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« Κρύψις βίου » : Généalogie et sémantique de la φύσις dans l’œuvre cosmogonique d’Hésiode

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Master

Reference

« Κρύψις βίου » : Généalogie et sémantique de la φύσις dans l'œuvre cosmogonique d'Hésiode

BROILLET, Guillaume

Abstract

Partant du postulat que la mobilisation du schème généalogique au sein d'un récit cosmologique résulte nécessairement en la construction d'un discours sur l'origine et la nature du monde basé sur le projet de la reproduction continue des identités et de la préservation des caractères transmis, ce travail se donne pour sujet l'étude de la dialectique des essences et de la croissance induite par l'opérationnalisation lexicale de la notion de « nature » (racine verbale φύο- et ses dérivés) au sein du corpus hésiodique. Au gré des investigations textuelles, les termes associés au panorama figuratif et à l'imagerie de la φύσις se révèlent participer, en tant que catalyseurs de surdéterminations essentialisantes et de catégorisations basées sur l'hérédité, à un mouvement général de prédétermination discursive du langage mythique aboutissant à la fossilisation durable des identités collectives et à l'accréditation de lectures organicistes du processus cosmogonique.

BROILLET, Guillaume. « Κρύψις βίου » : Généalogie et sémantique de la φύσις dans l'œuvre cosmogonique d'Hésiode. Master : Univ. Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:148177

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Prof. Paul Schubert

« Κ ΡΥΨΙΣ ΒΙΟΥ »

G

ÉNÉALOGIE ET SÉMANTIQUE DE LA ΦΥΣΙΣ DANS L

ŒUVRE COSMOGONIQUE D

’H

ÉSIODE

Mémoire de Master

Guillaume Broillet

7, promenade du Voisinage CH-1217 Meyrin

Tel. +4176 5141704

Guillaume.Broillet@etu.unige.ch

Numéro d’immatriculation : 14-314-934

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- 2 - Anfangs wollt’ ich fast verzagen,

Und ich glaubt’, ich trüg’ es nie;

Und ich hab’ es doch getragen—

Aber fragt mich nur nicht, wie?

Heinrich Heine, Buch der Lieder VIII.

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T ABLE DES MATIÈRES

1 INTRODUCTION MÉTHODOLOGIQUE : ANNONCE DE LA PROBLÉMATIQUE ET PLAN DU

TRAVAIL ... - 4 -

2 PRÉAMBULE : ΦΥΩ / ΦΥΟΜΑΙ – APERÇU D’HISTOIRE LEXICALE ... - 7 -

2.1 ASPECTS DÉTYMOLOGIE COMPARÉE ... -7-

2.1.1 La racine indo-européenne primaire *bhew-ə-/*bhw-eə-/*bhū-ə- et ses dérivés ... - 7 -

2.1.2 Le radical secondaire monosyllabique *bheu-/*bhŭ- et ses dérivés ... - 8 -

2.1.3 Le thème verbal *bhū-ə- comme supplétif de ə1es- « exister, être » ... - 9 -

2.2 SPECTRE SÉMANTIQUE ET CONTEXTES DUTILISATION ANTIQUES ... -10-

2.2.1 Poésie archaïque et classique ... - 10 -

2.2.2 Écrits « cosmologiques » présocratiques ... - 11 -

2.2.3 Sophistique ... - 12 -

2.2.4 Physiques platonicienne et aristotélicienne ... - 13 -

3 LES RÉCITS COSMO-, ANTHROPO- ET POLITOGONIQUES DU CORPUS HÉSIODIQUE DANS LEUR DIMENSION GÉNÉALOGIQUE – PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET ÉTAT DE LA QUESTION ... - 16 -

3.1 LA PENSÉE GÉNÉALOGIQUE COMME OUTIL DE LÉGITIMATION DYNASTIQUE ... -16-

3.1.1 L’obsession de la filiation ... - 16 -

3.1.2 Le mythe de succession – un Leitmotiv intrinsèquement généalogique ... - 18 -

3.1.3 Cyclicité ou téléologie ? Figurations équivoques du temps mythique ... - 20 -

3.2 SCHÉMAS GÉNÉALOGIQUES ET IDÉALISATION DE LORIGINE ... -23-

3.2.1 La persistance ontologique comme fidélité au principe : le schème de la continuité... - 24 -

3.2.2 Éloge de l’homogénéité / condamnation de la diversité ... - 28 -

3.2.3 De la proximité à l’assimilabilité – la spatialisation des déterminations héréditaires ... - 31 -

3.3 LE DISCOURS GÉNÉALOGIQUE ENTRE ABSOLUTISME DE LA VIE ET LECTURE NATURALISANTE DE LUNIVERS.. -35-

3.3.1 Personnification et allégorie – deux tropes favoris du mythographe ... - 35 -

3.3.2 La métaphore absolue de l’univers agricole ... - 37 -

4 LE CHAMP LEXICAL DE LA ΦΥΣΙΣ ET SA PORTÉE ORGANICISTE DANS L’ŒUVRE D’HÉSIODE – LECTURE COMMENTÉE ET INTERPRÉTATION D’EXTRAITS CHOISIS ... - 45 -

4.1 ΠΕΦΥΚΑ / ΦΥΤΕΥΩ OU LA DANSE DE LÊTRE ET DU DEVENIR LA ΦΥΣΙΣ COMME PROCESSUS ... -45-

4.2 ΦΥΗ, DE LA STATURE À LESSENCE LA ΦΥΣΙΣ COMME QUALITÉ ... -49-

4.3 ΦΥΛΟΝ : LE NOMEN COLLECTIVUM PAR EXCELLENCE LA ΦΥΣΙΣ COMME IDENTITÉ ... -53-

5 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS ET CONCLUSION GÉNÉRALE ... - 60 -

6 BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE ... - 62 -

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- 4 -

1 I NTRODUCTION MÉTHODOLOGIQUE : ANNONCE DE LA PROBLÉMATIQUE ET PLAN DU TRAVAIL

Comme le caractère transversal et interdisciplinaire de sa thématique le laisse peut-être transparaître, le présent travail se veut en réalité le prolongement d’une étude amorcée en 2019, dans le cadre d’un mémoire de maîtrise en germanistique, sur les présupposés généalogiques empreignant la méthodologie adoptée par la recherche naissante en grammaire comparée dans l’Allemagne du mitan du 19ème siècle et leurs ramifications dans l’œuvre de Nietzsche. Inspiré par la même volonté de pénétrer, dans une démarche d’investigation d’inspiration historico-critique, jusqu’au cœur des structures cognitives sous-jacentes régissant, souvent à l’insu du·de la mythographe – ou du·de la

« scientifique » – lui·elle-même, les conditions de production et de déploiement textuel des discours sur l’origine et la nature du monde, il s’inscrit dans la même ambition de dégager certaines des « matrices » idéologiques insoupçonnées et indépassables dont l’action conjuguée de conformation conceptuelle a largement contribué, à travers un processus complexe passant notamment par la réception intense et fortement stéréotypée de textes classiques considérés comme canoniques, à modeler une certaine forme de Denkstil « cosmologique » dominant caractéristique des évolutions modernes de la pensée occidentale. À ce titre, notre analyse se rattache peut-être davantage à un projet relevant de l’histoire littéraire de la réception que d’une approche purement classiciste, dans la mesure où il nous importe plus de comprendre comment Hésiode a pu être lu – et largement hypostasié – par ses lecteurs modernes à travers la lunette forcément déformante de la postérité institutionnalisée qu’avaient depuis longtemps, pour eux, acquise ses écrits que de présenter une interprétation cohérente et intrinsèquement valide de son « œuvre » en elle-même.

