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Étude sur l impact de la COVID-19 sur le mariage des enfants au Sénégal

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Texte intégral

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Étude sur l’impact de la COVID-19 sur le mariage

des enfants au Sénégal

Rapport final

Dakar, septembre 2021

(2)

L'utilisation du genre masculin a été adoptée dans certaines phrases afin d’alléger le document et d’en faciliter la lecture. Ce choix n'a aucune intention discriminatoire.

*********

Cette étude sur l’impact de la COVID-19 le mariage d’enfants au Sénégal a été réalisée pour le compte de la CONAME par une équipe sous la responsabilité scientifique de Prof.

Mamadou Dimé, sociologue-consultant et enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, (mamadou.dime@ugb.edu.sn) et composée de Dr. Serigne-Momar Sarr, enseignant-chercheur au Département de sociologie de l’Université Assane Seck de Ziguinchor, de Mamadou Diop statisticien-informaticien, ingénieur des travaux statistiques diplômé de l’École Nationale de la Statistique et de l’Analyse Économique (ENSAE) et d’Alassane Koringho Sagna, doctorant en socio-anthropologie du développement à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.

***********

Cette étude a été financée par la CONAME à travers l’Ambassade des Pays-Bas au Sénégal et le Partenariat Mondial Filles, Pas Épouses et a été conduite sous la coordination de Save the Children et d’ENDA Jeunesse Action.

********

Le contenu de ce document relève de l’unique responsabilité des consultants et ne peut, d’aucune façon, être considéré comme reflétant les vues et les positions de la CONAME, ni de ses organisations membres ni de ses partenaires.

Toute erreur, omission ou coquille relève de l’unique responsabilité des consultants.

(3)

Sommaire

Sommaire ... 2

Sigles et abréviations ... 3

Liste des graphiques ... 4

Liste des encadrés ... 6

Liste des tableaux ... 6

Résumé exécutif ... 8

Executive summary ... 1

Introduction ... 1

Contexte et objectifs de l’étude ... 3

Méthodologie de l’étude ... 7

Difficultés rencontrées et modalités de leur résolution ... 12

RÉSULTATS DE L’ÉTUDE ... 14

4.1. Résultats de l’enquête auprès des jeunes filles ... 14

4.1.1. Profils des jeunes filles ... 14

4.1.2. Connaissances et attitudes face au mariage des enfants ... 18

4.1.3. La COVID-19 et ses impacts aux yeux des jeunes filles ... 29

... 32

4.2. Résultats de l’enquête auprès des ménages ... 37

4.2.1. Profils des ménages enquêtés ... 37

4.2.2. Connaissances et attitudes des ménages face au mariage des enfants ... 41

4.2.3. La COVID-19 et ses impacts selon les ménages ... 51

Conclusion ... 59

Recommandations ... 61

À l’État du Sénégal : ... 61

Aux acteurs institutionnels et communautaires : ... 62

Aux parents des jeunes filles et aux jeunes filles : ... 63

À la CONAME, à ses membres et aux organisations actives dans la protection de l’enfance : ... 64

Liste des documents consultés ... 65

(4)

Sigles et abréviations

ANSD : Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie

CNERS : Comité National d’Éthique de la Recherche en Santé au Sénégal

CONAME : Coalition Nationale pour l’Abandon du Mariage d’Enfants au Sénégal FNUAP : Fonds des Nations Unies pour la Population

ONG : Organisation Non Gouvernementale OSC : Organisations de la Société Civile

SSR : Services de Santé Sexuelle et Reproductive UNICEF : Fonds des Nations unies pour l’Enfance

(5)

Liste des graphiques

Graphique 1: Répartition des filles par région (%) ... 14

Graphique 2: Répartition des filles par âge (%) ... 15

Graphique 3: Situation matrimoniale des filles (%) ... 15

Graphique 4: Type d'école fréquentée par les filles (%) ... 16

Graphique 5: Niveau d'instruction des filles (%) ... 17

Graphique 6: Activité principale des jeunes filles (%) ... 17

Graphique 7 : Âge d’aptitude au mariage selon les jeunes filles (%) ... 18

Graphique 8: Signes imminents du mariage selon les filles ... 19

Graphique 9: Répartition des filles selon l’âge du mariage ... 20

Graphique 10: Conditions de mariage des jeunes filles et sentiment après un mariage forcé (%) ... 21

Graphique 11 : Réaction après un mariage précoce (%) ... 21

Graphique 12: Soutien d'un membre de la famille après un mariage précoce et forcé (%) ... 23

Graphique 13: Statut conjugal des filles mariées et écart d'âge avec leur époux (%) ... 23

Graphique 14: Raisons principales des mariages ... 24

Graphique 15: Risque de mariage d’enfant et ampleur du risque (%) ... 25

Graphique 16: Conséquences du mariage des enfants (%) ... 25

Graphique 17: Recommandations pour prévenir et lutter contre le mariages des enfants ... 26

Graphique 18: Connaissances des services de santé sexuelle et reproductive (%) ... 27

Graphique 19: Source d'information sur les SSR ... 28

Graphique 20: Perception de la COVID-19 (%) ... 29

Graphique 21: Mesures de prévention contre la COVID-19 (%) ... 30

Graphique 22: Principales mesures ayant impacté le quotidien des filles (%) ... 30

Graphique 23: Impact de la COVID-19 sur l'emploi des époux des filles mariées (%) ... 31

Graphique 24: Impact de la COVID-19 sur le revenu des époux des filles mariées ... 32

Graphique 25: Échos d'un mariage d’enfant durant la COVID-19 (%) ... 32

Graphique 26: Constat sur l'évolution du mariage des enfants durant la COVID-19 (%) ... 33

Graphique 27: Échos de grossesses précoces durant la COVID-19 ... 34

Graphique 28: Constat sur l'évolution des grossesses précoces durant la COVID-19 ... 34

Graphique 29: Accès à l'éducation en période de COVID-19 (%) ... 34

Graphique 30: Mécanismes de suivi des cours en période de COVID-19 (%) ... 35

Graphique 31: Accès aux soins de santé en période de COVID-19 (%) ... 36

(6)

Graphique 32: Principaux motif de non accès aux soins de santé durant la COVID-19 (%) .. 36

Graphique 33 : Répartition de la population suivant la région de résidence (%) ... 37

Graphique 34 : Répartition de la population suivant le sexe (%) ... 37

Graphique 35 : Répartition de la population suivant la situation matrimoniale (%) ... 38

Graphique 36 : Répartition de la population suivant le type de mariage (%) ... 39

Graphique 37 : Répartition de la population suivant le statut du conjoint (%) ... 39

Graphique 38 : Répartition de la population suivant le niveau d’éducation (%) ... 40

Graphique 39 : Répartition de la population suivant la catégorie socio-professionnelle (%) .. 41

Graphique 40 : Perception sur l’âge au premier mariage des filles par région (%) ... 41

Graphique 41 : Perception sur les signes qui déterminent l’âge au premier mariage des filles (%) ... 42

Graphique 42 : Fréquence de mariage des filles avant leur 18 ans (%) ... 42

Graphique 43 : Perception sur l’âge officiel de mariage des filles au Sénégal (%) ... 43

Graphique 44 : Conséquences du mariage des enfants (%) ... 44

Graphique 45 : Moyens de prévention du mariages des enfants (%) ... 45

Graphique 46 : Perception de la COVID -19 (%) ... 51

Graphique 47 : Dispositions prises par les membres du ménages pour éviter la maladie (%) 52 Graphique 48 : Perceptions des mesures ayant le plus affecté les ménages (%) ... 52

