G ERGONNE
Réflexions sur l’article précédent
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 8 (1817-1818), p. 156-161
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I56
Réflexions
surl’article précédent ;
Par M. G E R G O N N E.
USAGE
DEL’ANALISE
IL
y aenviron dix-huit
mois que , y dans une séancepublique
d’uneacadémie
de Province ,
un homme d’un méritetrès-distingué entreprit
de consacrer un discours à
l’apologie
del’exagération.
Ilobservait,
entre autres
choses,
que , dans ungrand
nombre decirconstances ,
il
importe beaucoup
moins defrapper juste
que defrapper fort ;
et il
comparait très-ingénieusement l’exagérateur
à l’hommequi,
voulant redresser un bâton courbé en un sens, pense , avec
raison,
ne
pouvoir parvenir
à son butqu’en
courbant ce bâton en sensinverse.
Si
donc ,
t dans les articlesrappelés
ci-dessus par M.Poncelet j’avais
dit formellementqu’il
fallait abandonner tout-à-fait lagéo-
métrie pure pour
s’occuper
exclusivement de lagéométrie
anali-tique¥
seulecapable
defournir,
dans lesproblèmes qui
concernentl’étendue ,
des solutions à la foisélégantes
etsimples ;
tout cequ’on pourrait équitablement
enconclure ,
c’est quej’aurais
bienmis à
profit
la doctrine de l’estimable académicien dont il vient d’êtrequestion.
J’entendais ,
eneffet , répéter
sans cesse , t comme une chose tout-à-fait hors de
doute ,
que ,malgré
lesavantages qu’offrait
lagéo-
métrie
analitique ,
sous lepoint
de vue de lagénéralité
et de l’uni-formité des
procédés ;
elle nepouvait donner ,
pour la solution desproblèmes, des constructions comparables , pour l’élégance
et lasimplicité
DANS LA GËOMËTRIE. I57
simplicité , a
celles dont lesgéomètres
de1’^antiquité ,
et ceux d’entreles modernes
qui
ont marché sur leurs traces, y nous ont laissé de sibeaux exemptes ;
etcependant je
voyonsplusieurs
de ces pro-blèmes céder sans efforts aux
procédés
ducalcul ;
fje voyais
cesprocédés
conduire à des constructionsIncomparablement plus s:rnp]e5
et
plus élégantes
que tout cequ’on
avait connujusqu’alors.
Lagéométrie analltique
m’avaitconduite
enparticulier ,
pour la recherche du cerclequi
en touche trois autres sur unplan
etpour
celle dela
sphère qui
en touchequatre
autres dansl’espace ~ a
des cons-tructions
qui, Indépendamment
d’une mervcIUeusesimplicité
avaientà
la foisl’avantage
de fournir une solution directe de cesproblèmes,
et de contenir
Implicitement
celle de tous les autresproblèmes plus simples qui
en forment communément lecortège ; tandis
quedepuis Viète
etFermat,
y Descartes et Newtonjusqu’à
ces dernierstemps
où ces mêmes
problèmes
ont étéattaqués
de tant de manières di- verses , tous les efforts desgéomètres
n’avaient puaboutir,
endernière
analise , qu’à
les ramener,peu a
peu , à une suited’autres problèmes
deplus
enplus simples ,
rnais dont la construction suc-cessive ne
pouvait
que rendre celle duproblème principal longue;
et
laborieuse ~
etconséquemment
peu sûre dans lapratique~
J’avaisdéduit enfin des mêmes
procédés
la construction du cercletangent
a trois autres sur unesphère ; problème
quejusqu’alors
personneencore n’avait osé
aborder ;
et l’on conviendra que, dans de telles-circonstances , j’aurais
été un peu excusable de ne savoir pas me défendre dequelque
enthousiasme pour des méthodesqui
me pa- raissaient sifécondes ;
etj’étais d’autant plus
entraîné à lesrecommander fortement à l’attention des
géomètres
quej’avais
crum’apercevoir
que les constructions quej’en
avais déduitesn’avaient
pas
produit
toute la sensation quej’attendais;
et que même on étaitencore revenu
postérieurement
sur lesproblèmes
que ces constructions concernent ;problèmes
surlesquels j’avais
cru neplus
rien laisserà dire.
La vérité est
pourtant que je
ne crois pas , dans tout ce quej’ai
T~. ~77~
~I58 USAGE DE L’ANALYSE
écrit et
publié
sur cesujet,
avoirdépassé
les bornesprescrites
par la froideraison ,
et avoir rien avancé queje
doiveaujourd’hui
rétracter.
