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Consultons encore les propositions temporelles introduites par la conjonction kad god (’chaque

fois que’) impliquant la répétition :

(16)Ali sam ja odlazio od nje, u mrak, među utvare. I opet je nalazio kraj uzglavlja, kad god bih otvorio

oči. (M. Selimović, Tvrđava, p. 69)

(16’) C’est moi qui la quittait, je retombais dans les ténèbres au milieu de mes fantômes. Et de nouveau je

la retrouvais à mon chevet, chaque fois que je rouvrais les yeux. (M. Selimović, La Forteresse, p. 99)

(17)No on je i dalje uvek osećao čudnu nelagodnost, u kojoj je bilo i straha i neprijateljstva, kad godbi se ona našla u njegovoj blizini. (www.korpus.matf.bg.ac.rs)

se fut trouvé

(17’) Néanmoins, il continuait à ressentir un malaise particulier, fait de frayer autant que d’hostilité, chaque

fois qu’elle se trouvait près de lui quelque part. (G. Orwell, 1984)

Ces exemples sont précieux parce qu’il est possible d’apercevoir un lien entre la temporalité et la

modalité. Comment ? Dans le cas où la configuration ’A précède toujours B’ est présente, notre

esprit commence à interpréter A comme une condition.

Ainsi, si nous reconstruisons les exemples 16-17’ en si-clauses, ce lien est plus visible :

Kad bih otvorio oči, opet bih je nalazio kraj uzglavlja.

fus ouvert fus trouvé

Si je rouvrais les yeux, je la retrouvais à mon chevet.

Il est encore plus évident dans la paraphrase des cas 17 et 17’ où la conjonction ako est employée

au lieu de kad :

Ako bi seona našla u njegovoj blizini, on biosećaočudnu nelagodnost, u kojoj je bilo i straha i

neprijateljstva.

se fut trouvé fut senti

Sielle se trouvait près de lui quelque part, il ressentirait un malaise particulier, fait de frayer autant que

d’hostilité.

Ce fait nous ouvre la possibilité de lier l’usage modal du potentiel à son emploi temporel.

Il est à noter que Piper (2005 : 818) remarque que le lien entre la conditionnalité et l’habitualité

existe et le nomme conditionnalité habituelle passée : « le chemin qui mène de la conditionnalité

à l’habitualité pourrait passer par la conditionnalité habituelle passée ».

La catégorie sémantique de conditionnalité, en langue serbe aussi bien que dans les autres langues slaves, est la plus étudiée dans le cadre de la syntaxe de la phrase complexe, mais Piper (2005 : 812) constate que la conditionnalité dans la phrase simple possède les mêmes ou similaires marqueurs typiques que la conditionnalité dans la phrase complexe. Ainsi, même si la structure de la phrase indépendante du sens conditionnel possède une expression linguistique

particulière, on peut l’analyser comme protase et apodose, en suivant la terminologie traditionnelle de la théorie de la phrase complexe :

(18) Kao direktor (protase) imao bi više posla (apodose). (18’) En tant que directeur, il aurait plus de travail à faire.

Ici, la protase consiste en une expression nominale représentant le résultat de la condensation syntaxique et de la nominalisation de la structure propositionnelle dont la forme développée apparaît dans la protase de la phrase complexe. Cette expression est fondée sur un nombre limité

de lexèmes (en cas de, potentiel, éventuel, etc).

La protase dans la phrase simple est toujours considérée comme la modification de la protase dans la phrase complexe :

Kao direktor imao bi više posla. [← Ako bi bio direktor, imao bi više posla.]

En tant que directeur, il aurait plus de travail à faire. [← S’il était directeur, il aurait plus de travail à

faire.]

P. Piper distingue la conditionnalité irréelle et réelle. En fait, il dit que la relation entre la conditionnalité et la modalité est déterminée par le fait que les constructions conditionnelles dans la proposition indépendante sont différenciées selon les critères modaux entre lesquels le critère

de l’opposition ’réalité –irréalité’ est fondamental.

Ainsi, dans les exemples cités infra la situation référentielle est comprise comme étant irréelle ou

non réalisée (19), puis comme réalisée au moins dans un des cas (20), tandis que l’exemple 21

illustre les cas qui ne sont pas déterminés par le critère ’réalité – irréalité’ et permet deux interprétations (21a) ou (21b) :

(19)U slučaju pobede tim će dobiti nagradu.6 (19’) En cas de victoire l’équipe gagnera le prix. (20)U slučaju pobede tim je dobijao nagradu. (20’) En cas de victoire l’équipe gagnait le prix.