Graphique 49 : Impact des mesures prises par l’Etat sur l’emploi du chef de ménage (%) . ... 53

Graphique 50 : Évolution du niveau de revenu du chef de ménage durant la COVIID-19 (%) ... 53

Graphique 51 : Évolution du niveau de vie des ménages durant la COVID-19 (%) ... 54

Graphique 52 : Connaissance de filles retirées de l’école durant la COVID-19 (%) ... 54

Graphique 53 : Connaissance de mariages de filles de moins de 18 ans durant la COVID-19 (%) ... 55

Graphique 54 : Connaissance de cas de viol sur les jeunes filles durant la COVID-19 (%) ... 56

Graphique 55 : Connaissance des cas de grossesses non-désirées de jeunes filles durant la COVID-19 (%) ... 57

Graphique 56 : Motifs de non accès aux services de soins (%) ... 58

(7)

Liste des encadrés

Encadré 1 : « Pour certains parents, il faut donner très tôt la fille en mariage sinon elle va

apporter un déshonneur dans la famille » ... 22

Encadré 2 : Donner sa fille en mariage pour espérer sortir du gouffre de la précarité ... 24

Encadré 3 : Donner en mariage une jeune fille «c’est la mettre en danger» ! ... 26

Encadré 4 : «On m’a donné en mariage après la réouverture des écoles ...» ... 31

Encadré 5 : « Donner sa fille en mariage pour s’assurer une sécurité financière » ... 33

Encadré 6 : Avec la fermeture des écoles, « beaucoup de parents ont donné leurs enfants en mariage...» ... 35

Encadré 7 : L’Etat se doit de protéger les jeunes ! ... 62

Encadré 8 : «Nous œuvrons au quotidien pour éviter le mariage des enfants...» ... 63

Encadré 9 : «On doit demander aux parents d’arrêter les mariages d’enfants...» ... 63

Liste des tableaux

Tableau 1 : Profil des acteurs enquêtés et leur répartition pour le volet qualitatif de l’étude .. 11

Tableau 2: Distribution de l'âge des filles ... 15

Tableau 3: Connaissance des SSR entre les adolescentes mariées et non mariées ... 28

Tableau 4 : Perception sur le fait qu’une fille a le même droit pour l’âge au mariage qu’un garçon (%) ... 45

Tableau 5 : Perception sur le fait qu’une fille ne doit pas être retirée de l’école pour ensuite être mariée (%) ... 46

Tableau 6 : Perception sur le fait qu’on doit laisser une fille continuer ses études si elle le désire même après le mariage (%) ... 46

Tableau 7 : Perception sur le fait que les filles et les garçons ont le même droit d’aller à l’école (%) ... 47

Tableau 8 : Perception sur le fait que les filles et les garçons ont les mêmes droits de poursuivre les études supérieures (%) ... 47

Tableau 9 : Perception sur le fait que les filles sont données en mariage avant 18 ans pour respecter nos coutumes et traditions (%) ... 48

Tableau 10 : Perception sur le fait que les filles ont le droit de refuser le mariage si elles ne veulent pas se marier (%) ... 48

(8)

Tableau 11 : Perception sur le fait qu’il est de la responsabilité de la fille d’éviter de tomber enceinte (%) ... 49 Tableau 12 : Perception sur le fait que c’est l’homme qui devrait avoir le dernier mot pour les décisions prises à la maison sur le mariage de sa fille (%) ... 49 Tableau 13 : Perception sur le fait qu’une fille doit accepter de se marier avant 18 ans pour garder l’honneur de sa famille (%) ... 50 Tableau 14 : Perception sur le fait qu’une fille qui n’est pas mariée tôt constitue un risque pour sa famille (%) ... 50 Tableau 15 : Perception sur le fait qu’une fille non mariée « n’a pas de valeur » (%) ... 51 Tableau 16 : Fréquence des mariages des jeunes filles de moins de 18 ans durant la COVID-19 (%) ... 55 Tableau 17 : Fréquence des cas de viol sur les jeunes filles de moins de 18 ans durant la COVID- 19 (%) ... 56 Tableau 18 : Fréquence des cas de grossesses des jeunes filles durant la COVID-19 (%) ... 57 Tableau 19 : Fréquence d’accès aux services de soins (%) ... 58

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Résumé exécutif

Analyser les impacts de la pandémie de la COVID-19 sur le mariage des enfants au Sénégal

Cette étude commandée par la Coalition Nationale pour l’Abandon du Mariage des Enfants au Sénégal (CONAME) a visé à cerner, de la manière la plus exhaustive possible, les impacts de la COVID-19 sur le mariage des enfants au Sénégal, plus précisément dans les régions où le phénomène est le plus répandu, à savoir : Kédougou, Kolda et Tambacounda.

Au Sénégal, une fille sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans. La prévalence du mariage d’enfants y est de 31 % avant 18 ans et de 8,5 % avant 15 ans. Dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda, ce sont environ trois filles sur cinq qui sont victimes de mariage d’enfants. Ce pourcentage atteint même deux filles sur trois à Kédougou.

Malgré les actions de lutte de l’État et des partenaires techniques et financiers, notamment des organisations de protection de l’enfance, le mariage des enfants continue de persister. Des facteurs sociaux, culturels, religieux et économiques contribuent fortement à sa perpétuation. Ils expliquent en outre les disparités quant à sa prévalence selon le milieu de résidence et le revenu socio-économique des familles. Or,

répercussions socio-économiques sur les segments les plus vulnérables de la population sénégalaise. La vulnérabilité des familles fournissant un terreau propice à l’accentuation du mariage des enfants, il est important de disposer de données de données probantes permettant de montrer les incidences réelles de la COVID-19 sur le mariage des enfants au Sénégal.

Cette étude a eu pour préoccupation de montrer comment les mesures restrictives telles que le couvre-feu, l’état d’urgence, la fermeture des écoles et des universités, l’interdiction des rassemblements et des cérémonies familiales, la fermeture des marchés hebdomadaires et l’interdiction des déplacements interurbains, etc. ont affecté les droits des filles et d’analyser leurs conséquences sur les abandons scolaires des filles, les violences verbales, physiques et sexuelles à l’endroit des filles.

Cette étude s’appesantit également sur les conséquences du contexte de pandémie sur la vulnérabilité des familles dans les trois localités. Cette précarité favorise grandement la persistance du phénomène du mariage des enfants. Enfin, l’étude a eu à évaluer les réponses institutionnelles et communautaires pour une protection des enfants et des filles dans le contexte de la pandémie de la COVID-19.

Le corpus de données sur lequel nous nous appuyons provient d’une double quantitative et qualitative dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda dans le respect strict des normes et exigences en matière de sauvegarde et de protection :

§ une enquête par questionnaire auprès de 324 ménages selon l’échantillonnage par stratification à deux degrés dans les régions de

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Kédougou (12,4% de l’échantillon) et Tambacounda (46,6% de l’échantillon) ;

§ une enquête par questionnaire auprès de 402 jeunes filles

sélectionnées selon

l’échantillonnage par grappe et réparties comme suit : Tambacounda 43% de l’échantillon, Kédougou 42,8% de l’échantillon et Kolda 14,2% de l’échantillon ;

§ 21 entretiens individuels semi- structurés dans les trois régions de l’étude avec des jeunes filles et des femmes dans les trois régions ;

§ des entretiens avec des acteurs institutionnels et communautaires dans chacune des trois régions (chef d’établissement scolaire, infirmier, sage-femme, bajenu gox, imam, service de l’action sociale, etc.).

