanc : c’est le lieu consacré à cet effet qui, par convention, permet d’observer la montagne sous son meilleur jour. Dans cet esprit, la promenade se

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vue stéréoscopique de la Jonction du bois de la Bâtie, fin XiXe CIG

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17 Guide du voyageur à Genève et aux environs, Audin, Paris, s.d. (1835), p. 69

18 Ibid. p. 45

19 A l’instar des Guides Conty. Op. cit., pp. 34-35

20 Collection des Guides Verésoff. Agenda du touriste. Le lac de Genève et le Mont-Blanc, Genève, 1875-1876, pp. 147-149

21 Guide de l’étranger à Genève et ses environs, Genève, 1880, pp. 28-29

22 Cette prédominance de la montagne sur les monuments se retrouve aussi à propos de l’acception du terme « guide ».

En 1821, ce substantif désigne la personne menant des ascensionnistes en course ; et 1842 celle qui conduit

des visiteurs dans des lieux d’intérêt touristique. Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, Paris, 1992, s.v. « guide ».

23 Bernard Comment, Le XIXe siècle des panoramas, Adam-Biro, Paris, 1993

24 Hippolyte Taine, Voyage aux Pyrénées, Hachette, Paris, 1880, pp. 440-451, première édition 1858. Ce passage est citépar Pierre Larousse, dans son Grand dictionnaire universel de la langue française du XIXe siècle, Paris, 1866-1879, s.v. « touriste »

25 Comme Xavier de Maistre qui, dans son Voyage autour de ma chambre, se déplaçait en fauteuil, le touriste sédentaire de Taine voyage en chaise, manière de jouer sur les mots. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le substantif de « chaise » s’entend encore au sens de voiture hippomobile.

26 H. Hentsch, Guide genevois à l’usage des étrangers, Genève, 1830, p. 35

27 Nouveau guide de l’étranger à Genève et dans ses environs en 1845, Genève, 1845, p. 9

28 Nouveau guide de l’étranger à Genève et dans ses environs, Genève, 1855, pp. 45-46. En 1872, le nombre des arbres passera brusquement à 600000.

continue jusqu’à Ferney, évidemment pour avoir le plaisir de mettre ses pas dans ceux de Voltaire, mais tout autant pour avoir le loisir de contempler, depuis la terrasse du château, au soleil couchant, la silhouet- te rosie du sommet des Alpes :

« Vue du Mont-Blanc. – Je conseille à tous les étrangers de quitter Genève vers le soir, lorsque le ciel et l’air se- ront bien purs et bien sereins, et d’aller environ 1 h. 1/2 avant le cou- cher du soleil, en suivant le chemin qui mène à Ferney par le Grand-Saconnex, jusqu’à la hauteur que l’on rencontre à 1/4 de l. en avant de ce dernier village, pour y jouir de l’aspect du Mont-Blanc, éclairé par les derniers rayons de l’astre du jour »18.

Les mêmes recommandations sont encore répétées dans le guide anglais de 1838 et dans ceux de 187219 et 1875-7620 ; elles sont abrégées dans celui de 188021. Cette esthétisation du paysage et surtout des Alpes est somme toute logique22. Elle procure au voyageur rêverie et éva- sion, tout en relevant encore d’un goût romantique : le spectateur s’absorbe dans le spectacle de la nature.

Le sPectacLe

Des rePrésentations aLPines

Entrepreneurs et artistes vont rapi- dement récupérer ce spectacle de la nature. Ils vont le ramener en ville et l’exposer à des fins lucratives sous trois

formes différentes : le relief alpin, sorte de maquette en trois dimensions ; le diorama montrant, par le truchement de savants jeux de lumières, des portions de paysages passant tour à tour des cou- leurs de l’aube à celles du crépuscule23 ; en- fin, la « nature à coup d’oeil » ou le « tableau sans borne », autrement dit, le panorama.

Dans ces trois types de représentations, la position de l’observateur est sensiblement la même. Debout et accoudé à une ramb- arde, ou assis sur un banc, celui-ci se pen- che sur une partie de territoire représen- tée sous une forme miniaturisée et idéale ; dans son esprit, le temps est suspendu ; l’infiniment grand se mêle à l’infiniment petit. Offrant l’occasion d’un dépayse- ment à moindre frais, ces trois genres de représentations s’adressent à la sixième et dernière variété de voyageurs caricaturée par Taine :

« Sixième variété, très nombreuse : touristes sédentaires. Ceux là regar- dent les montagnes de la fenêtre de leur hôtel ; leurs excursions consis- tent à passer de leur chambre dans le jardin anglais, du jardin anglais à la promenade. Ils font la sieste et lisent leur journal étendus sur une chaise ; après quoi, ils ont vu les Pyrénées24. » Pour ces voyageurs en chaise25, les gui- des genevois s’attardent donc à décrire les

« curiosités » mettant en scène la nature et la montagne : se succèdent ainsi le Plan en relief de la Suisse, la Table d’orientation, le Grand Relief du Mont-Blanc, l’Alpineum et le Panorama des Alpes bernoises.

