FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1899-1900 N° 79
CONTRIBUTION À L'ETUDE
DES
1S II RESECTIONS I NERF Mil
ET DE SES BRANCHES
THESE
POUR
LE DOCTORAT ENMEDECINE
Présentée et soutenuepubliquement le i mai 1900
PAR
Jean-Baptiste PECRESSE
Né àCombressol (Corrèze), le 28 mars 1874
/ MM.LANELONGUE, professeur.Président.
Examinateurs de 1. Thèse»: <
Ajw
V RÉGIS,chargédecours...)
Le Candidat répondra aux questions quilui serontfaites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
G. GOUNOU1LHOU, IMPRIMEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
IQQO
FACULTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. DE NABIAS Doyen. | M.PITRES... Doyen honoraire.
PROFESSEURS MM. MICÉ
DUPDY {Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
Cliniqueinterne . . .
j
Clinique externe. . .
Pathologie etthérapeu¬
tiquegénérales. . . Thérapeutique. . . .
Médecineopératoire .
Clinique d'&ocouchements.
Anatomiepathologique. .
Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie ...
Hygiène
MM.
PICOT.
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LANELONGUE YERGELY.
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rurgicalesdes enfants .
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MM.
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section demédecine (PathologieinterneetMédecine légale.) MM CASSAET.
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section de chirukgie et accouchements
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section des sciencesana.tomiques et physiologiques
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Physique MM. SIGALAS. —Pharmacie . . . . M.BARTHE.
COURS COMPLÉMENTAIRES:
Clinique des maladiescutanéeset syphilitiques MM. DUBREUILH
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Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologieetminéralogie
LeSecrétairedelaFaculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1S79, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les Thèses qui lui sontprésentées doivent êtreconsidérées commepropres à leursauteurs,et qu'elle n'entendleurdonnerni approbation niimprobation.
A MON PRÉSIDENT DE THÈSE
MONSIEUR
LE DOCTEUR M.LANELONGUE
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
AVANT-PROPOS
Au moment de quitter la Faculté,
l'élève
qui soumet ce modeste travail à l'examen bienveillant de ses juges ale douxdevoir d'exprimer sa vive
gratitude à
ses maîtresestimés.
Qu'il nous soit permis d'adresser en particulier à MM. les professeurs Moussous et Badal nos plus sincères remercie¬
ments pourles excellents conseils qu'ils nous ont si généreu¬
sement prodigués tandis que nous suivions
leurs
savantes cliniques.M. le professeur Lanelongue nous a fait l'honneur d'ac¬
cepterla présidence de notre
travail
inaugural. Que ce maîtreéminent daigne accepter l'hommage
de
notre profonde recon¬naissance.
Enfin, nous ne pouvons pas oublier M. Laubie, interne des hôpitaux, qui a facilité notre tâche en mettant à notre dispo¬
sition toutes les ressources de son expérience clinique; et
M. Yems-Gratton, au talent de qui sont dus les dessins qui accompagnent notre texte.
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INTRODUCTION
L'histoire des blessures du nerf sciatique et des troubles fonctionnels qu'elles entraînent est de date relativement ré¬
cente. Dans ces dernières années seulement, leur symptoma- tologie s'est enrichie de quelques faits bien observés; mais
certains
phénomènes,
et en particulier les troublessensitifs,
ont été peu étudiés, et l'on ne trouve dans la littérature médicale que quelques observations suffisamment complètes.
Plus rares encore sont les observations de suture du nerf
sciatique, soit
immédiate,
soit tardive, avec les résultatséloignés
de l'opération.Moins fréquentes que les lésions nerveuses du plexus bra¬
chial, les sutures du sciatique ont pourtant une importance
aussi considérable. Elles peuvent entraîner, en effet, une
impotence presque absolue du membre
inférieur,
avec des troubles sensitifs et trophiques très prononcés.En
1879,
M.Charvot,
dans son remarquable article Scia¬tique, du Dictionnaire Dechambre, a fait une étude complète
de cette question, à laquelle Weir
Mitchell, Letiévant, Duplay,
Trélat, etc., avaient apporté de précieux documents.Depuis,
ont paru les observations de
Berry,
Dallas Prat,Mac-Farlane, Merill-Ricketts,
Roddick, deLangenbeck, Denis, Guelliot, Reboul,
etc.M. le professeur
Lanelongue
fit, il y a deux ans et demi,la suture nerveuse pour une section du sciatique datant de
six mois. Nous devons à sa bienveillance l'observation com¬
plète de cette malade. A propos de ce fait
clinique,
dont le résultat opératoire fut aussi satisfaisant qu'il pouvaitl'être,
nous avons pensé, après avoir réuni les faits
cliniques
quenous avons pu nous procurer, à tracer la
symptomatologie
des sections du sciatique et les résultats fournis par les
sutures nerveuses.