Un refus du mariage précoce mais un risque important d’en être victime

Les filles ne cautionnent pas le mariage des enfants. Les filles considèrent qu’une fille ne doit être mariée qu’à partir de 18 ans. Six filles sur dix enquêtées partagent cette opinion. Cependant, une fille sur quatre pense que la fille doit se marier entre 14 et 17 ans.

La plupart des filles pensent que le premier signe qui doit encourager à donner une fille en mariage est l’expression de ses sentiments amoureux. La moitié de l’échantillon est de cet avis. Parmi les filles mariées de l’échantillon, la plupart ont été mariées entre 14 et 16 ans, soit près de 4 filles mariées sur 5. L’âge modal (le plus fréquent) du mariage chez ces filles est de 15 ans avec 28,9%. Cependant, il faut signaler que 28,6% des filles mariées ont

déclaré avoir été données en promesse de mariage avant leur cinquième anniversaire.

Ces résultats montrent que le choix du mariage n’émane pas des jeunes filles ; celles-ci sont sous l’emprise des contraintes imposées par leur communauté par l’intermédiaire de leurs propres parents. Ce qui corrobore le fait que le mariage continue d’être une stratégie familiale pour nouer des alliances, pour se défaire d’une « charge » et pour prévenir des comportements pouvant conduire au déshonneur pour les familles (sexualité prénuptiale, grossesses hors mariage). D’ailleurs, les cinq principales raisons évoquées par les jeunes filles pour justifier leur mariage sont : éviter les grossesses hors mariage (58,7%), respecter les préceptes de la religion (55,6%), honorer le rang social de la famille (42,9%), perpétuer la lignée familiale (41,3%) et réduire les charges de leur famille (36,5%).

Très peu de filles décident de leur mariage. Celles-ci sont globalement soumises à la volonté des parents de les donner en mariage sans prendre en compte leur choix. En effet, parmi les filles n’ayant pas été mariées par choix individuel, quasiment sept sur dix ont dit avoir

« accepté sans broncher ». Les filles ayant contesté le mariage forcé n’ont pas bénéficié, pour la majorité, d’un soutien familial. En effet, seules 37,7% d’entre elles ont été soutenues par un membre de leur famille. En revanche, aucune fille dans cette situation n’a déclaré avoir bénéficié d’un soutien institutionnel, quel qu’il soit. De ce point de vue, les jeunes filles semblent être laissées à elles-mêmes. Si ce ne sont quelques cas de mariage d’enfant détectés par les chefs d’établissement scolaire qui s’emploient à un suivi de cas en faisant un signalement auprès des autorités locales compétentes, peu de filles ont la chance de bénéficier d’une assistance.

(11)

risque d’être donnée en mariage avant l’âge de 18 ans. Cette proportion est plus élevée dans la région de Kolda où elle atteint 35,4%. Elle est de 15% à Tambacounda et seulement de 3,7% à Kédougou. Ces jeunes filles qualifient majoritairement ce risque à un niveau très important, soit 62,3% d’entre elles.

Lorsqu’il leur a été demandé de proposer des recommandations pour prévenir et lutter contre le mariage des enfants, 73,6% des filles enquêtées considèrent qu’il faut sensibiliser les parents tandis que 69,4% soutiennent qu’il faut scolariser davantage les filles et 46,4%

estiment qu’il faut laisser le choix aux filles.

La proportion très significative de la recommandation « sensibilisation des parents » atteste du niveau de responsabilité très élevé des parents dans le mariage des enfants. Les campagnes de sensibilisation et les actions de changement de comportement doivent cibler en priorité les parents puisque l’étude met en lumière leur rôle prépondérant dans le mariage des enfants.

Une fermeture des écoles

« traumatisante » pour les jeunes filles !

Neuf filles enquêtées sur dix pensent que la COVID-19 est une maladie grave. La quasi-totalité des jeunes filles ont affirmé que des dispositifs ont été pris pour faire face à la COVID-19. Parmi ceux-ci, le port du masque (93,3%), l’utilisation d’un lave- main (93,8%) et l’utilisation de gel hydro- alcoolique (70,4%) sont les plus utilisés selon les filles.

Les principales mesures ayant impacté le quotidien des filles sont : la fermeture des écoles et universités (66,4%), la fermeture des marchés (64,7%) et l’interdiction des rassemblements (52,5%).

La mesure de fermeture des écoles et des universités a été jugée traumatisante par

de nombreuses jeunes filles (66,4%). Pour ces jeunes filles, l’école était le seul véritable espace de liberté leur permettant de se soustraire, pour quelques heures, à l’autorité parentale et de ainsi s’offrir quelques moments de loisir aux heures de récréation. L’école représentait aussi pour ces jeunes filles un cadre d’échange et de partage d’expériences vécues au quotidien entre camarades.

10% des filles que nous avons enquêtées ont été retirées de l’école lors de la fermeture des écoles. Ce taux de retrait est plus élevé dans la région de Kolda où il atteint 16,5%. Seules 2,3% des filles inscrites à l’école ont bénéficié de mécanismes leur ayant permis de suivre des cours pendant la fermeture des écoles. La fermeture des écoles a lourdement impacté les jeunes filles dans les trois régions d’étude.

Près de 29% des filles mariées ont signalé que la COVID-19 a impacté l’emploi de leur mari. En effet, 26% ont déclaré que leur mari a cessé de travailler durant la COVID-19 et pour 2,7% des filles mariées, leur époux a changé d’emploi. Près six filles mariées sur dix ont révélé que le revenu de leur époux a diminué pendant la pandémie.

Une recrudescence des mariages d’enfants selon les acteurs

institutionnels

Trois filles sur dix ont affirmé avoir connu une amie ou voisine, de moins de 18 ans, qui a été donnée en mariage pendant la pandémie. Cette proportion est plus élevée dans la région de Tambacounda et plus faible à Kédougou avec des proportions respectives de 43,9% et 15,8%.

Globalement, la plupart des filles pensent que le phénomène du mariage des enfants dans leur localité est moins fréquent durant la COVID-19, soit 43%.

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L’enquête qualitative auprès des acteurs communautaires montre cependant que la COVID-19 a fortement impacté le mariage des enfants. Les chiffres de l’enquête quantitative auprès des jeunes filles contrastent ainsi avec ceux de l’enquête qualitative auprès des acteurs institutionnels et communautaires. Ce contraste pourrait s’expliquer par le niveau d’accès à l’information sur les cas de mariage d’enfant plus élevés chez ces acteurs institutionnels et communautaires.

Le mariage des enfants plus impacté par les mesures restrictives

Plus que la pandémie elle-même, ce sont surtout les mesures restrictives prises pour endiguer la COVID-19 qui ont eu les effets les plus redoutables sur le plan socio- économique notamment. Le contexte de la pandémie a des impacts directs sur le mariage des enfants mais ce sont surtout les mesures restrictives qui ont contribué à accroître la fréquence du mariage des enfants. Si certains parents ont retiré leurs filles de l’école, durant la fermeture des écoles, pour les donner en mariage, d’autres ont profité de l’interdiction des rassemblements dans les lieux publics et privés pour marier leur jeune fille « en douce ».

