• Aucun résultat trouvé

Le conditionnel dans la langue française et ses équivalents sémantiques dans la langue serbe : étude comparatvie entre le conditionnel français et le potentiel serbe

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le conditionnel dans la langue française et ses équivalents sémantiques dans la langue serbe : étude comparatvie entre le conditionnel français et le potentiel serbe"

Copied!
387
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-02058884

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02058884

Submitted on 6 Mar 2019

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires

Le conditionnel dans la langue française et ses équivalents sémantiques dans la langue serbe : étude comparatvie entre le conditionnel français et le potentiel

serbe

Milana Dodig

To cite this version:

Milana Dodig. Le conditionnel dans la langue française et ses équivalents sémantiques dans la langue serbe : étude comparatvie entre le conditionnel français et le potentiel serbe. Linguistique. Université Paul Valéry - Montpellier III; Université de Nis, Serbie, 2018. Français. �NNT : 2018MON30039�.

�tel-02058884�

(2)

Délivré par l’université Paul Valéry Montpellier 3

Préparée au sein de l’école doctorale 58 LLCC Et de l’unité de recherche Praxiling UMR 5267

Spécialité : Sciences du langage

Présentée par Milana DODIG

Membres du jury

M. Jacques BRES, Professeur des universités, Université Paul Valéry Montpellier 3

Directeur de la thèse

Mme Tijana AŠIĆ, Professeur des universités, Université de Kragujevac et de Belgrade

Co-directrice de la thèse

Mme Snežana GUDURIĆ, Professeur des universités, Université de Novi Sad

Rapporteur

M. Laurent GOSSELIN, Professeur des universités, Université de Rouen

Rapporteur

Le conditionnel français et ses équivalents sémantiques en serbe

– étude comparative entre le conditionnel

français et le potentiel serbe -

(3)

RÉSUMÉ EN FRANÇAIS :

L’objectif de cette thèse est de mettre en évidence le fonctionnement des différents emplois marqués par le potentiel et le conditionnel à partir d’une valeur en langue unique de chacune de ces formes verbales, dans une perspective contrastive entre le serbe et le français. La première partie interroge les notions et les théories qui sous-tendent toute recherche sur une forme verbale participant à la définition du potentiel et du conditionnel et pointant les convergences et les divergences entre ces deux formes verbales. Dans la deuxième partie, on se propose de déterminer et d’analyser les emplois modaux et temporels du potentiel et du conditionnel inscrits dans les cadres théoriques définissant la valeur unique de ces formes verbales et de proposer une nouvelle approche du traitement des formes en question. La troisième partie vise à saisir et à expliciter les équivalents sémantiques du conditionnel en serbe et du potentiel en français, dans le but de faire ressortir les difficultés possibles dans la compréhension de ces deux formes verbales et ainsi participer à l’avancement de la didactique franco-serbe.

TITRE EN ANGLAIS :

The French conditional and its semantic equivalents in Serbian. A comparative study between the French conditional and the Serbian potential.

RÉSUMÉ EN ANGLAIS :

The objective of this work is to show the various usages of the French conditional and the Serbian potential connected with the meaning in language of each verbal form. This is a contrastive approach between Serbian and French. In the first part, we explore the notions and theories that underlie every research on verbal form in order to define the potential and the conditional and to point out the convergences and the divergences between these two forms. In the second part, we aim to identify and analyze modal and temporal usages of the potential and the conditional in the theoretical frameworks defining the meaning in language of these forms and to propose a new approach to the treatment of the forms in question. In the third and last part, we focus on determining and explaining the semantic equivalents of the conditional in Serbian and the potential in French in order to highlight the possible comprehension problems of these two forms and thus to participate in the development of Didactics of languages (French and Serbian).

MOTS-CLÉS EN FRANÇAIS :

potentiel, conditionnel, serbe, français, ultériorité, dialogisme, inactualité.

MOTS-CLÉS EN ANGLAIS :

potential mode, conditional tense, serbian, french, ulteriority, dialogism, inactuality.

(4)

Table des matières

Introduction générale... 5

PARTIE I – THÉORIES... 7

CHAPITRE 1 ... 8

La catégorie de la modalité en français et en serbe... 8

1. Introduction... 8

2. Sur la modalité en tant que catégorie... 8

2.1. Introduction... 8

2.2. De la catégorie de la modalité en serbe... 9

2.2.1. Modalités déontique et épistémique... 10

2.2.2. Évidentialité en serbe... 13

2.3. De la catégorie de la modalité en français... 14

2.3.1. Traitements de la modalité en français... 15

2.3.2. Évidentialité en français... 16

2.3.2.1. Marqueurs évidentiels... 17

3. Verbes modaux dans la langue serbe et potentiel ... 18

3.1. Remarques conclusives sur les verbes modaux serbes ... 20

3.2. Verbe modal morati (‘devoir’)... 21

3.2.1. Synthèse et commentaires supplémentaires... 26

3.2.1.1. Morati et la théorie de la grammaticalisation... 27

3.3. Verbe modalmoći(‘pouvoir’)... 28

3.3.1. Synthèse... 33

3.3.1.1. Moćiet la théorie de la grammaticalisation... 34

3.4. Verbe modal trebati(‘falloir’)... 35

3.4.1. Synthèse... 40

3.4.1.1. Trebatiet la théorie de la grammaticalisation... 41

3.5. Usage du potentiel... 42

4. Verbes modaux en français et conditionnel... 47

4.1. Verbe modal devoir... 53

4.2. Verbe modal pouvoir... 55

4.3. Le conditionnel ... 58

4.4. Les formes devraitet pourrait... 59

4.4.1. La forme devrait... 59

4.4.2. La forme pourrait... 65

4.4.3. Synthèse et analyse de la traduction en serbe... 66

5. Analyse des exemples ... 73

5.1. Synthèse... 77

6. Conclusion ... 77

CHAPITRE 2 ... 80

Les catégories du mode, de l’aspect et du temps en français et en serbe... 80

1. Introduction... 80

2. Le mode en français et en serbe... 80

2.1. Introduction... 80

2.2. Le mode en serbe ... 81

2.3. Le mode en français... 82

(5)

2.4. Quelques relations entre le potentiel et le subjonctif ... 84

2.4.1. Le subjonctif et le potentiel dans la proposition indépendante ou principale 84 2.4.2. Le subjonctif et le potentiel dans la proposition subordonnée... 86

2.4.2.1. Le subjonctif et le potentiel dans les complétives... 87

2.4.2.2. Le subjonctif et le potentiel dans les circonstancielles ... 90

2.4.2.3. Le subjonctif et le potentiel dans les relatives... 95

2.5. Synthèse... 96

3. Conclusion ... 96

4. Aspect dans les systèmes serbe et français... 97

4.1. Introduction... 97

4.2. Sur l’aspect en français... 97

4.2.1. Sur l’aspect grammatical en français... 98

4.2.2. Sur l’aspect lexical en français... 108

4.3. Sur l’aspect en serbe... 111

4.3.1. L’aspect et le potentiel... 116

5. Conclusion ... 122

6. Le système des temps verbaux en français et en serbe... 122

6.1. Introduction... 122

6.2. Le système des temps verbaux en français... 123

6.3. Le système des temps verbaux en serbe... 126

6.4. La mise en comparaison des systèmes verbaux en français et en serbe... 132

7. Conclusion ... 134

8. Description du corpus ... 134

8.1. Introduction... 134

8.2. Des corpuslittéraire et journalistique... 135

PARTIE II - ANALYSES... 136

CHAPITRE 3 ... 136

Le potentiel dans la langue serbe –usages modaux... 136

1. Introduction... 136

2. Le mode potentiel : morphologie... 136

2.1. Le potentiel composé... 137

2.2. Le potentiel abrégé... 139

3. Quelques mots sur l’histoire du potentiel... 141

4. Les usages modaux du potentiel ... 143

4.1. Introduction... 143

4.2. L’hypothèse de l’inactualité... 144

4.3. La classification traditionnelle des usages modaux du potentiel ... 145

4.3.1. La possibilité... 145

4.3.2. Le souhait ... 146

4.3.2.1. Le doute... 148

4.3.3. L’intention... 149

4.3.4. La disposition, la conviction, la supposition dont dépend l’accomplissement d’une action... 151

4.3.5. La condition dont dépend l’accomplissement d’une autre action... 153

4.3.5.1. Le potentiel de menace... 159

4.3.5.2. Le potentiel hypothétique et les structures si P, Q... 160

(6)