Après avoir
indiqué
sommairementl'étiologie
des sectionset résections du nerf
sciatique
et de sesbranches,
nous étudierons la symptomatologie surtout au point de vue des troubles sensitifs et moteurs avant et après la suture ner¬veuse, pour essayer de compléter sur ce point de détail la magistrale
description
deCharvot,
à laquelle nous ferons alors de fréquents emprunts.CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
DES
SECTIONS ET RÉSECTIONS 01110F SCIATHM
ET DE SES BRANCHES
CHAPITRE PREMIER
Étiologie.
Lesdistensions, élongations
du nerf sciatique
sontdes
causesrares de rupture nerveuse.
Les tractions doivent être
eneffet
considérables pour produire
la déchirure du nerf. Au reste,
dans ce cas, il existe le plus souvent
des lésions des vaisseaux
et des masses musculaires, et le tableau clinique est absolu¬
ment modifié.
Leplus souvent, le nerf est
atteint à
traversles téguments,
soit accidentellement, soit au cours
d'une opération
chirurgi¬cale. Quelquefois, la section est
faite de
proposdélibéré
pourunenévralgie
rebelle
oubien
onrésèque
uneétendue plus
ou moins considérable du tronc nerveux qui est devenu le sièged'unnéoplasme: névrome ou sarcome.
Nous allons
passer enrevue ces différentes causes.
i° Piqûres. —Les piqûres sont
des
causes rares pour letroncmême du sciatique, qui est
profondément
situé.Cepen¬
dant le nerfpeut être
atteint
parla pointe seule d'instruments
vulnérants dans des rixes ou en temps de guerre. L'obser-
vation de M.
Annequin,
que nous rapportons, est un remar¬quable exemple de cette sorte de lésion. Les branches
secondaires, beaucoup
plussuperficielles,
doivent être plusfréquemment
lésées;maiscommeles troubles fonctionnels sont d'autant moins prononcés que le nerf atteint commande unterritoire plus réduit, les signes sont peu prononcés, et nous n'en trouvons point
d'exemple
dansla littérature médicale.2° Sections accidentelles. — Tantôt le sujet tombe sur un
corps tranchant.
L'opérée
de M.Lanelongue
tombe dans unescaliersur des ciseaux de couturière qu'elle portait sur elle.
Le malade de
Heurtaux,
cité parPorson (thèse de Paris1876),
tombe, étant ivre, sur une bouteille qu'il tenait àlamain. Ceux de Denis et deLangenbeck
tombent sur des faux. En chi¬rurgie
d'armée,
ces lésions du tronc ou de ses branches par instruments coupantssont extrêmement rares.Les mêmes causes peuvent atteindre les branches. Celles-ci sont surtout vulnérables auniveau ducreux
poplité
où souvent les deux sciatiquespoplités,
interne et externe, sont atteints;le tibial postérieur l'est souvent au cou-de-pied, derrière la malléole. Les blessures des petits nerfs sont assez
fréquentes,
mais rarement signalées pour la même cause que nous indi¬
quions plus haut.
1° Sections.
Sections
chirurgicales.
— Les sectionschirurgicales
du nerf peuvent être purementaccidentelles,
comme dans les cas de MarkoëetdeRoswel-Park.Ce dernierfaitungrattage des parties
osseuses cariées sur un enfant de treize anschezlequelilavait déjà pratiqué la résectionde la hanche.Le malade, seréveillant
un peu du sommeil
anesthésique,
secoue violemment la cuisseen la tordant. Le nerfse déchire alors. Larue rapporte que
Maisonneuve sectionna également lenerfsciatique enfaisantsa
première résection du col du fémur. La section a été faite
jadis contre l'évolution du tétanos sur des branches du nerf.