(21)U slučaju pobede tim dobija nagradu. [← Kada/Ako pobeđuje, tim dobija nagradu.]

(21’) En cas de victoire l’équipe gagne le prix. [← Si l’équipe gagne, elle reçoit le prix.] (21a) Kad god pobedi, tim dobija nagradu.

(21’a) Chaque fois qu’elle gagne, l’équipe reçoit le prix. (21b) Ako pobedi, tim dobija nagradu.

(21’b) Si elle gagne, l’équipe reçoit le prix.

La conditionnalité irréelle est caractéristique des constructions conditionnelles typiques.

L’élément commun concernant toutes les constructions conditionnelles irréelles est la

présupposition de la non réalisation de la situation consécutive. Ainsi, dans les cas 19, 22-25 la

présupposition est ’l’équipen’a pas gagné le prix’.

Dans le cadre de la conditionnalité irréelle on distingue : (Piper et al. 2005 : 815)

A. la conditionnalité commune du futur (19) et la conditionnalité habituelle du futur (22)

B. la conditionnalité potentielle du futur (23) et la conditionnalité potentielle du passé (24,

25)

(22)U slučaju pobede tim će dobijati nagradu. (22’) En cas de victoire l’équipe gagnera7 le prix. (23)U slučaju pobede tim bi dobio nagradu. (23’) En cas de victoire l’équipe gagnerait le prix. (24)U slučaju pobede tim je mogao dobiti nagradu. (24’) En cas de victoire l’équipe a pu gagner le prix. (25)U slučaju pobede tim bi bio dobio nagradu. (25’) En cas de victoire l’équipe aurait gagné le prix.

6 Les exemples sont empruntés à Piper (2005 : 813)

7L’opposition serbe će dobiti / će dobijatine peut pas s’exprimer par le futur du verbe français gagner. Dobiti

Le principe selon lequel est faite la différenciation sur le plan de la conditionnalité irréelle est fondé sur la question de la domination de la signification du futur (A) ou du potentiel (B).

La conditionnalité réelle est typique des phrases qui n’insinuent pas la présupposition de la non

-réalisation du contenu de l’apodose. Ce type de phrases exprime une combinaison du sens iréel et réel : « si p, q, qui se réalise / est réalisé au moins dans un des cas ». Selon le type de sens temporel exprimé, on distingue : la conditionnalité habituelle du présent (21), la conditionnalité habituelle du passé (20, 26) et la conditionnalité omnitemporelle (27), sur le plan de conditionnalité réelle.

(26)U slučaju pobede tim bi dobijao nagradu. [← Kada/Ako je pobeđivao, tim bi dobijao nagradu.]

(26’) En cas de victoire l’équipe gagnait le prix. [← Chaque fois que l'équipe gagnait, elle recevait le prix.] (27)Zagrevanjem tela se šire. [← Ako/Kad god se zagrevaju, tela se šire.]

(27’) En chauffant les corps se dilatent. [← Si/Chaque fois que l’on chauffe les corps, ils se dilatent.] Après avoir exposé son travail concernant les constructions conditionnelles dans la phrase simple, Piper (2005 : 817) remarque que la conditionnalité habituelle (selon sa double nature)

représente le cas transitif entre la conditionnalité irréelle et l’habitualité.

Le lien entre la conditionnalité et l’habitualité se voit confirmé si on met en comparaison des

exemples avec le prédicat au potentiel (des verbes imperfectifs) exprimant la conditionnalité habituelle du passé (26) :

U slučaju pobede tim bi dobijao nagradu.

En cas de victoire l’équipe gagnait le prix.

et des exemples avec le prédicat aussi au potentiel (des verbes imperfectifs) marquant

l’habitualité dans le passé où la condition est implicitement donnée : Posle svake utakmice tim bi dobijao nagradu.

Après chaque match l’équipe gagnait le prix.

Néanmoins, P. Piper n’aborde pas l’analyse sémantique des exemples où le potentiel d’habitude est employé et ceux où son emploi n’est pas naturel. Cette analyse est effectuée par Ašić (2007) constatant que les phrases au potentiel marquant la répétition dans le passé sont beaucoup plus acceptables si elle contiennent un élément conditionnel qui est exprimé par une sorte de complément de temps ou de cause :

(28) ?Govorili bismo francuski jedno s drugim.8

(28’) Nous parlions le français l’un l’autre.

(29) U otmenim restoranima bismo govorili francuski jedno s drugim.

(29’) Dans les restaurants chics nous parlions le français l’un l’autre.

(30)?Poljubio bi je u kosu.

(30’) Il l’embrassait dans les cheveux.