4.3.6. Le potentiel concessif... 164

4.3.7. L’atténuation... 165

4.4. Synthèse... 166

4.5. Le potentiel et lavaleur évidentielle... 167

4.5.1. Pourquoi le potentiel ne peut-il pas exprimer l’évidentialité? ... 170

4.5.2. Le potentiel de prévision... 171

5. Remarques conclusives des emplois modaux du potentiel ... 172

CHAPITRE 4 ... 172

Le potentiel dans la langue serbe –usages temporels... 172

1. Introduction... 172

2. Potentiel habituel ... 173

3. Lien entre l’usage modal et l’usage temporel du potentiel... 180

3.1. Lien entre l’usage modal et l’usage temporel du potentiel selon I. Grickat... 186

3.2. L’hypothèse d’inactualité et le potentiel habituel... 187

4. Potentiel temporel ... 188

4.1. Le potentiel et les non téléonomiques serbes... 189

4.1.1. Traits formels des NTS ... 190

4.2. Bilan... 198

5. Remarques conclusives... 198

6. Synthèse... 199

CHAPITRE 5 ... 200

Le conditionnel dans la langue française –les usages temporels... 200

1. Introduction... 200

2. Les approches du conditionnel... 201

2.1. L’approche modale... 201

2.2. L’approche aspectuo-temporelle... 203

2.2.1. Le conditionnel –futur hypothétique... 203

2.2.2. Le conditionnel –futur du passé... 205

2.2.3. L’instruction aspectuelle du conditionnel... 207

2.3. L’approche polyphonique... 208

2.3.1. Quelques mots sur la théorie polyphonique... 208

2.3.2. L’approche polyphonique selon les modalistes... 210

2.3.3. L’approche polyphonique selon les temporalistes... 214

2.3.4. Synthèse des approches polyphoniques... 218

2.3.5. La critique de l’approche polyphonique... 220

2.4. L’approche mixte... 221

2.4.1. Le conditionnel –ultérieur du passé... 222

2.4.2. Le conditionnel –un temps ramifié... 225

2.4.3. Le conditionnel –structure énonciative dialogique en langue... 229

3. Le traitement de l’ultériorité dans la littérature... 231

4. Le conditionnel temporel subjectif ... 236

5. Le conditionnel temporel objectif... 239

5.1. Les emplois du conditionnel objectif dans la proposition principale ou indépendante... 243

6. Lien entre les usages temporels et modaux du conditionnel français... 245

7. L’énigme du conditionnel... 249

(7)

CHAPITRE 6 ... 250

Le conditionnel dans la langue française –les usages modaux... 250

1. Introduction... 250

2. Le conditionnel hypothétique... 250

2.1. Relation entre le terme de conditionnel et la notion de condition / hypothèse... 250

2.2. Le traitement dialogique du conditionnel hypothétique... 253

2.3. Les effets de sens sémantiques du conditionnel hypothétique... 254

2.4. Les structures hypothétiques... 260

2.5. Le conditionnel hypothétique et l’interrogation: le conditionnel de conjecture 264 2.6. Le conditionnel préludique... 269

2.7. Le conditionnel d’atténuation... 271

2.8. Synthèse... 273

3. Le conditionnel de ouï-dire... 275

3.1. Quelques mots de l’histoire du conditionnel de ouï-dire ... 276

3.2. Le traitement dialogique du conditionnel de ouï-dire... 278

3.3. Le conditionnel de ouï-dire et les types de propositions... 281

3.4. Le conditionnel de ouï-dire et l’interrogation... 283

3.4.1. Les traits du conditionnel en interrogation... 285

3.5. Synthèse... 290

4. Remarques conclusives sur les usages modaux du conditionnel ... 291

PARTIE III – DISCUSSION ET SYNTHÈSE... 292

CHAPITRE 7 ... 292

La traduction duconditionnel français et du potentiel serbe... 292

1. Introduction... 292

2. Les équivalents serbes du conditionnel français et la mise en relation du potentiel et du conditionnel en fonction de la traduction... 293

2.1. Le conditionnel temporel et le potentiel – équivalence en traduction... 293

2.1.1. Le conditionnel temporel et le potentiel dans l’emploi non téléonomique.. 295

2.2. Le conditionnel modal et le potentiel – équivalence en traduction... 299

2.2.1. Conditionnel hypothétique... 299

2.2.2. Conditionnel de conjecture... 309

2.2.3. Conditionnel préludique... 311

2.2.4. Conditionnel d’atténuation... 312

2.2.5. Conditionnel de ouï-dire... 313

2.2.6. Conditionnel d’inconcevable... 316

2.2.7. Conditionnel de polémique... 318

2.2.8. Synthèse... 320

3. Les équivalents français du potentiel serbe et la mise en relation du conditionnel et du potentiel en fonction de la traduction... 321

3.1. Le potentiel modal et le conditionnel – équivalence en traduction... 321

3.1.1. Potentiel d’intention... 321

3.1.2. Potentiel hypothétique... 322

3.1.3. Potentiel préludique... 334

3.1.4. Potentiel d’atténuation... 334

3.1.5. Potentiel des verbes modaux évidentiel... 335

3.1.6. Potentiel d’inconcevable... 337

(8)

3.1.7. Potentiel de prévision... 338

3.1.8. Synthèse... 338

3.2. Le potentiel temporel et le conditionnel – équivalence en traduction... 339

3.2.1. Potentiel habituel... 339

3.2.2. Potentiel temporel ... 341

3.2.2.1. Le potentiel temporel et le conditionnel objectif ... 342

3.2.2.2. Le potentiel temporel et les non-téléonomiques françaises... 343

3.2.3. Synthèse... 347

4. Remarques conclusives sur la question de la traduction... 347

5. Annexe ... 348

QUESTIONNAIRE ... 348

VIII Conclusion... 356

IX BIBLIOGRAPHIE ... 361

Index des notions... 374

Index des auteurs ... 377

(9)

Introduction générale

Le sujet du conditionnel a fait couler beaucoup d’encre suscitant de grands débats concernant son statut et ses valeurs. Cependant, même si l’objet de notre étude n’est pas nouveau, nous espérons pouvoir apporter du nouveau à ce qui a déjà été écrit, en abordant une analyse contrastive entre le potentiel serbe et le conditionnel français. Le système des temps verbaux de la langue française est bien plus complexe que celui de la langue serbe et cela en premier lieu du fait que dans la langue française la catégorie de l’aspect est encodée par les temps verbaux-mêmes, tandis que dans la langue serbe celle-ci est exprimée morphologiquement (moyennant l’opposition des verbes perfectifs – imperfectifs: čitati ‘lire’– pročitati ‘avoir lu’). Donc, en français, l’instruction aspectuelle est l’un des trois éléments-clé des temps verbaux, et en serbe celle-ci relève de la sémantique du verbe même.

De même, la langue française tient compte obligatoirement de la question de savoir si une éventualité est considérée par rapport au moment de la parole ou à un autre moment situé sur l’axe du temps, qui précède le moment de la parole ou est situé après celui-ci. Par contre, la langue serbe ne connaît pas le phénomène de la concordance des temps. Ainsi le passé composé est-il utilisé en serbe pour exprimer le passé par rapport au moment de la parole (Juče sam srela Luku), mais aussi par rapport à un autre moment situé dans le passé (Juče mi je Luka rekao da je svoju suprugu upoznao u Parizu). En français, dans le premier cas, on doit utiliser le passé composé (Hier, j`ai rencontré Luka) et dans l’autre le plus-que-parfait (Hier, Luka m`a dit qu`il avait connu son épouse à Paris). Ces deux différences entre le français et le serbe sont les plus pertinentes, qui tirent les ficelles dans les traitements du conditionnel et du potentiel.

