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Université de Strasbourg INSPE. Sciences de l éducation et de la formation. A corps perdu

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Université de Strasbourg INSPE

Sciences de l’éducation et de la formation

A corps perdu

Exemple d’une action autour des écritures théâtrales dans des classes de la Drôme

Emmanuelle Pain

Sous la direction de Xavier Lucien et Christian Lamy

en vue de l’obtention du Diplôme des Hautes Études de Pratiques Sociales juillet 2020

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A corps perdu

Exemple d’une action autour des écritures théâtrales

dans des classes de la Drôme

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Note à l’attention du lecteur

Références et notes de bas de page : les références d’ouvrages qui ont été utiles pour la recherche sont répertoriées dans la bibliographie. Des notes de bas de page subsistent pour apporter une explication sur le propos, ou donner une source complémentaire.

Anonymat des personnes interrogées : les prénoms et noms des personnes ont été changés, même si les personnes concernées ont chacune accepté l’utilisation intégrale de leur propos.

Usage des guillemets et de l’italique : tous les mots entre guillemets correspondent à des citations, leurs auteurs sont chaque fois précisés. Le recours à l’italique a pour but d’interpeller le lecteur sur le sens de la formule, du mot choisi, sans risquer la confusion avec une citation.

Choix de la première personne : la première personne du singulier est employée à chaque fois qu’il s’agit d’un propos personnel, elle est logiquement très présente notamment dans la première partie, vouée à situer la question. Elle sera progressivement remplacée par la première personne du pluriel, qui, par convention, porte le propos de la recherche elle- même. Pour autant, les deux formes pourront se côtoyer dans certains passages.

Neutralité : la marque du masculin englobe parfois des noms ou adjectifs qui se rapportent à des hommes et des femmes ; il est utilisé dans ce cas comme marque de la neutralité.

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REMERCIEMENTS

A Catherine Frachon et Véronique Baraize impliquées au niveau de la fédération OCCE, qui ont œuvré pour que les conditions me soient bénéfiques afin de mener à bien ce travail.

Aux membres du conseil d’administration de l’OCCE de la Drôme qui ont accepté un ralentissement des activités de l’association.

A toutes les personnes qui ont accepté de me raconter Théa et bien d’autres choses que je cite ici par leurs initiales : KTD, CMR, BE, ST, NF, SDO, NE, EN, GJ, MAD, ainsi que L, C, L, L, L, C et A alors en CM2 qui m’ont accordé de leur précieux temps.

A Christian et Xavier pour leur accompagnement indéfectible.

A Marion, sans qui rien de tout cela n’aurait pu avoir lieu.

Et à celles et ceux qui ont accepté de lire ce travail et dont les retours m’ont aidée à avancer dans l’écriture, particulièrement à Gilles qui a apporté le mot « fin ».

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS...4

SOMMAIRE...5

INTRODUCTION...6

PARTIE 1 L’ACTRICE & LA CHERCHEUSE...7

CHAPITRE 1 Une autobiographie raisonnée sur le chemin de l’école...8

CHAPITRE 2 La chercheuse...18

PARTIE 2 LA RECHERCHE...31

CHAPITRE 1 Méthodologie de recherche...32

CHAPITRE 2 Des appuis théoriques...42

CHAPITRE 3 Mireille Cifali...47

CHAPITRE 4 A l’écoute du terrain...50

CHAPITRE 5 La transformation lors de la rencontre...54

CHAPITRE 6 Le regard des enfants...60

CHAPITRE 7 La question du / des Politique(s)...63

CHAPITRE 8 Les chemins de l’engagement...67

CONCLUSION...71

ANNEXES...73

BIBLIOGRAPHIE...322

GLOSSAIRE...326

TABLE DES MATIÈRES...327

RÉSUMÉ / ABSTRACT...331

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INTRODUCTION

« Plus que jamais nos enfants auront besoin de l’art et de la culture qui permettent de se construire des images pour « panser » et penser les angoisses, fabriquer du « commun » tout en respectant les singularités. Il faudra donc veiller, dans le cadre des enseignements eux-mêmes, à ménager des rencontres avec le vivant, l’inachevé, l’imprévu… et ne pas se contenter de transmettre des « savoirs fossiles » dans ce que le pédagogue Paulo Freire appelait une « pédagogie bancaire ». » C’est ici Philippe Meirieu1 qui parle dans une actualité qui est celle si particulière de l’année 2020.

Néanmoins ce « plus que jamais » est intemporel et existe parce qu’il pointe entre autre une faiblesse du système éducatif. La séparation entre les « fondamentaux » qui seraient le français et les mathématiques, et la culture, littéraire et scientifique, artistique ou physique, pourrait voir cette culture disparaître de l’École et donc priver une grande partie de la population des bienfaits de celle-ci.

La généralisation de l’éducation artistique et culturelle dans les écoles et son inscription dans le socle commun des compétences ont donné au domaine artistique une place majeure dans les textes, mais paradoxalement qui reste mineure sur le terrain.

Cette recherche s’intéresse à l’éducation artistique telle qu’elle est menée dans des écoles publiques au travers d’un projet liant littérature, théâtre et danse.

Le projet Théa qui est ici étudié, nous a amené à nous questionner sur la place des différents protagonistes acteurs du projet : des enfants ici élèves dans des classes d’écoles primaires, des enseignants, des artistes, et les différentes personnes qui œuvrent en amont et dans le temps du projet. Nous avons plus particulièrement observé le triangle formé par les artistes, les enfants et les enseignants et les interactions entre les trois parties, avec un focus particulier sur les enseignants et sur ce qui les met en mouvement.

La première partie situe la question : à partir d’une autobiographie raisonnée, elle présente d’où parle l’auteure et quels sont ses présupposés. Suit la description du terrain de la recherche, qui se trouve être l’association Office Central de la Coopération à l’École et l’Éducation nationale. Enfin, les questions initiales et la question de départ qui ont amorcé l’entrée en recherche.

La deuxième partie présente le travail de recherche à proprement parlé. Dans un premier temps la recherche méthodologie, c'est-à-dire le système de recherche éprouvé ; l’ensemble de la démarche est décliné, de la problématisation à l’analyse, en passant par la collecte des matériaux, en prenant le temps de présenter l’objet de recherche : le projet Théa.

Puis l’analyse des matériaux inscrits dans un terrain, au travers le regard de Mireille Cifali, universitaire en sciences de l’éducation, qui introduit la question de l’engagement dans la formation, dans les projets, tant intellectuel que corporel.

1. http://www.educationparlart.com/2020/06/l-ecole-est-un-lieu-de-construction-du-commun-philippe- meirieu.html

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PARTIE 1 L’ACTRICE & LA CHERCHEUSE

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CHAPITRE 1 Une autobiographie raisonnée sur le chemin de l’école

Car elle [l’autobiographie raisonnée]

affirme la possibilité pour chacun de découvrir sa propre histoire, non comme réalité objective mais comme interprétation, toujours en sursis, d’un parcours.

Jean-François Draperi2

Dans cette partie, il est question de l’actrice-chercheuse. L’actrice au sens de la personne active dans un terrain professionnel et personnel et la chercheuse, celle qui questionne ce terrain.

J’ai repéré des événements fondateurs centraux, permettant d’ouvrir des champs de réflexions et d’analyse sur mon parcours en lien avec cette recherche.

L’objectif étant ici de donner des clés au lecteur pour comprendre ce qui me structure et ce qui m’a permis de mener cette recherche et de construire ma pensée.