Ce fut
vers 1810,
en lisant les~’lémcrts d’analise ~éo~nétriq~e
et d’analise
algébrique
de M.LHUILIER ,
queje
conçus lapremière
idée du nouveau tour
qu’on pouvait
faireprendre
à lagéométrie analitique. Je publiai, par
formed’exemple,
les solutions dequel-
ques
problèmes ,
traités suivant lesystème
queje
n1’étais formé àce
sujet (
Mémoires de l’académie duGard, pour 1810 ) ;
etj’annonçai
dès-lors
qu’il
étaitpossible
de construire tous lesproblèmes
deTj~//~/2/~
Gallus deVIÈTE,
sans résoudre aucuneéquation
dusecond
degré.
Environ
quatre
ansaprès j’adressai
à l’académie de Turin un mémoire contenant la solutionanalitique complète
desproblèmes
de Viète et de
Fermât,
relatifs à la détermination du cercle et de lasphère,
1, au moyen de trois ou dequatre
conditions. Jedonnai ensuite,
dans leprésent recueil (
torn.IV ) ~
laconstruction
du cerclequi
en touche trois autres sur unesphère ;
et enfin dans letome
VII.e , indépendamment
duproblème
quej’avais déjà
traitédans le volume cité de l’académie du
Gard , je
donnaiquelques développemens
à lapremière partie
de mon mémoire à celle deTurin.
Dans toutes ces diverses
circonstances je
crois avoir constammentprofessé
la mêmedoctrine ;
etje
n’ai découvertpostérieurement
au-clin fait
qui
lui soit contraire. J’aidit,
etje répète
encoreaujour-
,
(1"hui, qu’on
n’a pas su tirerjusqu’ici
de lagéométrie analitique
tout le
parti qu’elle
semblesusceptible d’offrir ; qu’on
la calomnielorsqu’on
laregarde
comme peupropre
àfournir,
pour lesproblèmes
de
géométrie ,
des constructionssimples
etélégantes ;
que lafaute
parait
en être presqueuniquement
à la manièredont
on l’a em-ployée ;
etqu’en
la maniant avecplus d’adresse,
y onpeut
en dé- duire des constructions~~.~i ,
si elles ne sont passupérieures a
cellesde l’ancienne
~~ométrie , paraissent
du moins nedevoir leur
rienDANS LA GÉOMÉTRIE, I59
céder
ensimplicité
et enélégance. J’appuyai
ces assertions parquel-
ques
exemples ;
etje
demanderai encoreprésentement
aux;,éomètres, je
demanderai à M. Ponceletlui-même,
s’ilconnaît,
y enparticulier,
pour les
problèmes
de Viète et de Fermatquelques
constructionsplus directes, plus générales p plus élégantes
etplus simples
que cellesauxquelles
on est directement conduit par lagéométrie
ana-litique, employée
de la manière queje conçois.
Que je
ne sois pas en état d’amener au mêmedegré
desimplicité
tous les
problèmes
relatifs àl’étendue ;
c’est là une chose dontje conviendrai
sanspeine ;
tout ce dontje
désirequ’on
veuille bien*me savoir
quelque gré
et me tenirquelque compte ,
c’est d’avoirouvert aux
spéculations
de lagéométrie
une voiequi
meparaît
tout-à-fait
nouvelle
et de n’avoir riennégligé
pour déterminer deplus habiles
que moi às’y
engager. Il n’estpoint surprenant,’
au
surplus, qu’en
entrant seul dans une route que personne n’aencore
frayé,
on chemine un peulentement ;
lagéométrie
anali-tique
est d’ailleurs une inventiontrès-récente ;
et la manière dontje propose
del’appliquer
date pour ainsi dired’hier ; peut -
êtrelorsqu’on
aura manié les formules de cettegéométrie pendant
autantde
temps qu’il
y en a que l’oncontemple
des cercles et destriangles;
peut-être alors , dis-je ,
y sera-t-on devenu un peuplus
adroit.Si
présentement
on me demande monopinion
sur lagéométrie
pure ,
je
demanderai à mon tour de faire une distinction.S’agit-il
de la
géométrie d’Archirnède , d’~uclide, d’Apollonius,
et de tousceux d’entre les modernes
qui,
commeViviani, Halley,
Viète etFermât,
ont marché sur leurs traces ? J’avoueraifranchement , quel-
que
opinon
que l’onpuisse
enprendre
demoi,
queje
n’en suis pasenthousiaste. Que si ,
aucontraire ,
on veutparler
de cettegéométrie qui , née,
pour ainsidire ,
des méditations de l’illustreMonge, a
fait de si immenses
progrès
entre les mains de sesnombreux
dis-ciples ,
on me trouveratoujours disposé
à lui rendre leplus
écla-tant
hommage ,
et à reconnaitrequ’elle
nous a fait découvrir eaI60
USAGE DE L’ANALISE
vingt
annéesplus
depropriétés
de l’étenduequ’on
n’enavait pu
découvrir dans lesvingt
sièclesqui
les avaientprécédées.
