M. S CHÖNFINKEL
Sur les éléments de construction de la logique mathématique
Mathématiques et sciences humaines, tome 112 (1990), p. 5-26
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"SUR LES
ÉLÉMENTS
DECONSTRUCTION
DE LALOGIQUE MATHÉMATIQUE"
de
M.
SCHÖNFINKEL
(Traduction :
GenevièveVANDEVELDE) Analyse
et notes par Jean-PierreGINSTI1
RÉSUMÉ -
Ils’agit
deprésenter
l’article deSchönfinkel
"Über die Bausteine der mathematischenLogik", préparé
pour lapublication
(1924) par H. Behmann,d’après
uneconférence
deSchönfinkel
en 1920,qui fonde
ceque Curry nommera "la
logique
combinatoire".L’objectif principal
du travail deSchönfinkel
est l’éliminationgénérale
des variables(propositionnelles,
prédicatives, individuelles),grâce
àl’usage
deplusieurs
"fonctionsparticulières".
On trouvera ici : (1) une introduction à l’article deSchönfinkel,
(2) la traduction de l’articleaccompagnée
de notesexplicatives,
(3) une conclusion critique.SUMMARY - Construction elements of mathematical
logic.
It is a matter
of presenting
the paperof Schönfinkel
"Über die Bausteine der mathematischenLogik", prepared for publication
(1924)by
H. Behmann,according
to a lectureof Schönfinkel
in 1920,which founds
what will be called"combinatory logic" by Curry.
The main purposeof Schönfinkel’s
work is thegeneral
elimination ofvariables
(propositional, predicative,
individual), thanks to the useof
several"particular functions".
Onewill find
here : (1) an introduction to
Schönfinkel’s
article, (2) the translation of the article accompaniedby explanatory
notes, (3) a critical conclusion.
L’article dont on trouvera ci-dessous la traduction
française 2
estl’édition
par Heinrich Behmann dans la revue Mathematische Annalen en1924,
sous le titre"Über
die Bausteine der mathematischenLogik",
d’une communication de Moses(Moïse)
Schônfinkel faite le 7 décembre 1920 - il y a donc 70 ans - devant la SociétéMathématique
deGôttingen~.
Ils’agit
du texte
qui
fonde ce queCurry [1930]
nommera la"logique
combinatoire". Les trois derniers alinéas sont dus exclusivement àBehmann,
commel’indique
la notequi s’y
rapporte. Pour lereste du texte, il semble
impossible
de déterminerl’importance
de la contribution de Behmann.Celui-ci
indique seulement,
dans lapremière
note,qu’il
estresponsable
de "l’élaboration[Durcharbeitung]
formelle etstylistique"
des idées de Schônfinkel.Behmann est un mathématicien
allemand,
né en1891,
ancien élève deHilbert, qui
avaitdéjà publié
dans Mathematische Annalen un articleremarqué [ 1922]
où était donné un test pour la1 Professeur à l’Université
Lyon
III.2 La
responsabilité
du commentateurs’y
trouveengagée
par la manière decomprendre
et de rendre enfrançais
certains passages ou termes
techniques.
Nous remercionsSpringer Verlag
d’avoir autorisé la traduction. On a choisi de la donner aussi littérale quepossible.
3 Il en existe une traduction
anglaise (par
StefanBauer-Mengelberg)
"On thebuilding
blocks of mathematicallogic",
dans Jean vanHeijenoort
[1967], p. 357-366, avec uneprésentation
de Quine, p. 355-7. Les crochets autour d’un nombre, dans notre texte,signifient :
"le travail, cité dans labibliographie, publié
l’annéedésignée
parce nombre". 1920 est aussi l’année où~ukasiewicz
publie
son articlepionnier
sur lalogique
à trois valeurs.validité des formules du calcul des
prédicats
à un argument. Il a continué à s’intéresser auxproblèmes
dedécision,
mais il a travaillé aussi notamment sur les antinomies de la théorie des ensembles. B est revenu sur lalogique combinatoire,
voir[ 1959],
en unissant son formalisme à celui du calcul desprédicats.
Schônfinkel est un mathématiciensoviétique juif,
mal connu,ancien élève de S.O.