Elle a été pratiquée sur le tronc même ou sur ses rameaux
— 13 —
contre des
névralgies
qui avaient résisté à tout traitement médical.En 1834,
Malagodi
fait la résection du sciatique pournévralgie. Weir Mittchell rapporte que Davies sectionne le tibial antérieur et le musculo-cutané. Letiévant fait la section des nerfs crural, poplitéexterneet
fémoro-cutané,
dansun cas de tétanos traumatique. Le même auteur rapporte des lettresde Michon àMarjolin où la sectiondu sciatique a été faite pour
névralgie.
2° Résections.
Les résections
chirurgicales
sontbeaucoup
plus nombreuses.Elles ont été pratiquées pour l'ablation des tumeurs desnerfs:
névromes ou sarcomes le plus souvent. C'est ainsi que Trélat enleva vingt-deux centimètres de nerf pour un fibro-
myxome.
M. Marchand résèque dix-huit centimètres du troncnerveux pour un sarcome du
sciatique
à sa partie inférieure; M.Bouilly,
seize centimètres dans une opérationanalogue.
Bobroff
résèque
douze centimètres. Les deux nerfssciatiques
poplité interne et externe sont réséqués par Tuffier pour un sarcome du creux poplité.Roux rapporte plusieurs cas de résection des
sciatiques
poplité interne et externe.Yerneuil,
Hume ont fait les mêmesopérations.
Dupuytren,
M.Lanelongue
enlèvent des névromes du tibial postérieur. Dans ce dernier cas, la conservation des filets fut possible et la guérison fut complète.Plaies contuses. — Ces plaies comprennent tous les grands traumatismessi fréquentsau membre inférieur. Dans les acci¬
dents de chemins de fer et de voiture, les écrasements par
des
machines,
des roues de voiture pesammentchargées,
lenerf est atteint comme les autres organes. Mais dans ces]cas
où le traumatisme a produit des dégâts
considérables,
la lésionnerveuse perd de
l'importance;
car la lésion des parties molles, des vaisseaux, du squelette, commandent souvent soit__ 14 _
l'amputation,
soit une conservation partielle que la perte desmouvements n'aggrave pas beaucoup.
En
chirurgie
de guerre, on observe des plaies contuses par éclat d'obus. On entrouve desexemples dans les thèses de Stutell (Paris, 1872), de Larue. M.Delorme,
en disséquant lecadavre d'un homme tué en 1878 par une explosion au Mont- Valérien, trouva dans une plaie profonde de la région fessière produite par l'éclat d'un
fragment
de caisse, le nerf sciatiqueen partie déchiré par un morceau de bois.
Les balles produisent également des lésions du nerf scia- tique. Le pouvoir vulnérant des armes modernes est d'ailleurs
plus dangereux que jadis, et l'élasticité du nerf sciatique ne suffit pas à le protéger; aussi, depuis 1870, on a cité de nom¬
breux cas de lésions du sciatique par coup de feu. Larue en rapporte sept observations. Belleauen cite également quelques
cas. Weir
Mittcheîl,
Letiévant citent des exemples analogues.M. Reboul, en 1897, rapporte unremarquable exemple de sec¬
tion du sciatique poplité interne par un coup de fusil. Le nerf
fut suturéau sciatique poplité externe, et l'onobtint un excel¬
lent résultat. Remond et Lorber, en 1869, rapportent un cas de contusion du
sciatique
par balle de chassepot, résultantd'un accident. Le blessé mourut du tétanos. Le nerf est sur¬
tout atteint quand la balle traverse la partie postérieure de la
cuisse immédiatement derrière le fémur.
Cependant
elle peut pénétrer par les côtés et léser obliquement le nerf. Dans uncas (obs. V de Larue), la balle entre dans larégion abdominale
au-dessus du pubis et sort par la fesse après avoir sectionné le
nerfsciatique. Un trajet presque analogue se trouve dans une observation de Guelliot. Un coup de couteau, porté dans la
fesse
gauche,
avait traversé l'échancrure sciatique, blessél'utérus et provoqué l'avortement. Les plaies par balles ren¬
trent dans le cadre des plaies contuses; le cas de Remond est
une simple contusion. D'autres fois, la section du nerf peut
être complète. Ces derniers faits de section
complète
sontd'ailleurs les plus fréquents : ce sont ceux que nous allons
décrire.