L’étude conjointe du potentiel et du conditionnel n’a été abordée que dans quelques articles relevant du domaine de la linguistique comparative franco-serbe. Au fond, c’est l’équivalence partielle déterminée entre ces formes verbales qui a fait l’objet de ces articles, i.e. l’équivalence entre leurs usages modaux et temporels :

- les usages modaux du conditionnel sont ceux qui expriment une transposition du monde réel vers les mondes hypothétiques. L’équivalent serbe du conditionnel français connait aussi des usages modaux, attachés généralement à l’idée de possibilité ;

- les usages temporels sont ceux où le conditionnel est utilisé pour les besoins de la concordance des temps, lorsqu’il faut marquer l’ultériorité par rapport à un moment situé dans le passé. Par rapport au conditionnel, le potentiel n’a pas la valeur du futur dans le passé, du fait que la langue serbe ne marque pas la distance par rapport au moment de la parole. S’agissant de son emploi temporel, cette forme est utilisée pour marquer la répétition régulière d’une action dans le passé.

Nous nous sommes décidée à effectuer l’étude conjointe des formes verbales en question de façon systématique et approfondie qui fait défaut dans la littérature.

Nous avons pris pour le point de départ de cette recherche le principe du Rasoir d’Ockham (Grice 1978), principe selon lequel les sémanticiens n’ont pas à multiplier les significations des mots dans une langue, mais que, au contraire, il y a lieu de rechercher un sémantisme minimum qui (i) serait assez général pour pouvoir englober toutes les significations différentes d’un mot, (ii) serait assez précis pour pouvoir indiquer les significations parfois très nuancées. Nous partons, donc, de l’hypothèse qu’il est possible de définir un sémantisme de base, invariant et minimaliste du conditionnel et du potentiel, et que les différents effets sémantiques de ces formes verbales résultent de l’interaction de ce sémantisme de base avec le co(n)texte.

(10)

L’une des tâches que nous nous sommes assigné aussi consiste, une fois défini le sémantisme de base des formes en question, à découvrir un sémantisme qui couvre et relie les significations temporelles et modales du conditionnel et du potentiel.

L’objectif de cette recherche consiste aussi à décrire et à dégager toutes les formes utilisées dans la langue serbe pour exprimer les significations équivalentes marquées par le conditionnel.

En prenant ces faits en considération nous inscrivons notre traitement du conditionnel dans le cadre de l’approche aspectuo-temporelle et dialogique de J. Bres et en appui sur la théorie de la grammaticalisation. S’agissant du potentiel, nous essayons de le définir par rapport à sa relation avec le conditionnel, ce qui nous apportera une nouvelle approche du traitement de cette forme, celle existant dans la littérature traditionnelle ne reposant pas, selon nous, sur des critères linguistiquement satisfaisants. D’autre part, la relation conditionnel–potentiel mettra en évidence de nouveaux faits linguistiques concernant les usages du conditionnel. Ainsi montrerons-nous que les valeurs uniques du conditionnel et du potentiel sont respectivement ultériorité du passé et inactualité ; que le conditionnel, à la différence du potentiel, est une structure dialogique en langue ; que les deux formes verbales peuvent figurer comme des marqueurs évidentiels. Nous présenterons également d’autres éléments qui serviront pour répondre aux nombreuses questions qui se posent ou peuvent être posées aujourd’hui au sujet du fonctionnement du conditionnel et du potentiel.

Pour les besoins de notre recherche, nous avons constitué un corpus d’environ 2 000 occurrences au potentiel et au conditionnel en serbe et en français, issues de textes authentiques appartenant à deux genres – littéraire et journalistique, qui nous permettra de faire ressortir la façon dont la valeur de base du conditionnel et du potentiel interagit avec le co(n)texte et produit tel ou tel effet de sens. Ainsi nous avons relevé 12 emplois, modaux et temporels, du potentiel et/ou du conditionnel : hypothétique, conjecture, préludique, atténuation, ouï-dire, inconcevable, polémique, intention, prévision, ultériorité, habitualité, non téléonomique.

Afin de mettre en évidence les similitudes et les différences entre le potentiel et le conditionnel, mais aussi entre le serbe et le français, nous proposons le plan de recherche suivant, consistant en 8 chapitres organisés en 3 parties. Avant d’aborder la présentation du plan, nous aimerions expliquer un certain déséquilibre dans la deuxième partie, plus précisément entre les chapitres 3 et 4 et les chapitres 5 et 6. Soulignons que les travaux du potentiel sont peu nombreux dans la littérature, notamment les travaux diachroniques.

La première partie, constituée de deux chapitres, se consacre à la présentation et à l’explication des termes et des théories participant dans la définition du potentiel et du conditionnel et dévoilant leurs convergences et divergences. Le chapitre 1 aborde l’analyse de la catégorie de la modalité dans les deux langues, comprise dans le sens restreint aux notions de nécessaire (modalité déontique) et de possible (modalité épistémique) et marquée à l’aide de deux types de moyens d’expression : les verbes modaux pouvoir et devoir en français et moći, morati et trebati en serbe, et les formes verbales : le conditionnel et le potentiel. La catégorie de l’évidentialité sera analysée dans les deux langues comme non intégrée à la modalité épistémique. Nous finissons par proposer un nouveau traitement des verbes modaux en question en serbe inscrit dans le cadre de la théorie de la grammaticalisation ; par définir les formes verbales en question comme marqueurs modaux et évidentiels ; par formuler notre hypothèse de la capacité du potentiel de marquer l’évidentialité (ce qui est le contraire de l’attitude générale dans la littérature serbe portant sur ce sujet). Finalement, en appui sur notre corpus, nous montrons les différences et les ressemblances entre le potentiel et le conditionnel concernant les différents sens modaux (déontiques, épistémiques et évidentiels).

(11)

Le chapitre 2 vise à décrire la relation mode-aspect-temps dans les deux langues, déterminant leurs différences pertinentes référant aux systèmes verbaux de ces langues et bien évidemment aux formes verbales du conditionnel et du potentiel, et aussi du subjonctif (équivalent partiel du potentiel).

La deuxième partie est dédiée à la description et à l’analyse des emplois modaux et temporels du potentiel et du conditionnel. Dans les chapitres 3 et 4 est effectuée la détermination des usages modaux et, ensuite, temporels du potentiel. Le chapitre 3 met en évidence les nouveaux emplois et la nouvelle classification des emplois modaux du potentiel, fondée sur notre hypothèse monosémiste du sémantisme de base du potentiel (inactualité). Le chapitre 4 met en question un emploi du potentiel considéré traditionnellement comme intrinsèquement temporel (potentiel d’habitude selon notre terminologie) ; et montre un vrai emploi temporel, repéré dans les propositions pseudo-finales (non téléonomiques selon notre terminologie).

Les chapitres 5 et 6 visent à décrire les emplois, respectivement temporels et modaux, du conditionnel. La présentation et la discussion des approches du conditionnel, mentionnées dans la littérature, sont suivies par la définition du conditionnel dans le cadre de l’approche de J. Bres, que nous adoptons dans ce travail, réussissant à expliquer tous les emplois du conditionnel.

L’apport le plus important du chapitre 5 est l’analyse du conditionnel temporel objectif en indépendante et en non téléonomique. Dans le chapitre 6, nous finissons par expliquer les usages modaux du conditionnel, à savoir hypothétique, d’atténuation et de ouï-dire, déterminés dans le cadre de la classification de Dendale (2001) que nous soutenons dans ce travail ; et les emplois modaux du conditionnel réalisés dans les différents types de modalité phrastique et de discours : de conjecture, préludique, d’atténuation, d’inconcevable et de polémique.