Satunovskij (qui
défendait des idéesintuitionnistes).
Il est tombé malade mentalement(il
l’étaitdéjà
en 1927 aumoins, d’après Curry [ 1968],
p.296,
note4).
Il est mortà Moscou en
1942,
voir S.A.Janovskaja [1948],
p. 31-34. Labibliographie
de Church[1936], [ 1938]
et celle des travauxsoviétiques
sur lalogique mathématique
et laphilosophie
desmathématiques 1917-1947,
voirJanovskaja,
ne lui attribuentqu’une
autrepublication,
à savoirun article
cosigné
par PaulBemays,
l’un desproches
deHilbert,
"ZumEntscheindungsproblem [le problème
de ladécision]
der mathematischenLogik",
paru dans Mathematische Annalen en1928,
p. 342-3724.
Les auteurs y démontrent que toute formule du calcul desprédicats
à unargument, comportant k
variables différentes deprédicat,
est universellement valide si elle estvalide dans un domaine de 2k individus. Pour les formules
comportant
desprédicats
àplusieurs
arguments,
ils trouvent encore des schémasqui
sont universellement valides s’ils sont valides dans un domaine fini déterminable. L’article nousapprend (p.
349-50 et note7)
que Schônfinkela eu l’idée de la méthode sur un cas,
qu’il
a fait unrapport
sur son résultat devant la SociétéMathématique
deGôttingen pendant
le semestre d’hiver1922-23,
que l’extension de la méthodeest due à
Bemays,
ainsi que la rédaction[Abfassung]
de l’article.On notera que les travaux de Schônfinkel sont liés à ceux de l’école de
Gôttingen,
haut lieu àcette
époque
desmathématiques
et de lalogique,
dont Hilbert était le maître etauprès duquel séjournaient
de nombreuxétrangers (Curry,
entreautres).
Ils sontpubliés
dans une revuequi
asouvent recueilli les contributions de Hilbert et de ses
disciples5.
Il est vraisemblable queFrege (dont
la thèse de doctorat a été soutenue àGôttingen
en1873)
que Hilbert connaissait etcitait, d’ailleurs,
a exercé une influence surSchônfinkel,
notamment dans saconception
de lafonction,
comme on le verra, et bienqu’il
ne le citejamais
que d’une manière trèsgénérale6.
L’article
qui
nous intéresse est divisé en sixparagraphes.
Nousprésenterons
d’abord uneanalyse
de chacund’eux, puis
nous accompagnerons la traduction de notesexplicatives,
enfinnous reviendrons en conclusion sur
quelques points.
Le §
1indique
que l’auteur se propose de réduire le nombre desprimitifs
d’unsystème axiomatique
delogique
enprolongeant
la réduction obtenue par Sheffer de tous les connecteurspropositionnels
à un seul d’entre eux,I , l’incompatibilité.
Il montre d’abordqu’une
formegénéralisée
de ce connecteur(notée
par une barreindicée) permet d’exprimer
les deuxquantificateurs,(x), (Ex),
dont il fautdisposer
pour obtenir unsystème complet symboliquement
dans le cadre du calcul desprédicats,
tout en continuantd’exprimer
chacun desconnecteurs
possibles.
