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Tension superficielle d’une face cristalline
Raymond Defay
To cite this version:
TENSION SUPERFICIELLE D’UNE FACE CRISTALLINE
Par RAYMOND DEFAY.
Université de Bruxelles.
Sommaire. 2014 La tension
superficielle d’une face solide peut se définir d’une marière purement
mécanique qui évite toute confusion de cette granderr avec l’érergie litre superficielle. Contrai-rement à l’opirion communément admise, les relatiors de Wulff qui lient la situation des faces d’un cristal à leurs tensions superficielles ne sont pas des lois d’équilibre physico-chimique. Elles sont des conditions d’applicabilité de la notion de tension superficielle à des faces solides. Il en est de même de la règle du minimum de 03A303C303A9 énoncée par Gibbs et par Curie.
11,
a1950,
1. Introduction. -
La notion de tension super-ficielle des faces solides a été maintes fois utilisée et
s’est avérée très commode pour
expliquer
despro-priétés particulières
auxpetits
cristaux,
telles queleur tension de vapeur anormalement
élevée,
leur solubilité accrue, leur réactivité modifiée. Les tra-vaux lesplus
marquants
sur cesujet
sont ceux deGibbs
[1],
de Curie[2],
de Wulff[31,
de Volmer[4]
et von Laue
[5].
En rediscutant ici la notion mêmede tension
superficielle
d’un solide et en isolant leshypothèses
qui
sont nécessaires pour obtenir lesrelations de Wulff
[relation
(18) ci-dessous],
nousallons voir que
l’interprétation physique
de cesrelations doit être un peu différente de celle
commu-nément admise.
Nous verrons d’une
part
que la tension superfi-cielle des solidespeut,
comme celle desliquides,
être définie de manière
purement mécanique,
cequi
permet
d’éviter toute confusion entre la tensionsuperficielle
etl’énergie
libresuperficielle.
On sait que ces
grandeurs
sont engénéral
distinctes et nepeuvent
être confondues que dansquelques
casparticuliers.
Nous verrons, d’autre
part,
que les relations de Wulff ne sont nullement liées àl’équilibre
physico-chimique :
ellesexpriment
les conditions àremplir
pour que le modèle utilisé soit cohérent et cesconditions doivent être
remplies
aussi bien en dehors del’équilibre qu’à l’équilibre.
Les cristaux dont la forme ne satisfait pas aux
conditions de ’Wulff ne
peuvent
pas être traitéspar une théorie aussi
simple.
D’autres méthodesdeviennent alors nécessaires telles que les méthodes de Stranski et Kaischew
[ 6]
et de Kossel[7]
qui
calculent lepotentiel
chimique
sans faire intervenir la notion de tensionsuperficielle
des faces.Nous n’aborderons pas ici l’étude de ces derniers
travaux
(1),
notre but étant de délimiter exactement(1) Cette étude est reprise dans [8].
le domaine
d’emploi
de la méthode deGibbs-Wulff,
méthode
qui
conservel’avantage
de donner trèsrapidement
des résultats utilisables.2. Définition de la tension
superficielle
d’une face solide. - Dans le cas desliquides,
la tensionsuperficielle
a pu se définirsimplement
comme uneforce par unité de
longueur
qui
s’exerce entre deuxplages
contiguës
séparées
par touteligne
imaginée
sur la surface. En
fait,
toutes lesexpériences
mesurent directement cette force.
Dans le cas des
solides,
cette forcen’est,
engénéral,
pas accessible à
l’expérience
et nous dironsqu’une
grandeur
a- est la tensionsuperficielle
d’unesur-face Q si elle intervient par le terme
(- fJ’ dQ)
dansl’expression
du travailmécanique.
Pour
préciser
cettepensée,
nous allons d’abord traiter le cas de la surface d’un fluide dont la tensionsuperficielle
estsupposée
connue, parexemple
la surface d’unegoutte
(fig. i),
et voir comment leterme
(- (7 dQ)
s’introduit dansl’expression
du travailmécanique
effectué par lesystème
contre les forces extérieures et cela mêmelorsqu’aucune
force616
extérieure n’exerce de traction sur la surface. La
comparaison
de ce cas avec le cas du cristalqui
s’accroît auxdépens
de sa vapeur(fig.
2),
nousfera immédiatement voir comment on doit définir les tensions
superficielles
des faces cristallines.Dans le
premier
cas, unegoutte
liquide,
d’aireQ,
est entourée de sa vapeur, dans le second cas c’estun cristal limité par les faces
Szl,
Q2, Q3,
...qui
estentouré de sa vapeur. Les deux
systèmes
sontsupposés
sanspesanteur.