1. Le parcours « dit » professionnel

Détachement de mon corps d’origine, tel est mon statut administratif actuel sur les documents officiels que je reçois de la part de l’Éducation nationale. Cet intitulé, des plus poétiques à mon sens, résume bien le parcours de l’actrice que je suis. Il est question ici de détachement et par effet miroir d’attachement aux métiers de l’éducation, à l’enfance mais aussi à l’art. Une cohérence presque linéaire dans mon parcours professionnel : le métier d’enseignante puis le glissement vers celui de formatrice qui se veut multiple et qui n’est jamais très loin de l’enseignement.

Le mot corps, presque incongru dans un statut administratif, relève ici du langage utilisé par l’administration, la citation qui suit me permet donc de balayer l’expression « j’appartiens à tel corps ».

« À l’affirmation, "j’ai un corps" il convient donc d’opposer cette affirmation plus originaire

"je suis mon corps" » (Henry, 2011, p. 23) 1.1 L’enseignante

Formellement mon parcours professionnel a commencé lorsque je suis devenue professeure des écoles, même si j’avais auparavant exercé des métiers dans le champ de l’éducation et dans le cadre de l’animation auprès de jeunes enfants. En devenant 2. Sous la direction de Jean-François Draperi (2017), L’autobiographie raisonnée. Pratiques et usages, Presses de l’économie sociale.

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enseignante, j’ai réellement rencontré les enfants et la mise en œuvre concrète de l’acte d’enseigner. J’ai construit et reconstruit avec eux chaque année, une histoire, des histoires individuelles et collectives qui nous ont menées à bien des partages, à bien des réussites, mais aussi à de nombreuses difficultés parfois douloureuses. J’ai découvert à ce moment-là des personnes avides de connaissances et de partages, avec leurs vécus, leurs bagages encombrants parfois et toute la joie d’être simplement et d’apprendre. Cette rencontre a été probablement fondatrice pour moi, qui n’ai connu de l’enfance que l’amour, la liberté, et le doux ennui de l’école, l’ennui de celle qui se passionne pour tout mais qui va vite, très vite, trop vite.

J’ai exercé ce métier une dizaine d’années, seulement je suis tentée de dire, dans des milieux difficiles et atypiques. Tout d’abord sur l’île de La Réunion dans des écoles en milieux défavorisés socialement, auprès d’un public non francophone, enseignant dans une école de la République où le français est la langue d’enseignement, puis en quartier « sensible3 » à Valence dans la Drôme.

Je garde encore le souvenir d’élèves de CP (cours préparatoire) apprenant à lire en français alors que leur langue maternelle était le créole, magnifique langue mais qui s’entremêle si fort avec le français, qu’elles se mettent réciproquement des bâtons dans les roues.

Ces conditions d’enseignements ajoutées aux interrogations et à l’ignorance d’une enseignante débutante, car quoi qu’on en dise, « on ne sait pas ce qu’est le métier4 » avant de l’éprouver, m’ont ouverte rapidement à des questionnements forts sur le métier d’enseignante : comment faire « d’une autre manière » de que ce j’avais vécu enfant ou ce qu’on nous avait donné à voir, à entendre lors de ma formation initiale d’enseignante à l’IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres) qui me semblait peu adapté à ce que je vivais sur le terrain, comment mettre en œuvre une pédagogie qui me correspondait et qui serait adaptée à tels ou tels enfants, comment se sentir bien, s’épanouir dans ce métier ? Il n’est pas donc surprenant que dès ma deuxième année d’enseignement, j’ai été sensible et intéressée par les invitations d’un enseignant alors collègue issu du mouvement Freinet5 et que je me suis alors investie dans l’Institut Coopératif de l’École Moderne – Pédagogie Freinet6 (ICEM) pour échanger sur les pratiques professionnelles et m’enrichir des expériences d’autres sur la pédagogie Freinet.

Cela me laissait entrevoir des réponses à mes questionnements, m’ouvrait des perspectives d’une école plus ouverte sur le monde et me sortait d’un isolement forcé (classe et école isolée dans une commune loin des autres, sur une île au milieu de l’Océan Indien).

En effet le métier de professeure des écoles, que je peux aussi bien nommer d’instit, reste un métier où l’on se sent seule. Nous passons nos journées certes avec vingt-cinq enfants, nous avons des collègues dans la plupart des situations mais il n’en reste pas moins que ce métier est solitaire. L’échange et la construction d’un pensée réflexive commune reste peu courante et je peux ajouter que ce n’est pas dans le cadre d’une formation dite initiale puis continue que cela advient.

J’ai rencontré de réelles difficultés sur le terrain, notamment celles simplement d’être et de faire ensemble pour les enfants d’une classe, c’est à dire pour une année scolaire affectés à la même classe avec la même enseignante. En effet j’ai passé ma première année d’exercice à

3. Zone assimilée à une Zone d’éducation prioritaire (ZEP), mais sans les dispositifs afférents 4. Carnet de recherche Emmanuelle Pain (mars 2017)

5. Mouvement Freinet : Mouvement pédagogique 6. Association partenaire de l’École publique

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faire en sorte que les élèves acceptent d’entrer dans la même salle, ne se tapent pas les uns les autres, ne se crachent pas dessus, s’assoient côte à côte, se regardent, se parlent, se sourient et éventuellement une fois par chance puissent travailler ensemble.

J’ai aussi été confrontée à la problématique d’enseigner en prenant en compte l’élève, l’enfant avec sa vie à l’extérieur de cet espace classe avec tout ce que cela peut inclure ; des situations familiales complexes, des parcours de vie chaotiques,...tout simplement le réel ! Ces difficultés accordées avec ma personnalité et mon vécu scolaire m’ont fait entrer dans un autre univers, car non seulement j’étais confrontée à des expériences de vie que je n’avais pas vécues, et que parfois je n’aurais jamais pu imaginées, mais en plus je n’avais pas une expérience d’enseignante suffisamment assurée pour agir sur ces situations.

Assez rapidement j’ ai compris que je n’avais pas les outils adéquats pour faire travailler ces enfants, que nous étions un groupe et que nous avions besoin de travailler ces notions ; la place de chacun, le fonctionnement, l’aide, l’entraide…seulement à ce moment-ci de mon parcours, je n’étais pas en capacité de nommer cela en ces termes-là.

Lors de ma deuxième année d’enseignement dans une petite école à St Philippe (Réunion) de quatre classes, mon chemin s’est trouvé commun à celui de Youenn, qui pour sa part était plutôt à quelques années de la fin de sa carrière d’instituteur7 car oui il était instituteur, ce qui ici au delà de ce que cela peut signifier, montrait ses longues années d’expériences et son appartenance à une autre génération que la mienne. Il arrivait à la Réunion après quelques trente années à enseigner à l’école Freinet de Brest8.

C’est avec cette rencontre, tant géographique (nos classes étaient côte à côte) qu’humaine, que j’ai rencontré le monde, peu connu ou en tout cas peu médiatisé dans les espaces que j’avais jusqu’alors traversés, des pédagogies dites alternatives.

Alternatives simplement à ce qui se pratiquait sur le terrain, notamment à la Réunion, alternatives à ce que j’avais pu voir lors de ma formation initiale encore toute récente à ce moment-là et alternatives aux pédagogies les plus courantes sur le terrain (qui était celui de la Réunion pour moi) qui se voulaient plus ancrées dans un enseignement frontal où l’activité des élèves restait assez relative.

Avec Youenn, j’ai découvert une autre façon de considérer l’enfant, de ne plus voir uniquement l’élève mais l’enfant dans un environnement qui lui était propre mais aussi des façons d’envisager la classe qui me correspondaient. J’ai également commencé à entrevoir des espaces de travail collectif et de réflexion entre collègues.