Convenons d’écrire :
(~)
ou,équivalemment,
4 Une
photographie
de Schônfinkel se trouve dansBarendregt
[1984] et la mêmephotographie
dans Reid [ 1970], p. 238 (sans mentionner son nom) mais où ilapparaît
au sein d’un groupe d’invités à la réunionorganisée
à
G~ttingen
pour le soixantième anniversaire de Hilbert (1922).5 La revue Mathematische Annalen était alors
publiée
par Felix Klein, David Hilbert, Albert Einstein et Otto Blumenthal. De nombreux auteursétrangers
y écrivaientrégulièrement,
notamment des mathématicienssoviétiques
(il y en aplusieurs
dans le numéro de 1924qui
contient l’article de Schônfînkel).6
Rappelons
que laphilosophie
s’illustra aussi àGôttingen,
surtout parl’enseignement
que Husserl y donna de 1901 à 1916.comme
ou dans une
expression
dans
équivalente,
comme commeSchônfinkel établit sur la formule-modèle ci-dessous
(qui peut
être aussi unesous-formule)
comment un
quantificateur
universel peuts’exprimer
autrementqu’il
n’estclassique
de le faire.Nous
ajoutons
lesjustifications qu’il
ne donne pas :par
idem potence
de " v " tpar introduction dans
(2)
de doublesnégations
en
supprimant
selon(a,)
lapremière négation
surles deux occurrences
de f(x)
dans(3)
selon
()3)
dans(4)
f (x)
étant en sommeA [x] (une proposition quelconque
comportant x mais à titre dereprésentant
d’une variablequelconque,
voir21,
et toute barrepouvant
êtreremplacée
par une barreindicée,
même dans le calcul despropositions,
voir7,
onpeut
en effet admettrequ’on
aexprimé
dans tous les cas lequantificateur
universel(marqué
par unepaire
deparenthèses
autourd’une variable
isolée)
et tout connecteurpropositionnel
par le mêmesigne (ou plutôt
par un mêmetype
designe puisque
la barrepeut
être indicée par telle ou tellevariable).
Notons que l’auteur neprétend
pas avoir éliminé lequantificateur
universel et savariable ;
cela ne sera faitqu’à
la fin del’article, grâce
à des moyenssupplémentaires,
enprolongeant
cepremier
résultat.Dans
" x"
laposition
de xcorrespond
auxparenthèses
de(x),
mais" 1 Xtt symbolise
conjointement
ce que disent(x)
et" ".
En traitant de la même manièrel’expression (x) f (x),
équivalente
à(Ex) f (x),
onexprime
aussi lequantificateur
existentiel par la barreindicée, voir25.
Schônfinkel. annonce
qu’en
allantplus loin,
il est parvenu à éliminer toute variable(propositionnelle, prédicative, individuelle), grâce
à trois "fonctionsparticulières" qu’il
vadéfinir. Il
justifie
son programme par le faitqu’une
variable n’estqu’une marque-place,
voir 28.Le §
2 expose un"moyen
auxiliaire" : celui de réduire les fonctions àplusieurs
arguments(à
la fois au sens des
mathématiques générales
et au sens, instauré parFrege,
de"prédicats logiques")
à des fonctions à un seulargument,
cequi simplifiera
certains traitements.On sait
qu’on désigne
souvent(et abusivement)
de la mêmefaçon,
parexemple par f(x),1a
fonction et la valeur que
prend
la fonction pour unargument
indéterminé x.Schônfinkel,
aucontraire, distingue
bienf,
lafonction,
de cequ’il écrit fx,
la valeur de lafonction f pour
7 L’auteur
n’explique
pas((3 ).
On peut le faire ainsi :f(x)
ne peut pas s’écrire seulementf(x) 1 f(x),
pardéfinition en
langage 1, puisque
le seul connecteurdisponible
doit être désormais une barre indicée, nif(x) ~ 1 xf(x), qui signifierait
(x)f (x), puisque
n’est pas une loi.Les mêmes remarques valent pour
g~.
Mais on peutplacer devante)
et devantfl#
unquantificateur qui, employant
une variable absente de la formule, nechangera
pas le sens de celle-ci, soit(y) f(x),(z) g(x),
ouplus simplement (y) g(x),
comme si on avait (x)((y) f(x) Y (y) g(x))
afin de retrouverl’emploi unique
dela barre indicée :
flx) 1 Yf(x), g(x) 1 y g(x).
Celle-ci convient en outre dans le calcul despropositions puisque
a b,
parexemple,
sera (x)(a 1 b), c’est-à-dire a 1 x
b.x 8. I1
montre que si on permet à une fonction deprendre
pour valeur une autre fonction(et
pas seulement la valeur que
prend
une autre fonction ou unélément-objet
d’un certainensemble),
la réduction annoncée s’obtient facilement.Soit F une fonction à deux
arguments.
Schônfinkel sereprésente F(x,y)
commesignifiant ( fx)y :
la fonction Féquivaut
à une autrefonction, f,
à unargument,
dont la valeur pourl’argument
x est unefonction,
notéefx,
à unargument,
y, etqui prend
pour valeur parhypothèse
celle de Fappliquée
à(x,y).