Plus spécifiquement, il nous tenait à cœur de tenter d’éclairer d’un nouveau jour le vieux problème de la conception ancienne de la nature, dont la compréhension résolument ontologique et essentialisante que furent amené·e·s à y projeter nombre d’exégètes modernes a trop souvent eu pour résultat historique l’accréditation d’une représentation univoque et réductionniste de la pensée antique sur la vie et le vivant – comme le montre encore, en 1939, le témoignage instructif d’une figure proéminente de l’érudition allemande du temps dont l’intérêt est surtout d’être représentatif du type de

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questionnements qui traversèrent cette période pour le moins troublée de l’histoire intellectuelle européenne :

Das Fragment 123 (aus Porphyrios entnommen) des Heraklit lautet: φύσις κρύπτεσθαι φιλεῖ. Das Sein liebt es, sich zu verbergen. Was sagt dies? Man hat gemeint und meint, dies sage, das Sein sei schwer zugänglich und es bedürfe großer Anstrengungen, um es aus seinem Versteck herauszuholen und ihm das Sichverbergen gleichsam auszutreiben. Aber das Gegenteil ist die Not: Das Sichverbergen gehört zur Vor-liebe des Seins, d. h. zu dem, worin es sein Wesen festgemacht hat. Und das Wesen des Seins ist, sich zu entbergen, aufzugehen, hervorzukommen ins Unverborgene – φύσις. Nur was sich seinem Wesen nach entbirgt und entbergen muß, kann lieben, sich zu verbergen. Nur was Entbergung ist, kann Verbergung sein. Und daher gilt es nicht, das κρύπτεσθαι der φύσις zu überwinden und ihr zu entreißen, sondern das weit Schwerere ist aufgegeben, das κρύπτεσθαι, als der φύσις gehörend, ihr in aller Wesensreinheit zu lassen.

Sein ist das sich verbergende Entbergen φύσις im anfänglichen Sinne. Das Sichentbergen ist Hervorkommen in die Unverborgenheit, und d. h. die Unverborgenheit als eine solche erst ins Wesen bergen: Unverborgenheit heißt ἀ-λήθεια – die Wahrheit, wie wir übersetzen, ist anfänglich, und d. h.

wesenhaft nicht ein Charakter des menschlichen Erkennens und Aussagens, Wahrheit ist auch erst recht kein bloßer Wert oder eine „Idee“, nach deren Verwirklichung der Mensch – man weiß nicht recht weshalb – streben soll, sondern Wahrheit gehört als Sichentbergen zum Sein selbst: φύσις ist ἀλήθεια, Entbergung und deshalb κρύπτεσθαι φιλεῖ.1

De par la violence sémiotique inhérente à son geste englobant et universalisant, l’application apodictique d’un tel discours « de vérité » au foisonnement des trajectoires conceptuelles multiples auxquelles nous donne accès la tradition littéraire classique est évidemment foncièrement dangereuse – et ce non seulement à cause de ce qu’elle révèle du propre rapport à l’Histoire (et/ou à sa propre histoire) et des mythologies personnelles entretenues par son auteur. Mais l’unicité prédicative de la lecture qu’il fonde, la « belle conjointure » de la parole ontologique qui s’y meut, est aussi éminemment séduisante. Conscient, à la fois, de l’attractivité irréductible et du caractère profondément déficitaire du schème épistémologique heideggérien, nous voudrions donc que les pages qui vont suivre s’attachent, tout en participant autant que faire se peut à sa déconstruction, à en tester la résistance dans la confrontation pied à pied avec la réalité textuelle. Comment la dialectique cognitive des essences et de la croissance s’articule-t- elle dans l’opérationnalisation lexicale de la notion de « nature » au sein du corpus hésiodique ? Singulièrement, quelles connotations symboliques la sémantique de la

1 Heidegger 1939 : 300-301.

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croissance végétale (racine verbale φύο- et ses dérivés) revêt-elle dans l’œuvre cosmologique traditionnellement attribuée à Hésiode, et en quoi la dimension organiciste qui en est indissociable permet-elle l’étayage, au fil du texte mythique, d’un discours généalogique de la continuité des identités et de la préservation des caractères transmis ? Telles sont les questions heuristiques qui guideront notre parcours interprétatif et en fixeront les délimitations.

Pour les traiter, nous commencerons par plonger directement dans les racines étymologiques ainsi que la palette sémantique propres au groupe lexical centré sur φύω / φύομαι dans le corpus classique en général (chapitre 2), avant de faire un détour par l’exposition illustrée de quelques-uns des principes fondamentaux de la pensée généalogique dans le contexte du mythe cosmo-, anthropo- et politogonique ancien (chapitre 3), avant de revenir au plus près du texte hésiodique pour tenter de déterminer, au gré d’extraits représentatifs tirés de la Théogonie, des Travaux et des jours et du Bouclier d’Héraclès, le rôle spécifique qu’y joue la sémantique de la croissance végétale (chapitre 4).

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- 7 -

2 P RÉAMBULE : ΦΥΩ / ΦΥΟΜΑΙ APERÇU D HISTOIRE LEXICALE

2.1 A

SPECTS D

ÉTYMOLOGIE COMPARÉE

2.1.1 La racine indo-européenne primaire *bhew-ə-/*bhw-eə-/*bhū-ə- et ses dérivés

En grec classique, le verbe φύω en est venu, comme on sait, à endosser la valeur sémantique factitive de « faire pousser, faire naître, produire », et son sens intransitif premier de « naître », devenu relativement rare à l’actif, a été relégué aux formes médio- passives du paradigme φύομαι, où il apparaît à travers l’acception résultative « être né, être naturellement ».2 Pour autant, il semble bien qu’il faille placer au début de l’histoire du lexème une racine indo-européenne *bhū- « pousser, croître, se développer » qui aurait donc bien trahi, originellement, un sens absolu.3 Cette hypothèse est accréditée par le nombre important de parallèles qu’il est possible de rattacher à ce groupe dans les principales langues dépendant de la famille indo-européenne, et qui ont tous en commun d’avoir trait, de par leur sens, à la désignation de la croissance végétale : ainsi les recherches successives ont-elles pu mettre au jour des interdépendances étymologiques de φύω – dont des traces à l’intérieur du monde hellénophone sont attestées dès l’époque mycénienne4 – avec le champ lexical des plantes et des pousses en arménien, dans diverses langues slaves (dès le vieux slavon) ainsi qu’en albanais.5