La troisième partie se consacre à la question de la traduction du conditionnel en serbe et du potentiel en français, dans le dessein de contribuer au domaine de la didactique franco-serbe. Le chapitre 7 vise à déterminer et à expliciter les équivalents sémantiques du conditionnel en serbe et du potentiel en français, en s’appuyant sur la comparaison de nos corpus français et serbe et sur notre enquête soumise aux étudiants de la Faculté des Lettres et des Arts, à l’Université de Kragujevac. Il sera suivi par la discussion et la synthèse des résultats de cette recherche dans le chapitre 8.

(12)

I La catégorie de la modalité en français et en serbe 1. Introduction

Une des fonctions primaires du potentiel et du conditionnel étant l’expression des valeurs modales, le traitement du sujet de la catégorie de la modalité s’impose tout naturellement. La catégorie de la modalité représente un phénomène très complexe et ramifié qui a fait couler beaucoup d’encre suscitant les discussions de sa définition, ses types, ses moyens d’expression, etc. dans les différentes disciplines – logique, philosophie, linguistique. Cependant, notre objectif n’est pas de proposer une solution précise concernant le concept de ce phénomène. Nous le traiterons dans son sens restreint aux notions de nécessaire et de possible, communiquées par les verbes modaux : pouvoir et devoir en français et par moći, morati et trebati en serbe. Nous procéderons ensuite à l’analyse des relations qui existent entre les verbes modaux en question au potentiel et au conditionnel, et à la présentation des résultats de l’analyse comparative de leurs occurrences, sens et valeurs dans les deux langues.

2. Sur la modalité en tant que catégorie 2.1. Introduction

La modalité représente l’objet d’étude qui « n’arrête d’intriguer et d’inspirer les logiciens, les philosophes et les linguistes » (Trbojević Milošević 2004:118). Il n’existe dans aucune littérature – soit logique ou linguistique (étant donné que les deux disciplines opèrent sur cette notion) un accord général concernant la définition de la notion de modalité, ensuite concernant la modalité comme catégorie grammaticale ou sémantique, la classification des types de la modalité et des significations modales, les outils linguistiques exprimant ce phénomène. Comme Zvekić Dušanović (2011 : 7) le résume – tout est discutable dans le traitement de la modalité. Pourtant, elle est incontestablement une catégorie universelle qui peut être distinguée, décrite et comparée entre les langues. La modalité est considérée comme l’une des très importantes marques de l’énoncé. Qui plus est, on rencontre également les constatations que chaque énoncé est modalisé1. En fait, au fond de la modalité se trouve le moyen de la présentation et de l’évaluation du contenu de l’énoncé de la part du locuteur où participent les notions centrales de la logique modale – ‘l’obligation’ et ‘la possibilité’. Généralement, ces notions opérant sur la définition de la modalité dans la logique peuvent être appliquées à tous les types de modalité mentionnés dans la littérature linguistique. Alors, en linguistique, naturellement à partir des conceptions logiques2, il est de la plus grande importance de distinguer la modalité épistémique et la modalité déontique (radicale). Cependant, certains linguistes contestent cette classification bivalente tandis que

1Piper, par exemple, dit que « la catégorie sémantico-pragmatique de la modalité représente la partie intégrante du contenu de toute phrase » (2005: 636) et il distingue le cadre modal du contenu de la phrase où le « cadre modal est appelé aussi modus et le contenu qui le qualifie est nommé dictum (2005: 637). Les termes "modus" et "dictum"

apparaissent dans la logique traditionnelle, chez Aristote.

2 Selon von Wright, un important systématicien de la logique modale, les catégories modales sont divisées en quatre groupes:

а) Les modes de vérité ou aléthiques

b) Les modes de connaissance ou épistémiques c) Les modes d’obligation ou déontiques

d) Les modes d’existence ou existentiels (Trbojević Milošević 2004:15)

(13)

d’autres ajoutent d’autres types de modalité comme aléthiques, existentielles, factuelles, axiologiques etc. (Dendale 2001 : 1-4), mais nous ne traiterons pas ce genre de problématique.

En ce qui concerne les moyens linguistiques d’expression de la modalité, il est à noter que ce phénomène n’est pas lié à un seul niveau de langue ou à un type d’outils linguistiques ; il peut être exprimé par de nombreux moyens linguistiques - morphologiques, syntaxiques, lexicaux.

Nous nous concentrerons sur les formes verbales modales et les verbes modaux. Plus précisément, notre objectif est de représenter l’un des moyens d’expression de la modalité en serbe et en français, c’est-à-dire les verbes modaux devoir (‘morati’) et pouvoir (‘moći’) comme les exposants modaux en combinaison avec le mode verbal - le potentiel dans la langue serbe et le temps verbal - le conditionnel en français.

2.2. De la catégorie de la modalité en serbe

On peut trouver dans la littérature sur la langue serbe un grand nombre de travaux traitant de l’usage des différentes formes du temps verbal. Les recherches sur cet usage, menées pendant de longues années, menaient inéluctablement à la constitution d’un répertoire des usages dits modaux de ces formes. Cependant, comme le remarque Trbojević Milošević (2004:119), cela ne veut pas dire que les auteurs aient plongé dans une analyse approfondie des significations modales répertoriées, pas plus qu’ils ne se sont guère occupé de la sémantique de la modalité en général. Bien au contraire, les auteurs de la plupart de ces travaux avaient adopté un principe de définition de la signification des temps verbaux qui n’est nulle part mis en cause, le principe d’A.

Belić, celui de la catégorisation syntaxique des temps verbaux, sur lequel est fondée aussi la définition de la modalité dans les grammaires serbes. Le principe adopté par A. Belić fait une distinction entre la catégorie de l’usage indicatif (lorsque l’action est déterminée dans le temps par rapport au moment de la parole), l’usage relatif (le rapport temporel de l’action ainsi marquée est déterminé par rapport à n’importe quel autre moment) et l’usage modal.

I. Trbojević Milošević critique ce principe et ces paramètres bien fragiles que M. Stevanović et d’autres auteurs utilisent pour définir l’indicatif, le relatif et la modalité et attire l’attention sur les conséquences de cette approche de la modalité. En fait, la définition explicite de l’usage modal n’existe pas, mais on y aboutit facilement par la voie implicite, via la définition du modus, qui est défini comme étant une attitude personnelle envers une action, un état ou un événement exprimés par le verbe (Stevanović 1957-58 ; 1969, Stanojčić et Popović 1994, etc.). Donc, tout ce qui se trouverait ’au service du modus’ aurait une ’signification modale’.

La modalité est, d’une part, définie sur la base de la réalisation/non réalisation de l’action exprimée par le verbe, et d’autre part comme la position personnelle du locuteur envers l’action exprimée par le verbe. Dans la littérature traitant de la modalité dans la langue serbe, les auteurs invoquent ‘la position personnelle du locuteur’, lorsque la distinction du modal et du non-modal devient impossible sur la base des paramètres tels que l’action réalisée/non réalisée décrite supra.

Ensuite, les grammaires serbes proposent à profusion des exemples d’usages modaux aussi bien des temps verbaux que d’autres moyens d’expression de la modalité, mais cette abondance n’a pas été traitée d’une manière qui serait conforme avec les approches récentes de la modalité en tant que phénomène sémantique universel. En suivant A. Belić et en construisant une tradition de l’analyse sur le principe déjà mentionné de catégorisation des temps verbaux, nos grammairiens ont négligé les moyens sémantiquement beaucoup plus puissants d’expression de la modalité.

(14)

D’autre part, la classification des significations modales ne fait pas la distinction entre les types déontiques3 et épistémiques, et encore moins entre les types dynamiques et autres types de modalité (par exemple chez Belić 1999, Stevanović 1969, Stanojčić et Popović 1994, et al.).