La nouvellefonction f a
donc pour valeur(a
pour effet deproduire)
unefonction fx
dont lavaleur,
pour son argument y, estF(x,y).
La méthode segénéralise
aux fonctions à nombresupérieur d’ar ments 9.
Dans cette
analyse, certes, fx exprime
une fonction et non seulement la valeur de la fonctionf pour x,
contrairement à la stricte correction desexpressions
que l’auteurrespecte (en général)
par ailleurs. Mais s’il
emploie
cescommodités,
enparlant
parexemple
"en bref[de]
la fonctiona-",
il sait les éviter enparlant,
au lieu de lafonction fx,
de la fonction Gdont fx n’exprime
i r 10
q ue la
forme .
Le §
3 définit et commentecinq
"fonctionsparticulières" qui
vontpermettre
l’élimination des variables(liées),
maisqui,
n’étant pas toutesindépendantes,
seront réduites ultérieurement à deux d’entre elles. Si on les reformule sur une suite dont les élémentsportent toujours
lesmêmes noms, x, y, z,
désignant n’importe quelle expression (intuitivement)
bien formée dulangage
considéré(ce
que ne fait pas Schônfinkelqui
obtient ces fonctions en raisonnant sur desexemples différents),
et en omettanttoujours
lesparenthèses qui
associent àgauche (ce
que ne fait pas Schônfinkelsystématiquement),
il vient :effets
produits (de
droite àgauche)
exprime
comme une fonction et par unsymbole
deplus
uneexpression quelconque
introduit la nouvelle variable y
permute (par
ex.quand x
est unefonction,
sesarguments)
supprime
desparenthèses
associant àdroite,
libère z deparenthèses
fusionne les deux occurrences de z, libère z de
parenthèses.
8 Il écrit correctement "la fonction
f
", "la fonction G ", bienqu’il
dise "la fonctionx-y"
(§ 2), "la fonctionyxy"
(§ 3, 3), etc. , sans doute pourabréger
"la fonction -", "lafonction y
à deux argumentsx,y".
Notonsqu’il
faudrait aussi une notation, distinctede fx,
pourdésigner
l’intervention elle-même de la fonctionf
sur x(qui produit fx).
9 En outre, Schônfinkel.
abrège généralement (fx)y en fxy, ((fx)y)z en fxyz,
etc., en ne conservanttoujours
dans uneexpression
que lesparenthèses qui
n’associent pas lessymboles
deux par deux à partir de lagauche.
10 En notation
classique,
lesparenthèses
dansftx), f(x,y),
etc.indiquent qu’il s’agit
de la valeur queprend f
pour x ou pour x,y, etc., ce que Whitehead et Russell [1910]*30 notaient
plus explicitement R’y
(si R est lafonction carré, R’3 est 9),
t1x)(xRy). Puisque
Schônfinkelcomprend désormais f(x,y)
comme(f(x))(y),
et
l’écrit fxy,
comme ilécrit fx, fxyz,
etc., il sous-entend doncl’opérateur,
disons "*",qui
obtient une certainevaleur en faisant porter
f
sur x.Curry
[ 1930] le nomme"application" [Anwendung] ; fxy... s’explicite
donccomme
( f *x)*y... ; ( f *x)
est aussi valeur et fonction.L’utilité des effets
produits apparaîtra
au§ 5 i l .
Le
signe d’égalité "signifie
que lesexpressions
àgauche
et à droiteexpriment
la mêmechose". On
peut
donc s’autoriser à substituer à touteexpression (ou
à toutesous-expression)
ayant
la forme du membre de droite(respectivement,
du membre degauche)
d’une de ceségalités
uneexpression ayant
la forme du membre degauche (respectivement,
du membre dedroite)
de la mêmeégalité.
Il faut donccomprendre
en somme, d’unepart
...(Ix)
... = ... x... ;...
(Cxy)
... = ... x ..., etc., où il sepeut qu’aucune expression n’occupe
laplace
despoints (et
où lesparenthèses peuvent
faire défaut selon la convention admise sur leparenthésage),
etd’autre part, ...