(31)Na rastanku bi je poljubio u kosu.

(31’) En disant adieu il l’embrassait dans les cheveux.

Il est possible de transformer tous ces cas en proposition subordonnée temporelle :

(32) Kada bismo izlazili u otmene restorane, govorili bismo francuski jedno s drugim.

(32’) Quand nous sortions dans les restaurants chics, nous nous parlions le français.

(33) Kad bi se rastajali, poljubio bi je u kosu.

(33’) Chaque fois qu’ils se disaient adieu, il l’embrassait dans les cheveux.

Ici, Ašić (2007) pose la question qui s’impose naturellement : comment lier ce type de

propositions temporelles avec les propositions hypothétiques dans lesquelles le potentiel

représente le mode verbal ? Il s’agit des phrases que Stanojčić et Popović nomment phrases

potentielles exprimant la condition dans le futur. Le potentiel y révèle une condition inactuelle mais réalisable :

(34)(Ona je iz vrlo siromašne porodice). Kada/Ako bi dobila lutku, silno bi se obradovala. (34’) (Elle est d’une famille très pauvre). Si elle recevait une poupée, elle se réjouirait grandement. Si on transpose ce type de phrases au passé, il est évident que l’hypothèse se perd :

(35)(Bila je iz vrlo siromašne porodice). Kada/Ako/Kad god bi dobila lutku, silno bi se obradovala. (35’) (Elle était d’une famille très pauvre). Chaque fois qu’elle recevait une poupée, elle se réjouissait grandement.

Cependant, à notre avis, l’hypothèse ne se perd pas complètement. L’environnement hypothétique est toujours présent (‘recevoir une poupée’), mais ici est relégué au second plan par

la sémantique habituelle. L’explication en détails suit infra.

En conclusion, Ašić (2007) dit que la langue serbe (le français également) n’exprime pas la

conditionnalité / l’hypothèse dans le passé. En fait, uniquement les phrases conditionnelles qui

peuvent marquer la condition dans le passé sont contrefactuelles. Ce sont celles exprimant le plus

haut degré de l’irréalité dans le passé dont la protase est construite de la conjonction da + passé composé et dont l’apodose contient le potentiel (36’). Dans la langue française, ce type de

phrases conditionnelles pose la condition comme irréalisée dans le passé en employant le

plus-que-parfait dans la protase et le conditionnel passé dans l’apodose (36), ou comme réalisée au

moins une fois (ce qui inclut l’effet de la répétition) en utilisant l’imparfait habituel (37) :

(36)S’il avait fait beau, nous serions allés à la plage.

(36’) Da je bilo lepo vreme, išli bismona plažu.

(37)S’il faisait beau, nous allions à la plage.

(37’) Kad god je bilo lepo vreme, išli bismona plažu.

Il est possible d’exprimer la condition potentielle dans le futur, mais la conditionnalité dans le

passé est liée à l’opposition « réalisée - non réalisée ». Imaginer la potentialité dans le passé est exclu. Autrement dit, la proposition potentielle, transposée cognitivement dans le passé, se

transforme en proposition exprimant la conditionnalité réelle (qui n’insinue pas la présupposition

de la non-réalisation du contenu de l’apodose). Ainsi, les propositions introduites par les

référant au passé, peuvent uniquement exprimer l’itération. Ce fait se vérifie dans l’exemple 38

où peut être employée la conjonction kad god (’chaque fois que’) signifiant la répétition.

Pourtant, il s’agit de la répétition de deux éventualités dans le passé qui sont conceptuellement

liées. Cela signifie que le premier événement (x ’recevoir une poupée’) précède nécessairement

l’autre (y’se réjouir’) mais aussi il représente une sorte de condition pour la réalisation de cet

autre. En effet, l’événement y peut être considéré comme réaction à l’événement x. On peut

comprendre ainsi l’exemple 29 où l’état ’se trouver dans le restaurant’ provoque un

comportement –’parler français’.

Finalement, on pourrait conclure que le lien entre les emplois modal et temporel du potentiel

n’est pas arbitraire. En fait, les phrases au potentiel d’habitude expriment une habitualité

spécifique – l’habitualité conditionnelle (Ašić 2007). P. Piper la nomme conditionnalité

habituelle du passé, mais T. Ašić explique que le terme mentionné supra est plus approprié : on

peut remarquer, dans les phrases classifiées par P. Piper dans la catégorie de la conditionnalité

habituelle du passé (Uveče bismo ostajali kod kuće. → Le soir, nous restions à la maison.), la

présence d’une condition pragmatiquement9comprise (dans le cas d’espèce, c’est la période de la

journée déterminée –le soir).