La première attraction est ainsi décrite :

« Sur la promenade du pont de fil de fer des Pâquis. C’est un ouvrage fort exact. Mr. Gaudin, qui en est l’auteur, donne les explications que l’on pour- rait désirer. La Suisse entière, avec ses lacs et ses glaciers, ses routes et ses rivières, se déploie aux yeux des voya- geurs. L’on peut aisément reconnaître les endroits que l’on a déjà visités, et parcourir d’avance les lieux où l’on a l’intention de se rendre. Un léger droit d’entrée est réclamé à la porte »26. Le guide de 1845 s’attarde lui à une autre attraction visible au bastion de Chantepoulet. C’est une « table d’orien- tation indiquant la direction et les noms des montagnes et des contrées circonvoi- sines »27 Des deux reliefs, le second est le plus abouti. Il réunit tous les ingrédients inhérents aux représentations à venir : situation dans un lieu de passage fré- quenté par les étrangers, abri dans un pavillon fermé, entreprise lucrative pour son propriétaire, visite nécessitant des explications, représentation miniaturisée et méticuleuse de la réalité du terrain, manière idéale de prolonger ou de préparer un voyage. La découverte de ce spectacle constituait enfin un plaisir visuel.

Le Grand Relief du Mont-Blanc, cité pour la première fois en 1855, réunit, à peu de choses près, les mêmes caractéris- tiques que celui représentant la Suisse. La réclame qu’en fait le guide est précise : elle met l’accent sur les dimensions, l’échelle et la hauteur du sommet factice et souligne la prouesse des détails et la méticulosité du travail. « Le nombre des arbres plantés est de plus de 400 000 et celui des maisons

de 5000 »28. Une publicité placée à la fin du Guide dans Genève et ses environs (1862) est plus explicite encore, détaillant la pré- ciosité, les conditions, l’esprit et le but de l’exécution :

« On ne saurait trop inviter les étran- gers en passage à Genève à visiter, dans le pavillon installé au Jardin an- glais, vis-à-vis l’hôtel de la Métropole, l’admirable ouvrage dont le nom pré- cède ces lignes. Travail de patience et d’art, cette étonnante miniature du roi des monts et de toutes les chaînes et sommités qui l’entourent, a coûté dix années de minutieuses recherches et d’infatigables excursions à son auteur, M. Sené [...]. Nulle occasion ne saurait être mieux venue pour le Touriste de se faire une idée complète et exacte jusqu’au moindre détail, de cette région si vaste et si extraordinaire que tous n’ont pas le temps ou la force de parcourir en réalité. La personne char- gée d’expliquer ce magnifique tableau est des mieux qualifiée pour cette tâche, et les visitants auront toute satisfaction à se laisser guider par elle dans l’intéressante exploration dont il s’agit. [...]. Une légère rétribution est à considérer, en vue de jouir à son aise de ce spectacle unique et vraiment merveilleux ».

Très clairement l’art et l’illusion sup- plantent la réalité à telle enseigne qu’en 1873, le relief est tout bonnement assimilé à un « incomparable panorama »30 . En 1880 sa popularité est telle que le pavillon qui l’abrite devient avant l’heure une espèce d’office du tourisme, où sont en vente des

« vues de la Suisse et du Mont-Blanc, gui-

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29 Guide dans Genève et ses environs, manuel du touriste, Genève, 1862, appendice final

30 Guide historique et descriptif de Genève et le tour du lac, suivi du voyage à Chamonix, avec carte, panorama et plan, Genève et Lausanne F. Richard, 1873, p. 23, et 1880, p. 27

31 Guide historique et descriptif de Genève et les rives du lac Léman, Genève, 1889, p. 27

32 Guide dans Genève et ses environs, Genève, 1862, pp. 32-33

33 INSA, Inventaire Suisse d’Architecture, 1850-1920, vol. 6, Lucerne, Orell Füssli, Société d’Histoire de l’Art en Suisse, Berne, 1991, pp. 451-452

34 La villa Santoux est construite dès 1861. Voir Catherine Courtiau, « Les débuts des projections cinématographiques à Genève et le boom des années 1910-1920 », in Art et Architecture en Suisse, Société d’Histoire de l’Art en Suisse, année 47, n. 3, 1996, pp. 269-279.