(Ix)
... : ... x ... ; ... x ... : ...(Ix)
..., etc., commerègles
associées auxégalités correspondantes
etautorisant,
sous les mêmesconditions,
certaines transformations.Il
s’agit
biend’employer
unerègle
de substitution[Einsetzung],
si on entend par là untype
derègle
de déductionqui
obtient d’uneexpression
donnée uneexpression identique
à elle àcertaines transformations
près (que
des clausesparticulières,
ici lescinq égalités données, explicitent
pourchaque règle précise
desubstitution).
Larègle
de substitution admise dans l’articles’apparente
à larègle
dite de "substitution deséquivalents" (ou
mieux de"remplacement" ;
le texte ditaussi, d’ailleurs, "Ersetzung")
des calculsclassiques.
Elle permet deremplacer
une au moins des occurrences d’unesous-expression (pas
nécessairement de toutes comme dans une substitutionproprement dite)
par uneexpression posée
ou établie"équivalente",
en un senslarge
du mot. Lesrègles
autorisant lesremplacements
mutuels dudéfini et du définissant en sont des cas
particuliers.
Schônfinkel lesemploie
aussi(par
ex. au§ 4,
3lorsqu’il remplace
Z par son définissant enlangage C, S).
Ondistinguera :
(1)
laprocédure qui remplace
ainsi Z parS(CS)C
(2)
laprocédure qui remplace
parexemple x
parCxy
ouCxy
par x, c’est-à-dire selon unedes
cinq égalités données, qui
est une substitution au sensindiqué
(3)
laprocédure qui remplace
x(ou
y,z)
par uneexpression
bien forméequelconque,
parexemple
par I dans Ix = x ,(§ 3,1 )
ou par Cx(§ 4,1 ) qui
n’est pas une substitution au mêmesens du mot,
malgré l’emploi
du même mot par Schônfinkel.Puisque
x, y , z, ont le statut demétavariables,
en effet(voir 21),
ilsfigurent
indifféremment tel ou tel terme, et, on se borne à direlequel,
sans faire usage d’unerègle
de substitution.Le §
4 établit que C et S suffisent à définir les autres "fonctionsparticulières" qui
ont étéprésentées.
On a parexemple
Ix = SCCx que Schônfinkelabrège
ensuite en I = SCC12.
Ilest clair que 7 n’est pas défini par SCC au sens où il est défini par Ix = x,
malgré
certainsflottements de la
terminologie,
voir 49. On remarquera que Schônfinkel utilise " = " deplusieurs
manières. Dans chacun de ces cas, les deux membres de
l’égalité "expriment
la mêmechose",
cequi explique
l’unicité dusigne,
mais les conditions permettant sonemploi
sont différentes. Ondistinguera : ( 1 ) l’emploi
de " =",
au§ 1,
au sensprécis
... = ... Df(ou
... = d f...),
dans par11 Les
symboles
I et Sdésignent toujours aujourd’hui
les mêmes fonctions. En revanche, C s’écrit K, T s’écrit C, Z s’écrit B. Pour uneprésentation
de lalogique
combinatoire dans son état actuel, voir parexemple
J.P. Ginisti [1988]. Les
cinq
"fonctionsparticulières"
sont dites "combinateurs", voircependant45. Rappelons qu’il
faut lire :((Cx)y)
= x ;(({Tx)y)z) _
((xz)y), etc..12 Montrons sur SCCx comment on effectue une
expression
donnée (on obtient d’ellel’expression qui
lui estégale
selon les"égalités
de définition") : (1) on rapporte à lapremière
"fonctionparticulière"
àgauche,
ici S,autant d’éléments
qu’en impose
son"égalité
de définition" (trois pour S, etqui
sont ici C, C, x), (2) onapplique l’égalité qui
concerne cette "fonctionparticulière"
(S écrit lepremier
élément de la suite, C,puis
le troisième, x, puis l’association par des parenthèses du deuxième, C, et du troisième, x. Il vient SCCx=Cx(Cx), (3) on procède de la même manière pourl’expression
obtenue et ainsi de suite tant que laprocédure est
applicable.