CHAPITRE II
Symptomatologie.
« Les troubles fonctionnels qui accompagnent les lésions
du nerf sciatique, dit M. Charvot, sont très variables et le
lien qui unit au désordre anatomique le désordre fonctionnel
est encore impossible à saisir.» En effet, ilest souvent difficile
de
diagnostiquer
l'étendue des lésions et de déterminer, parexemple dans les plaies par armes à feu, si le nerf est
simplement contus, comprimé ou déchiré. Mais dans le cas
de section, les phénomènes ont une netteté beaucoup plus grande, et on a pu en tracer un tableau d'ensemble. Les symptômesprimitifs sontle choc et la douleur.
Lne perturbation nerveuse générale peut suivre la lésion
du nerf. Mittchell rapporte que, dans un cas de blessure du
sciatique
par coup de feu, il y eut une paralysie réflexe dubras droit. La malade de M. le Prof.
Lanelongue
estrestée deux heures et demie sans connaissance. Lorsque le
choc est moins prononcé, le malade accuse immédiatement
de la douleur. Le blessé d'Annequin ressentit une douleur
si vivequ'il s'affaissa et qu'on dut le porter chez lui. Celui de Porson a une douleur vive et fugitive comparable à un
vigoureux coup de fouet. Un autre, de Mittchell, a une
douleuravec engourdissement du pied et un
brusque
soubre¬saut. Les blessés ne sentent plus leur pied aussitôt après
la section.
— 16 —
Les symptômes consécutifs sont les troubles moteurs et
sensitifs, les troubles de nutrition, auxquels il faut ajouter
certains désordres nerveux inconstants.
1° Troubles moteurs. — L'étendue de la paralysie est limitée au territoire du nerf atteint; d'où une dissociation
extrême. Mais lorsque la lésion siège sur le tronc lui-même,
la paralysie dépend de la quantité de filets nerveux sectionnés,
de la hauteur à laquelle a porté la section.
Envisageons
toutd'abord les troubles qui suivent la section des branches, et nous verrons l'étendue de la paralysieprogresser. Lorsque le tibialantérieur est seul atteint, comme dans le fait de Ganelson (obs. L), la flexion du pied est
impossible.
Après la section du tibial antérieur et du mus-culo-cutané, on a une paralysie des extenseurs. Les troubles
sontles mêmes que si le tronc du sciatique poplité extrême
est lui-même sectionné; le pied tombe, devient pendant,
il y a steppage. La marche est possible avec ou sans
béquilles. La lésion du tibial postérieur à sapartie supérieure
entraîne
l'impossibilité
des mouvements d'extension du pied,de flexion des orteils et de leurs mouvements latéraux. Si,
comme dans l'observation de
Mac-Farlane,
la lésion est situéeà la partie inférieure au niveau de la malléole, la paralysie
n'atteint évidemment pas les muscles profonds de la jambe;
et si, dans ce cas, le tendon d'Achille n'avait pas été coupé
avec le nerf, nul doute que la marche n'ait été peu gênée.
Mais si la lésion porte sur le nerf sciatique proplité interne,
au-dessus des rameaux destinés aux jumeaux plantaire
grêle
et soléaire, tous les muscles sont paralysés ; et les jumeaux
ne pouvant plus relever le talon, la marche se trouve très gênée. La marche et la station debout étaient impossibles
chez le blessé de M. Reboul.
La blessure du sciatique à sa partie
inférieure,
si elle est complète, réalise la production d'un pied bot varus équin : le pied est ballant, en même temps que la plante se renverseplus ou moins en dedans dans l'adduction. Marie Suss...
(obs. I) pouvait soulever le talon du plan du lit à cinquante
— 17 —
centimètres de hauteur, mais ne pouvait faire aucun mouve¬
mentdans son articulation tibio-tarsienne, qui restait ballante.
Les mouvements d'extension et de flexion des orteils étaient nuls. La résistance aux mouvements était également abolie.