L’ensemble du système verbal aurait en fait reposé initialement sur les formes de l’aoriste primitif à voyelle longue φῦναι, ἔφῡν auquel se serait surajouté postérieurement, par analogie avec la formation du thème sigmatique de l’aoriste d’autres verbes à aoriste initialement radical (cf. ἵστημι, βαίνω, δύω etc.), un second aoriste φῦσαι, ἔφῡσα à valence, lui, intransitive. Et ce n’est que plus tard que se seraient développés, dans une tendance générale à la régularisation a posteriori du paradigme, les thèmes présent et futur (tous deux transitifs) du verbe, longtemps moins proéminents, en composition ainsi que dans les attestations en général, que l’aoriste et le parfait initiaux dont on verra infra que c’est par eux que finira par prendre pied la variante

2 Chantraine 1980 : 1188.

3 Ibid. : 1190.

4 Cf. Chantraine 1980 : 1189 ; Beekes 2010 : 1597.

5 Cf. Chantraine 1980 : 1190 ; Beekes 2010 : 1598.

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monosyllabique à voyelle courte de la racine, finalement appelée, à une époque plus tardive, à supplanter sa devancière en termes de productivité lexicale.6

Pour ce qui est des dérivés nominaux directement issus de cette forme primitive de la racine verbale – et donc potentiellement également plus anciens que les formations substantives en -ῠ –, mentionnons φῦμα « excroissance, tumeur »,7 auquel on peut associer, par l’intermédiaire d’un équivalent sanscrit, la sémantique « terre, monde, existence »,8 ainsi que le couple φῦλον « lignée, race, tribu, espèce » / φῡλή « tribu », mais aussi plus largement (dans un sens administratif puis politico-militaire) « communauté », d’où « unité d’infanterie ».9 Pour ces deux derniers noms, dont la souche commune a été amenée à se scinder en deux suite à des considérations semble-t-il essentiellement génériques (poésie vs. prose) et stylistiques, la recherche comparatiste pointe vers un sens primitif désignant « ce qui s’est développé comme un groupe »10 – une connotation unitariste non dénuée d’intérêt au vu des évolutions ultérieures de la sémantique de cette famille lexicale.

2.1.2 Le radical secondaire monosyllabique *bheu-/*bhŭ- et ses dérivés Le fait que le caractère structurellement bisyllabique de la racine primaire *bhū-ə- ne soit pratiquement jamais exprimé dans les formes attestées du thème verbal présent a pu favoriser sa dégénérescence en *bhŭ- monosyllabique et accélérer la systématisation de l’abrègement de la voyelle υ, d’ores et déjà effectué spontanément dans les composés comportant des hiatus.11 Quoi qu’il en soit, une grande activité de dérivation lexicale est observable à partir de cette forme réduite de la racine, et c’est d’elle que proviennent certains des substantifs les plus centraux dans le panorama de la famille rassemblée autour de φύω / φύομαι.

Au niveau des dérivés composés sans consonne intercalaire, il nous faut citer φῠἠ

« stature, prestance », puis « nature, forme, caractère », ne serait-ce que parce qu’il s’agit du nom commun appartenant à la famille lexicale qui nous occupe qui se trouve être le plus exploité au sein du corpus homérique et, plus largement, de la poésie épique en

6 Cf. Frisk 1970 : 1053 ; Beekes 2010 : 1598.

7 Chantraine 1980 : 1188.

8 Cf. Frisk 1970 : 1053 ; Chantraine 1980 : 1188 ; Beekes 2010 : 1598.

9 Cf. Frisk 1970 : 1049 ; Chantraine 1980 : 1188 ; Beekes 2010 : 1595.

10 Chantraine 1980 : 1188.

11 Cf. ibid. : 1190.

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- 9 -

général, ainsi que parce qu’il constitue lui-même l’un des représentants du groupe les plus productifs en composition secondaire, surtout en tant que deuxième membre d’adjectifs composés.12

Mais c’est sans conteste la configuration de dérivation faisant intervenir une consonne intercalaire qui se révèle quantitativement comme la plus féconde. Évoquons pelle-mêle φυτόν « rejeton, créature » (avec un antécédent mycénien direct pu-ta

« jeunes plants ») / φυτόν « plante »,13 que de nombreux parallèles issus des langues slaves, baltes et celtiques permettent de rapprocher du vocabulaire indo-européen du logement et de l’habitation ;14 φυτεὐω « planter », mais aussi, au sens figuré, « engendrer, produire, procurer », auquel s’attachent de nombreux dérivés secondaires ;15 et enfin φύσις, une construction tardive mais à l’histoire conceptuelle riche et complexe dont le statut original semble avoir été celui d’un nom d’action – indiquant donc un processus – et dont le vaste spectre sémantique va, en fonction du corpus textuel considéré, d’« origine » à « sexe féminin » en passant par « croissance », « nature » et « forme extérieure ».16 À noter que φύσις, dont Benveniste caractérise le sens comme signifiant l’« accomplissement (effectué) d’un devenir » et la « ‘nature’ en tant qu’elle est réalisée, avec toutes ses propriétés »,17 peut être assimilé au vocable sanscrit bhūti-« prospérité, puissance, richesse ».18

2.1.3 Le thème verbal *bhū-ə- comme supplétif de ə1es- « exister, être » En se basant sur des phénomènes de modification de radical observables – notamment – en sanscrit, en latin et en vieux slavon, Chantraine explique que la racine verbale dont procède φύω / φύομαι a pu être utilisée dans certaines langues pour compléter le système du paradigme indo-européen ə1es- « exister, être », dont les formes ne couvraient la plupart du temps que le thème du présent. Cette polyvalence à la fois fonctionnelle et sémantique du thème en *bhū-ə a l’avantage, en retour, de fournir une interprétation plausible à un certain nombre de correspondances constatables entre les formes

12 Chantraine 1980 : 1188-1189 ; cf. Frisk 1970 : 1052.

13 Chantraine 1980 : 1189 ; Beekes 2010 : 1598.

14 Cf. Frisk 1970 : 1054 (exemples cités tirés du lituanien, du tchèque et du vieil irlandais).

15 Chantraine 1980 : 1189.

16 Ibid.

17 Benveniste 1948 : 78-79 ; pour une étude diachronique de la sémantique de φύσις, voir infra, section 2.2.

18 Cf. Frisk 1970 : 1054 ; Chantraine 1980 : 1190 ; Beekes 2010 : 1598.

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présentes de différents verbes d’existence au sein de la sphère indo-européenne : ainsi est-il conceptuellement utile de pouvoir voir dans l’analogie existant entre le sanscrit bhávati « il est » et le groupe celte beo (vieil anglais) / -bíu (vieil irlandais) « je suis » l’effet d’une parenté plus large de ces formes avec le couple latin-grec φύω / fiō.19

En partant d’une intension linguistique apparemment centrée initialement sur l’enregistrement des effets d’un devenir continu à forte connotation végétale, certains représentants du groupe *bhū-ə auraient ainsi enrichi, au cours de leur histoire lexicale, leur spectre sémantique d’une dénotation supplémentaire les replaçant davantage du côté de l’essence. Sans aller jusqu’à prétendre – bien témérairement d’ailleurs – qu’un tel élargissement de sens peut donc être indifféremment appliqué à toutes les acceptions de φύω, il nous semblait simplement intéressant de soulever que la fracture souvent considérée, au sein d’une certaine tradition philosophique occidentale moderne, comme centrale entre être et devenir – fracture autour de laquelle, comme nous espérons le montrer au cours du présent travail, viendront s’articuler la majorité des enjeux propres à la fixation de la sémantique de la φύσις – ne semble pas être envisagée, dans le cas des évolutions sémantiques traversées par le groupe lexical qui nous occupe, comme un déterminant aussi strictement exclusif qu’on pourrait le penser de prime abord.