L’étude met en lumière une vulnérabilité plus accrue des familles dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda. Associée à la longue fermeture des écoles, la fragilisation socio- économique des ménages a joué un rôle important dans la persistance du mariage des enfants. Celle continue d’être utilisée par certains comme une stratégie pour faire face aux difficultés accentuées par les mesures restrictives qui ont un coût social et économique très élevé dans ces régions périphériques.

Intensifier les interventions et les campagnes de sensibilisation pour préserver les acquis

Plusieurs actions de lutte contre le mariage des enfants ont été menées dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda. Celles-ci doivent être accentuées car le contexte de la COVID-19 représente un risque de remise en cause des progrès enregistrés. C’est pourquoi, l’État doit veiller à l’application stricte des lois déjà en vigueur pour lutter contre les mariages d’enfants. L’application de ces lois permettra de dissuader de nombreux parents prêts à donner leurs jeunes filles en mariage. Le ministère de l’Éducation nationale doit mettre en place des cycles courts de formation professionnelle qui permettront d’insérer très tôt les jeunes filles dans le tissu économique sachant que l’une des raisons principales du mariage des enfants est la précarité qui sévit dans les milieux ruraux notamment.

Des cellules locales de veille et d’alerte jouissant de reconnaissance juridique, doivent être mises en place dans les zones rurales à fort taux de mariage d’enfants pour prévenir et dénoncer les cas de mariages d’enfants.

Une communication de proximité, à travers des visites à domicile, doit être régulièrement faite par les acteurs communautaires (imams, chefs de quartiers, bajenu gox, etc.) auprès des parents pour prévenir la pratique du mariage des enfants.

Les campagnes de sensibilisation pourraient également prendre la forme d’ateliers de renforcement des capacités des femmes dans les milieux ruraux pour renforcer le leadership féminin et permettre aux femmes d’avoir voix au chapitre dans les prises de décisions en lien notamment avec l’avenir de leurs jeunes filles.

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Executive summary

Analysing the impact of the COVID-19 pandemic on child marriage in Senegal

This study, commissioned by the National Coalition for the Abandonment of Child Marriage in Senegal (CONAME), aimed to identify, as comprehensively as possible, the impacts of COVID-19 on child marriage in Senegal, more specifically in the regions where the phenomenon is most widespread, namely: Kédougou, Kolda and Tambacounda. In Senegal, one in three girls is married before the age of 18. The prevalence of child marriage1 is 31% before the age of 18 and 8.5% before the age of 15.

In the regions of Kédougou, Kolda and Tambacounda, approximately three girls out of five are victims of child marriage.

This percentage even reaches 2 out of 3 girls in Kédougou.

Despite the efforts of the State and its technical and financial partners, particularly child protection organisations, the phenomenon continues to persist.

Social, cultural, religious and economic factors strongly contribute to its perpetuation. They also explain the disparities in its prevalence according to the area of residence, the socio-economic level of families and the level of education of women. The context of COVID-19 has harsh socio-economic repercussions on the

most vulnerable segments of the Senegalese population. Since the vulnerability of families is a breeding ground for increased child marriage, it is important to have evidence to show the real impact of COVID-19 on child marriage in Senegal.

The corpus of data on which we rely comes from a double quantitative and qualitative survey in the regions of Kédougou, Kolda and Tambacounda in strict compliance with the standards and requirements for safeguarding and protection:

§ a questionnaire survey of 324 households using two-stage stratification sampling in the regions of Kolda (41.1% of the sample), Kédougou (12.4% of the sample) and Tambacounda (46.6% of the sample);

§ a questionnaire survey of 402 girls selected according to cluster sampling and distributed as follows Tambacounda 43% of the sample, Kédougou 42.8% of the sample and Kolda 14.2% of the sample ;

§ 21 semi-structured individual interviews in the three study regions with girls and women in the three regions;

§ interviews with institutional and community actors in each of the three regions (head of school, nurse, midwife, bajenu gox, imam, social action service, etc.).

A refusal of child marriage but a high risk of becoming a victim

The girls do not support child marriage. The girls consider that a girl

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should only be married from the age of 18.

6 out of 10 girls surveyed agree. However, 1 out of 4 girls think that a girl should be married between 14 and 17. Most girls think that the first sign that should encourage them to give a girl in marriage is the expression of their feelings of love. Half of the sample holds this view. Of the married girls in the sample, most were married between the ages of 14 and 16, almost 4 out of 5 married girls. The modal (most frequent) age of marriage among these girls is 15 years with 28.9%. However, it should be noted that 28.6% of married girls reported that they were promised marriage before their fifth birthday.

These results show that the choice of marriage does not emanate mainly from the young girls; they are under the influence of the constraints imposed by their community through their own parents. This corroborates the fact that marriage continues to be a family strategy to build alliances, to get rid of a burden and to prevent behaviour that could lead to dishonour for the families (pregnancies outside marriage). Moreover, the five main reasons given by young girls to justify their marriage are: to avoid pregnancies out of wedlock (58.7%), to respect the precepts of religion (55.6%), to honour the family's social rank (42.9%), to perpetuate the family line (41.3%) and to reduce the burdens of their family (36.5%).

Very few girls decide on their marriage, and they are generally subject to the will of their parents to give them in marriage without taking their choice into account. In fact, among the girls who were not married by individual choice, almost 7 out of 10 said they had "accepted it without question". The majority of girls who contested the forced marriage did not benefit from family support. Indeed, only 37.7% of them were supported by a family member. Moreover, none of the girls in this

point of view, young girls seem to be left to their own devices. Apart from a few cases of child marriage detected by school principals who follow up on cases by reporting them to the relevant local authorities, few girls are lucky enough to have assistance.

Among unmarried girls, 22.7%

think they are at risk of being given in marriage before the age of 18. This proportion is higher in the Kolda region, where it reaches 35.4%. It is 15% in Tambacounda and only 3.7% of unmarried girls in Kédougou. The majority of these girls, 62.3%, consider this risk to be very high.

When asked to propose recommendations to prevent and combat child marriage, 73.6% of the girls surveyed thought that parents should be made aware of the problem, while 69.4% said that more girls should go to school and 46.4% said that girls should be given the choice. The very significant proportion of the recommendation "sensitise parents" attests to the very high level of responsibility of parents in child marriage. Awareness- raising campaigns and behavioural change actions should target parents as a priority, as the study highlights their predominant role in child marriage.

A "traumatic" school closure for young girls!

9 out of 10 girls surveyed believe that COVID-19 is a serious disease. Almost all the girls said that measures had been taken to deal with COVID-19. Among these, wearing a mask (93.3%), using a hand wash (93.8%) and using hydro-alcoholic gel (70.4%) are the most used according to the girls.

The main measures that have had an

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closure of markets (64.7%) and the ban on gatherings (52.5%).

The school closure measure was considered traumatic by many girls (66.4%).

For these girls, school was the only real space of freedom that allowed them to escape their parents' authority for a few hours and to have a few moments of leisure during break time. For these girls, school was also a place where they could exchange and share their daily experiences with their peers.

10% of the girls we surveyed had been withdrawn from school when the schools closed. This withdrawal rate is higher in the Kolda region where it reaches 16.5%. Only 2.3% of the girls enrolled in school benefited from a mechanism to attend classes during the school closure.

The closure of schools had a heavy impact on girls in the three regions studied.

Nearly 29% of married girls reported that COVID-19 affected their husband's employment. Indeed, 26%

reported that their husbands stopped working during COVID-19 and for 2.7% of married girls, their husbands changed jobs.