Cela s’est traduit par la création d’un groupe départemental ICEM-Pédagogie Freinet, où nous nous retrouvions entre enseignants et éducateurs au sens plus large pour échanger et enrichir nos pratiques pédagogiques, mais aussi défendre et faire valoir cette pédagogie, ces pédagogies face à l’institution peu encline à celles-ci, en témoigne ce commentaire d’un inspecteur9 en visite dans ma classe ; « en CP on apprend à lire, pas à réfléchir !10» alors qu’il assistait à un moment philo11.

7. Depuis 1989 avec la création des IUFM, les nouveaux enseignants du 1er degré sont des professeurs des écoles.

8. École publique de quartier qui met en œuvre une pédagogie Freinet

9. Inspecteur de l’Education nationale (IEN), supérieur hiérarchique des professeurs des écoles (PE)

10. Carnet de recherche Emmanuelle Pain (décembre 2016) : remarque d’un inspecteur en visite dans la classe de CP dont j’avais la charge

11. Moment philo : dispositif collectif en classe de construction de la pensée individuelle et collective autour d’une question « philosophique »

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Au cours des années où j’ai exercé, j’ai enseigné dans toutes les classes de l’école élémentaire du CP (cours préparatoire) au CM2 (cours moyen deuxième année) qui précède l’entrée en sixième. Sur la dizaine d’années où j’ai été face à des élèves, l’art, de manière assez large, a pris une place importante dans les projets que j’ai menés, et parce que j’avais une sensibilité forte à tout ce qui touchait à l’art, j’ai largement introduit cela dans mes classes auprès des élèves.

J’ai tour à tour travaillé sur des projets de théâtre, de danse, de musique, d’art plastique, de sculpture…souvent au fil des propositions que nous recevions dans les écoles et des rencontres faites dans d’autres contextes. Je trouvais ici des façons de travailler différentes pour les élèves qui étaient tour à tour spectateurs et acteurs, mais aussi pour moi en tant qu’enseignante qui trouvait dans ces projets, une certaine liberté pédagogique.

C’est après l’expérience de multiples projets et les années d’expériences que j’ai découvert que la création artistique était possible avec une classe, non comme une superposition de réalisations individuelles mais comme une création collective réalisée avec la part de chacun.

Cela m’a demandé en tant qu’enseignante de bousculer mes certitudes, de faire un pas de côté que je n’avais pas fait auparavant, et ce mouvement n’a été possible uniquement parce que j’ai participé en tant qu’enseignante à une formation12.

En effet lors de l’année scolaire 2007-2008, engagée dans un projet nommé Théa13, j’ai assisté à un stage au niveau national, où j’ai pu vivre l’espace de quelques jours, la mise en pratique, la mise en corps, la mise en voix, la mise en mouvement des textes de Nathalie Papin14, auteure associée cette année-là. Il est évident que le fait de mettre en jeu mon propre corps, ma propre voix, a eu un impact sur les situations que j’ai ensuite mis en œuvre avec les enfants dans la classe.

Je n’avais pas d’expériences artistiques personnelles, mais au-delà de la pratique qui était proposée ici, la façon d’envisager le travail avec les enfants qui devenaient réellement acteurs du projet, était pour moi une nouveauté dans la façon où elle était nommée et assumée. Dans les faits pour la première fois, je trouvais dans la démarche artistique des similitudes avec le texte libre15 par exemple.

1.2 L’animatrice et la formatrice

Alors en poste en tant qu’enseignante dans une école coopérative16 à Valence (Drôme), mon parcours professionnel a croisé celui d’une autre association partenaire de l’école, l’Office Central de la Coopération à l’école (OCCE), certes moins engagée d’un point de vue pédagogique que l’ICEM, mais plus implantée sur le territoire et dans les écoles publiques. Mon arrivée sur le poste d’animatrice pédagogique a coïncidé pour l’association avec le développement de la formation à destination des enseignants. J’ai appris au fil des années et me suis forgée ma propre expérience au sein de l’association.

Depuis une dizaine d’années l’association propose des formations pour un public enseignant, issu du primaire et du secondaire17, mais aussi pour un public plus large exerçant dans le

12. Stage Théa/OCCE : Lorient (octobre 2007)

13. Théa : action d’éducation artistique portée par l’OCCE 14. Auteure de théâtre jeunesse

15. Pratique initiée par Célestin Freinet, qui permet à l’enfant d’exprimer par écrit sa pensée, de socialiser les écrits et de permettre un tâtonnement expérimental dans l’acte d’écrire

16. École qui met en œuvre des pratiques où la coopération est au centre des apprentissages

17. Enseignement primaire ; de la petite section au CM2, enseignement secondaire ; collège et lycée.

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domaine de l’éducation (personnels communales, parents d’élèves,...), principalement autour des pédagogies coopératives, je suis la personne dans l’association qui les élabore et les mène seule ou avec d’autres membres de l’association.

Simultanément, l’association a développé des projets à destination des classes, c’est à dire des élèves, principalement autour de l’éducation artistique avec la particularité de proposer des temps de formation pour les enseignants, ce qui a multiplié les formations proposées par l’OCCE et ouvert le champ de la co-formation, notamment avec les artistes associés aux différents projets.

2. Le parcours personnel

De l’école que j’ai traversée enfant, je n’ai pas beaucoup de souvenirs, les rares que je sois capable de mobiliser sont ceux qui racontent les moments où nous sortions de l’école.

Un souvenir fort et précis est ancré dans ma mémoire, celui où l’année de mes huit ans je suis allée avec ma classe au théâtre des Célestins à Lyon.

Avec ma famille nous n’allions pas, ou peu au théâtre et j’avais à ce moment-là vécu peu d’expériences similaires, mais quel bonheur de découvrir ce théâtre à l’italienne, ce lieu mythique et magique et quel bonheur encore plus grand que de voir sur scène des personnes vivantes, respirer, se regarder et jouer sous mes yeux. J’entends encore leur souffle tournoyer dans la salle et m’envelopper. J’ai encore en mémoire le voyage que ce morceau de vie sur scène nous avait fait faire, m’avait fait faire.

Au cours de ma scolarité, je suis souvent allée au théâtre, je me rappelle en détails chacun de ces moments, la robe de telle actrice, les mots de cet acteur, mon voisin de droite émerveillé, le texte de cette pièce, etc. et surtout le plaisir infini de sortir de la classe où je m’ennuyais tant.

Par la suite à chaque moment de ma vie, le spectacle vivant, plus large que le théâtre, a été présent. Une manière pour moi de comprendre les lieux où je vivais. La rencontre avec le théâtre, via l’école et comme spectatrice, puis avec les premières sensations, les murmures, les souffles, les corps vivants, a été fondatrice pour moi.

Le corps vivant et en mouvement aussi car engagée dans le sport que j’ai beaucoup pratiqué en étant enfant et adolescente. Le sport comme une école de l’entraînement, de l’esprit d’équipe, de l’engagement et de la compétition, non pas comme un modèle mais comme un moyen d’appréhender la vie et de développer un esprit critique. Car c’est probablement la pratique de la gymnastique et les multiples compétitions que j’ai vécues voire même subies, qui m’ont définitivement éloignée d’un mode de vie compétitif.

Il n’en reste pas moins que la pratique d’un sport m’est toujours nécessaire pour trouver l’équilibre entre l’esprit et le corps.

À ce parcours dans le monde de l’école et de l’art, s’entremêlent des voyages et des vies dans d’autres milieux, celui de New-York à l’aube de mes vingt ans, l’île de la Réunion pour célébrer une décennie de plus et la Drôme pour la suite des aventures.

Un corps et un esprit qui ont besoin de bouger en permanence, des voyages physiques pour vivre un ailleurs et vivre ailleurs et la lecture depuis l’enfance pour des voyages intérieurs et personnels. La lecture comme des voyages imperceptibles de l’extérieur et pourtant immensément riche à l’intérieur. « Le jour ou les jours où j'ai su lire seule, j'étais libre et j'ai accédé à un monde incroyable, celui des livres »18, et ce monde imaginaire m’a nourrie, m’a fait voyager bien au-delà de mes voyages réels.