2.2 S

PECTRE SÉMANTIQUE ET CONTEXTES D

UTILISATION ANTIQUES

2.2.1 Poésie archaïque et classique

Si le terme φύσις n’apparaît qu’une seule et unique fois dans le corpus homérique (en Od.

10.303, où il est question des caractéristiques du fameux μῶλυ dont Hermès vante les mérites à Ulysse), il forme indéniablement le sujet de spéculations intenses dans le corpus littéraire archaïque et classique – et ce de façon croissante de Pindare aux tragiques athéniens. La question de la « nature des choses » y est souvent problématisée sous un angle relativement concret où le vocable φύσις est amené à revêtir des significations telles que celles d’« apparence », de « stature », de « personnalité » ou de

« tempérament » mais peut aussi toucher à des paramètres plus abstraits comme le

« charactère intrinsèque » ou « original » de l’individu auquel il se réfère, son

« authenticité », sa « spontanéité » ou sa « normalité ». D’une manière générale, la φύσις

19 Chantraine 1980 : 1190.

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peut s’appliquer, en tant que catégorie heuristique, à la caractérisation d’une personne spécifique ou d’une espèce indifféremment, mais elle connaît aussi par ailleurs une acception englobante en vertu de laquelle elle désigne également la totalité des êtres vivants et des phénomènes observables ainsi que l’univers au sein duquel ils se produisent, et semble déjà être sous l’influence d’une prédilection pour l’approche ontologique qui lui fait privilégier la prédication de l’essence de sa cible.20

En somme, pour le poète de l’univers pré-alexandrin, l’usage du prisme

« physiologique » semble déjà impliquer, et ce même avant que n’aient pris corps les premières tentatives de conceptualisation systématique de la notion de φύσις, une articulation cognitive complexe par le biais de laquelle on place au centre des préoccupations de l’examen que l’on fait subir à la chose dont on parle, non seulement la question de la connaissance de sa forme extérieure, mais également celle de la façon dont elle a atteint l’état phénoménologique qui est le sien au moment où on la considère.

Autrement dit, le terme prend déjà en charge in nuce la triple dimension épistémologique de « commencement » ou « archē d’un processus », de « ce processus proprement dit » et de « résultat » ou « réalisation objective de ce processus » qui sera théorisée bien plus tard comme formant son domaine d’application particulier.21

2.2.2 Écrits « cosmologiques » présocratiques

Pour les penseurs présocratiques à qui la tradition doxographique attribue la rédaction d’une ἱστορία περὶ φύσεως, et en particulier pour les tenants de l’école dite « ionienne », la quête de la φύσις dont sont faites les entités qui composent l’univers se confond avec la quête du principe fondamental (ἀρχή) censé présider à leur agencement. En effet, les postulats constitutifs de la pensée cosmologique ionienne peuvent être ramenés aux 3 articles de foi suivants : 1. Il existe des choses « naturelles » ; 2. Ces choses naturelles constituent un « monde de la nature » unique et homogène ; 3. Ce qui est commun à toutes les choses « naturelles » est le fait qu’elles sont composées d’une seule et même

« substance » ou matière.22

20 Cf. Brisson 2000.

21 Naddaf 1992 : 16.

22 Collingwood 1945 : 30 ; cf. en général 29-48.

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Or, comme l’ἀρχή n’est pas seulement principe au sens causal, mais également au sens temporel du terme, la quête de la φύσις implique notamment d’investiguer sur la nature des conditions dans lesquelles les éléments naturels sont venus à l’existence – en bref, elle implique de reconstituer leur origine afin d’en pouvoir rendre compte de façon

« rationnelle ». En fait, comme l’explique Gérard Naddaf dans sa monographie très fouillée sur le sujet, avec les présocratiques, la φύσις en vient à signifier, si ce n’est la même chose, du moins un ordre de choses passablement similaire à celui auquel renvoie la notion de γένεσις de l’univers : en effet, l’une comme l’autre s’attachent à rendre saisissable la « première cause (prōtē aitia) »23 ayant donné naissance aux réalités empiriques aujourd’hui perceptibles, et elles ont toutes deux tendance à inscrire le point de départ et l’achèvement du processus d’accession à l’existence qui est ici en jeu dans une relation de continuité inextricable l’un par rapport à l’autre. Sous le signe de l’« origine causale » qui lui est assignée, l’être est inséparable de son propre commencement, qui le signifie et le transcende du même coup.24 À la fois « origine, processus et réalisation »,25 la φύσις atteint au rang de schème de lecture indépassable d’une histoire de l’univers marquée – et définie – par une série de naissances successives.

Tâchons de garder en tête cette première occurrence de l’assimilation entre discours physiologique et pensée généalogique, dont nous rencontrerons bon nombre d’avatars divers et variés tout au long de nos pérégrinations textuelles.

2.2.3 Sophistique

En tant que production intellectuelle de la société démocratique athénienne du 5ème siècle avant notre ère, la sophistique déploie sa réflexion en direction des moyens d’action pratique dont dispose l’individu pour influer sur la vie politique de sa cité et, en retour, s’interroge également sur les critères applicables pragmatiquement pour réguler son propre comportement d’une façon éthiquement satisfaisante.26 Dans ce contexte, la φύσις rentre surtout dans le spectre des préoccupations des sophistes en tant que symbole d’un rapport authentique et spontané à la réalité dont le potentiel

23 Naddaf 1992 : 22.

24 Cf. ibid. : 22-24 (ici : 24) ; là-dessus, cf. également Macé 2011.

25 Ibid. : 24.

26 Cf. Kerferd / Flashar 1998 : 11.

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d’enrichissement existentiel pour l’individu vivant en conformité avec ses préceptes n’a pas (encore) été flétri par les conventions et les illusions de la loi (νόμος).27

Mais la relation entre φύσις et νόμος au sein de la pensée sophiste ne s’épuise pas dans la simple dichotomie d’une hypothétique confrontation aux tonalités nostalgiques d’une soif du retour à l’état de nature dont le sous-texte rousseauiste serait par trop anachronique. Au contraire, elle intègre également des situations de complémentarité entre ces deux pôles qui font en définitive plutôt penser à la perspective d’une jonction synthétique des deux notions qu’à une persistance de l’antinomie artificielle dans laquelle un certain nombre de préconceptions essentiellement heuristiques avaient pu les placer l’une par rapport à l’autre : car dans la dynamique historique de la πεντηκονταετία, durant laquelle les impératifs expansionnistes de l’empire athénien poussent les systèmes législatifs à adopter une orientation de plus en plus forte vers le droit « naturel » et la reconnaissance de principes de préséance « ontologiques » dont l’existence postulée a pour fonction de légitimer le droit de préemption territoriale revendiqué par un colonisateur au détriment d’une communauté indigène, la vision « physiologique » du monde, ou, à tout le moins, une certaine version d’icelle, paraît coïncider de plus en plus étroitement avec la lecture schématique qu’en donne la norme.28 À la « normalisation » de la nature par suite de la recrudescence de son étude rationnelle répond donc un mouvement d’essentialisation du droit dans lequel d’aucun·e·s se croiront autorisé·e·s à déceler les prémices du discours biopolitique si prisé par les États-nations postmodernes.