Chez le malade de Trélat, ces mouvements sont également
abolis. Dans ces cas, les muscles de la région postérieurede
la cuisse continuent à jouir de toutes leurs fonctions, la jambe est étendue et fléchie sur la cuisse. Cette flexion
dépassait même un peu
l'angle
droit chez le malade de Trélat.Quand la section porte sur le nerf à sa sortie du bassin,
la paralysie remonte
beaucoup
plus haut. Les muscles demi- membraneux, demi-tendineux et biceps sont atteints. Lesmouvements de flexion de la jambe sur la cuisse deviennent alors
impossibles.
Néanmoins la marche estencore possible,et sonmécanisme
a été analysé par M. Letiévant dans son Traité des sections nerveuses.
Dans l'observation XLYI de Letiévant (obs. XXVIII), tous
les muscles de lajambe et dupiedsont paralyséspar la section
du nerfsciatique au tiers inférieur de la cuisse. Malgré cette paralysie absolue et
démontrée,
toute motilité n'a pas disparudans la partie inférieure du membre et l'acte de la déambu- lation peut encore
s'accomplir.
Voici comment s'opèrent, d'après cet auteur, les actes moteurs chez le sujetde cette observation :
«Les extenseurs et les fléchisseurs du tibia sur le
fémur,
» insérés si favorablement sur le premier os pour le mouvoir
» avecpuissance, sont intacts; ilsprojettent facilement le tibia
» et, par conséquent, la jambe en avant eten arrière; la jambe
» peutencore êtreportée endedans et endehors parl'interven-
» tion des adducteurs ou des abducteurs de la cuisse. A son
» extrémité, le tibia porte le pied, cette masse
inerte,
lourde»commeduplomb,selon
l'expression
du malade, etqui ballotte» àl'extrémité du membre. Si le tibia est projeté en avant avec
»
vivacité,
le pied, suivant cetteimpulsion,
tourne machinale-2
- 18 —
» ment autour de l'axe fictif transversal de l'articulation tibio-
» tarsienneets'agiteenpassantalternativement del'extensionà
» la flexion. Dans les projections en dehors et en dedans, il
» oscille de l'adduction à l'abduction, et réciproquement.» Quand la jambe est en directionverticale, le pied touche le
sol par sa plante, plusieurs mouvements peuvent
s'accomplir
dans ce dernier : le renversement sur son bord externe, sur
sonbord interne, la flexion, l'extension.
Pour exécuter le mouvement du pied en dehors, le malade produit un léger abaissement de tout le membre à l'aide du
bassin, ou simplement un peu d'abaissement du tibia par un redressement plus complet de cet os sur le fémur à l'aide du
triceps crural, lin s'abaissant, le tibia refoule le pied sur le sol; si les abducteurs dela cuisse interviennent, àce moment,
par un
léger effort
destiné à porter le membre en dehors, le piedtournesuivant son axeantéro-postérieur; sonbordinterneserelève, son bord externe s'abaisse et touche le sol. La pres¬
sion faite par le tibiapeut rendrece mouvement trèsprononcé.
Parun mécanisme semblable, aidénon plus des abducteurs,
mais des adducteurs de la cuisse, le pied peut tourner sur son bord interne et ne toucher le sol que par ce point. La sup¬
pléance estremplie par les muscles de la cuisse, et la marche
est rendue possible par un mouvement d'impulsion analogue à
celui qui permet la marche àl'amputé muni d'une jambe arti¬
ficielle. Même lorsque la lésion siège au niveau du tiers supé¬
rieur du sciatique, les muscles de la région antérieure de la
cuisse peuvent permettre l'extension de lajambe en avant.
Du reste, tous les malades qui n'ont point de phénomènes
douloureux peuvent marcher. Le malade de Michon pouvait danser. On peut invoquerpour certains cas une division pré¬
maturée du sciatique. M. Pouey-Trabut a vu quatorze fois
(presque
dans la moitié des cas) la bifurcation des nerfs à sa partie la plus élevée. Dix fois, c'était tout à fait dans le bassin que le nerfétaitdiviséen deuxbranches, l'uneantérieure, plusvolumineuse : le poplité interne; l'autre postérieure, accolée à
la précédente: le poplité externe. Quatre fois, sur ces dix cas,
— 19 —
la branche qui représentait le poplité externe perforait le
muscle pyramidal pour sortir du bassin.