18. Récit de vie Emmanuelle Pain du 16 novembre 2016

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3. Analyses transversales

3.1 De l’éducation, vers l’enseignement puis la formation

Écouter « Variation pour un départ19 », leçon d’adieu de Mireille Cifali, lors de son départ de l’université de Genève, me donne une irrésistible envie de retourner à l’université et me fait regretter de ne pas avoir suivi les cours de Mireille Cifali. Il est curieux pour moi de dire cela, car j’ai plutôt gardé un goût âpre de l’université, en tous cas de celle que j’ai fréquentée comme étudiante.

Si je remets dans l’ordre mon parcours, il commence par l’université, non il ne commence pas, mais il passe par l’université, peut-être le moment où j’ai fait des choix.

J’ai été à l’université dans un cursus scientifique, mathématiques puis sciences-physiques et chimie, j’en garde un souvenir presque anecdotique qui s’alimente au fil des années… cela ne me ressemble pas diront certains. Je garde en mémoire un rapport aux savoirs particuliers, une parole assurée, autorisée par un savoir scientifique.

Je n’ai pas en mémoire de véritables échanges avec mes professeurs, il est probable que je n’y ai pas été à ma place, je le vis aujourd’hui comme une mise à distance du Savoir.

Toute ma scolarité, de la maternelle à l’université pourrait se résumer comme cela, ils y a ceux qui savent, ceux qui sauront et les autres. Comme si j’avais été du bon côté, j’ai fait ce qu’il fallait faire, j’ai suivi les voies les plus reconnues pour être sûre d’être du bon côté, ce qui est extrêmement relatif j’en conviens. Je le raconte comme cela maintenant, mais il n’y avait rien de conscientisé dans ce processus.

En devenant enseignante, puis formatrice d’enseignants, j’ai été dans la logique d’un parcours, celui d’études à l’université sans souhait de devenir enseignante-chercheuse à l’université justement, mais d’une voie presque tracée vers l’enseignement au regard de mes multiples expériences avec les jeunes enfants dans le cadre de centre de vacances et d’un travail de fille au pair une année durant.

Je ne suis pas issue d’une famille d’enseignants, mais à la fin de mes études universitaires, j’ai présenté le concours de professeur des écoles que j’ai obtenu.

Je ne voulais pas vivre l’école comme une relation frontale entre l’enseignant et les élèves, mais créer un espace de vie et d’apprentissages sans hiérarchie.

La mise en pratique, la plongée dans le monde de l’enseignement, de la transmission est une curieuse aventure. Il y a celle avec les enfants, qui prend des allures magiques et presque mystiques, principalement parce que le monde de l’enfance l’est, magique !

Il y a celle avec les adultes, avec mes pairs, mais aussi avec d’autres, qui aident à la prise de conscience du processus de la formation vers l’accompagnement.

Tout au long de ces années où j’ai exercé comme professeure des écoles, j’ai eu besoin d’éprouver, de vivre les choses, sans avoir forcément le recul nécessaire, mais en y allant, en me trompant, en doutant, mais en faisant.

Puis mon chemin a été de quitter la classe et d’aller vers la formation d’adultes.

À nouveau j’ai éprouvé la pratique, je l’ai vécu de façon instinctive comme par nécessité.

Et c’est probablement à la faveur de ce chemin, que je suis aujourd’hui aussi sensible à ce que dit Mireille Cifali, elle met en lumière la part de nous, enseignant, formateur dans le processus en écrivant« La relation à l’autre est un accélérateur d’inconscient : nous allons jouer une part de nous, une part de notre histoire » (Cifali, 2018, p.40).

19. Cifali. M. Variation pour un départ, URL: https://mediaserver.unige.ch/play/VN3-13c1-2009-2010

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Dans ce passage d’un public d’enfants à celui d’adultes, j’ai également la volonté de

« travailler » la formation comme j’avais appréhendé le métier d’enseignante, c’est-à-dire en la rendant plus vivante et plus horizontale.

En tant qu’enseignante, j’ai eu peu de formation, en effet la formation initiale que j’ai suivi à l’IUFM20 puis une formation continue quasi inexistante, sont assez pauvres.

Il m’a toujours semblé difficile d’être formatrice au sein même de l’Éducation nationale, c’est à dire de devenir conseillère pédagogique21, en effet le cadre m’a toujours semblé rigide et empli d’injonctions, tant en termes de contenus, de temps réduits, d’horaires et d’effectifs.

3.2 De l’art à l’éducation artistique

L’avantage des classes qui font du théâtre est qu’elles se lèvent et parlent debout à leur professeur.

Philippe Avron22

Je n’ai pas grandi dans un milieu artistique et je ne suis pas artiste, mais au fil du temps et grâce à l’école j’ai eu accès à de multiples expressions de l’art : théâtre, danse, musée, etc., qui m’ont permis de développer une grande sensibilité à l’art en général, que j’ai pratiqué ou pratique de façon ponctuelle mais que j’ai surtout beaucoup développé dans le cadre de mon travail, en tant qu’enseignante et formatrice.

Entre 2009 et 2017, la grande majorité des actions à destination des écoles que j’ai développé professionnellement, sont dans le champ artistique. Je trouve un réel équilibre et une grande complémentarité à travailler avec des artistes, j’aime coordonner les projets et mêler les intervenants.

Il est ici question de l’éducation artistique (EA), en laquelle je crois fortement, Marie- Christine Bordeaux23 la définit comme telle : « l’EA relève de la sensibilisation et de la démocratisation de l’accès aux œuvres et aux lieux, et de l’initiation aux pratiques personnelles dans les approches collectives. Son but est l’ouverture et la découverte, non la spécialisation. » Il s’agit ici d’une définition de ce qu’est l’éducation artistique pour les enfants, sur et hors temps scolaire. Je l’ai vécu en tant qu’enseignante, et je me suis particulièrement attachée à la notion d’approche collective dans les pratiques en classe.

C’est avec le projet Théa, proposé par l’OCCE, que j’ai découvert réellement cette approche collective. Il s’agit pour ce projet de travailler avec une classe entière sur la mise en corps, en mots d’un extrait d’un texte de théâtre.

20. Institut Universitaire de Formation des Maîtres

21. Poste de formatrice dans le 1er degré soumis à un certificat d’aptitude à la formation 22. Comédien cité dans l’ouvrage « L’enfant debout » (cf bibliographie)

23. MC Bordeaux : chercheuse au GRESEC / Université de Grenoble 3

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Au delà de la découverte d’un univers littéraire que je ne connaissais pas, les écritures théâtrales à destination de la jeunesse24, ce projet m’a amenée à explorer une démarche de création artistique avec tout le groupe classe, ce qui n’est pas si courant.

Jean-Claude Lallias25 le dit avec brio : « En milieu scolaire , l’acte de création -forcément modeste- est de nature différente de la production et de la reproduction, c’est l’acceptation de l’aventure, la jubilation de la trouvaille, l’inattendu étrange ou l’étrangeté inattendue, force par sa présence à retrouver une énigmatique émotion, un émerveillement : on a été capable de faire surgir cela qui était improbable ? »26

En effet une démarche de création artistique, que je nomme ici comme cela mais qui je précise est dans une situation de classe, c’est à dire d’apprentissage, a pour objectif d’apprendre à créer (toute mesure gardée) et en même temps d’apprendre à le faire, et là est probablement toute la complexité. Cela demande pour l’enseignant, souvent de laisser ses certitudes de côté et d’accepter de construire avec les élèves le chemin et d’arriver à un résultat final que l’on ne connaît pas d’avance.