Quoique nos linguistes reconnaissent dans la langue les notions modales telles que l’obligation et la permission, la certitude, la volition, la possibilité etc., ils ne voient pas entre celles-ci le lien systématique établi par la logique sur laquelle ont été assises les premières recherches de la modalité, notamment dans la linguistique et la sémantique anglaises. Aussi la classification des significations modales demeure-t-elle plutôt dans le domaine des fonctions communicatives, telles que l’expression de reproches, de l’intention, de la colère, mais n’est pas située dans un cadre théorique solide.

Pourtant, on rencontre aussi des approches et des idées modernes de ce phénomène intégrées dans les cadres théoriques modernes, mais la description systématique de la modalité et de ses propriétés demeure ‘le maillon qui manque’ dans la littérature serbe de la modalité (Trbojević Milošević 2004 : 124). Radovanović (2009 : 133) aussi confirme cette constatation en parlant de la logique floue4 qui s’oppose à la logique aristotélicienne et il indique que même la modalité dans la langue appartient aux apparences floues par excellencе, i.e. il définit ce phénomène sur l’échelle graduelle, l’observe ‘en transition’ comme tout ce qui est associé à ce phénomène – les types de modalité, les moyens pour son expression, etc.

Dans La Syntaxe de la langue serbe contemporaine (2005), on trouve les termes et les idées suivant la littérature mondiale, mais l’approche classique de la modalité s’y reflète aussi. Par exemple, P. Piper distingue la modalité au sens large (subjective) et la modalité au sens restreint (objective), selon le critère réel-irréel (ou modalement déterminé-indéterminé). Il s’agit de la distinction représentant l’objet de débat dans la littérature classique, c’est-à-dire de la discussion soulevant la question de savoir s’il faut prendre la subjectivité comme la caractéristique intrinsèque de la modalité (pour plus de détails, voir Trbojević Milošević 2004 : 39-41). Ensuite, concernant les types de modalité objective qui qualifie l’énoncé comme réel ou non, P. Piper discerne la modalité déontique et optative où on reconnaît l’attitude de J. Lyons et de F. Palmer sauf qu’ils incluent les désidératifs dans les énoncés déontiques. Dans le cadre de la modalité subjective se référant à toutes les significations de la qualification que le locuteur utilise pour marquer son énoncé, l’auteur déjà mentionné distingue les types suivants de modalités : épistémique, imperceptif, métalinguistique, axiologique et expressif.

2.2.1. Modalités déontique et épistémique

La modalité déontique, selon Piper (2005 : 638), représente la qualification de la situation, décrite dans la proposition, comme nécessaire ou obligatoire. Les outils linguistiques par lesquels elle s’exprime le plus souvent sont les verbes modaux trebati (‘falloir’), morati (‘devoir’), smeti (‘oser’), mais aussi, elle peut être exprimée par les lexèmes non verbaux. Ensuite, P. Piper distingue l’obligation directe et indirecte (prospective) en fonction du sujet – s’il la marque immédiatement, i.e. directement, ou indirectement à travers un « causateur » intermédiaire, ou, comme J. Lyons dit, en fonction de la source et de la cause des obligations. P. Piper souligne que

3 Par exemple, chez Stevanović, les énoncés déontiquement modalisés qui, dans le style de Stevanović, pourraient être définis comme des « actions non réalisées que l’on veut imposer, recommander ou permettre aux autres, ou pour lesquelles on demande la permission », ne sont même pas mentionnés, même si l’on trouve dans sa Syntaxe un très grand nombre d’exemples relevant de la modalité déontique.

4 Fuzzy logic

(15)

la signification de l’obligation est dérivée de la signification de la possibilité, c’est-à-dire de sa négation : Mora da spava. (‘Il doit être endormi’.) ← Ne može da ne spava. (‘Il est impossible qu’il ne soit pas endormi’.) et ici aussi on peut remarquer la ressemblance avec la compréhension de la modalité déontique de J. Lyons comme une extension de la modalité épistémique ; aussi, plus tard, c’est F. Palmer qui accentue cette relation entre la possibilité et l’obligation (Trbojević Milošević 2004 : 25-29).

En ce qui concerne la modalité épistémique, elle représente la qualification graduelle de la persuasion du locuteur envers la véridicité d’un énoncé. Ensuite, P. Piper classe certains mots et expressions modaux comme les moyens d’expression de ce type de modalité, mais à la fin il mentionne aussi les verbes modaux morati (‘devoir’) et trebati (‘falloir’). Dans ce cas morati peut figurer au passé composé ou au potentiel et peut se mettre à la forme impersonnelle mais également à la forme personnelle. Rappelons qu’il ne mentionne pas le verbe modal moći (‘pouvoir’) comme un exposant de la modalité épistémique.

Dans la langue serbe, c’est I. Trbojević Milošević (2004) qui traite studieusement le sujet de la modalité épistémique et de ses moyens d’expression dans l’étude contrastive du serbe et de l’anglais. L’auteure constitue un répertoire des différentes approches et conceptions de la modalité en serbe, et les critique généralement même si elle admet certaines tentatives des linguistes et grammairiens de situer leurs considérations sur le sujet en question dans un cadre théorique (par exemple Kattein, Sesar, Batistić). Elle plaide contre la conception de la modalité en serbe relevant de la conviction erronée que tout ce qui est subjectif doit être modal, ce qui prévaut dans les grammaires normatives. De même, l’auteure distingue une observation trouvée chez M. Stevanović, qui représente une exception à cette conviction traditionnelle :

« Il n’y a pas lieu d’englober dans la catégorie des modes les usages des formes verbales marquant un état d’âme, une humeur du locuteur envers un lien entre deux notions dans une phrase, quelque subjective que puisse être l’expression de ce lien et quelle que soit la forme verbale qui l’exprime. Ne sont modales que les actions non réalisées qui, d’après la position du locuteur, sont considérées comme étant possibles, probables, inéluctables, voire certaines, supposées par celui-ci comme telles, qui figurent comme une concession faite à l’accomplissement d’une autre action ou conditionnent celle-ci, dont l’accomplissement n’est qu’un souhait ou un projet, etc. » (Trbojević Milošević 2004 : 119).

Ainsi cette approche exclut de la modalité les énoncés comme :

(1) Došao Pera!

Venu (p.p) Pierre (1’) Pierre est venu ! (2) Umro deda!

Décédé (p.p) grand-père (2’) Le grand-père est décédé !

portant une couleur affective, émotionnelle, mais où il n’est point question d’une « transposition modale ».

Malheureusement, cette dernière citation, comme bien d’autres, se termine par ’etc.’, ce qui suggère que bien des choses sont sous-entendues ou à sous-entendre.

(16)

S’agissant de sa définition de la modalité épistémique, I. Trbojević Milošević la pose comme

« l’attitude du locuteur / sujet de la clause envers la véridicité de la proposition, c’est-à-dire du contenu propositionnel (du fait que l’attitude du locuteur peut être marquée sur l’échelle de la modalité qui représente une graduation) », ce qui est en conformité avec la vision de F. Palmer (2001) de la modalité.

Ensuite, en ce qui concerne les moyens d’expression de la modalité épistémique, I. Trbojević Milošević indique :

- système des temps verbaux et des formes aspectuelles (le présent et le parfait, avec l’aoriste) ;

- système des modes verbaux (parmi lesquels elle compte aussi les formes d’expression du futur, donc les futurs I et II, le potentiel et les phrases conditionnelles) ;

- verbes modaux (avec un accent particulier sur les verbes factifs/non-factifs) ;

- adverbes modaux (appelés d’habitude petits mots modaux dans les grammaires traditionnelles serbes) ;

- expressions modales en marge du système.