2.2.4 Physiques platonicienne et aristotélicienne

Avec Platon, le processus de conceptualisation quasi forcé auquel est soumise la notion de φύσις atteint sa culmination sous la forme d’une hypostasie complète du concept : en effet, le réalisme platonicien des Idées associe la φύσις à l’univers des formes abstraites et en fait le prédicteur suprême de l’essence (οὐσία) des choses matérielles. Dans le dualisme du sensible et de l’intelligible, la « nature » des objets de la connaissance est, en tant que catégorie épistémique, résolument placée du côté de l’esprit ; en fait, elle correspond pour Platon à la manifestation universelle de la présence fondamentale de

27 Cf. Brisson 2000 et, pour un approfondissement plus exhaustif de la question, la monographie pionnière de Heinimann 1945 (particulièrement : 110-162).

28 Cf. Bremer 2013 : 962.

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l’âme au cœur de toute chose.29 Or, l’âme étant cause première et dernière du corps dans le système platonicien, nous retrouvons dans l’identité nature-âme une nouvelle configuration (certes implicite) de l’assimilation de la φύσις à un principe de vie, à l’origine causale de toute survenance évènementielle non directement phénotypiquement explicable.

Poursuivant l’approche causative de son prédécesseur, Aristote l’enrichit cependant de la thématisation d’une problématique supplémentaire : celle de l’étude et de la catégorisation du mouvement physique.30 Le Stagirite comprend en effet que c’est dans la détermination précise du type de « mouvement » (au sens générique de

« transformation », « changement d’état », « métamorphose », « dégradation »,

« accroissement », « hyper-/atrophie » etc.) auquel sous soumises les choses naturelles que gît la clé de leur définition même. Dès lors, il concentre l’essentiel de son effort de systématisation abstraite sur la résolution du problème de la différentiation entre objets fabriqués et objets non fabriqués. Concevant ces derniers comme des entités autosuffisantes et fondant en elles-mêmes les dispositions nécessaires à leur « mobilité », il en arrive à poser – selon la formule condensée proposée par Heidegger, qui reprend elle-même un ensemble de raisonnements articulés en Ph. 192-193 – que la φύσις est

« ἀρχὴ κινήσεως τοῦ κινουμένου καθ’ αὑτό »,31 c’est-à-dire qu’elle représente l’« Ausgang für und Verfügung über Bewegtheit und Ruhe und zwar eines Bewegten, das diese ἀρχὴ in ihm selbst hat ».32 Cela dit, la caractérisation de la φύσις ne s’arrête pas là : en tant qu’ἐντελέχεια, c’est-à-dire aboutissement programmé, sublimation ultime, des corps qu’elle anime, elle en devient du même coup « φύσεως ὁδὸς εἰς φύσιν » – ou, dans les termes de la périphrase terminologique heideggérienne, « der Ausgang und die Verfügung über sich selbst ».33 Pourquoi ? Parce que tout corps naturel, portant en lui- même la lettre de son destin existentiel et se confondant lui-même avec sa propre assignation identitaire, ne peut nécessairement évoluer et déployer ses facultés vitales que dans la direction prédéterminée de l’aboutissement de son parcours terrestre.

Intuition singulière de la spécificité unique de la vie végétale qui, sans jamais cesser de

29 Cf. Brisson 2000.

30 Cf. là-dessus Brisson 2000 et, surtout, Heidegger 1939.

31 Heidegger 1939 : 298.

32 Ibid. : 247 (nous soulignons).

33 Ibid. : 298.

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changer et de se dégrader dès son commencement, garde toujours en elle le principe de sa régénération infinie à travers la dissémination de son patrimoine génétique.

Ainsi Aristote, parcourant à son tour le « chemin qui mène de la nature à la nature », plante-t-il un « germe d’identité » dans le spectre sémantique de la φύσις.34 Comme le dit si bien Arnaud Macé à propos de la pensée d’Anaxagore (et nous transposons ici sans réserve son propos à l’entreprise aristotélicienne) :

La provenance de ce qui croît s'affirme en même temps que le processus est nommé comme une naissance, un advenir. Or le bénéfice immédiat de l'assignation d'une telle origine est de pouvoir expliciter la loi d'identité qui préside à ce devenir. L'être ne vient pas du non-être, il vient très exactement du type d'être qu'il est lui-même […]. L'idée de croissance tirée du règne végétal, où le même se prolonge dans ce qu'il fait pousser, […] de telle sorte que l'on y voit bien aussi que le même engendre le même, permet de proposer une idée du devenir qui résiste à l'interdit parménidien – ou plutôt applique au devenir la logique tautologique de la devise éléate. L'« être est » se dit désormais : le même vient du même […].35

34 Macé 2011 : 40.

35 Ibid. : 37.

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3 L ES RÉCITS COSMO -, ANTHROPO - ET POLITOGONIQUES DU CORPUS HÉSIODIQUE DANS LEUR DIMENSION GÉNÉALOGIQUE

PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET ÉTAT DE LA QUESTION

3.1 L

A PENSÉE GÉNÉALOGIQUE COMME OUTIL DE LÉGITIMATION DYNASTIQUE

3.1.1 L’obsession de la filiation

Récit originaire ayant pour ambition de retracer depuis la nuit des temps l’émergence de l’univers tel qu’il existe aujourd’hui sous une forme perçue comme définitivement établie, la Théogonie hésiodique est, comme on sait, avant tout l’histoire d’un processus de différentiation et de compartimentation du monde en plusieurs sphères d’influence autonomes correspondant chacune à l’une des prérogatives– les fameuses τιμαί – censées être soigneusement distribuées parmi l’ensemble des divinités du panthéon grec et dont la répartition équitable et incontestée devient dès lors l’enjeu principal du mythe.36 De ce fait, le lien qu’elle entretient avec les longues énumérations généalogiques qui font l’essentiel de son contenu est loin d’être fortuit ou accidentel, dans la mesure où l’une des fonctions sociales les plus importantes de la généalogie est précisément de procéder à une (ré)organisation systématique des domaines de compétence et d’autorité susceptibles d’être alloués à chacun·e de ses membres via l’estimation de la valeur intrinsèque du pedigree familial dont celui·celle-ci peut exciper.37 Il s’agit donc d’une

« Weise der Berufung auf Vergangenheiten zum Zwecke der Klärung und Bestätigung der eigenen Identität » qui vise – sous peine de perdre toute forme de crédibilité – à aboutir au règlement acceptable par tou·te·s de certains « Legitimitätsprobleme[] ».38

Outil axiologique et hautement politique, donc, dont la destination première est de rendre « objectivables » un certain nombre de critères permettant de départager les prétentions et ambitions de pouvoir articulées par les membres les plus éminents d’une communauté donnée, la reconstruction généalogique des origines d’un sujet est avant tout intéressée à asseoir et à authentifier la dignité supposée de l’extraction de celui ou

36 Cf. là-dessus (entre autres) Vernant 1981a et 1981b ; Arrighetti 1998 ; Heckel 1998 ; Gehrke 2002 ; Merkt / Käppel 2002 ; Clay 2003 : 12-30 ; Cingano 2009 ; Pucci 2009 ; Rengakos 2009 ; Tsagalis 2009 ; Ciccolella 2010 ; Martin 2018 ; Sammons 2018.