Une expression entre parenthèses constitue un seul élément. C, dans Cx(Cx), a lesdeux éléments
qu’il exige,
x, Cx ; il vient donc x. SCC a le même effet que I sur x.exemple
a= a a,
autorisé essentiellement parl’équivalence - tautologique
des deux membres(voire
seulement au sens "autrementdit"’), (2) l’emploi
de " = " pour les "fonctionsparticulières"
où lesigne " =
" intervient décisoirement(bien qu’en rapport
à unobjectif),
ce quesignifie "égalité
de définition". I est défini par Ix = x au sens où on ditqu’une
table de véritédéfinit
(caractérise)
un connecteur,(3) l’emploi
de " = " entre deuxexpressions
dont l’unerésulte de l’autre par une
substitution,
et selon l’un des trois sens de ce mot, comme dansCx(Cx)
=SCCx, (4) l’emploi
de " =", apparenté
à(1),
dans unelangue
ouC, S
sont lesseules fonctions
primitives,
entre deuxexpressions
dont l’une a la formeXx...,
l’autre la formeYx...,
où X est une "fonctionparticulière" (autre
que C etS),
x... la suite des(méta)variables
nécessaire à sonemploi,
Y unejuxtaposition (une
combinaisonapplicative)
deC et de
S, comportant
éventuellement desparenthèses
associant àdroite,
et tellesqu’en
effectuant
Yx...,
on obtienne ultimement la mêmeexpression qu’en
effectuant Xx.... Cetemploi
de " = "pourrait
êtredistingué
en écrivant Xx... = Yx... Df(ou
Xx... = d fYx...), (5) l’emploi
de " = "qui
résulte de larègle implicite :
si Xx... = Yx... alors X= Y, qu’on peut appeler (Ext) puisqu’elle
faitappel
à unepropriété
d’extensionnalité. Dansl’article,
elle n’intervient que pour reformuler uneexpression
Xx... = df Yx.... Comme x... est dans ce cas la suite finieimposée à X,
elle ne fait pas difficulté.Outre I =
SCC,
Schônfinkel obtientégalement
Z =S(CS)C,
T =S(ZZS)(CC),
cequi
termine la preuve.Le § 5,
afin depouvoir
traiter du calcul desprédicats,
introduit une nouvelle "fonctionparticulière",
la fonction U telle queUfg = fx 1 x gx.
Ilesquisse
la preuve que toute formulelogique (du premier
ou du deuxième ordre dans sesexemples) peut s’exprimer
parI, C, T, Z, S (donc
parC, S)
et U. Il met en oeuvre la méthode suivante :(1)
on traduit d’abordchaque
formule et ses sous-formules en leur donnant la forme... x...,
où x sert de nom pour une variable
quelconque (voir 21 ),
selon laprocédure du § 1,
(2)
on donne ensuite à chacune de ses sous-formules successivement la forme queprend
lemembre de
gauche
dansUfg = fx x gx, f et g
servant aussi de noms pour des fonctions(ou prédicats) quelconques
et à nombrequelconque d’arguments,
comme si on avaitU(f...)(g...) = 1... x 1 x g
H’ x, où "..."représente 0, 1,...,n (méta)variables,
différentes dex. Pour montrer comment on
peut
yparvenir,
remarquons que latranscription
d’uneexpression
de
forme fx x gx
en uneexpression
de formeUfg exige,
comme le montre1"’égalité
dedéfinition" de
U,
que danschaque expression
ousous-expression
de forme... x... :
(oe)
il y ait une occurrence de x dans chacun des deux membres((3)
iln’y en
aitqu’une
(y)
cette occurrence soit à lafin
dechaque membre,
cequi
suppose que x ne soit pas enclos dans desparenthèses
associant àdroite,
comme il l’est dansy(zx).
Dès
lors,
si(ce)
n’est passatisfait,
on introduit x enemployant C ; fx 1 x gy,
parexemple,
devient
x x C (gy)x.
Si(p
n’est passatisfait,
on fusionne par S les différentesoccurrences
de x ; ZUfx(gx) 1 x...,
parexemple,
devientS(ZUf)gx 1 x....
Siy
n’est passatisfait,
onplace
x à la fin parT ; fxy 1 x g x,
parexemple,
devientTfyx ~ x
gx, et si x estenclos dans des
parenthèses,
on l’en extrait parZ ; ... ~ x U( fy)( g x),
parexemple,
devient... j . J)~ Z(U( f y))gx.