Nous pourrions comparer, toutes proportions gardées, cela à des expériences scientifiques.

En effet il y a peu d’autres situations où les élèves sont amenés à faire des hypothèses et des propositions, mais le cadre des sciences (physiques, découverte du monde,…) même si des hypothèses sont émises, nous savons où nous voulons arriver.

Cela peut aussi être comparé à des fonctionnements de classes, issus de la pédagogie Freinet ou des pédagogies coopératives27, où les projets qui sont menés au sein de la classe, se construisent au fur et à mesure avec les élèves.

Simplement dans les faits cela n’est pas si courant.

Dans le cadre artistique (art vivant mais aussi art visuel) des propositions sont faites et partagées par les membres du groupe, le chemin est inconnu et ici l’on ne sait pas où cela va nous amener. Cela est souvent réjouissant pour les enfants et déstabilisant pour l’adulte, l’enseignant qui les accompagne. Cela l’a été pour moi et j’ai l’intuition, illustrée par les années d’expériences et d’échanges avec les enseignants, que cela l’est pour eux.

24. Les textes de théâtre à l’école sont généralement ceux d’auteurs classiques. Depuis une vingtaine d’années les écritures théâtrales pour la jeunesse ont connu un essor important, notamment par le travail des maisons d’éditions telles que Théâtrales jeunesse, l’école des loisirs théâtre, Espace 34, etc. Voir ouvrages Marie Bernanoce (cf bibliographie)

25. JC Lallias : professeur Agrégé de Lettres et diplômé d’Études théâtrales, Conseiller pour le Théâtre à la délégation Arts et Culture (réseau-canopé, Ministère de l’Éducation nationale).

26. Lallias, JC. Les composantes d’une initiation artistique. (2008)

27. Pédagogies coopératives au sens s’inspirant de la pédagogie Freinet, de la pédagogie institutionnelle par exemple

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3.3 Le corps et les corps

« Que les humains se définissent par une existence charnelle ou par une conscience désincarnée, l’articulation entre corps et esprit reste une notion difficile à penser et à aborder comme le montre l’évitement de la question de la matérialité des corps dans la littérature de recherche. » Marie Gaussel28

s

La question du corps est transversale, tant dans le parcours de vie, que par le rapport à l’art mais aussi à l’éducation.

Il y a le corps au sens premier, que nous portons, que nous malaxons et que nous développons notamment dans la pratique des sports (gymnastique, tennis et natation) que j’ai pratiqué longtemps et à certains moments de ma vie de façon intensive.

Le corps dans l’engagement à vivre les choses, à ressentir des émotions, du désir dans la vie mais aussi dans le domaine de l’art, de la lecture ; « Comme si lire consistait d’abord à essayer une certaine relation du corps à ce qui l’entoure : être dedans, être dehors, s’unir ou se séparer, s’intégrer à quelque chose ou se l’assimiler, participer à un milieu, y prendre place, moduler le geste ou le regard consistant à prendre contact avec une chose et à la capter, traverser une frontière, essayer des sorties…» (Macé, 2011, p.33).

Mais aussi à la lecture de mon récit de vie29, le corps contraint dans l’école, tant dans mon parcours d’écolière que dans mon métier. Le corps est enfermé entre quatre murs la plupart du temps, et est contraint de rester dans une position fixe pendant plusieurs heures.

Le corps et les corps qui cohabitent dans des espaces pas toujours adaptés.

3.4 Le cadre et des normes

J’ai plutôt évolué dans un cadre de vie sécurisé et rassurant. D’un de point de vue macroscopique mon cadre de travail ou mes cadres de travail sont définis et me laissent suffisamment de liberté pour que je puisse m’épanouir, en tous cas cela a été le cas jusqu’à maintenant. En tant qu’enseignante dans l’École publique, j’ai toujours choisi la pédagogie que je voulais mettre en œuvre et les projets que je souhaitais développer, j’ai souvent lutté et résisté à des injonctions institutionnelles, mais avec la certitude que cela faisait partie du métier. Puis en devenant salariée d’une association, j’agis dans un autre cadre, défini également, mais qui me laisse plus de liberté en termes d’action.

En effet si j’étais formatrice au sein de l’Éducation nationale, je ne pourrais pas développer les thèmes de formation que je développe actuellement, ou du moins avec moins de facilité.

D’un point de vue microscopique, la question des normes de l’école me sont plus difficiles et notamment celles sur la contrainte des corps : être dans un espace clos, forcer le corps à

28. Marie Gaussel : Chargée d’étude et de recherche au service Veille et Analyses de l’Institut français de l’Éducation (IFÉ), citation tirée du dossier « Que fait le corps à l’École ? » (cf bibliographie)

29. Écrit en novembre 2016

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rester immobile notamment pour des enfants. Mais aussi les questions de cadre, de rythme scolaire je pourrais dire si j’utilisais le vocabulaire institutionnel, le cadre de vie de l’école (journée de travail, horaires, rythmes de vacances,…) n’est pas réfléchi et ne respecte pas les personnes. Certes il y a là une grosse machine, une institution, mais ces questions sont légitimes.

Le cadre institutionnel de l’Éducation nationale peut être violent pour les enfants et pour les adultes qui y évoluent.

Il ne l’a pas été pour moi, ou du moins pas de façon insupportable, mais suffisamment pour me faire sortir de l’école. Il me semble que pour qu’un cadre et les normes qui s’y référent soient vivables, il faut pouvoir bouger ce cadre, le déformer et le faire sien.

4. Conclusion

Cette autobiographie raisonnée reflète un parcours de vie, ici abordé sous un angle professionnel, assez équilibré et linéaire et juste sinueux ce qu’il faut pour me permettre des virages vers de nouvelles directions.

La cohérence est présente dans les choix opérés autour de métiers en lien avec la transmission et le partage et fortement lié à l’École publique.

Dans ce récit, n’apparaît pas ou peu la partie personnelle de mon parcours, ce n’est pas une omission mais un choix délibéré, cependant cette partie est présente dans tous les interstices de mon autobiographie raisonnée et se veut comme un liant des moments racontés.

Mes activités au sein de l’association OCCE sont multiples, elles ont pour fil conducteur « la coopération à l’École », mais ne se restreignent pas à l’espace « classe ». La coopération se travaille à tous les niveaux. Faire et apprendre à faire ensemble ne sont pas toujours aisés, il me semble que je m’engage dans cette voie à plusieurs niveaux et cela n’est pas sans heurt.

Que ce soit au sein même de l’association OCCE de la Drôme, ou au niveau fédéral, le terrain de recherche est large et varié.

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CHAPITRE 2 La chercheuse

Parfois et aussi incroyable que cela puisse paraître il s’avère que les fraises ont un goût de fraise Thomas Vineau30

1. Un désir de recherche

J’évolue dans un contexte qui est associatif avec l’OCCE et institutionnel31 avec l’École. Dans ces deux organisations, je constate qu’il y a peu d’espaces réfléchis et dédiés à des temps de réflexion. Si ces espaces existent, ils restent très confidentiels et j’ai eu très peu l’occasion de les investir.

Quand je parle d’espaces de réflexions, je dépasse ce qui est de l’ordre des échanges ou d’analyses de pratiques qui sont présents malgré tout, mais je me réfère à des espaces qui mettraient par exemple en lien la recherche universitaire et le terrain qui est celui de l’École, celui des associations partenaires de l’École où se situe l’OCCE.

Certes il en existe dans des cadres très précis ; par exemple dans l’académie de Grenoble, un dispositif nommé Passeurs Éducation-Recherche32, a pour objet de faciliter et de renforcer les liens entre éducation et recherche et s’adresse à des enseignants-formateurs et des chercheurs, des doctorants. Celui-ci, croisé dans le cadre de mon travail, est très peu connu et concerne peu de personnes, en tous cas pas les enseignants qui ont en charge une classe.