Mais cette cause ne peut être invoquée dans le cas de Tré- lat par exemple, et cependant quelques mois après la marche
a lieu facilement. Le pied portant à plat sur le sol, la flexion
du genou le relève, et la plante du pied tout entière touche en même temps que la pointeen se posant àterre. Après excision
de huit centimètres de nerf, le malade de
Berry
(obs. LXII)marche sans autre apppareil qu'une attelle de gutta-percha.
Sensibilité. — Les troubles de la sensibilité ont été peu étudiés. Ils
présentent,
d'ailleurs, une grande irrégularité.Gela tient à ce quelorsque la section porte sur une seule des branches terminales, il s'établit des suppléances qui restrei¬
gnent toujours l'étendue de l'anesthésie. Ross, en parlant des
sections des branches du plexus brachial, avait pu conclure :
« 1° Chacun des troncs nerveux du plexus brachial pris
isolément peut être complètement sectionné sans qu'il s'en¬
suive une anesthésie complète sur n'importe quel point de la distribution des filets sensitifs du nerf;
» 2° L'anesthésie produite par la section dunerfou des nerfs du plexus brachial tend à diminuer comme intensité et à se
circonscrire comme étendue. Il s'ensuit quel'aire sensitive est
toujours supérieure à ce que l'on supposerait d'après la topo¬
graphiedu nerf;
»3°
Gliniquement,
l'étendue, le degré et même la localisationde l'anesthésie par section nerveuse, diffèrent considérable¬
ment suivant les cas, sans qu'on puisse trouver la raison de
ces différences dans la nature de la lésion nerveuse, ni dans
les circonstances qui l'ont accompagnée. »
Les mêmes considérations peuvent s'appliquer auxbranches terminales du nerf sciatique; leurs nombreuses anastomoses et la sensibilité récurrente peuvent, en effet, suffire à con¬
server la sensibilité dans une certaine étendue du territoire du nerf sectionné.
Cette étude n'a pas été faite comme pour le plexus brachial
et les données fournies par les chirurgiens qui ont rapporté
— 20 —
des observations sont très
incomplètes. Néanmoins,
les phéno¬mènes observés sont
identiques.
Un cas rapporté par Barde-leben ne peut servir de preuve. Cet auteur enlève un sarcome du nerfsciatique. Avant
l'opération,
le malade avaitdéjà
uneparalysie des muscles animés par le nerf poplité externe,
tandis que les parties du dos du pied desservies par les bran¬
ches cutanées du même nerfconservaient leur sensibilité. Cet état ne s'est nullement modifié malgré l'excision d'un seg¬
ment du nerf poplité externe. Ce cas véritablement typique
rend indubitable le rôle des anastomoses et des suppléances.
Nous aurons d'ailleurs à le constater de nouveau.
Considérons toutd'abord
l'anesthésie,
et voyons son étendueselon le nerf blessé.
Les auteurs non seulement ne rapportent pas le plus sou¬
ventl'état des différentes sensibilités, et l'onétudie seulement l'anesthésie.
Dans la plupart des
observations,
on trouve même ces sim¬ples mots : la sensibilité est abolie dans tout le territoire du nerf. Pourtant une étude plus attentive permettrait de noter des différences dans l'étendue et le
degré
de cette anesthésie et permettrait peut-être de tirer des conclusionsutiles audiag¬
nostic des lésions.
Ainsi,
Letiévant nous montre qu'aprèssection du crural, du poplité externe etdu fémoro-cutanépour tétanos traumatique, la pointe d'un stylet ne provoquait pas de
douleur,
mais le contact était perçu. En aurait-il été de même si, au lieu de faire une simple section, on avaitpratiquéune résection de ces mêmes nerfs?
L'étude attentive de tous les troubles sensitifs devra donc être faite, avant qu'on puisse définir les différences et la nature de la lésion nerveuse.
Quoi qu'il en soit, nous voyons qu'à la suite de la blessure du tibial postérieur derrière la malléole, la sensibilité est entièrement perdue sur la face plantaire
(Mac-Farlane).
D'autres fois, on note une insensibilité de la moitié de la
plante
(Clark).
Après
la blessure dusciatique
poplitéinterne,
ona de l'anes-— 21 —
thésie du bord externe du pied, de la facedorsale, de larégion
externe de la jambe.