37 Cf. West 1985 : 8-11.

38 Marquard 1974 : 268.

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celle pour qui elle a été produite. Derrière cette dynamique de valorisation du lignage se dissimule un ethos dynastique caractéristique de la quasi-totalité des systèmes de catégorisation de la parenté mis en place et mobilisés par les sociétés primitives. Comme l’écrit Robert Fowler dans un article qui a fait époque,

genealogies work by filiation, the identification of natural children and the apportionment of rights according to whether the genealogy is patrilineal, matrilineal, or both ('bilateral' or 'cognate'). In most cases rights and privileges accrue from both sides, but in such a way that one side predominates, especially in respect of determining membership in the group, from which follow basic political rights such as citizenship and eligibility for office.39

L’allocation de droits et de privilèges – telle est bien la problématique centrale de l’ensemble des récits cosmologiques hésiodiques (qu’il s’agisse d’ailleurs d’épisodes mythologiques narrés dans la Théogonie ou dans les Travaux et les jours). D’où le fait que s’y pose de façon particulièrement brûlante la question cruciale de l’autorité : dans un cosmos traversé par les velléités hégémoniques de plus d’un·e prétendant·e téméraire au pouvoir absolu et dont l’équilibre reste irréductiblement précaire, quelle instance dispose d’une aura et d’une assise suffisantes pour imposer à l’ensemble des protagonistes en présence une répartition des juridictions privées apte à assouvir les appétits personnels des un·e·s et des autres ? Cette responsabilité considérable de la préservation de la hiérarchie cohésive universelle, c’est, dans les poèmes hésiodiques, Zeus qui nous est le plus souvent montré comme en étant le récipiendaire.40 Or, comme le montre brillamment Karin Mackowiak dans le cas spécifique de l’ascendance des Moires chez Hésiode,41 l’acquittement de la mission du Cronide passe fréquemment par un nouveau recours au schème de la filiation, notamment lorsque certains « agents » démoniques de la volonté divine sont présentés dans les textes comme étant généalogiquement issus de Zeus lui-même, concourant ainsi à concrétiser très littéralement « l’un des objectifs de la Théogonie, à savoir l’affirmation de l’autorité de Zeus dans le monde des hommes ».42

Car l’assignation généalogique a pour propriété particulière de transcender l’écart – tant diatopique que diachronique – qui sépare les différentes générations à travers

39 Fowler 1999 : 4.

40 Cf. Détienne 1981 ; Krause 2008.

41 Cf. Mackowiak 2010 : 42-46.

42 Ibid. : 41 ; sur la question de l’autorité divine chez Hésiode en général, cf. aussi Nagy 1996.

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lesquelles elle s’exerce. À ce titre, le mouvement agglutinant par le biais duquel elle (re)crée une continuité héréditaire qui, sans elle, serait sans cesse menacée d’anéantissement s’organise sur un axe bidirectionnel : d’un côté (dans le sens ascendant), elle autorise le rejeton qui avance sa revendication à jouir du prestige du nom du patriarche adjoint au sein, mais de l’autre (dans le sens descendant), elle permet également à l’ancêtre disparu·e et/ou éloigné·e de continuer d’organiser, par substitution symbolique, sa propre « présence agissante »43 au sein du temps présent. Selon Lambros Couloubaritsis, ce phénomène d’abolition de la distance temporelle et/ou topologique dans laquelle il voit une sorte de « présence actuelle dans l’invisible »44 des défunt·e·s et/ou des patriarches divins contribuerait à instaurer un mouvement de « reconstitution de la réalité unifiée »45 qu’il considère comme l’accomplissement le plus remarquable de l’ordre généalogique, puisque son implémentation amène, dans l’esprit de ses instigateur·rice·s, à « rendre visible une totalité homogène ou hétérogène impénétrable comme telle ».46

3.1.2 Le mythe de succession – un Leitmotiv intrinsèquement généalogique

Si l’enjeu central à long terme de la transmission généalogique est celui de la persistance de la mémoire et de la réactualisation symbolique de la communication entre passé et présent, la préoccupation fondamentale à court terme du panthéon hésiodique semble bien avoir un objet plus prosaïque – celui, tout simplement, de la concentration du pouvoir. À travers l’enchaînement, des Titans à Typhée en passant par la gigantomachie, des renversements successifs et des révoltes violentes initiées par certaines divinités contre l’ordre que d’autres avaient établi avant elles – de manière violente déjà –, c’est un tableau notablement pragmatique et invitant à une réflexion sobre sur les rapports de domination que propose le poème théogonique.47 Avec en arrière-plan une considération inchangée, dans laquelle nous retrouvons l’impératif ultime de la pensée généalogique : la nécessité, pour qui voudrait être en état de conférer au cosmos la stabilité constitutive durable indispensable à son épanouissement pérenne, de s’abstraire coûte que coûte de

43 Mackowiak 2010 : 42.

44 Couloubaritsis 2006b : 262.

45 Ibid. : 264.

46 Ibid. : 265 ; cf. aussi Delattre 2006 et Graziani 2006.

47 Cf. là-dessus notamment Boulogne 2006.

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la dialectique censément indépassable de la possession et de la perte du pouvoir dans laquelle nombre de divinités primitives (au premier rang desquelles Cronos) se sont enferrées, dévoilant par là même leur propre déficience ontologique.48

C’est donc à nouveau à une dichotomie hypostasiée entre immanence et contingence des régimes d’hégémonie cosmique que l’on a affaire, ou, dans la lecture de Jean-Pierre Vernant, au traitement poétique du thème de la recherche d’une suprématie universelle suffisamment saine pour y ériger les bases d’un cosmos à l’architecture impérissable :

La narration hésiodique est […] indissolublement une théogonie, qui expose la suite des générations divines, et un vaste mythe de souveraineté relatant de quelle façon, à travers quels combats, contre quels ennemis, par quels moyens et avec quels alliés, Zeus a réussi à établir sur tout l’univers une suprématie royale qui donne à l’ordre présent du monde son fondement et qui en garantit la permanence.49