Loin donc que
je
croie que l’on doivenégliger
lagéométrie
purepour
Fanatise ;
Je pense , aucontraire ,
avec ~~‘~. Ponceletqu’on
ne- saurait
trop s’appliquer
à les cultiver l’une et l’autre avec un soinégal ;
maisje
pense aussi que , s’ilpeut
être souvent utile de s’aider dans l’analise des considérations que lagéométrie peut fournir ,
ets~~~~~e
versa’ ;
on n’en drvt pas 1110insapporter
tous ses soins à tirerde chacune de ces deux branches d’une même science tout le
parti
que , sans le secours de
l’autre ,
ellepeut
êtresusceptible d’offrir.
Je voudrais
même ,
pour cetteraison,
que , y dans lagéométrie ,
onput toujours
éluderl’usage
même despropositions , parce qu’elles
ne sont au fond que des calculs
déguisés.
Quant
à ce que M. Carnot aappelé
r~é~~ro~e,~mixtes ,
dont ilnous a offert hu-même tant de beaux
exemples , je
pense que ces méthodespeuvent
souvent êtreemployées avec avantage
dans ladémonstration
de certainsthéorèmes ;
et que c’est àelles,
en par-ticulier, qu’on
doit avoir recours ,lorsqu’on
veutrésoudre,
par lecalcul,
desproblèmes
degéométrie ; mais j’inclinerais
à lesregarder
comme les moins propres de toutes à
faire
trouverdes
constructionssimples
etélégantes.
.Au
surplus ,
la nature desproblèmes semble devoir
influer d’une manière notable sur le choix des méthodes. Il arrive souvent, eneffet,
que telle méthodequi triomphe
sans efforts de certains pro-blèmes , échoue ,
aucontraire
contre d’autresqui
cèdent a leurtour facilement à des méthodes
différentes ;
et Fart dépressentir à l’avance,
danschaque
casparticulier ,
delaquelle
d’entre elles onpeut
sepromettre
leplus
desuccès,
n’estpoint
lapartie
la moinsimportante
ni la moins difficile de la science dugéomètre.
On doitremarquer
y ausurplus, qu’il
est certainsproblèmes qui
semblantse montrer
également rebelles à
toutes lesméthodes;
et tels sontpar
exemple,
celui del’inscription
de trois cercles autriangle
etde
quatre’ sphères
autétraèdre,
DANS LA GÉOMÉTRIE.
I6IPour
en venirprésentement
àl’objet particulier
de la lettre deM.
Poncelet , je m’empresse
de reconnaître lasupériorité
de sesméthodes et de déclarer que, sans oser affirnler que la
géométrie analitique
nepuisse parvenir jusques-1~ ~
il meparaît
au moins très-douteux qu’elle puisse
y atteindre d’une manière facile. On nepeut
donc que faire des voeux pour quel’auteur, après
avoir aussi vive-ment
piqué
la curiosité deslecteurs,
veuille bien enfin la satisfairecomplètement ,
en faisant connaitre les théories surlesquelles
re-posent
sesIngénieuses
etélégantes
constructions. On doitdésirer,
en outre , que M. Poncelet ne borne
point
là sesrecherches ;
etqu’il
pousse aussi avantqu’elles
en serontsusceptibles
desspécula-
tions
desquelles
il adéjà obtenu
un succès aussiremarquable.
De mon
côté , je
nenégligerai
aucune des occasions que mescourts loisirs
pourront m’offrir ,
pourmultiplier
lesexemples
dugenre
d’application
deFinalise à la géométrie
queje
cherche àfaire prévaloir;
etj’ose
croire que la diversité de nos méthodes nefera