MT241. Cours no 14, vendredi 15 novembre 2002.
Rappel : vecteurs propres, valeurs propres.
Exemple: rotation d’angle π/4 dans R2. Il est g´eom´etriquement ´evident que l’endomor- phismerde rotation d’angle π/4 dansR2 n’a aucun vecteur propre, car r(v) n’est jamais proportionnel `a v quand le vecteur v est non nul. Cet endomorphisme r a pour matrice
R = Ã 1
√2 −√12
√1 2
√1 2
!
dans la base canonique. Le polynˆome caract´eristique est χ= X2−√
2 X + 1. Ce trinˆome n’a pas de racine r´eelle, ce qui confirme le fait que l’endomorphisme r n’a aucune valeur propre et aucun vecteur propre.
En revanche, l’endomorphisme de C2 d´efini par u(z1, z2) = ((z1−z2)/√
2,(z1+z2)/√ 2)
dont la matrice dans la base canonique deC2 est la mˆeme matrice R, admet les vecteurs (1, i) et (1,−i) comme vecteurs propres, avec (1−i)/√
2 et (1 +i)/√
2 comme valeurs propres. Dans ces deux exemples la matrice (dans la base canonique de R2 ouC2) est la mˆeme, la diff´erence vient du changement de corps de base.
Compl´ements sur les d´eterminants
Surface orient´ee et volume orient´e. J’ai indiqu´e des arguments physiques pour convaincre que la surface orient´ee S(x1, x2) du parall´elogramme construit sur deux vecteurs x1, x2
de R2 doit v´erifier les trois propri´et´es suivantes:
– elle est lin´eaire par rapport `a chacun de deux vecteurs – S(x, x) = 0 pour tout vecteur x∈R2
– S(e1, e2) = 1.
J’ai ensuite montr´e que ces propri´et´es la caract´erisent compl`etement, et que le r´esultat est le d´eterminant des deux vecteurs dans la base canonique.
J’ai indiqu´e la g´en´eralisation aux volumes orient´es dans R3. Le d´eterminant du syst`eme de vecteurs (X1,X2,X3) est ´egal au volume orient´e du parall´el´epip`ede construit sur ces trois vecteurs.
Fonction multilin´eaire altern´ee. Unicit´e
On consid`ere un espace vectoriel E surK.
D´efinition 4.4.1. Une forme p-lin´eaire altern´ee sur E est une applicationϕ de Ep dans K telle que
1. Pour toutj = 1, . . . , pet pour tous vecteurs (x1, . . . , xp) fix´es dans E, l’application x∈E→ϕ(x1, . . . , xj−1, x, xj+1, . . . , xp) est lin´eaire de E dans K.
2. S’il existe i6=j tel que xi =xj, alors ϕ(x1, . . . , xp) = 0.
Il en r´esulte que sii6=j, la fonctionϕchange de signe quand on ´echange les variables xi et xj,
ϕ(x1, . . . , xi−1, xi, xi+1, . . . , xj, . . . , xp) =−ϕ(x1, . . . , xi−1, xj, xi+1, . . . , xi, . . . , xp).
Proposition. Si ψ1 et ψ2 sont deux formes n-lin´eaires altern´ees sur E de dimension n et si ψ1(e1, . . . , en) =ψ2(e1, . . . , en), alors ψ1 =ψ2.
On veut montrer que ϕ= ψ1−ψ2 est nulle, `a partir de ϕ(e1, . . . , en) = 0. J’ai rappel´e que toute permutation π peut s’´ecrire τ1◦. . .◦τq, produit de transpositions, et qu’en cons´equence
ϕ(eπ(1), . . . , eπ(n)) = (−1)qϕ(e1, . . . , en) = 0
et d’autre part ϕ(ei1, . . . , ein) = 0 quand on n’a pas une permutation, donc ϕ(ei1, . . . , ein) = 0
dans tous les cas. Ensuite j’ai ´ecrit sans m´enagements ϕ(x1, . . . , xn) = X
i1,...,in
xi1,1. . . xin,nϕ(ei1, . . . , ein) = 0.