35 Notice descriptive de la ville de Genève et ses environs, Genève, 1895, pp. 12-13.

36 La Patrie Suisse, 45, juin 1895, pp. 143 et 144 Panorama des alpes bernoises, esquisse par A. Baud-Bovy (coll. privée)

des, cartes, plans à l’usage des voyageurs, minéraux, etc. »31, destinés à augmenter et à faire durer l’expérience esthétique pro- posée.

En 1862, à la fin du Guide dans Genève et ses environs, une double page de promotion vante l’intérêt d’une autre attraction alpine32. Une gravure illustre sur la page de droite le « Musée zoologique des Alpes », installé dans la « Villa Hippo- lyte Santoux, Plainpalais, Genève », tandis que, sur la page de gauche, sont énumé- rées les principales curiosités : « Grand panorama dioramique et cycloramique du Righi-Koulm, représenté selon les effets de lumière aux différentes parties du jour. Au Chalet Panorama à Plainpalais ». Publicité faite, cette attraction quitte ensuite la littérature touristique. C’est en marge des guides que nous retrouvons sa trace.

En prévision de l’Exposition nationale, en 1895, l’Alpineum proprement dit est élevé dans le prolongement de la villa. Il propose trois dioramas réalisés par Ernst Hödel (1852-1902), peintre de paysages et entrepreneur de panoramas. Celui-ci vient de racheter à Lucerne l’ancien Löwendenk- malmuseum, un pavillon élevé en 1885 qui abritait jusqu’à son rachat le diorama présentant la garde suisse défendant le palais des Tuileries en 1792. A la reprise du bâtiment, il remplace l’ancien spectacle historique par ses perspectives alpines et rebaptise l’ensemble du nom d’Alpi- neum33. A Genève, l’architecture élevée pour accueillir ses peintures alpestres est de style néogothique ; elle est construite rapidement en maçonnerie et en fer34. A l’intérieur sont montrés, dans une am- biance crépusculaire, trois dioramas : les vues du Stanserhorn, du Rohthal et du Burgenstock. La Notice genevoise de cette année ajoute :

« Sur le chemin du Mail est placé l’Alpineum ... Ce nouvel établissement, qui a été inauguré ces jours derniers,

sera certainement visité par les per- sonnes épuisées des grandes scènes de la nature. Ses toiles, dont chacune me- sure 100 mètres carrés, reproduisent les plus beaux sites de la Suisse »35. En s’adressant aux spectateurs potentiels, La Patrie Suisse complète la description en disant :

« Montez l’escalier, pénétrez et instal- lez-vous confortablement ; vous serez amplement payé des peines que vous n’aurez pas prises (...) La vérité est telle qu’il n’est plus besoin de faire le voyage. (...). L’Alpineum mérite la vi- site de tous les amis de la montagne et de tous ceux que l’âge ou les infirmités empêchent d’en jouir : ils auront l’il- lusion complète d’une excursion dans notre merveilleux pays »36.

De la villa Santoux à l’Alpineum les conditions de vision avaient en fait bien changé. Au savant jeu de lumière qui caractérisait le premier établissement avait succédé un dispositif simplifié : une même source d’éclairage fixe donnait de l’éclat aux grandes toiles exposées, sans plus de variations irisées mobiles - ce principe prévaut d’ailleurs encore à l’Alpineum de Lucerne. En bordure de la Plaine de Plainpalais, « tous les amis de la montagne » pouvaient donc s’ébahir à loisir devant le spectacle de l’art, devant la précision, les détails et la couleur réaliste des peintures de Hödel. Un voyage virtuel et imaginaire, sans effort, pour celui qui voulait bien l’entreprendre ...

En 1896, dans le cadre de l’Exposition nationale, le Panorama des Alpes ber- noises s’inscrit dans cette tradition des grandes vues alpines. Il vient se loger sous la montagne artificielle du Village Suisse.

Peint par A. Baud-Bovy, E. Burnand et F.

Furet en 1891, il offre aux visiteurs une vision sur 360 degrés prise depuis l’éperon naturel du Maennlichen37. Ce spectacle

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37 Valentina Anker, Auguste Baud-Bovy, Benteli, Berne, 1991, pp. 147-165

38 Parcours du guide officiel, sans numéro. Cité d’après, Bernard Crettaz et Juliette Michaelis-Germanier, Une Suisse en miniature ou les grandeurs de la petitesse, Musée d’ethnographie de Genève, 1984, p. 145.