T. Ašić applique ce fait même aux exemples dans lesquels la conditionnalité n’existe pas :

(38) Ona bi se pojavila na vratima, ušla u moju sobu, pritrčala mi i zagrlila me.

(38’) Elle apparaissait à ma porte, entrait dans ma chambre, courait vers moi et m’embrassait.

On aperçoit dans cet exemple l’enchaînement des événements selon un ordre établi et on peut

interpréter chacun comme une sorte de condition pragmatique pour l’autre qui le suit.

Ajoutons que l’exemple supraest plus acceptable si l’on sous-entend un co(n)texte contenant un

environnement hypothétique qui peut inclure aussi l’information itérative :

(39) (Kad (god) bi dolazila kod mene), ona bi se pojavila na vratima, ušla u moju sobu, pritrčala mi i

zagrlila me.

(39’) (Si (chaque fois que) elle venait chez moi), elle ...

(40)Pred čika Životin dolazak, Dušan bi uvek pobegao u orman.

(40’) Avant l’arrivée de l’oncle Života, Dušan fuyait toujours dans le placard. (41)Učiteljica bi me, ako bih zakasnila u školu, dobro izgrdila.

(41’) L’institutrice, si j’étais en retard à l’école, me grondait sévèrement.

On peut inférer les conditions dans les cas supra, respectivement : ’venir chez moi’, ’l’arrivée de

l’oncle Života’, ’être en retard’.

Aussi, il est des cas, sans la condition exprimée, où on a l’impression que l’événement signalé par le potentiel temporel ’demande une suite’, i.e.l’événement suivant doit être indiqué :

(42)Dušan bi pobegao u orman... I mi bismo ga po čitav sat tražili.

(42’) Dušan fuyait dans le placard...et nous on le cherchait pendant toute une heure.

9 Nos connaissances pratiques sur le monde nous suggèrent qu’un certain phénomène, dans une situation spécifique,

(43)Učiteljica bi me dobro izgrdila... i poslala u ćošak.

(43’) L’institutrice me grondait sévèrement et m’envoyait au coin.

Dans les exemples 42 et 43 le locuteur attend que la narration se poursuive. Il est établi, ainsi, une sorte de lien entre e1 et e2, et la condition (comprise comme le lien conceptuel entre les deux entités) est exprimée dans une certaine mesure.

Soulignons qu’il est essentiel de comprendre que la conditionnalité dans les phrases contenant le

potentiel marquant la répétition dans le passé est toujours implicite, même si elle n’est pas

toujours explicitement donnée.

3.1. Lien entre l’usage modal et l’usage temporel du potentiel selon I. Grickat

Le sujet du lien entre les emplois modal et temporel du potentiel, est abordé aussi par Grickat

(1998 : 35-40). L’auteure pose la question de savoir comment la forme égale à celle exprimant la

conditionnalité peut produire dans un certain contexte la sémantique de la répétition dans le

passé. Elle part de l’hypothèse que ces deux formes (l’une exprimant la conditionnalité et l’autre marquant l’habitualité) ont une origine commune. Du fait que l’emploi du potentiel

hypothétique10 est très répandu dans les langues slaves tandis que la même forme signifiant la

répétition dans le passé (considérée comme la signification additionnelle du potentiel) est spécifique seulement pour la langue serbe, I. Grickat conclut que la sémantique habituelle serbe représente la branche cadette du potentiel hypothétique.

En suivant l’évolution de la forme bi + participe passé du verbe conjugué I. Grickat établit son

hypothèse que le facteur commun de ces deux formes se trouve dans l’intentionalité, la

succession supposée ; (après, une forme a évolué dans une direction linguistiquement plus

acceptée et l’autre dans une autre, plus isolée).

La forme pour l’expression de la conditionnalité dans l’ancien slave a été construite à l’aide de la

forme optative du verbe bъiti. Ce verbe auxiliaire se croisait graduellement avec la forme du

verbe bitiau passé simple de sorte que l’optativité accentuée disparaissait et s’établissait comme

la forme du potentiel généralement acceptée.

I. Grickat représente le passage de l’optativité accentuée à la conditionnalité par les exemples suivants :

a) Ja bih rado pristupio tom pokretu, ali sam dao reč da neću.

fus adhéré

a’) Je voudrais adhérer à ce mouvement, mais j’ai donné ma parole de ne pas le faire.

b) Preduzeće je ponudilo pomoć koja bi se sastojala od namirnica i odeće.

fut se consisté

b’) L’entreprise a proposé son aide qui consisterait en l’octroi de nourriture et de vêtements.