I. Trbojević Milošević rejoint aussi la position de W. Frawley (2006) en s’inscrivant dans sa théorie de la deixis épistémique et celle de E. Sweetser (1990) en suivant ses hypothèses de l’extension métaphorique. Frawley (2006 : 388) analyse la modalité épistémique en utilisant les notions de deixis (se réfèrant à l’ancrage d’une expression, de sorte que le locuteur peut se référer à soi-même ou à un autre) : la source, la direction et l’éloignement du savoir, impliquant que le jugement du locuteur est nécessaire, possible, ou basé sur un sens de la perception, ou il est émis par le co-locuteur directement ou indirectement, ou le jugement représente un rapport de ouï-dire. La source et la fiabilité des informations renvoient à l’évidentialité – la catégorie liée à celle de la modalité ; leur rapport suscite toujours des recherches en linguistique récente. Ainsi l’analyse de W. Frawley démontre-elle qu’il subsume l’évidentialité sous la modalité épistémique, ce qui représente l’attitude similaire à celle de F. Palmer.

Selon Palmer (2001 : 14), il existe deux sous-systèmes de la modalité épistémique, i.e. le sous- système du jugement (les expressions spéculatives et déductives) et le sous-système de l’évidentialité (les expressions citant les mots des autres et transmettant les perceptions sensorielles). Aussi, son étude typologique révèle-elle que certaines langues possèdent le système grammatical seulement pour un type de la modalité épistémique (Speculatives et Deductives), certaines pour un autre type (Sensory et Reported), tandis que certaines langues peuvent combiner les deux types de la modalité épistémique dans un système. L’anglais aussi bien que le serbe, ce que démontre Trbojević Milošević (2004), s’inscrivent dans le premier groupe de cas et nous y ajoutons le français aussi ; langues qui ont le système des verbes modaux n’exprimant que des jugements (opinions et conclusions). Le tuyuca, une langue du peuple natif de Colombie et Brésil, représente un exemple du deuxième cas ne marquant que l’évidentialité et l’allemand du troisième possédant les verbes modaux qui fonctionnent comme les modaux épistémiques et déontiques, mais aussi des formes (sollen et wollen) clairement évidentielles (Palmer 2001 : 15).

I. Trbojević Milošević adopte les attitudes de Palmer et Frawley, mais l’auteure exclut de son travail la description de l’évidentialité en serbe (les évidentiels, la transposition du discours des autres, la négation et les interrogations) en la considérant comme la modalité épistémique au sens large (2004:124).

(17)

2.2.2. Évidentialité en serbe

Lj. Popović (2014) aborde le sujet de l’évidentialité en serbe dans sa Grammaire contrastive du serbe et de l’ukrainien. Cette notion n’est pas définie de manière stricte dans les textes linguistiques. Tantôt on la trouve conçue comme une catégorie sémantique à part, tantôt comme une catégorie sémantique intégrée à la modalité épistémique. Nombreuses sont déjà les discussions concernant cette relation entre évidentialité et modalité épistémique. Selon Nuyts et Dendale (1994 :121-125) :

« La modalité épistémique est l’indication des chances qu’il y a, aux yeux du locuteur, pour que l’information véhiculée par un énoncé soit vraie ou fausse, c’est-à-dire corresponde ou non à la réalité. L’évidentialité au sens restreint est la qualification par le locuteur de la nature de la source dont il dispose pour l’information qu’il transmet dans son énoncé…La relation entre évidentialité et modalité épistémique est une relation d’inférence sémantique ou même pragmatique. L’élément modal épistémique n’est donc pas inclus dans le sémantisme des expressions évidentielles ».

Telle est l’attitude de Lj. Popović qui distingue particulièrement l’usage épistémique de celui de l’évidentiel. Ainsi remarque-t-elle que Trbojević Milošević dans son étude de la modalité épistémique prend l’évidentialité comme un cas concret de la modalité épistémique, aussi bien que Palmer (Popović 2014 : 316). Une illustration de sa remarque serait que ladite auteure ne mentionne pas que les verbes modaux trebati et morati et les verbes non-factifs, comme par exemple misliti, possèdent la signification évidentielle, c’est-à-dire qu’ils indiquent que la source de l’information représente la conclusion logique du locuteur d’après les faits dont il dispose ou d’après les preuves évidentes :

(3) Profesor nije u kabinetu, mora da je na času.

devoir (prés.) que (conj.) être (prés.) doit qu’ est (3’) Le professeur n’est pas dans son bureau, il doit être en classe.

(4) Krenuli su odavno, treba da stignu svakog časa.

falloir (prés.) que (conj.) arriver (prés.) faut qu’ils arrivent (4’) Il y a bien longtemps qu’ils sont partis, ils doivent arriver chaque instant.

(5) Mora da je mama još na poslu (nema auta).

Doit que est maman toujours au travail (non auto).

(5’) La maman doit être toujours au travail (il n’y a pas de voiture).

Néanmoins, Trbojević Milošević (2004 : 177) souligne dans sa description de l’adverbe modal navodno (‘prétendument’) qu’il se distingue sémantiquement des autres adverbes, mais elle ne précise pas qu’il représente un des moyens d’expression de l’évidentialité.

Pour notre travail est pertinent le fait que l’évidentialité n’est pas grammaticalisée en serbe (en langues slaves généralement sauf en bulgare et en macédonien). Dans ce type de langue elle fonctionne comme la catégorie notionnelle ou catégorie sémantique-fonctionnelle sans le noyau morphologique, même si certains linguistes insistent que l’évidentialité n’est qu’une catégorie morphologique (Popović 2014 : 330). Il n’existe pas, donc, en serbe de forme morphologique uniquement en fonction des repères évidentiels ou, d’après Aikhenvald (2004 : 38-39), primarily evidentials forms, mais des formes possédant l’extension évidentielle ou evidential extensions of

(18)

non evidential categories, c’est-à-dire elles peuvent réaliser la signification évidentielle également même si ce n’est pas leur fonction primaire.

Popović (2014 : 332) démontre dans sa recherche que l’évidentialité en serbe est principalement réalisée lexicalement :

- par des mots introductifs (verba dicendi, cogitandi et sentiendi ; adverbes et particules modaux) : vidim da (‘je vois que’), kažu (‘disent-ils’), priča se (‘on parle’) ; očigledno (‘évidemment’), sigurno (‘certainement’), navodno (‘prétendument’), etc.

- par des constructions d’introduction : po meni/tebi... (‘selon moi / toi’), po mom/tvom...mišljenju (‘selon mon / ton opinion’), sudeći po (‘à en juger par’) ; čini se da (‘il paraît que’), izgleda da (‘il semble que’).

- par des mots grammaticaux (conjonctions) : da (‘que’), što (‘ce que’), kako (‘que’).

- par des verbes modaux (sous la forme impersonnelle dans les complétives) : trebati (‘falloir’), morati (‘devoir’).

Les extensions évidentielles en serbe appartiennent à la périphérie du champ de l’évidentialité et les catégories grammaticales les possédant sont nombreuses parmi lesquelles Popović (2014 : 333) distingue et analyse les suivantes :

· la proposition complétive

· l’aspect verbal

· le temps verbal

· Aktionsart

· la nominalisation

· les constructions passives

· la deixis

Remarquons que la catégorie du mode verbal, plus précisément le potentiel, ne peut pas effectuer la fonction de repère évidentiel ni exprimer la signification évidentielle, tandis que c’est le rôle principal du conditionnel français de ouï-dire.

2.3. De la catégorie de la modalité en français

Dans la littérature française, la modalité est également décrite comme une notion possédant de nombreuses définitions aux frontières vagues et indéterminées. Cependant, ces différentes conceptions de la modalité sont généralement classées en deux groupes (Barbet et Saussure 2012 : 1 ; Barbet 2013 : 4) :

- les conceptions restreintes, héritées de la tradition logique aristotélicienne et centrées sur les notions de nécessaire et de possible ;

- les conceptions larges, héritées de la tradition grammaticale gréco-latine, et aujourd’hui présentes dans les théories des actes de langage, définissant la modalité comme l’attitude du locuteur vis-à-vis du contenu de son énoncé.