39 L’Impartial de la Chaux-de-Fonds, 7, 5, 1896, p. 148

40 Tribune de Genève, 25, 9, 1896, p. 160

41 A l’instar des Guides Conty. Op. cit., pp. 46-47.

42 Agenda du touriste. Le Lac de Genève et le Mont-Blanc, Genève, 1875, pp. 197-198.

43 En 1822, avant la mise au point du premier procédé photographique, Louis-Jacques-Mandé Daguerre (1787-1851)

ouvre à Paris le premier Diorama, en collaboration avec Charles-Marie Bouton. Cet engouement pour l’artefact n’est pas propre à l’activité touristique. À ce jeu art et création d’illusion sont supérieurs à la nature. Les visiteurs des panoramas et des reliefs allaient avec délices contempler le spectacle de l’art (cf. Le Panorama des Alpes bernoises) et pas les Alpes bernoises.

44 Eugène Labiche, op. cit. p. 20. Le verbe « rayonner » prend ici le sens de « faire voir de manière panoptique », comme si le regard, depuis un point donné, traçait des rayons sur 360 degrés.

45 Guide Pol. Guide pratique. Genève. Le tour du lac, route du Mont-Blanc, Lyon-Paris, s.d. (1910 ?), p. 64

46 Guide de l’étranger à Genève et ses environs, Jullien, Genève 1880, pp. 28-29

47 Genève. Lac Léman. Chamonix, Genève, 1904, p. 58.

à succès est d’ailleurs bien décrit par les contemporains :

« Au Village Suisse, le Panorama aura un caractère exceptionnel : le visiteur passera sans transition de la région alpestre habitée au refuge des neiges éternelles, en s’engageant dans une simple fissure de rochers, analogue à la grotte de l’Elben-Alp, dans le canton d’Appenzell »38.

Ailleurs on peut aussi lire :

« Suivant un chemin sinueux et som- bre, éclairé par des lanternes fumeu- ses, le visiteur se trouve tout d’un coup sur la plate-forme en face de cet admirable Panorama de Baud-Bovy, Burnand et Furet. Un vacher des Alpes vous explique cette admirable nature dans tous ses détails. Ceci est un des clous de l’Exposition ; personne ne voudra se rendre au Village Suisse sans l’aller voir et se croire un instant au milieu même de la grande nature alpestre »39.

À d’autres moments, pour animer ces étendues désertes, des jodlers appenzellois viennent entonner leurs chants tradition- nels : « Dans ce milieu particulièrement favorable à ce genre de production. L’effet obtenu est considérable, et ceux qui ont pu assister aux premières auditions en ont remporté une profonde émotion »40.

La nature s’essaie aussi à cette forme de mise en scène, mais avec plus de peine.

Après Bonneville et Cluse, dans la vallée de l’Arve, la Grotte de la Balme propose une sorte de diorama naturel. Dès 1838, les guides proposant une excursion chamo- niarde, relatent cette expérience du sortir du goulet resserré, lorsque la vallée de

l’Arve s’ouvre sur les glaciers et les grands sommets alpins. C’est là que, pour l’étran- ger, commence le grand spectacle des mon- tagnes environnantes. En 1872, le Guide Conty brosse le paysage des lieux :

« Balme (1 h.), hameau situé au pied de la montagne de ce nom […] À gauche de la route, sur la coupe verticale du rocher, on aperçoit deux ouverture semi-circulai- res, ce sont les entrées de la Grotte de la Balme ; un chemin en zigzag conduit à un escalier pratiqué dans le roc d’où l’on pé- nètre dans l’antre obscur, dont la profon- deur est de 400 à 450 mètres ; au milieu se trouvent un puits très-profond et un petit lac ; l’intérieur est tapissé de stalactites.