Par-delà les barrières liées à la scission existentielle et topologique entre monde humain et monde divin, divinités et humanité semblent donc être unies dans une même quête de l’immortalité – immortalité toute symbolique dans le cas des hommes car ne pouvant se réaliser que dans la remémoration et la préservation du souvenir ;50 immortalité certes plus tangible mais dont le principe n’en reste pas moins allégorique pour les dieux, puisqu’elle ne s’incarne en l’occurrence directement que dans la perspective de l’immuabilité de leurs assignations respectives au sein de l’ordre établi par Zeus. Un Zeus dont la Théogonie nous donne d’ailleurs au moins une des clés de la persistance exceptionnelle – et effectivement envisagée comme éternelle – du règne. Car quand le Cronide, inaugurant une série hautement symbolique de mariages successifs peu après son accession au trône, choisit de s’unir à cette Μῆτις à qui il doit largement sa victoire sur les Titans et « scelle » les noces en avalant icelle (Th. 886-900), le projet du texte va plus loin que de nous rendre simplement attentif·ive·s à la « nécessaire présence de Mètis au fondement d’une souveraineté qui ne peut, sans elle, ni se conquérir, ni s’exercer, ni se conserver ».51 Ce qu’il veut signifier, c’est avant tout les implications ontologiques d’une pratique de quasi-« phagocytation » dont les racines sont à chercher du côté de la pensée magique :

48 Cf. Bezner 2008 : 404.

49 Vernant 1981a : 254 (nous soulignons).

50 Cf. Bartlett 2006 : 205.

51 Vernant 1981b : 495.

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En épousant, maîtrisant, avalant Mètis, Zeus devient plus qu’un simple monarque : il se fait la Souveraineté elle-même. Averti par la déesse, au fond de ses entrailles, de tout ce qui lui doit advenir, Zeus n’est plus seulement un dieu rusé, comme Kronos, il est le mêtieta, le dieu tout Ruse. Rien ne peut plus le surprendre, tromper sa vigilance, contrecarrer ses desseins. Entre le projet et l’accomplissement, il ne connaît plus cette distance par où surgissent, dans la vie des autres dieux, les embûches de l’imprévu. La souveraineté cesse ainsi d’être l’enjeu d’une lutte toujours recommencée.

Elle est devenue, dans la personne de Zeus, un état stable et permanent.52

Ainsi, d’une seule bouchée, Zeus fait-il coup-double : en effet, dans la logique généalogique, si supprimer la « souche » (en l’occurrence, celle de la Ruse personnifiée) d’où auraient pu issir de nouveaux rivaux, c’est tarir une branche concurrente dont les hypothétiques rejetons auraient pu se révéler susceptibles de lui disputer la suprématie, l’absorber, c’est, en vertu d’une correspondance archaïque entre proximité et assimilation dont nous serons amené à reparler au cours de ce travail,53 s’approprier les qualités intrinsèques qui étaient jusqu’ici les siennes – et donc, en définitive, réaliser corporellement, au sein de son propre microcosme, le principe génétique de pluralité unitaire caractérisant le macrocosme aux destinées duquel il pourra dès lors présider sans entraves.54

3.1.3 Cyclicité ou téléologie ? Figurations équivoques du temps mythique Les tentatives de théorisation de la conception mythique du temps en histoire comparée des religions ont malheureusement longtemps souffert d’un attachement par trop dogmatique à un paradigme d’inspiration phénoménologique qui, de Rudolf Otto à Mircea Eliade, a voulu voir dans les cosmogonies des « sociétés primitives » l’expression unilatérale d’un refus absolu de toute forme d’historicité et le lieu du règne sans partage d’une temporalité strictement cyclique.55

En réaction par rapport à cette vision évidemment réductrice de la richesse conceptionnelle et combinatoire présente dans le corpus mythologique, une certaine école herméneutique notamment allemande a ensuite eu tendance, dans l’immédiat après-guerre, à souligner au contraire le caractère résolument orienté et prédéterminé

52 Ibid. (nous soulignons).

53 Là-dessus, voir infra, section 3.2.3.

54 Sur l’analogie structurante entre macrocosme et microcosme dans la cosmologie grecque, cf.

Collingwood 1945 : 8.

55 Cf. notamment Eliade 1949 ; Cassirer 1925, p. ex., est lui aussi encore empreint, implicitement, de présupposés similaires.

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des procès temporels dont le mythe est souvent le théâtre.56 Mais les tenant·e·s de ce positionnement ont également eu tendance à s’enferrer, parfois, dans un absolutisme aussi délétère que contre-productif, et à quelques exceptions près – dont les efforts souvent assez forcés de systématisation exhaustive trahissent mal la tentation d’adopter simplement le contrepied de la position précédente pour le simple intérêt de le faire –,57 les travaux les plus récents s’orientent désormais vers des modèles plus nuancés et surtout plus complexes de la représentation du temps dans les récits mythologiques et en particulier cosmogoniques, préférant d’ailleurs au terme quelque peu monolithique de temps mythique des notions plus fluides et modulables comme celle de « temporal modes »,58 dont le spectre sémantique plus large permet de conceptualiser la coprésence et l’agencement contrastif au sein d’une même œuvre de tendances parallèles relevant de conceptions différentes.

C’est notamment le cas d’Alexander Loney, qui propose dans sa contribution au Oxford Handbook of Hesiod consacrée aux « temporalités d’Hésiode » une typologie à cinq stations représentant chacune un type de temporalité traité à un moment où à un autre dans le corpus hésiodique et ressortissant à l’une ou à l’autre de deux catégories principales, celles de la temporalité synchronique et de la temporalité diachronique. Au sein de la temporalité synchronique, on pourrait ainsi distinguer le « omnipresent type », dans lequel domine la stylisation de la réalité présente en tant qu’état statique immuable,59 du « etiological type », où passé mythique de l’épisode narré et présent de la narration sont liés sous le signe d’une continuité causale transcendante,60 ou encore du

« teleological type », par le truchement duquel est évoquée la perspective de l’établissement prochain d’un ordre hiérarchique immuable et éternel étroitement lié à la suprématie divine de Zeus.61 Pour ce qui est de la temporalité diachronique, en revanche, ce sont deux types concurrents qui seraient amenés à se succéder sporadiquement : le « seasonal type », caractéristique de la seconde partie calendaire des Travaux et des jours, où sont dispensés des conseils précis à validité temporelle illimitée

56 Cf. p. ex. Fränkel 1968.

57 Ainsi Gérard Naddaf défend-il envers et contre tout une lecture du mythe des races en vertu de laquelle la temporalité prévalant chez Hésiode serait « parfaitement linéaire et irréversible » (Naddaf 1992 : 82 ; cf. en général 61-102).