On rencontre le plus souvent dans les textes francophones la définition large de la modalité, chez par exemple Bally (1932), Riegel et al. (1994), Le Querler (1996), Gosselin (2010), etc., approche que C. Barbet conteste dans sa thèse, aussi bien que I. Trbojević Milošević dans la littérature serbe, en indiquant plusieurs raisons pour l’insuffisance de ce type de définition (Barbet 2013 : 17-18). L’auteure adopte le concept restreint de la modalité pour son étude de devoir et pouvoir, ce qui représente également notre attitude dans le présent travail. Plus précisément, en traitant de la notion de modalité nous distinguerons la nécessité et la possibilité.

Ces catégories sont traditionnellement liées à deux types de modalité : déontique ou radicale et

(19)

épistémique, que l’on rencontre, d’une manière ou d’une autre, dans la plupart des travaux de linguistes français :

Selon Gosselin (2010 : 311), qui utilise la notion de vérité pour l’identification conceptuelle de certaines modalités, les deux types de modalité cités supra relèvent de la subjectivité, i.e. portent sur la vérité subjective (ibid. p. 325). Ensuite, pour Vetters (2012) la modalité déontique est une

« modalité du faire » tandis que la modalité épistémique une « modalité de l’être » ou autrement dit, le déontique concerne une possibilité ou une nécessité de faire et l’épistémique la possibilité ou la nécessité qu’une proposition soit vraie.

Aussi est-il fait mention des modalités classiques, dites logiques ou aléthiques exprimant la vérité objective (Gosselin 2010 : 314) qui ont été ignorées dans la littérature francophone, ce que remarque Barbet (2013 : 13), jusqu’à Kronning (1996) dont on parlera infra.

Pour justifier ces données, nous allons présenter certaines typologies de la modalité.

2.3.1. Traitements de la modalité en français

Bernard Pottier s’occupe de la problématique de la modalité en langue française pendant une période de temps significative. On peut suivre l’évolution de sa pensée du sujet en question dans ses articles et livres publiés entre 1974 et 2000. Pottier distingue quatre catégories sémantico- modales universelles : existentielle, épistémique, factuelle et axiologique, qui sont systématiquement organisées selon le critère de la subjectivité, i.e. le repère de la première personne. Ces catégories sont explicitement exprimées par les notions suivantes - verbes représentatifs : être, savoir, vouloir/pouvoir/devoir, valoir. Ainsi les quatre types de modalité, proposés par B. Pottier, représentent :

1. le degré d’adhésion du Je dans la proposition (la notion graduable de /savoir/ sert d’unité de mesure) - modalité épistémique,

2. le degré d’engagement du Je à la réalisation d’un événement (le continuum graduable de /vouloir-pouvoir-devoir/ détermine ce degré d’engagement) - modalité factuelle,

3. le degré d’évaluation de la proposition (la notion graduable de /valoir/ sert d’unité de mesure) - modalité axiologique,

4. l’existence d’une entité indépendante du Je, du jugement de l’énonciateur (c’est /être/ qui reflète cette évaluation de la proposition) - modalité existentielle.

Dans la typologie de la modalité proposée par Le Querler (1996 : 63-67) figure l’approche classique de ce phénomène le définissant comme une attitude du locuteur envers l’énoncé et l’auteure distingue :

- la modalité subjective, englobant deux sous-types (épistémique et appréciatif), - la modalité intersubjective, comprenant notamment les modalités déontiques, - la modalité objective, comprenant les modalités aléthiques.

Au XXème siècle il est fait mention aussi des modalités dites bouliques, axiologiques, appréciatives, les types que l’on rencontre chez Gosselin (2010), relevant des désirs, de l’appréciation morale et de l’appréciation affective ou esthétique. Barbet (2013 : 13) présente dans son étude récente, portant sur la conception de la modalité et des verbes modaux, les modalités épistémique, déontique, aléthique et appréciative du fait que les verbes devoir et pouvoir, les sujets centraux de son étude, communiquent ces types de modalité.

Pour notre travail seront envisagées les modalités épistémique et déontique, communiquées par pouvoir et devoir et également par moći et morati, et d’autre part la modalité évidentielle, étant

(20)

donné que cette valeur ne peut pas être exprimée en serbe par le potentiel à la différence du conditionnel français.

2.3.2. Évidentialité en français

Pour les besoins de notre travail, nous adoptons la typologie de la modalité proposée par N.

Tournadre (2004) et J. Bres (2014), ce qui introduira la question du traitement de l’évidentialité et de ses marqueurs. Selon leurs travaux, la typologie de la modalité est basée sur les trois grands domaines de la modalité :

- la source d’un énoncé, - l’évaluation d’un énoncé et - l’objectif d’un énoncé.

Le premier domaine concerne les modalités médiatives ou évidentielles, qui spécifient la source de l’information du locuteur. Le deuxième domaine réfère aux modalités épistémiques et déontico-axiologiques qui marquent la relation du locuteur au contenu de son énoncé, et le troisième correspond aux modalités illocutoires qui révèlent l’objectif que poursuit le locuteur en prononçant un énoncé ; cette visée énonciative s’appuie sur la modalité de la phrase (interrogation, déclaration, impération) et sur la théorie des actes de langage.

On peut remarquer que les modalités déontique et axiologique sont regroupées, i.e. la modalité déontique n’est pas présentée, comme dans la plupart des travaux, comme une catégorie à part.

Tournadre (2004 : 59) souligne que cet isolement n’est pas justifié si on tient compte du fait que le déontique comprend obligatoirement l’échelle axiologique, i.e. les modalités déontique et axiologique évaluative sont étroitement liées et les deux présupposent la mise en place d’une échelle de valeurs. D’autre part, l’auteur tient à la distinction entre les modalités épistémique et évidentielle même si elles sont souvent regroupées en une seule catégorie dans la littérature linguistique étant donné le chevauchement existant entre ces deux types de la modalité. N.

Tournadre traite aussi de la question du marquage des modalités. Cependant, il souligne que la modalité évidentielle n’est pas obligatoirement marquée du point de vue lexical ou grammatical.

Dans la langue française, il existe les marqueurs suivants :

- verbes introductifs je vois que, je sais que ; elle m’a dit que (discours rapporté) - adjectifs du type censé + infinitif ; soi-disant, présumé, prétendu + N

- modalisation en discours second5 : selon / d’après / pour x.

- conditionnel.

Rappelons que la langue serbe possède les moyens pour l’expression de cette modalité qui est principalement réalisée lexicalement (moyennant des mots et des constructions introductifs, des verbes modaux), mais le potentiel ne peut pas être classé dans ce groupe.

En ce qui concerne la modalité épistémique, elle ne possède pas non plus de marqueurs spécifiques. Elle peut être exprimée en français par :

- les verbes introductifs du type je crois que,

- les adjectifs : possible, probable, certain, vrai, faux et les adverbes sémantiquement proches,

- les verbes modaux devoir et pouvoir et

- les phrases hypothétiques où peut figurer le conditionnel aussi.

Tous ces marqueurs trouvent leurs positions sur une échelle de l’épistémique : probable, possible (50%), potentiel, incroyable, impossible (contrefactuel). Les marqueurs de la modalité déontique

5 Modalisation en discours second, terme introduit par Authier-Revuz.

(21)

sont, bien sûr, les verbes modaux: devoir et falloir pour l’expression de l’obligation, et pouvoir signalant la permission, tandis que la modalité axiologique est dénotée par les adjectifs et les adverbes : heureux / malheureux, bien / mal, etc.

Nous rejoignons la position de J. Bres et de N. Tournadre en ce qui concerne l’isolement de la catégorie de l’évidentialité du fait que c’est pertinent pour notre travail sur le potentiel, notamment sur le potentiel des verbes modaux en question, et sur le conditionnel de ouï-dire.

Cependant, cette distinction est-elle justifiée ? l’évidentialité, possède-elle les marqueurs déterminés par des critères spécifiques ou est-elle grammaticalisée en français ? finalement, existe-il un accord consensuel dans le traitement de l’évidentialité ? Ce sont des questions relativement récentes en linguistique francophone.