On peut avoir à utiliserplusieurs
de ces transformations etplusieurs
fois.Schônfinkel
n’impose
pas d’ordre dans leur intervention.(3)
onremplace l’expression
obtenue par celle de formeUfg correspondante,
et ainsi desuite, étape
parétape,
en "remontant" vers le connecteurp rinci p a113.
Si la formule est du deuxième
ordre,
onprocède
pour toutprédicat quantifié qu’elle
comportef,
g,...(quelque
soit le nombre desarguments)
comme on vient de le faire dans lepremier
ordre pour toute variable
quantifiée
x,y,.... On élimine donc dans ce casf,g,...,
par Ucomme on le faisait pour x, y ,..., c’est-à-dire en
permettant
à x dansUfg = fx 1 x gx
d’êtreune variable de
prédicat,
disons h(quantifiée
universellement dans la formuleoriginale).
La méthode ne
permet
d’éliminer que les variablesqui
sont liées(qu’elles
soientprédicatives
ou
individuelles),
maispuisque
les formules ouvertes sont seulement desingrédients
deformules
fermées,
comme le remarqueQuine [1967],
onpeut
considérer que la notion de variable a été réellementanalysée
et éliminée. Une formule fermée dupremier
ordre se traduit parune
expression
necomportant
queC, S, U, l’opérateur
non notéd’application,
*, sesvariables de
prédicat
et éventuellement desparenthèses
associant à droite. Une formule fermée du deuxième ordre parC, S, U,
* nonnoté,
et éventuellement desparenthèses
associant àdroite 14.
Le §
6présente
trois réductionsplus
avancées : lapremière
réduit les trois fonctions suffisantesC, S,
U à une fonctionunique
etnouvelle, J,
enposant -
parhypothèse
et non àla manière de
(Ext) -
queS=JJ,
queC=JS,
c’est-à-direJ(JJ),
queU=JC,
c’est-à-direJ(J(JJ)).
Toute formule fermées’exprime
alors par une suite de J et deparenthèses
à laplace
de
CS, U ,
mais cette réduction estjugée
arbitraire par Schônilnkel(voir 69).
Les deux autres méthodes sont dues à Behmann. L’une consiste à renvoyer U à la fin de
l’expression
et en une seule occurrencegrâce
aux "fonctionsparticulières", puisqu’on
peut le faire pour unsymbole quelconque, puis
à le sous-entendre(voir 72).
Toute formule fermées’exprimerait
ainsi par une suite deC,S,
de variables deprédicats (si
elles sontlibres),
de *,non
noté,
et éventuellement deparenthèses
associant à droite.La dernière réduction vise à
supprimer
en outre lesparenthèses,
par le seul recours àZ,
mais cette réduction est erronée comme Behmann l’a reconnu ultérieurement(voir 74).
13 Notons que pour obtenir
jusqu’ici
uneexpression
sans x,y,..., à savoir X = Y Df, il fallaitappliquer
(Ext) à Xx... = Yx... Df, lescinq
"fonctionsparticulières"
ne le faisant pas elles-mêmes. Au contraire, on obtient ici directement par la nouvelle "fonctionparticulière"
U, éventuellementemployée plusieurs
fois, uneexpression
sans x,y,..., mais leprincipe
estcomparable :
ils’agit
de grouper les variables en find ’expression,
depart et d’autre de " = " ou de
" ~ x
", où on peut alors les sous-entendrequand
elles constituent une même suite. Onne
pourrait
pas le faire si elles demeuraient à l’intérieur del’expression,
dispersées ou non, car les intervalles videsqu’elles
laisseraient leuréquivaudraient.
14 Schônfinkel ne reprend pas le cas des formules du calcul
propositionnel.
Bien que la méthode nepuisse
éliminer que les variables indicées en haut d’une barre et bien que celles-ci soient
toujours
x,y,...,jamais
a, b,.... (voir § 1), il est possible de traduire toute formule du calcul propositionnel en éliminant ses variables propres a, b,... si on place chacune d’elles à la fin de
l’expression
et en une seule occurrence (comme le fait Behmann ci- dessous pour ~. On peut alors les sous-entendre, voir un exemple dans Kneale [ 1964], p. 524. On suppose dansce cas Ua6
= a ~ xb,
U est seulement la notation préfixéede ~ x,
comme D estclassiquement
la notationpréfixée due
Cette dernière suffit, d’ailleurs, si seul le calcul despropositions
intéresse.SUR LES
ÉLÉMENTS
DE CONSTRUCTION DE LALOGIQUE MATHÉMATIQUE
DE
M.