58 Loney 2018 : 118.

59 Cf. ibid. : 111-112.

60 Cf. ibid. : 112-113.

61 Cf. ibid. : 113-115.

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relatifs aux rythmes naturels de l’année agraire,62 et enfin – last but not least – le « cyclical type », un paradigme dans lequel Loney inclut notamment, du fait de ce qu’il considère – suivant en cela l’interprétation structurale classique63 – comme des alternances séquentielles schématiques régulières et symétriques entre les prédicats existentiels attribués aux différentes « générations » humaines décrites, le récit du mythe des races.64

En fait, ce que Loney retient surtout de sa lecture des textes hésiodiques – et, sur ce point, nous le rejoignons tout à fait –, c’est que le récit cosmogonique qui s’y déploie n’obéit pas à une logique temporelle unique, mais se veut le théâtre d’une « dynamic between stability and change, telos and evolution »65 dont la nature profondément irrésolue a maille à partir avec la structuration du geste généalogique lui-même, sans cesse tiraillé entre sa vocation première à tisser un lien indissoluble avec la source dont il procède et l’obligation à laquelle le lie sa nature par définition diachronique d’entériner une distanciation toujours plus grande d’avec cette même source. Après tout, provenir de l’origine, n’est-ce pas toujours en même temps se dégager de l’origine ?66

Avant de clore cette section, laissons les derniers mots à Stephen Scully, dont la caractérisation des dynamiques temporelles internes à la Théogonie nous paraît embrasser parfaitement les subtilités inhérentes à la structure généalogique qui la sous- tend :

As structured, the Th[eogony] frames a story of evolution and change (the theogonic story) with one of permanence and stability (i.e., Zeus’s rule), or, in Platonic terms, a story of “being” frames one of

“becoming.”[] If we regard the Th[eogony] less as a creation story and more as a hymn to Zeus (which in some ways it certainly is), then its structure and many digressions to Zeus throughout appear less discontinuous and suggest something approaching design, as Hesiod subordinates and recasts the story of evolution and succession into a hymnic praise of Zeus and his creation. From this perspective, beginning, middle, and end are one, with the Th[eogony]’s central theme consistently before the reader

62 Cf. ibid. : 115-117 ; pour une contextualisation générale et des éclaircissements sur les indications techniques liées à la gestion d’un domaine agricole dispensées dans les Travaux et les jours, cf. en premier lieu Tandy / Neale 1996.

63 Cf. notamment Vernant 1960. Pour une présentation générale du mythe des races, cf. Heckel 2002 ; une discussion plus poussée de la littérature spécifique liée au récit du mythe des races chez Hésiode ainsi qu’un essai d’analyse personnelle de certains extraits isolés d’icelui, voir infra, chapitre 4.

64 Cf. Loney 2018 : 117-118.

65 Ibid. : 121.

66 Cf. Heinrich 1964 : 15 (« [d]em Ursprung Entspringen » vs. « dem Urspung Entronnensein »).

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even as one hears a story of evolution and genealogy. As such, the Th[eogony], like Homer’s poems, may be said to enfold a vast amount of material around a central, dominant theme.67

3.2 S

CHÉMAS GÉNÉALOGIQUES ET IDÉALISATION DE L

ORIGINE

Indépendamment de sa fonction légitimatoire strictement dynastique, la structuration généalogique des cosmogonies fondatrices trahit une préoccupation anthropologique plus fondamentale encore : celle de garantir la sûreté existentielle du groupe humain dont elles sont issues en présentant le présent de son devenir comme le déploiement cohésif de prédéterminations originaires situées dans un passé mythifié. Narrativement parlant, il s’agit donc, pour le mythe cosmogonique, d’inscrire l’histoire du cosmos dans une temporalité imaginaire frappant avant tout par la continuité de ses stations successives et par la cohérence avec laquelle le projet initial tramé par l’instance créatrice s’y trouve immanquablement réalisé. Dans ce contexte, l’objectif premier de tout récit généalogique est en définitive de rendre compte rétrospectivement, par le truchement symbolique de l’enchaînement des générations successives, de l’ensemble des processus de différentiation et de complexification de l’univers ayant abouti à l’émergence de la réalité contemporaine au temps de la narration – impératif hautement taxonomique où, selon la formule parlante de Sigrid Weigel, « Erzählen und Zählen identisch sind ».68 Mais si un tel réagencement stratégique – dont l’opérationnalisation textuelle passe en premier lieu, comme les travaux influents de Lambros Couloubaritsis sur le paradigme catalogique dans la littérature antique l’ont si magistralement montré, par des procédures de « distorsion » et de « démembrement du réel en faveur de pratiques séquentielles »69 – est entrepris, c’est avant tout au profit d’une représentation schématique des diverses structures sociales régissant le temps présent au sein duquel interagissent producteur·rice·s et récepteur·rice·s du texte en question.

Il s’agit donc d’un acte hautement performatif70 dont les implications on ne peut plus pragmatiques trahissent le caractère éminemment construit des schémas généalogiques.71 En fait, dans le monde ancien, la finalité ultime de la mise en œuvre du dispositif généalogique semble bien être d’exalter la puissance symbolique d’un passé

67 Scully 2018 : 84.

68 Weigel 2006 : 127.

69 Couloubaritsis 2006b : 257-260 (ici 258) ; cf. aussi Couloubaristis 2006a et Couloubaritsis 1996.

70 Balke 2001 : 217.

71 Willer / Vedder 2013 : 263

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primordial considéré comme édénique et insurpassable pour justifier via une forme hypostasiée d’argument d’autorité – l’existence de rapports de force ou de configurations axiologiques bien spécifiques prévalant au moment où le texte cosmogonique est produit au sein de la collectivité à laquelle il est destiné.

Ainsi, c’est bien sous le signe de la sacralisation des origines qu’il convient de placer la pensée généalogique – comme l’avait déjà observé à raison, au mitan du siècle dernier, une grande tradition de chercheurs d’inspiration herméneutique placée sous le patronage de Klaus Heinrich :

[E]s ist die Funktion der Genealogie im Mythos, den Bruch zu überbrücken zwischen dem Ursprung und allem, was dem Ursprung entspringt, die Macht der heiligen Ursprünge zu übertragen auf das von ihnen Abstammende, aus ihnen Abgeleitete.72

3.2.1 La persistance ontologique comme fidélité au principe : le schème de la continuité

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que la logique narrative propre aux récits généalogiques soit particulièrement intéressée à faire se cristalliser les effets de continuité censés transparaître à travers la vision hautement artificielle de l’« histoire » du cosmos qu’ils donnent à voir et dont ils se font les véhicules.

À ce titre, la Théogonie hésiodique ne fait pas exception : si le sujet principal de l’œuvre semble au premier abord consister en la relation des différents régimes divins successifs ayant précédé l’instauration de l’ordre olympien73 –thème a priori plus susceptible de faire la part belle aux ruptures hégémoniques et aux changements de paradigmes cosmologiques qu’à l’accréditation d’une conception quiétiste et unitaire de la naissance du monde –, une lecture plus rapprochée permet assez vite de repérer l’émergence répétée, au sein même du texte épique, d’un discours à tonalité distinctement morale dont les présupposés viennent s’inscrire en faux face à cette caractérisation initiale. Ainsi, lorsque le fameux éloge d’Hécate vient interrompre le déroulement chronologique « normal » du mythe de succession en s’intercalant entre l’énumération des petits-enfants d’Ouranos et celle des enfants de Cronos et de Rhéa, c’est pour tisser les louanges d’une figure divine dont la qualité principale est précisément de

72 Heinrich 1964 : 22-23 ; cf. encore, plus récemment, Neu 2000 : 659.

73 Là-dessus, voir supra, section 3.1.2.

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