D´eterminant d’un syst`eme de vecteurs dans une base de E
Soite = (e1, . . . , en) une base de E ; on appelle d´eterminant par rapport `a la basee l’unique forme n-lin´eaire altern´ee ϕe telle que ϕe(e1, . . . , en) = 1. On le notera dete. D´eterminant d’un endomorphisme
Soit E un espace vectoriel de dimension finie > 0 sur le corps K; on va montrer qu’on peut d´efinir le d´eterminant d’un endomorphisme a ∈ L(E), ind´ependamment du choix d’une base de E.
Soit e une base de E, et notons Ae = mat(a,e,e) = mate(a) la matrice de a par rapport `a la base e; consid´erons le d´eterminant det Ae de cette matrice. Si on change de base, on aura Af = V−1AeV, donc
det Af = det V−1det Aedet V = det Ae,
ce qui montre que le d´eterminant de la matrice de a ne d´epend pas de la base choisie, donc il est raisonnable de dire que c’est le d´eterminant de a.
D´efinition 5.1.1. Soit E un espace vectoriel de dimension n > 0 ; le d´eterminant d’un endomorphisme a∈ L(E) est donn´e par
deta= dete(a(e1), . . . , a(en)), o`u e est une base quelconque de E.
Si e est une base de E, le d´eterminant d’un endomorphisme a de E est ´egal au d´eterminant de la matrice A de a par rapport `a la base e.
Injectivit´e, surjectivit´e, rang
Proposition 4.2.1. Soitu une application lin´eaire de E dans F. Si E est de dimension finie, on a
dim E = dim keru+ dimu(E) = dim keru+ rangu.
En particulier, si dim F = dim E, une application lin´eaire de E dans F est injective si et seulement si elle est surjective.
Polynˆome caract´eristique
Si E est de dimension n et a ∈ L(E), le d´eterminant de a−λIdE est une fonction polynomiale de degr´e n en λ (voir plus loin); il existe un polynˆome χa ∈ K[X], de la forme
χa = det(a) +c1X +· · ·+cn−1Xn−1+ (−1)nXn
tel que det(a−λIdE) =χa(λ) pour tout λ ∈K. C’est le polynˆome caract´eristiquede a.
On note que degχa = dim E =n.
Corollaire 5.1.1.SoientEun espace vectoriel de dimension finie>0sur Keta∈ L(E); les valeurs propres de a sont les racines de χa qui sont dans K.
Si A est une matrice n×n`a coefficients dans K, on d´esigne par χA le polynˆome tel que pour tout λ∈K
χA(λ) = det(A−λIn).
Si E est un espace vectoriel de dimensionnsur K, si on choisit une base de E et si A est la matrice d’un endomorphisme a de E dans cette base, on auraχa=χA.
Exemple de polynˆome caract´eristique
Cas d’une matrice triangulaire sup´erieure A = (ai,j) : on voit directement dans ce cas queχA=Qn
i=1(ai,i−X) puisque le d´eterminant caract´eristique est triangulaire. Les valeurs propres de A sont donc les coefficients diagonaux de la matrice triangulaire A.
Cours no 15, lundi 18 novembre 2002.
Rappel: forme k-lin´eaire altern´ee; on consid`ere un espace vectoriel E sur K. Une forme k-lin´eaire altern´eesur E est une application ϕ de Ek dans K telle que
1. elle est lin´eaire par rapport `a chacun des k vecteurs, les autres ´etant fix´es;
2. s’il existe i6=j tel que xi =xj, alors ϕ(x1, . . . , xk) = 0.
Cons´equence: si on ´echange deux des k vecteurs, l’expression change de signe.
Exemple d’une forme 2-lin´eaire sur K3.
A tout couple (x1, x2) de deux vecteurs de K3 associons le d´eterminant du mineur {1,2} × {1,2} de la matrice 3×2 dont les deux colonnes sont les coordonn´ees de x1 et x2,
ϕ(x1, x2) =x11x22−x21x21. C’est une forme 2-lin´eaire altern´ee sur K3.
Proposition 4.4.1. Formes altern´ees et ind´ependance. Si un syst`eme (x1, . . . , xk) de vecteurs de E est li´e, toute fonction k-lin´eaire altern´ee sur E s’annule sur (x1, . . . , xk).