Autre exemple cette fois-ci au sein de la Fédération OCCE, un observatoire des pratiques coopératives est né enoctobre 2017. Ce dispositif porte et accompagne une dizaine de recherche-actions menées par les associations OCCE33 et des équipes d’enseignants dans les écoles. Je suis engagée dans une des recherche-action collectives, celle-ci travaille autour des situations d’étayages dans des classes primaires d’une école élémentaire de Valence.

Ces deux initiatives coïncident avec mon entrée en recherche, je pourrais y trouver aussi des espaces qui répondent à mon désir de recherche, notamment en ce qui concerne l’observatoire de l’OCCE.

Je peux aussi nommer le groupe « Pépiterato » interne à l’OCCE qui depuis quelques années a su ouvrir de réels espaces de réflexions et d’échanges au sein de l’OCCE. Ce groupe dont je fais partie est l’objet de recherche d’un mémoire de DHEPS34 réalisé en 2019.

30. Thomas Vineau, Parfois, Le Hanneton, 2019 31. Institution d’État : Éducation nationale

32. https://cardie.web.ac-grenoble.fr/article/les-passeurs-education-recherche-sont-la-pour-vous-accompagner 33. Il existe une association OCCE par département

34. Donner corps à la démocratie - Mise en mouvement de militant.es de la Coopération à l’École en formation Dynamique de la vie associative Marion Bertin-Sihr, 2019

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Ce groupe mouvant dans sa constitution est toujours actif notamment dans les formations autour des dynamiques de la vie associative.

Que ce soit l’observatoire des pratiques coopératives ou le groupe Pépitérato, les deux font partie de mon terrain qui entremêle association et institution et prend en compte l’actrice de ce terrain, en l’occurrence moi.

Ces terrains qui se veulent pluriels s’entremêlent pour n’en former qu’un seul, qui nécessite d’être décrit.

2. Le terrain

Le terrain décrit ci-après est fortement lié à mon statut professionnel. En effet je suis animatrice pédagogique de l’association OCCE de la Drôme, en détachement de l’Éducation nationale.

2.1 L’ Office Central de la Coopération à l’École L’OCCE en quelques mots

L’OCCE est une association qui a pour objet la promotion de la coopération à l’École via les coopératives scolaires35, elle est partenaire de l’École publique et est en convention avec l’Éducation nationale, qui est son principal terrain d’action et qui la subventionne notamment pour les postes d’enseignants36 dont je fais partie. Il existe une association OCCE par département, une fédération nationale, ainsi que des unions régionales.

Son champ d’action est celui des établissements d’enseignements publics, écoles maternelles

& élémentaires, collèges et lycées, par le biais d’actions à destination des classes et de formations pour les enseignants et autres publics liés à l’École.

La fédération OCCE au niveau national propose des actions dans différents domaines, qui sont présentés comme suit : Culture citoyenne, Lire-écrire, Culture littéraire, Culture artistique.

Dans la Drôme, trois actions nationales sont mises en œuvre, Étamine (Lire-écrire), École en poésie (Culture littéraire) et Théa (Culture artistique) ainsi que d’autres actions autour de l’éducation artistique, du développement durable et de la culture scientifique qui sont propres au département.

Le domaine de la formation est relativement développé au sein de l’OCCE de la Drôme, l’association est souvent sollicitée et est présente dans les plans de formation institutionnels des professionnels de l’éducation.

Un peu d’histoire

L’OCCE a été créé par des enseignants de l’Éducation nationale, et a longtemps été composé uniquement de personnels qui en étaient issus, par le biais de dispositifs de mise à disposition (MAD) d’enseignants par le ministère de l’Éducation nationale, j’ai moi même été mise à disposition de l’OCCE pour une année scolaire, où je cumulais ce poste à mi- temps et un autre en classe en tant qu’enseignante.

35. La coopérative scolaire est un regroupement d’adultes et d’élèves qui décident de mettre en œuvre un projet éducatif s’appuyant sur la pratique de la vie associative et coopérative.

36. Une partie des postes d’animateurs sont des postes d’enseignants détachés de l’Éducation nationale

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Depuis une bonne dizaine d’année le profil des postes a changé, une partie des animateurs et animatrices recrutés est issue d’autres secteurs : animation, éducation populaire, mais aussi secteur privé, ce qui engendre une nouvelle dynamique, qui est riche à mon sens, particulièrement parce qu’elle permet une mixité professionnelle enrichissante pour tous.

Le fonctionnement de l’OCCE est calqué en beaucoup de points sur celui de l’Éducation nationale, notamment dans la forme hiérarchique de l’organisation des postes.

Les projets menés par l’OCCE, et notamment ceux autour de l’éducation artistique, ont amené des partenariats avec les artistes et les structures culturelles, ce qui a permis aussi ici de sortir d’un entre-soi.

Le développement de ces partenariats est concomitant à l’ouverture des postes d’animateurs au secteur privé.

Au fil des années, les formations proposées autour des projets ont intégré les artistes et se sont orientées vers d’autres espaces de réflexion.

Théa présentée ci-dessous en est le plus bel exemple.

2.2 L’action THEA

Théa : théâtre & coopération est une action importante de l’OCCE d’un point de vue qualitatif : les auteurs et artistes associés, les stages proposés, le travail réalisé dans les classes, mais aussi d’un point de vue quantitatif : budget important alloué, subventions multiples, nombre important de formations.

L’histoire de Théa

Théa, comme le dit Karine37 « Théa est une fille », est née de la volonté de plusieurs personnes au sein de l’OCCE. Chacune et chacun, enseignantes, enseignants et artistes avaient développé dans son département des actions en faveur du théâtre-éducation, c’est-à- dire des actions de théâtre à destination des classes de l’école primaire principalement. Lors d’une rencontre dans un congrès de l’OCCE, ces personnes ont d’abord créé un groupe informel au sein de l’association, leur permettant d’échanger sur leurs pratiques, sur leurs réflexions autour du théâtre-éducation. Au fil des années, le souhait de créer une action phare au niveau de la fédération, est apparu, en même temps que celui d’éditer un ouvrage mettant par écrit les pensées et le travail de ce groupe, « L’enfant debout - Pratiques artistiques et coopération à l’école - Quel théâtre ?»38 est paru en 2008.

Les textes de théâtre d’auteurs contemporains, le partenariat avec des artistes en création et la formation à destination des enseignants sont les piliers de l’action Théa née en 2005.

Les textes sont ceux d’auteurs édités et vivants, à destination de la jeunesse, c’est à dire de l’enfance et de l’adolescence.

Le partenariat avec les artistes est une véritable coopération, ceux-ci en création par ailleurs, sont co-formateurs et interviennent dans les classes.

La formation est un temps fort du projet pour les enseignants, elle a pour objectif de les accompagner dans la découverte et l’appropriation des textes, de leur donner des outils pour travailler avec leurs élèves en classe.

Le projet aujourd’hui

37. Coordinatrice Art & culture fédération OCCE, interrogée lors de l’entretien exploratoire (mars 2017) 38. Groupe national théâtre de l’OCCE, Collection Repères pour agir, Scéren CRDP Champagne-Ardenne

(21)

Lors de l’année scolaire 2017/201839 Théa a été mené dans cinquante-deux départements en étant impulsé par les associations départementales. Karine en est la coordinatrice. Au niveau national, cela représente 656 classes, 16 400 enfants et adolescents engagés dans le projet sur une année scolaire, quelques 700 enseignants qui suivent une ou plusieurs formations, et environ 80 artistes (comédiens, danseurs, marionnettistes, plasticiens,…) partenaires.