Appelons prime
laphase
vapeur et seconde laphase
condensée.Le volume total de l’enceinte est
désigné
par V et l’on a, dans les deux cas,Dans les deux cas, le seul travail extérieur fourni
par le
système
est le travailqui
s’exerce contre lepiston qui
limite l’enceinte. Considérons d’abord le cas de lagoutte
et suppo-sonsqu’au
cours de la transformationenvisagée
la
goutte
aitgrossi
auxdépens
de la vapeur, sonvolume
ayant
crû de d V" et sa surface de dQ.Le travail effectué par le
système
est conformémentà (2) et (1)
Or,
D’autre
part,
la loi deLaplace qui régit l’équilibre
mécanique
de la surface donneEn tenant
compte
de cesrelations,
(3) prend
la formeclassique
Cette démonstration d’une formule bien connue n’a d’autre but que de faire voir que le terme
(- (j dQ)
du travail
capillaire
s’introduit dansl’expression
du travail effectué par lesystème,
mêmelorsque
la surface f2 n’est pas directement soumise à unetrac-tion par des forces extérieures.
On remarquera que cette démonstration a fait usage de la loi de
Laplace (6) qui
est une loid’équi-libre
mécanique;
mais elle n’a aucunementsupposé
qu’il
y avaitéquilibre
physico-chimique
entre lagoutte
et sa vapeur.Par
analogie
avec le cas de lagoutte
nousdirons,
dans le cas du
cristal,
queal, a2, a3, ...
sont les tensionssuperficielles
des facesQ1
Q2,
Q3, ...
si le travail(2)
effectué par lesystème
de lafigure
2,peut
se mettre sous la forme3. Relations de Wulff. - Pour écrire la forme
(8),
il faut d’abordpréciser
ce que l’on entend par lapression p"
à l’intérieur du cristal. Engénéral,
la sollicitation
mécanique
en unpoint
d’un solide doit être définie par un tenseur. Mais ilpeut
arriver que pour une sollicitation extérieure convenable ce tenseur se réduise à unepression
isotrope.
Nousnous
placerons
dans ce cas et nous chercheronsensuite
quelle
devra être la forme du cristal pour que,plongé
dans un fluide depression
uniforme,
il
puisse
être lui-même considéré comme unephase
où
règne
unepression
uniformep".
Posons
L’expression
du travail(2)
peut
se mettre sous laforme
Cherchons la relation entre l’accroissement de volume d V" et les accroissements d’aires
d£&1, dQ2,
....Si,
par suite dugrossissement
du cristal auxdépens
de la vapeur,
chaque face p
se trouvedéplacée
normalement vers
l’extérieur,
de la hauteurdhfi,
le volume V" du cristal s’accroît évidemment de
Prenons un
point
0 à l’intérieur du cristal etjoignons-le
à tous les sommets du cristal. Celui-cise trouve ainsi divisé en autant de
pyramides qu’il
y a de
faces,
chaque
pyramide
ayant
une face pouret,
parconséquent,
En
rapprochant
(11)
de(13),
il vientet l’on a donc
Fig. 3. -
Coupe schématique dans le cristal.
Si nous
portons
cetteexpression
dans(10)
enposant
il vient
ce
qui
est la forme souhaitée(8).
Lagrandeur
ce définie par(16)
joue
donc bien le rôle de la tensionsuperficielle
de la face QB. Il résulte de(16)
que l’on aCes
égalités
sont connues sous le nom de relationde
Wulli.
4.
Interprétation
des relations de Wulff. -Les relations deWulff,
qui imposent
la propor-tionnalité entre la tensionsuperficielle
d’une face et sa distance dupoint
0,
indiquent
que lepoint
0ne
peut
être choisi arbitrairement et que la forme nepeut
êtrequelconque
si l’on attribue à aB unesignification physique,
c’est-à-dire si l’on considère que touttype
de face cristalline a une tensionsuperficielle
déterminée. Deux faces cristallinesparallèles
ont alors la même tensionsuperficielle
et,
dans tout cristalqui possède
deux facesparal-lèles,
lepoint
0 nepeut
se trouverqu’à
égales
distances de ces faces.
Si,
parexemple,
un cristalpossède
troispaires
de facesparallèles,
lepoint
0se trouve entièrement déterminé par ces faces et la distance de toutes les autres faces
possibles
est fixée par les relations de Wulff.Ces relations ont souvent été
interprétées
commedéterminant la
figure d’équilibre
physico-chimique
du cristal enprésence
de sa vapeur.Cette
interprétation
est enopposition
avec le fait que nous avons pu démontrer ces relations sansutiliser la condition
d’équilibre
physico-chimique
devaporisation,
à savoirNous n’avons introduit d’autre
hypothèse
que celle de l’uniformité de chacune despressions p’
etp".
D’ailleurs,
enrapprochant (16)
et(9),
on ace
qui
estl’analogue
de la formule deLaplace (6),
formule attachée au seul
équilibre
mécanique.