En effet, si
a1x1+· · ·+akxk = 0E
avec par exemple a1 6= 0, on ´ecrit
0 =ϕ(0E, x2, . . . , xk) = Xk
j=1
ajϕ(xj, x2, . . . , xk) =a1ϕ(x1, x2, . . . , xk).
Cas particulier: k = dim E
Reprise d’un fait g´en´eral sur le cas particulier de la dimension 3: si on connaˆıt ϕ(e1, e2, e3) =a, on pourra d’abord calculer, avec un ´echange de deux vecteurs
ϕ(e2, e1, e3) =ϕ(e3, e2, e1) =ϕ(e1, e3, e2) =−a puis apr`es un deuxi`eme ´echange
ϕ(e2, e3, e1) =ϕ(e3, e1, e2) =a.
Les 21 autres choix (sur 27 au total) d’un triplet d’indices (i1, i2, i3)∈ {1,2,3}3 contien- nent tous deux fois un mˆeme vecteur, donc ϕ= 0 pour tous ceux-la.
On sait donc calculer tous les ϕ(ei1, ei2, ei3); par lin´earit´e par rapport `a chaque variable on voit ensuite que toutes les valeurs ϕ(x1, x2, x3) se calculent `a partir des ϕ(ei1, ei2, ei3).
Rappel: on peut montrer plus g´en´eralement le r´esultat d’unicit´e suivant: Si dim E = n, si (e1, . . . en) est une base de E, si ϕ, ψ sont deux formes n-lin´eaires sur E, et si ϕ(e1, . . . , en) =ψ(e1, . . . , en), alors ϕ=ψ.
Exemples d’applications de l’unicit´e.
1. Une d´emonstration de la formule det(AB) = det A det B. Consid´erons l’endomor- phisme a de Cn dont la matrice dans la base canonique est A. On a
det A = dete(a(e1), . . . , a(en)).
Consid´erons les deux formes n-lin´eaires altern´ees ϕ et ψ d´efinies sur Cn par ϕ(x1, . . . , xn) = (det A) dete(x1, . . . , xn)
et
ψ(x1, . . . , xn) = dete(a(x1), . . . , a(xn)).
Ces deux formes co¨ıncident sur la base canonique (e1, . . . , en) donc elles sont ´egales. Si B est une autre matrice, associ´ee `a l’endomorphisme b, on ´ecrira
det(AB) = dete(a(b(e1)), . . . , a(b(en))) =ψ(b(e1), . . . , b(en)) =
=ϕ(b(e1), . . . , b(en)) = det A det B.
2. D´eterminant par blocs. Consid´erons une matrice carr´ee M de la forme M =
µA B
0 D
¶
o`u A et Dsont des matrices carr´ees. Le d´eterminant de M est ´egal `a det A det D.
D´emonstration. Supposons que A soit de taille p×p et D de taille q ×q. Consid´erons lorsque B et D sont fix´ees la fonction
A →ϕ(A) = det
µA B
0 D
¶ .
C’est une forme p-lin´eaire altern´ee des colonnes de A, qui est donc proportionnelle `a la fonction A→det A, donc
ϕ(A) = ϕ(Ip) det A = det
µIp B
0 D
¶
det A.
Il est facile de terminer en montrant que ψ(D) = det
µIp B
0 D
¶
= det D
soit par le calcul (d´evelopper suivant la premi`ere colonne, puis r´ecurrence sur p), soit en consid´erant ce d´eterminant ψ(D) comme une fonction altern´ee des lignes de D et en raisonnant comme pour ϕ.
Lemme. Soient ϕune forme k-lin´eaire sur E et x1, . . . , yk, y1, . . . , yk des vecteurs de E fix´es ; la fonction
λ ∈K→ϕ(x1+λy1, . . . , xk+λyk)
est une fonction polynomiale de la variable λ, de degr´e ≤ k, `a coefficients dans K: il existe un polynˆome P∈K[X] de degr´e ≤k, de la forme
P =ϕ(x1, . . . , xk) +c1X +· · ·+ck−1Xk−1+ϕ(y1, . . . , yk) Xk et tel que ϕ(x1+λy1, . . . , xk+λyk) = P(λ) pour tout λ∈K.