D’abord, l’évidentialité connait deux définitions, ainsi que la catégorie de la modalité : une large et une étroite. Dans le sens large, elle englobe la modalité épistémique en indiquant la fiabilité de l’information communiquée tandis que dans le sens restreint, elle concerne la source de l’information émise par le locuteur (Barbet et Saussure 2012 : 2). Les auteurs adoptent la conception restreinte du phénomène en question, ainsi que nous, et ensuite ils (ibid. p. 3) distinguent l’évidentialité directe, les perceptions du locuteur par lui-même, et indirecte, les informations reprises d’autrui ou obtenues par inférence. C’est de là que vient ce croisement des modalités évidentielle et épistémique (la modalité épistémique indiquant le degré de certitude du locuteur concernant une information, son jugement sur la possibilité ou la nécessité que quelque chose soit le cas). Concluons la question de la notion d’évidentialité en reprenant le propos de P.

Dendale et J. Van Bogaert (2012 : 14) selon qui « il n’y a pas de bonne et de mauvaise définition de l’évidentialité », mais il est important qu’elle soit adaptée à l’objectif et au type d’étude linguistique.

2.3.2.1. Marqueurs évidentiels

Dendale et Van Bogaert (2012) traitent aussi des problèmes concernant la définition du marqueur évidentiel en examinant les critères de L. Anderson (1986), et de K. Boye et de P. Harder (2009) qui occupent deux positions extrêmes. Nous ne prenons en considération que les critères appliqués au conditionnel et aux verbes modaux.

Quels traits doit posséder une unité linguistique pour recevoir le statut de marqueur évidentiel ? Dendale et Van Bogaert (2012 : 11-12) indiquent que selon L. Andersen une unité linguistique doit avoir la valeur liée à la source d’information :

- comme valeur première ou prototypique,

- comme sa valeur propre et non comme une extension ou une dérivation pragmatique d’une valeur non évidentielle,

- et doit avoir un statut grammatical et non lexical.

D’autre part, K. Boye et P. Harder contestent les critères de L. Andersen et défendent une position plus libérale. Par exemple, ils ne refusent pas le statut de marqueur évidentiel aux morphèmes lexicaux. Ainsi, Dendale et Van Bogaert (2012 : 13) concluent-ils que le conditionnel et les verbes devoir et pouvoir exprimant la valeur évidentielle ne peuvent pas répondre à ces critères du fait que ce n’est pas leur valeur unique ni principale. Néanmoins, les auteurs rappellent qu’il n’existe pas de consensus concernant le traitement du conditionnel.

Traditionnellement, le conditionnel revêt aussi bien la valeur temporelle que les valeurs modales.

Alors, l’évidentialité représente l’une de ses valeurs. Cependant, selon Bres (2010a) c’est la

(22)

valeur temporelle qui est fondamentale, ensuite pour Korzen & Nølke (2001) la valeur d’éventualité. Certains linguistes (Abouda 2001 ; Rossari 2009) ne considèrent même pas le conditionnel comme un évidentiel. Cependant, Barbet et Saussure (2012 : 7) rappellent que C.

Rossari étudie en diachronie l’expression On dirait comme clairement évidentielle ; il s’agit de l’évidentialité indirecte.

C’est pourquoi Dendale et Van Bogaert défendent la définition relativiste de l’évidentialité citée supra et l’appliquent aussi à la définition du marqueur évidentiel.

Aussi, s’agissant du traitement des verbes modaux devoir et pouvoir, on ne rencontre pas l’unanimité. Dans la littérature, ils sont considérés comme des verbes essentiellement modaux (Sueur 1979, 1983 ; Le Querler 1996, 2001 ; Vetters 2004), évidentio-modaux (Kronning 1996), évidentiels dans un de leurs emplois (Dendale 1994) et fondamentalement évidentiels (Rossari et al. 2007). Vetters (2012 : 15) explique que les verbes en question ne peuvent pas être traités de marqueurs évidentiels à cause d’un problème de portée. De plus, il les considère comme des périphrases verbales en voie de grammaticalisation occupant une position intermédiaire entre le lexique et la grammaire, ce qui est une raison supplémentaire en faveur du critère concernant le statut grammatical obligatoire d’un marqueur évidentiel.

Dans la plus récente étude de ces verbes, Barbet (2013 : 88) plaide pour la sémantique modale de devoir et pouvoir en reprenant la proposition de H. Kronning (1996) selon laquelle les modaux ne se distinguent pas en termes d’évidentialité et ainsi « un trait évidentiel n’a a priori pas besoin d’entrer dans la sémantique de devoir ou pouvoir » et se récupère pragmatiquement au besoin.

L. Saussure partage la même opinion en affirmant que le sens évidentiel des verbes en question n’est pas sémantique, mais qu’il relève des enrichissements pragmatiques, et il ajoute que cela s’applique également à leur sens épistémique (Barbet et Saussure 2012 : 6). Nous soulignerons le rôle du co(n)texte aussi dans notre travail.

Finalement, après les analyses de nombreux linguistes (Barbet et Saussure 2012, Vetters 2012 etc.), la conclusion concernant l’évidentialité en français est que cette langue ne possède pas de marque réservée à l’évidentialité, i.e. la notion en question n’est pas une catégorie grammaticale, mais lexicale en français.

3. Verbes modaux dans la langue serbe et potentiel

Qu’est-ce qu’on entend par verbe modal ? Dans toutes les grammaires normatives de la langue serbe il est fait mention des verbes modaux, aussi fréquemment que du terme de modalité.

Cependant, tout comme le terme de modalité, dans la littérature serbe traditionnelle les verbes modaux sont traités d’une manière mal définie.

Habituellement, on rencontre des déterminations se résumant à dire que ce sont des verbes par lesquels le locuteur exprime son attitude envers une action, un état ou un événement (Trbojević Milošević 2004 : 155), que ce sont des verbes incomplets ou auxiliaires en fonction de modificateur (Stanojčić et Popović 1994 : 403, Stevanović 1969 : 762, Belić 1999 : 465).

Trbojević Milošević (2004 : 11-19) explique combien la notion d’ « attitude » est problématique pour une recherche précise de la modalité soulignant que ceci précisément est à l’origine des conceptions tant embrumées des verbes modaux. Considérer les verbes modaux comme des verbes à sens incomplet ne révèle rien de leur propre sémantique et, en plus, les verbes non- modaux - verbes de phase exercent aussi la fonction de modificateur.

Références

Documents relatifs

Le sujet énonciateur ne se soustrait pas de nous exposer à travers l’autobiographie toutes les représentations de spatialité et de temporalité qui nous amènent

Vite entre deux cailloux la casse, L’épluche, la mange et lui dit : « Votre mère eut raison, ma mie,. Les noix ont fort bon goût, mais il faut

Quand le verbe qui exprime la condition (avec si) est au présent, le deuxième verbe est au futur simple. Exemple : Si le temps le permet, nous irons à

Quand le verbe qui exprime la condition (avec si) est au présent, le deuxième verbe est au futur simple. Exemple : Si le temps le permet, nous irons à

Peu ordinaire MALO OBICAN- si cela est vue comme qq chose de négatif Peu banal MALO BANALAN – si cela est vue comme qq chose de négatif Peu commun MALO SVAKIDASNJI - si cela est

L’emploi du conditionnel a ici pour effet la représentation des assertions au présent « Les Français rejettent les professionnels de la politique » et «

نــﻋ ثﻴدــﺤﻝا ﻰــﻝإ ﺎــﻤﺘﺤ ﻲــﻀﻔﻴ ﺎــﻤ وــﻫو ،بوــﺘﻜﻤو قوــطﻨﻤ وــﻫ ﺎــﻤ لوﻘﻝﺎــﺒ دــﺼﻘﻨو ،ﻩدﺎــﻘﺘﻋا لــﻴﻠﺤﺘ مــﺜ ﻪــﻝوﻗ لــﻴﻠﺤﺘ نــﻤ ةرـﻜﻓ لوـﺤ

Pour garder leur trace de compétence linguistique, le traducteur doit faire partie d’eux pour s’orienter vers une possible saisie sémantique du discours et par