Almost 6 out of 10 married girls reported that their husband's income decreased during the pandemic.

An increase in child marriages according to institutional actors

3 out of 10 girls said they knew a friend or neighbour under the age of 18 who was given in marriage during the pandemic.

This proportion is higher in the Tambacounda region and lower in Kédougou with proportions of 43.9% and 15.8% respectively.

Overall, most girls think that the phenomenon of child marriage in their locality is less frequent during COVID-19

The qualitative survey of community actors shows, however, that COVID-19 had a strong impact on child marriage. The figures from the quantitative survey of young girls thus contrast with those from the qualitative survey of institutional and community actors. This contrast could be explained by the higher level of access to information on cases of child marriage among these institutional and community actors.

Child marriage more affected by restrictive measures

More than the pandemic itself, it is above all the restrictive measures taken to contain the disease that have had the most formidable effects, particularly in socio- economic terms. The context of the pandemic has direct impacts on child marriage, but it is above all the restrictive measures that have contributed to an increase in the frequency of child marriage.

While some parents took their daughters out of school during the school closure to give them in marriage, others took advantage of the ban on gatherings in public and private places to sneak their daughters into marriage.

The study highlights the increased vulnerability of families in the context of the COVID-19 pandemic in the regions of Kédougou, Kolda and Tambacounda.

Combined with the long closure of schools, the socio-economic fragility of households has played an important role in the persistence of child marriage. This continues to be used by some as a strategy to cope with the difficulties accentuated by the restrictive measures that have a very high social and economic cost in these peripheral regions.

Intensifying interventions and awareness-raising campaigns to preserve gains

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Several actions to combat child marriage in the regions of Kédougou, Kolda and Tambacounda. These must be stepped up in the context of COVID-19, which represents a risk of jeopardising the progress made. This is why the State must ensure the strict application of laws already in force to combat child marriage.

Enforcement of these laws will deter many parents from giving away their girls in marriage. The Ministry of Education must set up short vocational training courses that will enable young girls to be integrated into the economic fabric at a very early stage, given that one of the main reasons for child marriage is the precariousness that prevails in rural areas.

Local monitoring and warning units, enjoying legal recognition, must be set up in rural areas with a high rate of child marriage to prevent and report this kind of of marriage. Community actors (imams, neighbourhood chiefs, bajenu gox, etc.) should regularly communicate with parents to prevent child marriage through home visits. Awareness-raising campaigns could also take the form of capacity-building workshops for women in rural areas to strengthen female leadership and enable women to have a say in decision-making, particularly with regard to the future of their daughters.

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Introduction

Ce document présente les résultats de l’étude commandée par la Coalition Nationale pour l’Abandon du Mariage des Enfants au Sénégal (CONAME) pour connaître les impacts de la COVID-19 sur le mariage des enfants dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda.

À travers cette étude, la CONAME composée de plus d’une vingtaine d’organisations de la société civile (OSC) cherche ainsi à disposer de données probantes lui permettant d’ajuster sa stratégie de plaidoyer et d’orienter les actions sur le terrain de ses organisations membres par rapport aux conséquences que la COVID-19 a eues sur la pratique du mariage des enfants dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda qui sont celles où le mariage des enfants est le plus répandu en raison d’une multiplicité de facteurs d’ordre socio-culturel, religieux, socio- économique, historique, etc.

Depuis début mars 2020, date de détection du premier cas de COVID-19 au Sénégal, jusqu’à aujourd’hui, la crise sanitaire ne s’est pas estompée. Comme ailleurs dans le monde et en Afrique, elle évolue sous forme de vagues mettant à mal les structures sanitaires et générant son lot de décès, de drames et de conséquences socio-économiques difficilement vécues par les familles.

Actuellement, le Sénégal est au cœur de sa troisième vague avec la circulation du variant de la COVID-19 appelé Delta caractérisé par sa forte contagiosité et un taux de mortalité moralité plus élevé. Néanmoins, malgré la forte mortalité enregistrée au cours de cette troisième vague qui place le Sénégal parmi les pays d’Afrique de l’Ouest affichant le pire bilan face à la COVID-19, la plupart des mesures restrictives comme le couvre-feu, la fermeture des écoles et des universités, l’interdiction des déplacements interurbains, la fermeture des marchés hebdomadaires, etc. qui avaient été mises en place lors de la première vague n’ont été adoptées face à cette troisième vague. Cependant, leurs conséquences désastreuses sur le plan socio- économique continuent de persister et de représenter une lourde menace pour les progrès enregistrés dans des domaines comme la lutte contre le mariage des enfants, la scolarisation des filles, la protection de l’enfance en danger, etc.

C’est pourquoi la CONAME a jugé nécessaire de mener cette étude pour cerner les incidences de la COVID-19 sur le mariage des enfants et ses corollaires que sont la scolarisation des filles, leur vulnérabilité socio-économique et leur santé de la reproduction. Il était également

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important de voir quelles perceptions les jeunes filles ont de la COVID-19, comment elles vivent la pandémie, quelles opinions elles ont des mesures restrictives, et plus globalement de la stratégie de lutte contre la COVID-19 (mesures de prévention, campagnes de sensibilisation, gestes-barrière, etc.).

Cette étude a reposé sur une approche méthodologique mixte basée sur une enquête par questionnaire auprès de ménages, une enquête quantitative auprès de jeunes filles et enfin sur une série d’entretiens individuels et collectifs avec des chefs de ménage, des jeunes filles et avec des acteurs institutionnels et communautaires dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda. Les enquêtes ont été menées dans les trois régions au cours des mois de juin et juillet 2021 dans le respect strict des exigences en matière d’éthique, de sauvegarde et de protection.

Ce rapport qui en présente les résultats définitifs est structuré autour de trois principales sections : une première qui présente le contexte et les objectifs de recherche, une deuxième qui expose la méthodologie de recherche mais aussi les difficultés rencontrées et enfin une troisième et dernière partie qui présente les résultats de l’étude.

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Contexte et objectifs de l’étude

La pandémie de la COVID-19 n’a uniquement pas représenté au Sénégal une redoutable crise sanitaire. Elle y a rapidement pris les traits d’une crise socio-économique dévastatrice pour de larges segments de la population et dont les effets pourraient persister encore pendant longtemps. La pandémie s’est donc doublée d’une crise socio-économique dont les effets risquent d’être encore plus désastreux pour les jeunes filles en situation de vulnérabilité, surtout celles se trouvant dans les liens du mariage. Pour celles qui ne le sont pas encore, le risque d’être donné en mariage est accru par la précarité des familles déclenchée ou accélérée par les impacts de la COVID-19 et des mesures restrictives mises en place pour y faire face (état d’urgence, couvre-feu, fermeture des établissements scolaires, interdiction des rassemblements, fermeture des lieux de culte, interdiction des déplacements interurbains, fermeture des frontières, interdiction des marchés hebdomadaires, etc.).

Au Sénégal, une fille sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans. La prévalence du mariage d’enfants y est de 31 % avant 18 ans et de 8,5 % avant 15 ans. Dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda, ce sont environ trois filles sur cinq qui sont victimes de mariage d’enfants. Ce pourcentage atteint même deux filles sur trois à Kédougou1. Des disparités importantes existent donc entre les régions, entre les milieux urbains et ruraux mais aussi selon le revenu socio-économique des familles et le niveau de scolarisation des femmes2.