D´emonstration. Par r´ecurrence sur k; pour passer dek `ak+ 1, on introduit la notation suivante: si ϕ est (k+ 1)-lin´eaire et si v∈E est fix´e on pose
ϕv(x2, . . . , xk+1) =ϕ(v, x2, . . . , xk+1).
On voit queϕv est une formek-lin´eaire `a laquelle on appliquera l’hypoth`ese de r´ecurrence.
On ´ecrira
ϕ(x1+λy1, . . . , xk+1+λyk+1) =
=ϕx1(x2+λy2, . . . , xk+1+λyk+1) +λϕy1(x2+λy2, . . . , xk+1+λyk+1).
Application au polynˆome caract´eristique
Si E est de dimension n, le d´eterminant de a−λIdE est une fonction polynomiale de degr´e n enλ d’apr`es le lemme pr´ec´edent, puisque dans toute base e de E on a
det(a−λIdE) = dete(a(e1)−λe1, . . . , a(en)−λen), et il existe un polynˆome χa ∈K[X], de la forme
χa = det(a) +c1X +· · ·+cn−1Xn−1+ (−1)nXn
tel que det(a−λIdE) =χa(λ) pour tout λ ∈K. C’est le polynˆome caract´eristiquede a.
On note que degχa = dim E =n.
Exemple: matrice compagnon
Etant donn´e un polynˆome P = a0 +a1X +· · ·+an−1Xn−1+ Xn de degr´en ≥1 `a coefficients dans K, on lui associe une matrice n×n appel´ee matrice compagnon de P,
M(P) =
0 0 . . . 0 −a0
1 0 . . . 0 −a1
0 . .. ... ... ... ... . .. ... 0 −an−2
0 . . . 0 1 −an−1
.
Le calcul du polynˆome caract´eristique de la matrice M(P) se fait par r´ecurrence sur le degr´e n de P, en d´eveloppant par rapport `a la premi`ere ligne. On montre que
χM(P) = (−1)nP.
Sous-espaces stables
D´efinition 5.1.3. Soit a un endomorphisme de E ; on dit qu’un sous-espace vectoriel F de E est stable par a si a(F)⊂F, c’est `a dire
∀x ∈F, a(x)∈F.
Exemples.
1. Les sous-espaces {0} et E sont toujours stables.
2. Si dim F = 1 et a(F)⊂F, les vecteurs non nuls de F sont vecteurs propres de a.
3. Soient a, b∈ L(E); si a◦b=b◦a alors kerbet b(E) sont stables par a.
D´emonstration. Supposons que b(x) = 0E. On voit que b(a(x)) = a(b(x)) = 0E, donc a(x)∈kerb, ce qui montre que kerbest stable par a. Si y=b(x) appartient `a l’image de b, on auraa(y) =a(b(x)) =b(a(x))∈b(E), donc l’image b(E) est stable par a.
Interpr´etation matricielle de la stabilit´e
Si F⊂E est stable par a ∈ L(E), si f = (f1, . . . , fp) est une base de F et si e = (f1, . . . , fp, g1, . . . , gq)
est une base de E obtenue en compl´etant la base f de F, la matrice dea dans la base e est triangulaire par blocs pour la d´ecomposition E = [f1, . . . , fp]⊕[g1, . . . , gq].
Restriction
Si un sous-espace F⊂E est stable par a∈ L(E), on peut d´efinir un endomorphisme a1 de F en posant a1(y) =a(y)∈F pour tout y ∈F.
D´efinition 5.1.4. Soient a un endomorphisme de E et F un sous-espace vectoriel de E stable par a; l’endomorphisme restriction de a au sous-espace F est l’endomorphisme a1 =a|F : F→F d´efini par
∀y∈F, a1(y) =a(y)∈F.
Polynˆome caract´eristique de la restriction `a un sous-espace stable
Supposons que a ∈ L(E) admette un sous-espace stable F, et d´esignons par a1 la restriction dea`a F. On a dit qu’en formant une base de E en prenant d’abord une basef de F, suivie d’une base d’un suppl´ementaire quelconque G de F dans E, on obtient pour a une matrice M triangulaire par blocs pour la d´ecomposition E = F⊕G, dont le coin
“nord-ouest” est la matrice A1 dea1 dans la base f. Cela implique d’apr`es la proposition 4.4.2 que le polynˆome caract´eristique de a1 divise χa.