Théa est une action importante de la fédération OCCE.

Tout d’abord par le nombres d’enfants et d’adultes qui y participent sur une période assez longue, celle d’une année scolaire en l’occurrence.

Puis avec les stages nationaux qui sont proposés aux artistes et aux porteurs du projet : un premier aux vacances d’automne de l’année en cours dans un lieu différent chaque année et au printemps qui précède à la Chartreuse de Villeneuve les Avignon40 qui prépare l’année qui suit.

Mais aussi par le choix d’une région ou d’un regroupement de départements qui reçoivent « les rencontres nationales Théa », une forme de mise en lumière de l’action au moment des rencontres de classes qui ont eu lieu en fin d’année.

Ainsi le budget alloué à l’action, qui est le plus important de toutes les actions de la fédération et l’est souvent aussi dans les départements, c’est le cas dans la Drôme.

Chaque département décline le projet, en conservant les fondamentaux et en travaillant avec son terrain. Les partenariats sont différents d’un département à l’autre, que ce soit avec les compagnies de théâtre, de danse, les structures culturelles (théâtre, médiathèque…), ainsi que les partenariats financiers (DRAC41, Conseil Départemental, mécénat…).

Dans la Drôme ce projet est mené depuis l’année 2007, il a été initié par mon prédécesseur sur le poste que j’occupe aujourd’hui. Les partenariats ont été multiples au fil des années.

Depuis quatre ans, une compagnie de théâtre et une compagnie de danse sont les structures artistiques associées.

Sur ce projet, j’agis à plusieurs niveaux :

- dans la Drôme, je coordonne le projet depuis l’année scolaire 2008/2009, cela veut dire que j’ai en charge de promouvoir l’action auprès des classes du département, je m’occupe des inscriptions de celles-ci.

Je recrute les artistes, travaille avec eux afin de préparer les temps de formation que nous co- animons, je gère également toute la partie administrative avec les compagnies associées et les structures culturelles qui nous accueillent.

J’interviens également dans les classes auprès des élèves.

Et partie non négligeable, c’est moi qui gère la partie financière du projet : montage financier, demande de subventions, convention avec les compagnies et autres structures.

- au niveau de la région Rhône-Alpes (ancienne appellation), je fédère les départements engagés dans Théa, six sur huit actuellement mènent Théa, j’organise une fois par an, un temps de rencontre des personnes engagées sur Théa (artistes et porteurs du projet), je les accompagne sur les formations qu’ils organisent.

39. Carte des départements: http://www.occe.coop/~thea/IMG/jpg/Thea_dans_les_AD-OCCE_2018.jpg 40. Centre National des Écritures du Spectacle, Villeneuve Les Avignon (Gard)

41. Direction Régionale des Affaires Culturelles

(22)

- au niveau national, je fais partie du groupe théâtre, ou plutôt du chantier théâtre42, celui-ci a pour objet de réfléchir à l’évolution du projet, au choix des auteurs et au fonctionnement en lui-même.

Sans les artistes, le projet ne pourrait exister. L’approche Théa qui est de travailler en classe entière sur des extraits déstabilisent les artistes quelquefois, Nadège comédienne associée au projet depuis de nombreuses années le dit comme cela : « Et je me suis dit

"qu’est-ce que je fais là ", ça c’était le début de la formation, c’était le premier jour et on a travaillé les textes, et à la fin de cette formation, il y a une restitution où on propose dans la Chartreuse des extraits choisis, etc. et là c’était génial car là je me suis rendu-compte que si c’est possible, ça marche. »

De plus les artistes sont soumis à certains nombres de contraintes qui ne facilitent pas toujours le travail, en effet l’Éducation nationale impose un système d’agrément qui permet aux artistes d’intervenir dans les classes, de même que la DRAC impose elle une labellisation des artistes pour pouvoir prétendre à des financements. Les deux étant bien-sûr différents.

Pour les associations telle que l’OCCE, qui est à la fois assimilée à une structure culturelle mais pas toujours, mais aussi reconnue comme association partenaire de l’École, il est parfois difficile de pouvoir travailler avec les artistes qui sont les compagnons de route de Théa, simplement parce qu’ils ne correspondent pas à tels ou tels critères pour les institutions qui financent le projet.

La place des enseignants

Les enseignants et les enseignantes, s’engagent volontairement dans le projet et selon les contextes cela peut être décidé avec les enfants ou sans. Il est rare qu’un enseignant s’engage sans connaître le projet, cela reste assez anecdotique.

Souvent les enseignants n’ont pas de pratiques artistiques et n’osent pas faire avec leur classe. Ils cherchent dans le projet, notamment la première année, un accompagnement, une aide pour se lancer. Quand ils inscrivent leur classe la deuxième année, cela prend une autre dimension, ils connaissent le cahier des charges et sont plus aptes à mettre la classe au travail.

Je ne pense pas que lors d’une première inscription, le concept de création soit conscientisé, cela vient plus tard.

La place des enfants

La majorité du temps, le projet est proposé aux classes par l’enseignant, quelquefois cela peut être discuté en décidant ensemble lors d’un conseil coopératif43. Léa, élève de CM2 interviewée dans le cadre de cette recherche et en répondant à ma question « comment parleras-tu de Théa à une copine ? » dit : « Ben parce que c’est génial, on apprend d’autres manières de faire du théâtre. […] Ben par exemple, moi mon activité Théâtre, il y a une personne qui joue un rôle, alors que là il y a plusieurs personnes qui jouent un rôle. »

De manière générale, les enfants sont partants pour ce type de projet, ils y voient quelque chose de non scolaire, au sens où ils ne sont pas dans la classe à écrire, pour eux ce n’est pas du travail.

42. L’OCCE fonctionne en chantier thématique, dont le chantier Théa dans le domaine Art & Culture 43. Instance de réflexions et de décisions dans une classe, avec tous les élèves et l’enseignant.

(23)

Il y a rarement, ou du moins je n’en ai jamais vu, des enfants qui n’adhèrent pas au projet.

Théa comme une évidence

Le projet existant depuis près de 15 ans est piloté par un groupe au sein de l’OCCE.

Groupe, chantier selon les périodes, la dénomination change, ce qui importe est que ce collectif se réunit régulièrement, travaille ensemble, envisage des pistes nouvelles, s’associe à des auteurs de théâtre.

Le groupe est mouvant, les personnes se renouvellent et c’est heureux. J’en ai fait partie pendant quelques années et j’ai pu m’y investir.

Théa pas toujours une évidence

Théa est bousculée régulièrement, non seulement par des histoires de financement, en effet dans beaucoup de régions nous nous retrouvons avec des baisses de subventions importantes.

Mais aussi au sein même de l’OCCE et de l’Éducation nationale, les partenariats avec l’institution sont remis en cause à chaque changement de personne. Les institutions culturelles (CDN44, scène nationale, théâtre…) n’accueillent pas toutes Théa de la même manière, et d’un département à l’autre, la mise en œuvre est parfois semée d’embûches.

Dans la Drôme, il a fallu de longues années pour établir un partenariat pérenne avec l’Éducation nationale, qui offre une journée de stages aux enseignants pour le projet.

Les partenariats culturels et artistiques ont aussi demandé du temps, mais ne sont jamais assurés indéfiniment.

2.3 Les espaces de formation

L’OCCE propose des formations à destination des enseignants principalement, le cadre institutionnel se décline comme suit.

Dans le cadre institutionnel

L’OCCE au niveau national est en convention avec le ministère de l’Éducation nationale, un des axes de celle-ci est la formation des enseignants. A ce titre l’association est sollicitée pour mener des formations dans le cadre de la formation continue des enseignants.