[…] À partir d’ici l’horizon va s’élargissant de chaque côté de l’Arve, et l’on ne tarde pas à arriver à Magland, un des plus beaux villages de la contrée ; il est entrecoupé de bosquets, de prairies, de vergers, etc. »

S’ensuit la description de la Cascade d’Arpennaz et des paysages jusqu’à Cha- monix : c’est un vaste cirque naturel qui s’ouvre devant les yeux des promeneurs41 et rappelle l’expérience vécue devant un panorama ou un diorama. Il y a d’abord le prix à régler pour jouir de la mise en scène sonore et visuelle. Il y a ensuite l’ascension nécessaire pour arriver à « l’antre obscur » et profond, duquel on découvre la vue claire et ensoleillée de la vallée dont « l’ho- rizon va s’élargissant de chaque côté de l’Arve ». Cette course est un lieu commun des excursions du temps42. Deux oeuvres du védutiste Jean Dubois rendent compte de l’effet esthétique et lumineux que le site propose en s’inspirant des grands décors du théâtre romantique et des lithographies pittoresques. Cette mise en scène sera reprise plus tard dans les dioramas.43

Désintérêt Des vUes aLPines

Bientôt, dans les guides et les différen- tes notices touristiques, cette prédominan- ce des vues panoramiques et des perspec- tives alpines s’estompe progressivement au profit de la ville et de ses monuments.

Le point de départ du traditionnel « tour de ville » se déplace désormais de l’habituelle vue depuis la promenade Saint-Antoine au nouveau quartier des Bergues et à l’île Rousseau. Si en 1837, dans ses Mémoires d’un Touriste, le narrateur oscille entre ces deux pôles urbains, en 1844, le Nouveau guide de l’étranger à Genève et dans ses environs inaugure officiellement ce nou- veau point de départ. La terrasse excentrée garde encore une place importante dans le parcours, place qui ne cessera de s’étioler au fil des années.

Ce recentrage des guides sur la ville se généralise. En 1862, le Guide de Genève et ses environs enregistre ce phénomène en consacrant plus de place à la Cité de Calvin qu’à sa proche région, dix-huit pages pour l’une, dix-sept pour l’autre. Au fil du temps cette tendance ne fait que s’accroître : en 1880 par exemple, le Guide de l’étranger à Genève consacrera vingt pages à la ville et seulement huit à sa campagne. Par voie de conséquence, « promenades », « excursions »,

« tours » et autres courses vont petit à petit disparaître, et avec elles les « vues », les

« coups d’oeil », « les perspectives » et autres

« panoramas ». En 1887, cette mise à l’écart est consommée : dans son titre, le Guide illustré de Genève, n’ajoute plus « et de ses environs », comme c’était jadis la coutume.

De leur côté, les vues et les grandes perspectives alpines connaissent une désaffection croissante et irréversible.

Hormis Monsieur Perrichon, qui veut encore faire « rayonner devant [sa fille] le grand spectacle de la nature »44 ? En 1860 déjà un voyage ayant pour but les Alpes relève d’un romantisme éculé et les guides refoulent ces expériences esthétiques d’un autre âge. Ainsi la Grotte de la Balme dis- paraît-elle progressivement des itinéraires proposés aux étrangers. En 1910, elle n’est plus citée que dans un style télégraphique qui exclut désormais toute prolongation visuelle et esthétique sur le reste de la vallée de l’Arve : « Grotte de la Balme (all. et ret. 2h. 1/2 ; 3 fr.) profonde de 300m., belles stalactites »45.

L’excursion de Ferney-Voltaire par le Grand-Saconnex ne s’entreprend plus pour avoir le plaisir de contempler le Mont-Blanc. En 1880, l’intérêt de cette course se résume désormais uniquement à l’évocation du philosophe et au nouveau monument qui commémore sa mémoire :

« Le Conseil municipal de Ferney a voté en 1876 l’érection sur la place du château d’une statue de Voltaire réduite d’après celle de Houdon ». Plus prosaïquement, en 1904, pour se rendre à cette localité fran- çaise, une brochure conseille au touriste d’emprunter « le tramway électrique ». Il glisse ensuite, qu’au château, il faut se rendre dans le parc où, de « la terrasse, on jouit d’une très belle vue »47. Mais laquelle d’ailleurs ? La plaquette ne prend même plus la peine de le préciser.

Le tourisme thermal genevois et ré- gional, qui fait sa publicité dans plusieurs guides48, supplante le spectacle des mon- tagnes, tout en valorisant les bains alpins

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vue stéréoscopique du salève, Pas de l’echelle, fin XiXe CIG

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56 Catherine Courtiau, op. cit., p. 271.

57 Almanach du Vieux Genève, 1931, « Nos panoramas », pp. 5-8 ; et Valentina Anker, op. cit.

58 Ferdinand Hodler und die Weltausstellung 1894. Geschichte der Gemälde « Aufstieg » und « Absturz », 25 Juni 1999 - 31 Oktober 1999, Schweizerischen Alpinen Museum, Bern, 1999.