1 CONAME, 2018. Note d’orientation Mariages d’enfants au Sénégal: Des progrès à consolider pour en finir avec les mariages d’enfants, CONAME, 2018.

2 République du Sénégal, Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, Direction de la Famille, 2017.

Analyses des Déterminants Sociaux Culturels et Économiques des Facteurs favorisants les Mariages d’Enfants dans les Régions de Diourbel- Fatick-Kaffrine-Kédougou- Kolda-Louga-Matam-Tambacounda et de Sédhiou, Rapport d’étude, Consultant Moussa B. Sall, janvier 2017, 79 p. ; UNICEF, 2018. Situation des enfants et des adolescents au Sénégal : diagnostic et analyse, étude produite par le Groupe d’Étude de Recherche et d’Appui au Développement (GERAD) pour l’UNICEF, janvier 2018.

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Le mariage des enfants est une violation grave des droits humains qui prive les filles de leurs droits à la santé et à l’éducation et les enferme dans un cycle de pauvreté. Ni physiquement ni émotionnellement prêtes à devenir des épouses et des mères, elles sont ainsi exposées à des complications dangereuses pendant la grossesse et l’accouchement. Elles courent de graves risques de contracter le VIH/SIDA et d’être victimes de violence conjugale. Une fois mariées, les filles ne sont plus en mesure d’aller à l’école et sont ainsi privées d’opportunités économiques et professionnelles.

Cette étude sur l’impact de la COVID-19 sur le mariage des enfants a été menée dans trois régions qui présentent la singularité d’être géographiquement éloignées du centre névralgique du pays mais également de faire partie des zones qui, sur le plan socio-économique, sont parmi les plus désavantagées. Ce qui fournit un terreau propice pour la persistance du mariage des enfants que le contexte de la pandémie risque d’accentuer davantage. Plusieurs facteurs sont à l’origine du mariage des enfants et de ses corollaires, notamment les abandons scolaires, les violences basées sur le genre, les grossesses précoces, l’exploitation des enfants, etc. On peut notamment citer la pauvreté, la persistance de normes socio-culturelles et religieuses qui y sont favorables, des prescriptions normatives à forte teneur patriarcale mais aussi des représentations sociales tendant à considérer les filles comme une charge pour les familles et une source de stress et de hantise au quotidien du fait du risque d’une sexualité prénuptiale et d’éventuelles grossesses hors-mariage vécues par les familles comme une grande source de honte et de déshonneur, etc.

L’Etat du Sénégal s’est engagé à plusieurs reprises à mettre fin au mariage des enfants (adoption, en mai 2014, de la position africaine commune sur le mariage des enfants, lancement en 2016 de la campagne de l’Union africaine, accueil de la première rencontre de haut niveau sur le mariage des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre en octobre 2017, etc). Plus important encore, le Plan Sénégal Emergent, à travers son Plan d’Actions Prioritaires Ajusté et Accéléré (PAP2A) pour 2019-20233, se propose de réduire la prévalence du mariage des enfants

3 République du Sénégal, Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération, 2020, Plan Sénégal Émergent Plan d’Actions Prioritaires Ajusté et Accéléré (PAP2A) 2019-2023 https://www.economie.gouv.sn/sites/default/files/fichier/PAPv10122018-DEFINITIF.pdf, date de consultation : 18 août 2021.

(21)

à 22.2% d’ici 2023. Mais à regarder les progrès enregistrés depuis 2000, la prévalence du mariage des enfants au Sénégal n’a baissé que de 1,8%. Dans une analyse comparative de 47 pays africains, le Sénégal est placé au 18ème rang, derrière des pays comme le Rwanda (-7,66%), la Sierra Leone (-4,70%) ou l’Ouganda (-3,05%)4. Soulignons enfin que le mariage des enfants est surtout une réalité qui concerne de manière écrasante les filles5.

La plupart des études sur le mariage des enfants au Sénégal s’accordent sur la prépondérance du facteur socio-économique dans la justification du mariage des enfants. Or, le contexte de COVID-19 et les mesures restrictives ont accentué la précarité d’une bonne proportion des familles. Ce qui pourrait les amener à retirer leurs enfants de l’école, à les donner en mariage, à les pousser vers une activité professionnelle (souvent comme domestique ou vendeuse), etc. Il est donc indispensable de disposer de données probantes permettant de montrer les incidences réelles du contexte de la pandémie sur le mariage des enfants.

Les objectifs spécifiques de cette étude sont de :

§ documenter l’impact de la COVID-19 sur le phénomène de mariage des enfants ;

§ évaluer la vulnérabilité économique et sociale des filles en période de crise sanitaire ;

§ mesurer l’incidence de la COVID-19 sur la recrudescence ou non des grossesses précoces et des mariages d’enfants en montrant une potentielle augmentation du taux de grossesses précoces au Sénégal durant la crise sanitaire liée à la COVID-19 ;

§ mesurer l’incidence de la COVID 19 sur le maintien des filles à l’école et les risques liés à l’augmentation du taux d’abandon scolaire des filles ;

4 Save the Children, 2018. Still Left Behind: Tracking children’s progress against the pledge to Leave No One Behind (Toujours laissés pour compte : suivi des progrès des enfants par rapport à la promesse de

n’oublier personne),

https://resourcecentre.savethechildren.net/node/13589/pdf/still_left_behind_low_res.pdf, date de consultation : 18 août 2021.

5 Plan international, 2016, Famille, honneur et rêves brisés : le cas des filles-épouses au Mali, Niger et Sénégal, Morgan, J., https://www.fillespasepouses.org/documents/650/Plan_Famille-honneur-et- r%C3%AAves-bris%C3%A9s_Web.pdf, date de consultation : 3 septembre 2021.

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§ mesurer l’impact de la COVID-19 à moyen et long terme sur la situation économique des familles en déterminant les fluctuations des revenus des familles en période de crise sanitaire ;

§ mesurer les incidences du confinement et de la fermeture des écoles sans mesures d’accompagnement inclusives sur la protection des droits des filles en termes de travail des enfants, reconversion, déperdition scolaire ;

§ déterminer la qualité de prise en charge des filles par les institutions locales et les mesures d’accompagnement des filles au niveau du droit à la santé sexuelle et reproductive et du maintien des filles à l’école.

(23)

Méthodologie de l’étude

Nous avons adopté, dans cette étude, une approche méthodologique mixte afin de cerner les impacts de la COVID-19 sur le mariage des enfants. Nous avons pour cela combiné une double approche quantitative et qualitative reposant sur une triangulation des données et des sources en vue d’obtenir des données probantes dans les régions de Kédougou, Kolda et Tambacounda.

L’enquête sur le terrain a été précédée d’une phase préparatoire au cours de laquelle nous avons procédé à des entretiens exploratoires ainsi qu’à une revue documentaire pour mieux définir les orientations de l’étude et les modalités pratiques de sa réalisation. Pour ce faire, une revue documentaire a été faite et qui a permis de nous rendre compte de la rareté d’études sur la thématique de cette étude. Les rares études disponibles sont des notes de politiques et des documents d’analyse des conséquences de la COVID-19 sur le mariage des enfants6. En revanche nombreuses sont les études sur le mariage des enfants mais elles sont majoritairement consacrées à une analyse de la persistance de la pratique malgré le durcissement de la législation la réprimant, à ses conséquences, à ses impacts sur les plans de

6 Nous pouvons notamment citer :

- Plan international et Filles, Pas Épouses, 2020. COVID-19 et mariage des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre, Note de positionnement conjointe, août, https://www.girlsnotbrides.org/documents/963/COVID-19-et-mariage-des-enfants-en-Afrique-de- lOuest-et-du-Centre.pdf, date de consultation : 30 août 2021 ;

- UNICEF et Save the Children International, 2020. Impacts de la crise COVID-19 sur les enfants au Sénégal, Policy brief, https://senegal.un.org/sites/default/files/2020- 11/20176_UNICEF_PolicyBrief_C-v10_RC_WEB_002%5B1%5D.pdf, date de consultation ; 5 septembre 2021.