(Reboul.)
Après section du tibial antérieur, on observe une paralysie incomplète de la sensibilité avec amélioration graduelle.
(Davies.)
L'anesthésie après blessure du sciatique poplitéexterne s'étend à la région antéro-externe de la jambe et à la partie supérieure du pied.
Étendue de l'anesthésie après section du sciatique à la partie inférieure. — L'exploration de la sensibilité fait décou¬
vrir sur le sujet de l'observation de Moine (Letiévant) une
plaque anesthésiée considérable comme étendue : elle com¬
prendtoute la portion de lapeau correspondant à la plante du pied, à son dos presque entier, et ellese prolonge, sous forme
d'une large bande, jusqu'à la moitié de la hauteur de la face externe de la jambe (obs. XLYI de Letiévant : Traité des sections nerveuses, p 147; voir fîg. I).
Même dans le cas où le tronc lui-même est lésé, la limi¬
tation de l'anesthésie se produit. Son étendue reste moins considérable que celle du territoire innervé. Letiévant expli¬
que cette limitation par l'anastomose que le petit sciatique
envoie au saphène externe. Mais si la section porte sur un
point plus élevé, elle peut être abolie dans tout le territoire.
L'opéré de M. Marchand, par exemple, dessine sur unejambe
taillée dans du carton la zone sensible. Celle-ci, par son aspect
et son étendue, correspond exactement à la distribution du saphène interne. Partout ailleurs existe l'anesthésie.
Chez la malade de M. Lanelongue, la blessure du grand
nerf sciatique s'est compliquée d'une blessure du petit nerf sciatique; aussi le rôle de l'anastomose invoqué par Letiévant
ne peut plus se produire, l'anesthésie est totale dans le terri¬
toire du grand nerf sciatique, et on trouve une zone d'hypo-
esthésie dans le territoire du petit nerf sciatique s'étendant jusqu'au niveau de la section (fig. II). La distribution nerveuse
ne saurait être montrée avec plus de netteté et de précision.
La surface anesthésiée pourrait à la rigueuroccuperunebande
remontant jusqu'au pli fessier; mais, comme on le voit, les
- 22 —
troubles sensitifs, après section du nerf, ne peuventêtre guère plus étendus qu'ils ne l'étaient chez cette malade.
Différents degrés
de Vanesthêsie après la section. — L'anes- thésie peut être totale. Chez l'opérée de M. le Prof. Lanelon- gue la sensibilité au contact, à la piqûre et à la températureest complètement abolie dans toutel'étendue du territoire du nerf. La sensibilité profonde articulaire est également abolie.
Chez le malade
d'Annequin,
où il y eut simplepiqûre,
ilest difficile au malade
d'indiquer
les endroits où il a été piqué.La sensibilité à la température a été altérée dans les mêmes
proportions : une allumette en ignition peut être placée en
rapport avec le côté externe du pied sans qu'il y ait sensation de brûlure.
Parfois,
comme chez le malade deLetiévant,
on trouve unezone intermédiaire
d'hypoesthésie
entre la zoneanesthésique
et les parties restées sensibles. La lésion était ancienne.
Dans la majorité des cas, immédiatement après la section,
les troubles de la sensibilité paraissent atteints au même
degré.
Parfois,
au bout d'un certain temps, l'aire de l'anesthésiediminue,
et si nous considérons maintenant certains cas de section ancienne, nous trouvons qu'elle est plus limitée. Elle peutaussi présenterdescaractèresvariables suivant les modes.M. Trélat opère un jeune homme de vingt-deux ans d'un
fibro-myxome
du nerfsciatique. Le nerf sciatique et ses deux branches sontréséqués. Lasensibilitéest complètement abolie.Deux mois après, la
région
péronière paraît recouvrerun peu de sensibilité; puis elle subit des phases successives que nous rapportons dans l'observation. Au bout de six mois, l'anes¬thésie complète n'existe que sur la face postérieure de la jambe et au pied, et les différences de température sont per¬
çues partout, sauf sur la face dorsale du pied. Un an après,
elle est complète au pied et
incomplète
à la face postérieurede la cuisse, et cela pour les divers modes, y compris la température et la pression. Les résultats sont, on le voit, un peu discordants.