L’exemple a) marque l’optativité tandis que l’exemple b) exprime la signification qui va dans le sens de la conditionnalité. I. Grickat voit dans cet exemple l’intention, de type ‘il paraît que

quelque chose s’organise, quelqu’un a l’intention de l’organiser, mais ce n’est pas réalisé’ (ce qui

porte sur la conditionnalité).

Ensuite, I. Grickat illustre l’évolution sémantique de la conditionnalité à l’habitualité aussi par l’intentionalité en citant les cas où sont employés le passé composé des verbes imperfectifs et le potentiel marquant la répétition dans le passé :

c) I sve dok smo sedeli tamo, oni su izvodili svoje mađioničarske trikove.

sommes assis

c’) Et tant que nous avons été assis là-bas, ils effectuaient leurs tours de magie.

d) I sve dok bismo sedeli tamo, oni su izvodili svoje mađioničarske trikove.

fûmes assis

d’) Et tant que nous étions assis là-bas, ils effectuaient leurs tours de magie.

I. Grickat dit que les deux formes verbales expriment de la même manière la répétition dans le

passé sauf que le ‘potentiel d’habitude’ indique la lecture intentionnelle: tandis que nous avions l’intention, qu’il y avait des raisons, des conditions, d’y rester, ils effectuaient leurs tours de magie.

L’intention-but consiste en un acte volitionnel qui porte la personne à atteindre l’état terminal désiré. Le désir représente la phase initiale qui incite la personne à s’engager dans des actions effectives en direction du but. Dans ce processus, il s’agit, donc, de transformer le désir sélectionné en une « intention-but ». Gollwitzer (1999 : 494) explique comment on avance vers

le but : « Si je rencontre la situation Y, alors j’émettrai le comportementX ».

Le lien entre l’intention et la condition que remarque I. Grickat, existe évidemment mais en

termes d’habitualité - l’intentionalité est exclue. Nous pensons que c’est dans le cadre de la conditionnalité qu’on doit rechercher l’explication pour la fonction temporelle du potentiel, ce

que fait T. Ašić dans son travail.

En plus, les exemples qu’I. Grickat utilise comme les arguments pour son hypothèse, parlent plutôt en faveur de notre supposition. D’abord, les cas a) et b) ne montrent pas le passage de l’optativité à la conditionnalité, mais le fait que le potentiel peut exprimer le souhait et la

possibilité. Donc, le potentiel n’exprime pas l’intention dans l’exemple b), ce que Grickat dit, mais la possibilité. En mentionnant la valeur modale du souhait, rappelons que ce sens n’est pas

encodé dans le sémantisme du potentiel et qu’il doit être inféré, ce qui vaut également pour la

valeur modale de la possibilité.

Ensuite, nous plaidons contre la constatation d’I. Grickat que la différence entre les exemples c)

et d) marquant la répétition dans le passé, vient du fait que le potentiel, à la différence du passé

composé, impose la lecture intentionnelle. En effet, on ne peut qu’inférer l’idée de la conditionnalité. C’est le sémantisme de la conjonction sve dok (‘tant que’) qui donne cette

instruction. Elle établit la borne jusqu’à laquelle le procès a duré (comme tant que en français).

Alors, le lien entre les deux procès a été construit du fait que le procès de la subordonnée délimite le procès de la principale représentant ainsi une sorte de condition. Ce lien n’est pas

fondé sur le sémantisme du potentiel.

Aussi, comment est-il possible d’interpréter l’exemple suivant comme intentionnel :

e) On bi sredom dolazio kod mene.

fut venu

e’) Le mercredi il venait chez moi.

Si c’est bien le cas, la signification de e) est que le sujet avait l’intention chaque mercredi de venir quelque part, ce qui n’est pas tout à fait logique. On pourrait dire que l’intention est sous

Nous n’allons pas prendre en considération l’hypothèse d’I. Grickat, mais le sujet d’intentionnalité est pourtant pertinent pour notre travail ; il en sera question infra.

3.2. L’hypothèse d’inactualité et le potentiel d’habitude

Résumons : dans le cas du potentiel d’habitude, son existence et l’étendue de son emploi

temporel est relié à la présentation des effets stylistiques – l’évocation des souvenirs, la

nostalgie, etc. – et surtout à l’expression de l’accomplissement et de la progression temporelle

dans le cadre de la répétition dans le passé. Soulignons que ce type de potentiel possède la

capacité d’exprimer une action actuelle, à savoir réalisée et accomplie. Ce fait semble

contradictoire avec notre hypothèse de l’inactualité, selon laquelle le potentiel désigne ce qui