59 En 1914, lors de l’Exposition Nationale de Berne, le chemin de fer-panorama montrant la Suisse et ses montagnes fait polémique. Ce spectacle est devenue une simple « attraction » d’un goût douteux : dans La Patrie Suisse, les guillemets relativisent et minorent la portée du terme. Du Village Suisse où il aurait du être installé, il est déplacé en limite des installations, près du Parc des Sports. Nous sommes bien loin de l’esprit qui avait présidé à l’érection du Village Suisse à l’Exposition Nationale de Genève en 1896, de la montagne factice et du Panorama des Alpes bernoises de Burnand, Bovy et Furet, in La Patrie Suisse, 1914, 538, pp. 97-100.

60 André Corboz, à propos des promenades et aménagements touristiques des villes de Zurich, réalisés relativement tardivement par rapport aux infrastructures genevoises, et en premier lieu ses quais, note : « L’histoire de la Bahnhofstrasse révèle que la dimension esthétique et affective du paysage n’avait plus la même valeur dans les années soixante du XIXe siècle que pour les générations précédentes, celle de l’opération des Bergues », André Corboz, « La « Refondation » de Genève en 1830 (Dufour, Fazy, Rousseau) », in Genava, n.s. 1992, p. 77.

61 C’est l’expérience décrite par Gérard de Nerval dans Les Nuits d’octobre (1852) et Promenades et Souvenirs (1854-1855) lors de ses périples qui le mènent de Saint-Germain au Valois.

62 Voir Georges Schivelbusch, Histoire des voyages en train, Le Promeneur, Paris, 1990.

48 Ainsi dans L’agenda du touriste. Le lac de Genève et les environs, Genève, 1875-1876.

49 Pierre Monnoyeur, « Les villas suburbaines de Champel-sur-Arve : 1874-1897, de l’éclectisme à la banalisation de l’architecture », in David Ripoll (dir.) Champel-les Bains : architecture et hydrothérapie, DCTI, Direction du Patrimoine et des Sites, Genève, à paraître.

50 A l’instar de Guides Conty. Op. cit., p. 25.

51 Le Cicerone de Poche. Indicateur des rues de Genève, Genève, 1893, p. 5.

52 Souvenirs de Genève. Notice illustrée, Genève, 1896, p. 33.

53 Petit guide de Genève, s.d. (1901 ?), Genève.

54 Livio Fornara, Le Relief de Genève en 1850, Maison Tavel, Musée d’Art et d’Histoire de Genève, Genève, 1990.

55 Voir les deux articles consacrés à cette enquête parus dans la presse genevoise et conservés dans la collection Gottraux, CIG, cl. 62.

blin57. En 1894, à l’Exposition universelle d’Anvers, le diorama alpin de Hödel n’obéit plus aux lois du genre, quand bien même il explore une voie plus symbolique, mon- trant parallèlement l’Ascension et la Chute d’une cordée58. Avant la Grande Guerre, le spectacle des grandes illusions alpines n’attire plus le public59...

et PUis vint La raDe

Dans les guides, aux périphéries, aux excursions en montagne et aux vues de paysages, on préfère désormais la ville : le minéral prime désormais sur le végétal60. A ce recentrage touristique plusieurs rai- sons. Le changement de mode de dépla- cement y est pour beaucoup. Le cheval, les voitures hippomobiles, les postes, les bateaux, les bacs obligeaient autrefois les voyageurs à suivre des voies variées et des itinéraires souples. Attendre, se perdre, s’égarer, retrouver son chemin étaient les expériences consécutives à tout dépla- cement : le voyageur avait toute latitude d’inventer son périple.

Le chemin de fer restreint incontes- tablement cette liberté de mouvement et profite à certaines villes desservies, condamnant les autres à l’oubli61. Jusqu’à l’introduction de l’automobile, le tourisme devient activité spécifiquement urbaine62. À Genève, la première gare est construite à Cornavin entre 1856 et 1858, celle des Vollandes, porte de la vallée de l’Arve par Annemasse, en 1888.

En feuilletant les vade-mecum gene- vois c’est d’abord l’ « ombilic » de la Genève restaurée, c’est-à-dire la réunion du lac, des quais, de l’ancienne Ile des Barques et de la statue de Rousseau, qui fait l’objet d’attention. Vingt ans plus tard, les choses ne sont déjà plus les mêmes. En amont, au lieu des berges jadis encore instables et des anciens fossés, un nouveau décor est planté : l’urbanisation gagne, les limites primitives sont repoussées. Sur la rive droite, c’est le quai du Mont-Blanc (1851- 1857), le square (1853-1858) et le nouveau pont (1861-1862) ; à l’opposé, sur la rive gauche répondent l’hôtel de la Métropole (1852-1854) et la Promenade du Lac (à partir de 1854). Enfin, en 1856, deux jetées, l’une aux Pâquis et l’autre aux Eaux-Vives, établissent sur le lac une sorte frontière : le

« téménos » originel s’est déplacé.