Les relations de Wulff doivent donc être consi-dérées comme les conditions
auxquelles
doit satis-faire lafigure
géométrique
du cristal pour quel’expression
du travail prenne la forme(17),
c’est-à-dire pour que le cristalpuisse
être assimilé à unephase
depression
uniforme limitée par des facesayant
chacune une tensionsuperficielle.
Il ne faut pas y voir une
figure
d’équilibre
devaporisation,
mais seulement unefigure
exception-nelle
qui
seprête
àl’usage
d’un modèle aussisimple.
Ce modèle est d’ailleurs extrêmementprécieux,
caril
permet
degénéraliser
immédiatement auxpetits
cristaux la loi de Kelvin sur la tension de vapeur
des
petites
gouttes.
Pourcela,
il suffit d’associerl’équation mécanique (20)
à la conditiond’équilibre
physico-chimique (19)
comme cela se fait pour lesgouttes
et les bulles(2).
On trouve ainsi que latension
de vapeurp’
d’unpetit
cristal est donnée paroù v" est le volume
spécifique
molaire du solideet
po
la tension de vapeur d’un cristal infinimentgrand
à la mêmetempérature.
Cette relation est une loi
d’équilibre
physico-chimique
tandis que les relations(18)
et(20)
sontindépendantes
de cetéquilibre.
5. Réduction du nombre de faces avec la
grosseur du cristal. - Considérons une série de cristaux d’une même matière mais de
plus
enplus
petits
et satisfaisant tous aux relations de Wulff.Puisque
71, 0’2,....
sont vraisemblablement des (2) Cf. par exemple R. DEFAY [9], p. 68 ou I. PRIGOGINE618
nombres constants
(3),
tous ces cristaux sontgéomé-triquement
semblablesjusqu’au
moment où les faces les moinslarges
sont réduites à deuxrangées
de molécules. Pour un cristal encoreplus
petit,
cesfaces ne
pourront
plus
exister car, si elles se réduisentà une
rangée
demolécules,
elles deviennent desarêtes.
Ainsi,
les trèspetits
cristaux deviennent deplus
enplus
pauvres en faces s’ils satisfont auxrela-tions de
Wulff,
et ce sont les faces à haute tensionsuperficielle qui disparaissent
lespremières.
On a voulu voir en ceci une loi
qui
commande lafigure d’équilibre
despetits
cristaux avec leurvapeur. Cette
interprétation
n’est paslégitime :
il
s’agit
simplement
d’unerègle
qui
conditionne le modèlesimple
auquel
s’attachent les relations de Wulff.6. Minimum de la fonction IcrQ. - Gibbs
(4)
et Curie
(5)
ontindépendamment
énoncé larègle qui
veut que la
figure
d’équilibre
d’uncristal,
de volume V"donné,
corresponde
au minimum de la fonctionWulff a montré sur des
exemples
que le minimum de 16 a lieulorsque
les relations(18)
sont satis-faites. La démonstrationgénérale
est extrêmementsimple (6).
(3) Pour un corps pur Tfi peut, a priori, dépendre de T,
p’, p", mais il est probable qu’il ne dépend que très peu de p’
et p ".
(4) GIBBS [1], p. 322. (5) CURIE [21.
(6) La démorstration donnée ici est plus simple que les exposés élégants de Liebmann [10] et von Laue [5].
En
effet,
cr1, a2,
... étantconstants,
on aPartant d’un cristal de
Wulff,
c’est-à-dire d’un cristalqui
satisfait à(18), imaginons
une variationde
forme,
à volume constant,qui
nous fasse sortirde la forme de Wulff. A
partir
de l’état initial deWulff,
la variation(23)
s’écrit à cause de(16)
où
h ô
est la valeur initiale de hi-.Or,
pour cette mêmevariation,
on a suivant(15)
Pour toute variation à volume V" constant, cette
différentielle est nulle et dW = o, comme le montre
(24).
La fonction W est donc extréméelorsque
les relations de Wulff sont satisfaites.Cet extrémum est un
minimum,
car, si tous les aB étaientégaux,
on aurait (D =cQ,
où Q est l’airetotale,
qui
nepeut
être que minimumpuisque
lessurfaces sont
supposées
tendues.On
peut
donc considérer que larègle
de Gibbs etCurie est
équivalente
aux relations de Wulff. Pasplus
que ces
dernières,
ellen’exprime
unepropriété
d’équilibre
ni une loiphysico-chimique,
maisseu-lement une condition
d’applicabilité
de la notion detension
superficielle.
Manuscrit reçu le 25 avril 1950.
BIBLIOGRAPHIE.
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[8] PRIGOGINE I, et DEFAY R.2014 Traité de thermodynamique, t. III. Tension superficielle et adsorption (sous presse),
Desoer, Liège.
[9] DEFAY R. 2014 Étude thermodynamique de la tension