(24)

la santé maternelle et infantile, de l’éducation, de la situation économique et sociale des familles et des communautés, aux mesures de lutte, au profil des enfants victimes, etc.7

L’essentiel des données de cette étude provient d’une enquête de terrain fondée sur une démarche descriptive et analytique orientée vers la recherche de l’exhaustivité, de la profondeur et de la diversité. La problématique de l’étude a en effet imposé de croiser une double approche méthodologique fondée sur la mise en œuvre d’une enquête quantitative (questionnaire) et d’une enquête qualitative (avec notamment l’outil de l’entretien individuel semi-structuré). Ces techniques complémentaires nous ont permis, de manière efficace, de faire un état des lieux des impacts de la COVID-19 sur le mariage des enfants.

Le questionnaire est approprié pour disposer de données de référence permettant de documenter quantitativement le phénomène du mariage des enfants avec un accent particulier sur le profil des victimes, ses causes, ses conséquences, les moyens de lutte et sur les liens entre vulnérabilité socio-économique, grossesses précoces, abandon scolaire et mariage des enfants selon une diversité de variables (situation familiale, milieu de résidence, conditions de vie, profils des enfants, situation de vulnérabilité, conséquences, etc.).

Deux types de questionnaires ont été administrés dans cette étude : un questionnaire pour les ménages et un autre pour les jeunes filles :

§ l’enquête ménage a été réalisée sur un échantillon de 324 ménages dans les régions de Kolda (41,1% de l’échantillon), Kédougou (12,4% de l’échantillon) et Tambacounda (46,6% de l’échantillon) ;

7 World Vision, 2016. Ensemble pour un Sénégal sans mariage d’enfants, https://www.wvi.org/sites/default/files/brochure%20ESSME%20web.pdf, date de consultation : 30 août 2021.

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§ l’enquête auprès des jeunes filles a été faite sur un échantillon de 402 individus répartis comme suit : Tambacounda 43% de l’échantillon, Kédougou 42,8% de l’échantillon et Kolda 14,2% de l’échantillon.

La méthode d’échantillonnage utilisée pour les ménages est celle de la stratification à deux degrés. Au premier degré, des communes ont été tirées aléatoirement et au sein de chacune d’elle des ménages ont été choisis proportionnellement à la taille de la commune. Concernant l’échantillonnage des filles, le sondage par grappe a été utilisé avec comme grappes les ménages tirés en amont. Ainsi, au sein de chaque ménage choisi, toutes les filles âgées entre 12 à 17 ans ont été incluses dans l’échantillon des jeunes filles.

L’enquête par questionnaire a été réalisée de manière électronique au moyen d’un smartphone sous Android ou IOS. Pour la collecte des données via les smartphones, nous avons utilisé la technologie Open Data Kit (ODK). Celle-ci permet la création d’un masque de saisie comportant une spécification des procédures de contrôle. Une fois les données collectées sur le terrain, il a été possible d’importer et de générer les données à l'aide d’une synchronisation avec un serveur.

Les enquêtes quantitatives ont été réalisées au cours des mois de juin et juillet 2021 par un personnel d’enquête majoritairement composé de femmes (13 sur 15) en raison du caractère sensible de l’étude et de la cible visée pour cette étude (jeunes filles). Il était important de gagner leur confiance. C’est pourquoi nous avons estimé que le fait de confier l’enquête à des femmes pourrait ainsi contribuer à cet objectif d’autant plus que le questionnaire comportait des rubriques portant sur des dimensions assez personnelles pour les jeunes filles enquêtées mais dans le respect de l’anonymat. Le personnel d’enquête a été recruté sur place dans les trois régions de l’étude. Il a suivi une formation en ligne qui a porté sur l’utilisation d’ODK Collect, la remontée des données mais surtout sur l’éthique de la recherche auprès des enfants avec un accent particulier sur les aspects liés à la sauvegarde, à la protection, au consentement et aux différentes normes à respecter.

En plus des outils quantitatifs, nous avons fait appel à des outils qualitatifs qui nous ont permis d’aller plus en profondeur dans la compréhension de l’impact de la COVID-19 sur le mariage des enfants. Il s’agissait ici de recueillir le ressenti de filles victimes de mariages précoces et de grossesses précoces et d’exploitation sexuelle mais aussi de celles ayant

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abandonné l’école au cours de la pandémie. Ces entretiens avec les jeunes filles devaient notamment porter sur comment elles vivent la pandémie et sur les conséquences de celle-ci sur leur situation économique et sociale, sur leur éducation, sur leur santé, etc. Ces entretiens sont d’autant importants et pertinents qu’ils nous permettent de faire entendre la voix des jeunes filles sur comment la pandémie a affecté leur droits et brisé les rêves et aspirations de certaines d’entre elles. Leurs voix sont souvent mises sous silence alors qu’elles ont beaucoup à nous apprendre sur les multiples impacts de la COVID-19 dans les trois régions d’étude.

En plus des jeunes filles, l’enquête a également ciblé des chefs de ménages et des acteurs communautaires et institutionnels dans les trois régions pour comprendre plus en profondeur l’ancrage de la pratique du mariage des enfants mais surtout les impacts du contexte de la pandémie sur une accentuation ou pas du phénomène. Les solutions et mesures de lutte ont également été abordées lors de ces entretiens surtout avec les acteurs institutionnels et communautaires.

Le volet qualitatif de l’étude a globalement concerné les jeunes filles, les chefs de ménage et enfin les acteurs communautaires et institutionnels. Parmi ces différentes catégories d’acteurs, l’entrecroisement des profils et le potentiel du répondant ont motivé leur choix à partir d’un échantillonnage boule de neige et du choix raisonné.

Au total pour le volet qualitatif de l’étude, 21 entretiens ont été réalisés dans les trois régions de l’étude avec une couverture de tous les départements qui les composent à l’exception du département de Salémata8. Ces entretiens ont été menés par cinq enquêteurs (trois femmes et deux hommes) ayant un profil de psychologue-sociologue principalement.

8 Ce fut un choix bien justifié du fait de la distance géographique à couvrir pour le seul enquêteur qualitatif de la région de Kédougou mais aussi et surtout par les spécificités socioculturelles des populations des ethnies bedik et bassari chez qui le phénomène du mariage d’enfants n’existerait pas au regard de leurs pratiques nuptiales légitimées.