Quelques
mois après une opération analoguechez un opéré de MM. Bouilly et Mathieu, la zone d'anesthésie
a diminué; autour, se trouve une zone de sensibilité impar¬
faite. Le malade dont Davies rapporte l'histoire avait eu son sciatique sectionné onze ans auparavant. Chez
lui, l'anesthésie
n'est complète qu'au pied, où il ne sent ni le contact ni la
douleur. A la jambe, dans le domaine du sciatique poplité externe, il est sensible à la douleur; partout ailleurs, il sent
même le contact.
Bans cette observation, les détails de la distribution des
troubles ne sont pas suffisamment notés; mais bien
qu'il
y ait eu une section du tronc même du sciatique à la partiemoyenne de la cuisse, nous voyons que l'anesthésie n'est
absolue qu'à l'extrémité du membre.
La section des parties molles jusqu'à l'os nepermet pas
de
soupçonner ici, étant donné le siège de la lésion, une section
isolée d'une des branches du nerf.
La sensibilité électrique a été rarement mentionnée; elle
était également diminuée chez le malade de Trélat. Chez lui,
le fourmillement produitpar le passage des courants induits
est éprouvé avec les mêmes différences d'intensité que les piqûres d'épingles. Nous renvoyons à cette
observation
pour l'étude de la sensibilité avec le compas de Jaccoud. Tandis qu'à la cuisse les deux pointes étaient perçues avec un écarte-ment de 4 millimètres, à lajambe la perception étaitpeu nette
avec un écartement de 18 millimètres.
De l'étude de ces quelques faits, nous sommes aménés à
conclure :
1° Lorsque le nerf sciatique est sectionné à sa partie supé¬
rieure et qu'il existe en même temps une section du petit sciatique au-dessus de l'anastomose que ce dernier envoie au nerfsaphène externe, l'anesthésie s'étend en général sur tout
le territoire du nerfsciatique;
2° Une des branches du nerf sciatique, le tronc même du
nerf à sa partie inférieure, peuvent être sectionnés sans qu'il
s'ensuive une anesthésie complète et étendue à tout le terri¬
toire du nerf;
3° L'étendue de l'anesthésie tend à se
circonscrire,
et sondegré
diminue;4°
Cliniquement,
l'étendueet ledegré
diffèrent selon les cas.Hyperesthésie.
—L'hyperesthésie
qui se montre après lasectionnerveusetient à laproduction d'une névrite secondaire.
Sa fréquence a été surtout signalée dans les plaies con¬
fuses, principalement par blessures de guerre :
balles,
éclats d'obus, etc. Elle se produitbeaucoup
plus rarementlorsqu'on
a affaireà une section nette par instrument tranchant.
L'hyperesthésie
peut exister dans la région innervée parlecrural à la partie interne de la
jambe,
comme dans un fait de Larue. Dans un cas de Colson, cité parCunin,
il existe à laplante du pied une hyperesthésie très remarquable. Cette hyperesthésie paraît être spontanée et représentée par les
douleurs qui amènentle malade à
l'hôpital.
Elle se montre surtoutdans lesjours quisuivent la
blessure,
puis disparaît pour faire place àl'anesthésie,
ou inversement.Nous aurons,
d'ailleurs,
à revenir sur ces troubles sensitifs enétudiant les résultats fournis par la suture nerveuse.
Douleurs consécutives. — Les phénomènes douloureux
consécutifs à la blessure du nerf sont directement en rapport
avec cette hyperesthésie. Ils sont souvent spontanés, mais peuvent, dans certains cas, être éveillés par une excitation cutanée.
Lorsque le nerfest
incomplètement
divisé, les phénomènes douloureux consécutifs sont plus prononcés, car les névrites sont plusfréquentes.
Le malade de M. Panas ressentait «des» douleurs vives,
lancinantes,
s'irradiantde bas enhautjusqu'à» la fesse et qui s'exaspéraient au moindre attouchement des
» partiesrestées sensiblesde la peau». Unezone
d'hyperesthésie
existe à la partie externe de la jambe. Le moindre attouche¬
ment en ce point non seulement éveille des .phénomènes dou¬
loureux,
mais provoque des secousses convulsives. Chez lui,letementport d'un appareil