Face à ce paysage urbain inédit, au fur et à mesure que les infrastructures avancent, les guides peinent à qualifier la surface d’eau nouvellement annexée à la ville. Au début, ils parlent tantôt « des ports », tantôt du « Lac », une terminologie répétée par les cartes de la Cité de Calvin.

Bientôt, le singulier est privilégié et cette étendue lacustre est définie comme étant

« le port ». En 1862, le Guide dans Genève et ses environs propose pour la première fois le substantif de « rade », sans que l’on sache exactement ce que ce nom désigne réellement63. Cette entrée lexicale ne fait pas recette et il faut attendre 1887 pour que le substantif refasse son appari- de la Caille, au plus profond du torrent des

Usses, ou de ceux de Saint-Gervais, près de Chamonix.

Dès 1874 un institut thermal inspiré de ces réalisations s’installe à Champel, tout près de Genève. À sa tête, le docteur Glatz vante les bienfaits des eaux froides de l’Arve qui descendent tout droit des gla- ciers. Auprès des bains, un décor alpin est sciemment recréé : des sapins sont plantés, une cascade et des rocailles sont aména- gées en contre-haut, sur la falaise abrupte, pour évoquer les hauteurs montagneuses.

Comme en écho, l’iconographie accompa- gnant les publicités de l’établissement de Champel ne manque pas de faire ressortir les escarpements de l’Arve et ses rives sau- vages, mais accueillantes, avec les Alpes dans le lointain. Dans les années 1880 l’ac- tivité balnéaire commence à péricliter et les notices n’évoquent plus désormais que le cadre charmant, les ombrages profonds et les promenades variées du site. Les gravures et les affiches rendent compte de cette nouvelle douceur des lieux, allant même jusqu’à faire de Champel-les-Bains, vers 1900, une station aux charmes pres- que exotiques. Comme s’il s’agissait d’un jardin d’hiver, la végétation environnante se peuple de palmiers et de plantes gras- ses49.

Ce déclassement touche également les représentations alpines proposées aux étrangers de passage en ville. Le Relief de la Suisse disparaît avec le Bastion de Chantepoulet en 1850, comme la Table d’orientation toute proche. Au Jardin anglais, le Grand Relief du Mont-Blanc résistera plus longtemps. En 1872 encore, le Guide Conty place cette attraction, « pro-

priété municipale », en tête de la liste des édifices cités dans la partie « Monuments et curiosités »50. En 1893, le Cicerone de poche l’inclut encore dans le corps de son texte, mais déjà presque à contrecoeur. La maquette n’y fait plus l’objet d’une entrée propre ; le « R » majuscule du relief s’est mué en une minuscule ; enfin - contraire- ment aux autres objets dignes d’intérêt, comme les Pierres du Niton évoquées juste à côté -, le substantif n’est même plus en italiques51. En 1896, à l’occasion de l’Expo- sition Nationale, les Souvenirs de Genève brossent un large répertoire des attrac- tions genevoises. Le Relief du Mont-Blanc a disparu des notices ; il reste cependant indiqué sur le plan attenant. C’est encore la situation qui prévaut en 1901 : la ma- quette alpine est inscrite sous le numéro 54, et son nom reporté sur la liste corres- pondante, juste après le Relief de Genève en 185054. Cette marginalisation progres- sive aboutit en 1919 à la destruction du pa- villon qui abritait au Jardin anglais cette curiosité. Dans l’indifférence générale, cette relique étonnante s’évanouit, sans laisser de traces, malgré les recherches effectuées pour la retrouver. Les dernières tentatives datent de 197655.

En bordure du Mail, la Villa Santoux et l’Alpineum connaissent le même sort en dépit des efforts de reconversion.

L’Alpineum tiendra en effet lieu de salle de cinéma, abritant en 1896, l’une des premières projections cinématographiques de Suisse56. L’édifice de la Plaine disparaît définitivement en mai 1899.