(27)

Tableau 1 : Profil des acteurs enquêtés et leur répartition pour le volet qualitatif de l’étude

Régions Départements / Localités Profils des personnes interrogées

Nombre d’entretiens

réalisés

Kédougou Kédougou (Kédougou/Dalafing) Jeunes filles 3

Sareya Chefs de ménage 2

Tambacounda

Tambacounda Acteurs institutionnels (Sage-

femme d’État et bajenu gox) 2

Koumpentoum ( Kouthiaba/Missirah) Jeunes filles 2

Goudiry

(Goumbayel/Komoti/Goudiry)

Acteur institutionnel (Principal

de CEM) 1

Jeune fille 1

Cheffe de ménage 1

Bakel (Bakel, Gabou)

Jeune fille 1

Acteur institutionnel

Principal de CEM 1

Kolda

Kolda

Jeunes filles 2

Acteur communautaire (Imam) 1

Medina Yoro Foulah

Jeune fille 1

Acteur communautaire (enseignant et en même temps

animateur de radio communautaire)

1

Vélingara

Acteurs institutionnels (Vice- président du Conseil départemental et Médecin-Chef

du district sanitaire)

2

En ce qui concerne les normes et considérations éthiques et déontologiques, nous nous sommes conformés au protocole éthique et déontologique en matière de recherche avec les jeunes filles. De plus, sur ce registre, plusieurs réunions en ligne ont été organisées entre la CONAME, Save the Children International, Filles, Pas Épouses, et les consultants pour clarifier un certain nombre de points notamment liés à l’approche des cibles et pour le respect scrupuleux des exigences en matière d’éthique. Une demande de certificat éthique a été déposée auprès du Comité national d’éthique de la recherche en santé au Sénégal (CNERS).

(28)

La question de sauvegarde a donc concentré toute notre attention dans cette étude. C’est pourquoi nous avons bien fait attention à l’environnement des populations pour nous inscrire résolument dans leurs logiques. Nous avons été soucieux des droits des répondants, des risques de s’entretenir sur le sujet mais aussi des avantages de l’étude.

L’équipe de recherche a mis à contribution l’expérience accumulée dans l’étude menée en octobre 2020 pour le compte de Save the Children International sur l’impact de la COVID- 19 sur les enfants talibés au Sénégal en termes de précautions méthodologiques pour le ciblage des acteurs, de prudence sur le terrain pour vaincre d’éventuelles réticences mais aussi de choix d’un personnel d’enquête expérimenté et qualifié pour des études sur des thèmes sensibles.

Constituée pour l’essentiel de femmes et de personnes dotées d’un bon sens de l’entregent et d’aptitudes pour des entretiens avec des jeunes filles, l’équipe d’enquête a été formée et fortement sensibilisée sur les aspects liés à la sauvegarde et à la protection.

Difficultés rencontrées et modalités de leur résolution

Du fait du caractère sensible du sujet d’étude, il a été difficile de recueillir des informations détaillées auprès de la plupart des jeunes filles enquêtées. Celles-ci font dans la rétention d’informations surtout lorsqu’il y a la présence d’autres individus (de la famille en général) sur les lieux de l’entretien. Elles sont ainsi peu avares en commentaires quant à leur vécu du mariage précoce dont elles sont victimes. Ici, la peur de « livrer » par accident une information que n’apprécierait pas le mari ou un membre de la famille du mari conduit les jeunes filles à adopter le silence sur certaines questions jugées sensibles (viols, violences conjugales, etc.). Cela est aussi légitimé par la pudeur qu’impose leur éducation sur tous les aspects de leur vie personnelle.

Il était difficile de s’entretenir avec une jeune fille en tête-à-tête puisqu’il y avait constamment le regard et la présence des autres qu’ils soient de la famille ou du voisinage.

Certaines jeunes filles n’ont d’ailleurs pas hésité à proposer des entretiens au téléphone pour éviter ce contrôle social. Néanmoins, sur le plan méthodologique, nous n’avons pas privilégié des entretiens au téléphone qui présentent de multiples biais. Nous en avons fait usage que lorsqu’il était strictement impossible d’avoir la jeune fille en situation de face à face mais dans le respect strict des exigences en matière de sauvegarde.

(29)

Par ailleurs, il a été ardu, pour l’équipe de terrain, de trouver des jeunes filles acceptant de se soumettre à un entretien sur une thématique aussi sensible que le mariage des enfants.

Quelquefois, pour avoir accès à ces jeunes filles, il a fallu passer par certains acteurs locaux (les sages-femmes par exemple) qui facilitent la mise en relation avec les jeunes filles. Mais, même avec cette mise en relation, certaines jeunes filles ont refusé de nous accorder un entretien. Ceci témoigne, une fois de plus, de la sensibilité des questions liées au mariage des enfants et d’une certaine peur sociale remarquée chez ces jeunes filles qui redoutent les conséquences familiales qui pourraient découler de cet entretien avec des « étrangers » sur un sujet aussi tabou et qui expose pénalement ses auteurs.

Par ailleurs, la formation de l’équipe d’enquête a été l’occasion de cerner les scenarii possibles du déroulement des entretiens et de l’administration des questionnaires en vue de révéler des astuces et des stratégies de contournement des difficultés. Au final, aucun incident n’a été noté dans aucune localité.

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RÉSULTATS DE L’ÉTUDE

4.1. Résultats de l’enquête auprès des jeunes filles 4.1.1. Profils des jeunes filles

L’échantillon des filles est composé de 402 individus et est dominé par les régions de Tambacounda et Kolda avec respectivement 43% et 42,8%. La région de Kédougou est la moins représentée avec 14,2% des jeunes filles. Cela s’explique par une répartition proportionnelle à la taille démographique des régions et de leur densité en termes de population.

Graphique 1: Répartition des filles par région (%)

Les jeunes filles enquêtées sont âgées entre 12 et 17 ans. L’âge modal est de 13 ans avec près 1/5 de l’échantillon. Il est suivi par l’âge de 15 ans avec 18, 7%, les âges 14 ans et 17 ans ont la même proportion soit 16,7%. Il faut noter que l’âge moyen est de 14,4 ans et l’âge médian est de 14 ans, c’est-à-dire que la moitié des jeunes filles enquêtées ont 14 ans.

En termes de répartition, on constate que une fille sur quatre enquêtées est âgée entre 12 et 13 ans alors que trois filles sur quatre sont âgées entre 12 et 16 ans. Par conséquent, une fille sur quatre est âgée entre 16 et 17 ans.

Kedougou 14,2%

Kolda 42,8%

Tambacounda 43,0%

(31)

Tableau 2: Distribution de l'âge des filles Graphique 2: Répartition des filles par âge (%)

La proportion de jeunes filles mariées dans l’échantillon est de 15,7%. Il faut néanmoins souligner une grande disparité quant à la prévalence du mariage des enfants entre la région de Tambacounda et les autres régions de l’étude. En effet, à Tambacounda, au moins 1 fille sur 4 enquêtées est mariée avant l’âge de 18 ans, soit exactement 26,6%. Cette proportion est respectivement 3 fois et 5 fois plus élevée que celles de Kolda (8,1%) et de Kédougou (5,3%).

Graphique 3: Situation matrimoniale des filles (%)

La scolarisation des jeunes filles a connu des progrès dans ces régions. En effet, près de 9 filles interviewées sur 10 fréquentent l’école “française”. Cependant 6,7% ont fréquenté les daaras alors que seulement 5% des filles n’ont été ni à l’école “française” ni au daara (école coranique).

94,7 91,9 73,4

84,3

5,3 8,1 26,6

15,7

Kedougou Kolda Tambacounda Total

Célibataire Mariée

Minimum 12

1er quartile 13 Médiane 14 Moyenne 14,4 3ème quartile 16

Maximum 17

15,4

19,7 16,7 18,7

12,9

16,7

0,0 5,0 10,0 15,0 20,0

12 ans 13 ans 14 ans 15 ans 16 ans 17 ans

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