Dans le premier degré, la formation continue dans le plan départemental de formation (PDF) se décline comme suit :

- dix-huit heures de formation obligatoires pour chaque enseignant, sous la forme de module de trois heures, six heures ou neuf heures, hors temps de travail face à des élèves (mercredi généralement).

- une journée de stage à la demande et sous réserve de place, sur une journée en classe et en étant remplacé.

Dans le second degré, la formation est inscrite dans le plan académique de formation (PAF) : - une ou deux journées de stage à la demande et sous réserve de place, sans remplacement.

L’OCCE, je parle ici de l’association drômoise, intervient dans le cadre des dix-huit heures obligatoires dans le premier degré sur des thèmes autour des pédagogies coopératives : les conseils coopératifs, la personnalisation des apprentissages (plan de travail, tutorat,…), la prévention des conflits (médiations par les pairs), …

44. Centre Dramatique National

(24)

Ce sont les inspecteurs et les inspectrices qui font appel à l’OCCE pour intervenir dans leur secteur appelé circonscription.

Depuis la rentrée 2018, ce champs d’action s’est significativement réduit, en effet, les propositions portent sur les savoirs fondamentaux, à savoir les mathématiques et le français et aussi quelquefois dans le cadre de stages inscrits au PDF.

Dans le cadre du second degré, l’OCCE n’intervient pas.

Hors cadre institutionnel

Cependant il reste plusieurs champs d’actions dans le cadre de la formation où l’OCCE a une place.

- dans des stages d’établissements d’une journée ou plus, par exemple collège ou lycée, à la demande de celui-ci.

- en accompagnement d’équipes d’écoles ou d’établissements à leur demande : travail en équipe, mener un projet coopératif par exemple.

- dans le cadre des projets coopératifs proposés aux enseignants, en effet la quasi la totalité des projets proposés par l’OCCE Drôme ont un volet formation.

C’est le cas de Théa qui comporte entre neuf heures et douze heures de formations par an et qui se tiennent hors temps scolaire.

Autres espaces

Il existe d’autres lieux et d’autres publics où les formations sont menés, par exemple auprès du personnel péri-scolaire, d’autres acteurs de l’école (ATSEM45, AVS46,…) et les parents ainsi que l’espace des stages syndicaux.

2.4 Conclusion

Les espaces institutionnels de formation se restreignent d’année en année.

Dans le cadre des dix-huit heures obligatoires pour les enseignants du premier degré, souvent les conditions de travail ne sont pas optimales: les espaces de travail sont inadaptés aux personnes présentes (par exemple une classe de maternelle avec du mobilier pour des enfants de trois ans !), des modules de trois heures en soirée après une journée de classe pour les enseignants.

Les enseignants ont peu de choix dans les thèmes, et se retrouvent avec des formations imposées sur des sujets non pédagogiques (sécurité, livret scolaire en ligne, etc.) ou n’ont pas accès aux stages demandés.

L’idée ici de formation tout au long de la vie est mise à mal.

Les enseignants, si nous les interrogeons ne sont pas satisfaits de la formation continue qui leur est proposée, la critiquent, la trouvent inadaptée mais continuent à s’y rendre (car obligatoire). Celle-ci étant soumise à de multiples contraintes institutionnelles ou des réformes qui s’enchaînent47.

Temporairement, dans la Drôme à l’OCCE nous avons fait le choix de ne plus intervenir sur ces dix-huit heures car nos propositions de formation sont devenues, il me

45. Agent territorial spécialisé des écoles maternelles 46. Auxiliaire de vie scolaire

47. Depuis la rentrée 2019, les 18h sont obligatoirement 9h de français et 9h de mathématiques

(25)

semble, au fil des années, des moyens « gratuits48 » de remplir des créneaux de formation qui ne pouvaient être assurés par des formateurs in-situ.

L’OCCE accompagne des équipes à leur demande sur des temps variables, de un mois à une année, voir plus.

Mais elle continue d’intégrer dans les projets à destination des classes, des temps de formation pour les enseignants. Celles-ci se tiennent sur des temps « non institutionnels », par exemple les week-ends, et sont plébiscitées par les enseignants.

Les enseignants trouvent là des espaces de réflexions, des apports qui répondent à leurs besoins et souvent dans le cas des projets culturels, une mise en corps qui est salutaire, au sens où, de la pratique (théâtre, danse, chant) est proposée.

48. Les formations proposées par l’OCCE pour l’EN, ne sont pas facturées

(26)

3. Mise en question

3.1 Un triangle d’apprentissage mutuel

« D’une façon générale , on peut légitimement s’interroger sur l’existence d’un « effet formation », d’ordre systémique, lié à la généralisation de l’éducation artistique et aux particularités des dispositifs qu’elle introduit dans l’école : pas seulement sur les élèves, mais aussi sur les enseignants, sur les artistes, sur les équipes éducatives et les établissements , voire sur ces autres « partenaires » que sont les parents. La recherche anglo-saxonne et nord américaine s’est d’ailleurs montrée sensible à certaines de ces dimensions, comme en témoigne par exemple la notion de « triangle d’apprentissage mutuel » proposée par Pipa Lord49 et d’autres chercheurs du National Foundation for Educationnal Research, suite à leur étude évaluative du projet Art and Education Interface, un programme d’intervention fondé sur les arts mis en place au Royaume-uni, ou encore le thème du « troisième espace » ouvert dans l’école et la l’intervention artistique, thème théorisé par Richard Deasy50 et les chercheurs de l’Arts Education Partnership aux États- Unis. »

(Kerlan, A. Lemonchois, M. (2019) p.9)

Dans ce terrain, j’ai un certain nombre de présupposés, qui sont de l’ordre de ce que j’imagine, éventuellement de ce qui fait partie de la « mythologie » collective du terrain, où que je tire de de ma propre expérience. Je les énonce ici pour me permettre ensuite de les déconstruire ou de les vérifier tout au long de cette étude.

Tout d’abord, j’ai l’idée, ici liée à mon expérience d’enseignante et de formatrice, que la majorité des enseignants du premier degré (mais que je peux étendre aisément à ceux du second degré) mènent une pédagogie que je définirais comme classique, dans le sens où leur méthodologie de travail est souvent de l’ordre du « transmissif » et lié à un enseignement frontal où l’on peut aisément dire que la classe est composée de deux parties : l’enseignant et les élèves, qui pourrait donner par extrapolation, d’un coté celui qui détient le savoir et de l’autre ceux qui sont là pour apprendre.

Ce qui m’amène à penser que cette pédagogie dite classique ne permet pas toujours des phases de recherche et de création pour les élèves.

Je suppose donc que pour la majorité de ceux qui s’engagent dans un projet d’éducation artistique tel Théa, la démarche de création artistique telle qu’elle est menée avec les artistes, est une nouveauté.

Un certain nombre d’enseignants ont des craintes à accueillir des intervenants, artistes ou autres, au sein de leur classe, et cela est rarement nommé.

Dans le cas d’un artiste, deux cas de figures se présentent : soit l’artiste arrive avec son projet et le propose clé en main, soit une collaboration entre l’enseignant et l’artiste se met en place pour mener à bien l’action.

49. LORD, P. (2008). Le projet Arts and Education Interface. Effets sur les élèves et les jeunes. Dans Évaluer les effets de l’Education Artistique et Culturelle. Symposium européen et international de recherche (p.81- 89). Paris : la documentation française, Centre Pompidou

50. DEASY, R. (2008). Le troisième espace. Quand l’acte d’apprendre prend tout son sens. Dans Évaluer les effets de l’Education Artistique et Culturelle. Symposium européen et international de recherche (p.81-89).

Paris : la documentation française, Centre Pompidou

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Depuis plus de 24 ans dans l’immobilier, Didier Siounath a débuté sa carrière comme conseiller immobilier avant d’évoluer dans différents postes de direction