Le Panorama des Alpes bernoises quitte Genève en 1896. Il est remonté dans le Village Suisse de l’Exposition de Paris en 1900 ; puis est détruit en 1903 à Du-

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Panorama de genève de st-antoine par Jean Dubois (BGE) Panorama de genève en description du lac par Jean Dubois (BGE)

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63 Cette dénomination découle certainement du fait que le 27 décembre 1856 le Grand Conseil a approuvé le projet de travaux intitulé : « Port général soit Rade de Genève. Sur la formation historique et matérielle de la rade voir Les Monuments d’Art et d’Histoire du Canton de Genève : tome I, La Genève sur l’eau, Wiese, Bâle, 1997, pp. 62, 71, 98, 133-135, 187-193.

64 Genève. Lac Léman. Chamonix, R. Burkhart, Genève, s.d., (1904), pp. 47 et 48.

65 Le contresens devient cocasse quand, à une date indéterminée, l’usage vint de parler de « petite rade » ou « de grande rade »...

66 A Genève le substantif « agglomération » apparaît en 1894. Voir François Walter, La Suisse urbaine, Zoé, Genève, pp. 37-38.

67 Ce phénomène touche aussi les représentations des villes en général. Voir Pierre Monnoyeur,

« Les villes tentaculaires. Paysage urbain et représentation d’architecture », in Analog(ue)-Dialog(ue), Kunstmuseum de Soleure et Musée jurassien des arts de Moutier,, 15. 9. 2001 – 11. 11. 2001, pp. 85-94

68 Armand Brulhart, « Naissance du concept de vieille ville au XIXe siècle à Genève » in Aspects de l’art à Genève au XIXe siècle, Musée d’Art et d’Histoire, Genève, 1979, pp. 7-31.

69 André Corboz, op. cit.

l’île rousseau et le squaredu mont-Blanc. c. 1870 CIG

tion dans le Guide illustré de Genève : il désigne la zone située au-delà des deux jetées. En cela, le texte ne fait que suivre la définition des dictionnaires : avant les infrastructures portuaires, la rade est une large anse ouverte sur le large qui, proté- gée naturellement, peut aux besoins servir de lieu de mouillage et d’attente pour les navires. Une illustration de ce guide est particulièrement intéressante : tournant le dos à la rade, la vue est exécutée à partir de la jetée des Pâquis et présente le port de Genève, le pont du Mont-Blanc et, plus loin, la silhouette de la ville. Etonnam- ment, la gravure porte le titre de « pano- rama de Genève », comme si, embarrassée, elle préférait une formule passée de mode pour qualifier l’étendue d’eau qui constitue l’essentiel de l’image. En fait, la terminolo- gie ne se fixera qu’avec la fin du siècle. En 1899, le Plan de Genève et ses environs par Charles Bobiller adopte le terme de « rade » dont les quatre lettres viennent s’inscrire à la hauteur des Pierres du Niton. Cinq ans plus tard, l’opuscule Genève. Lac Léman. Chamonix a entériné cette entrée :

« fermant la rade que nous avons en face de nous, les deux jetées semblent deux im- menses bras qui s’entrouvrent pour laisser passer le lac »64.

L’usage est pris, sans souci du contre- sens opéré65. D’hésitations en atermoie- ments, en quelques années, le vocabulaire s’est adapté aux changements advenus.

Alors que les premiers guides parlaient

« des ports », faisant ainsi implicitement allusion à l’activité marchande et aux infrastructures lacustres populeuses, les seconds font de cet éparpillement une

unité. Ils préfèrent le singulier au pluriel :

« le port » s’impose. Enfin, tournant défini- tivement la page du XIXe siècle, oubliant l’agitation commerciale qui régnait autour des bateaux, les derniers guides adoptent le substantif « rade » pour désigner le nou- veau plan d’eau aménagé et gagné sur le lac. Cette requalification vient sanctionner un espace métamorphosé et organisé pour la navigation de plaisance, avec des quais dévolus aux voyageurs, à l’hôtellerie, et rapidement à la publicité.

Au moment où la ville se dépouille de ses bastions et de ses murs, où elle devient en somme une agglomération, un espace ouvert – avoué comme tel dès 189466 -, le paysage culturel et touristique genevois se concentre à l’intérieur de frontières étroitement définies67. A la dilatation de l’espace urbain répond un resserrement identitaire, un réflexe presque banal : l’histoire et l’art servent de rempart au

« cosmopolitisme ». D’une autre manière, c’est la « Naissance du concept de vieille ville au XIXe siècle à Genève »68. Du « témé- nos » et de « l’ombilic » de la « refondation » genevoise69, le concept de centre se déplace un peu en amont et trouve son incarnation dans la rade, une création artificielle ne s’ancrant sur aucune tradition.

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