SCHÔNFIr~KEL
DEM0SC0U1>
Il est conforme à la nature de la méthode
axiomatique
tellequ’elle
estaujourd’hui
reconnueavant tout à travers les travaux de
Hilbert,
non seulement de tendre en cequi
concerne le nombreet le contenu des axiomes à une limitation la
plus
étroitepossible,
mais aussi de tenter de réduire au maximum le nombre des notions de base nondéfinies,
en recherchant des notionsqui
soient depréférence appropriées
pour construire toutes les autres notions du domaine de connaissance enquestion. Naturellement,
ondevra,
dans cettetâche,
en cequi
concernel’exigence
desimplicité
des notionsposées
audépart,
faire preuve demodestie15.
Comme on le
sait,
les connecteurspropositionnels16
fondamentaux de lalogique mathématique,
queje
rends ici dans la notation de Hilbert et tellequ’elle
a étéemployée
dans sescoursez :
(lisez :
"nona",
"a oub ",
"a etb",
"si a alorsb",
"a estéquivalent
àb")18,
ne selaissent nullement tirer d’un seul d’entre eux et ne
peuvent
être tirés de deux d’entre eux que sion pose la
négation
et l’unquelconque
des trois connecteurssuivants,
comme non définis debase
(de
ces trois sortes deréduction,
Whitehead et Russell ont utilisé lapremière
etFrege
latroisième)19.
Sheffer2)
a découvert tout récemment que,néanmoins,
la réduction à un seul connecteurfondamental est tout à fait
possible,
à condition de ne pas se limiter aux connecteurspris
directement dans la série ci-dessus.
Ainsi,
si on choisit en effet comme connecteur fondamental"non a ou non
b",
cequi
veut dire "despropositions a
et b une au moins estfausse",
cequi
peut
êtreécrit,
avec lessignes ci-dessus,
dans les deux formeséquivalentes.
et, comme nouveau
signe qui
lui convient1) Les idées suivantes furent
exposées
par l’auteur le 7 décembre 1920 devant la SociétéMathématique
àGôttingen.
Leur élaboration formelle etstylistique
fut assurée par H. Behmann àGôttingen,
pour cettepublication.
2) Am. Math. Soc. Trans. 14 (1913), p. 481.
15 Ce programme est évidemment
caractéristique
du courant dit "formaliste", mais, à la manière dont ils’exprime
dans lepremier
alinéa,plutôt
dans la mouvance de Frege et de Russell que dans celle de Hilbert (dontl’originalité
estl’investigation métathéorique).
16 Le texte dit exactement "connexion"
[Verknüpfung]
mais "connecteur"appartient
à un vocabulaire consacré.17 Les traités
logiques
de Hilbert sontpostérieurs
à 1924.18 On peut se demander si les
symboles
de Schônfinkelappartiennent
à lalangue-objet
ou à lamétalangue (ceux
de la
première
n’étant pas alorsprésentés),
si a, b, parexemple, désignent
lespropositions
elles-mêmes ou sont des noms depropositions, simples
oucomplexes.
Il semble bien que cette alternative soit insuffisante.Schônfinkel ne marque pas la dénivellation entre
langue-objet
etmétalangue,
pasplus
que ne le font Whitehead etRussell
qui
écrivent parexemple
larègle
de détachement : I- p et > p D q alors I- q, bien que p,q soient dans leursymbolisme
despropositions
de lalangue-objet.
En fait, a,b, chez Schônfinkel, comme p,q, chez Whitehead-Russell, sont des variables de lalangue-objet qui
servent aussi de noms pour despropositions quelconques
de lalangue-objet.
Autrement dit, a est uneproposition
de lalangue-objet
mais cequ’on
dit de avaut pour b, etc. et même pour une
proposition complexe
traitée comme un toute19 Whitehead et Russell dans [1910],