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La participation des victimes aux procédures pénales internationales et les droits de l'accusé

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La participation des victimes aux procédures pénales internationales et les droits de l'accusé

FARDEL, Mélissa

FARDEL, Mélissa. La participation des victimes aux procédures pénales

internationales et les droits de l'accusé . Genève : Schulthess éditions romandes, 2019, 284 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:146914

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Les droits de participation des victimes dans les procédures pénales internationales se caractérisent par la grande complexité de leur mise en œuvre et par les nombreuses interrogations qu’ils soulèvent. En particulier, le nombre élevé de victimes autorisées à participer à une procédure ou encore certains droits spécifiques accordés aux victimes sont régulièrement critiqués pour leur impact sur les droits de l’accusé. Cette étude a pour objectif de démontrer qu’il n’existe pas d’antinomie radicale entre la partici­

pation des victimes et le respect des droits de l’accusé. Les victimes ont leur place dans les procédures pénales internationales, elles y sont titulaires de droits et ces droits peuvent être exercés dans le respect des droits de l’accusé. En particulier, les juges ont une fonction essentielle à jouer dans la recherche d’un équilibre entre les droits des victimes et les droits de l’accusé, du fait de leur rôle dans l’interprétation et la mise en œuvre des règles relatives à la participation des victimes.

Dans cette étude, le régime participatif des victimes de la Cour pénale internationale est comparé à celui des Chambres extra­

ordinaires au sein des tribunaux cambodgiens et à celui du Tribu­

nal spécial pour le Liban.

www.schulthess.com

Mélissa Fardel

La participation des victimes aux procédures pénales internationales et les droits de l’accusé

Droit international

C G

Collection Genevoise

M élissa F ar del La par ticipa tion des vic times aux pr oc édur es pénales in ter na tionales et les dr oits de l ’ac cusé

C G

Collection Genevoise

ISBN 978-3-7255-8735-3

B405085-CG Fardel La participation des victimes_UG.indd Alle Seiten 08.07.19 12:39

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La participation des victimes aux

procédures pénales internationales

et les droits de l’accusé

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C G

Collection Genevoise

Droit international

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Mélissa Fardel

La participation

des victimes aux

procédures pénales

internationales et les

droits de l’accusé

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Thèse n° 954 de la Faculté de droit de l’Université de Genève

La Faculté de droit autorise l’impression de la présente dissertation sans entendre émettre par là une opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées.

Références à jour au 31 décembre 2017

ISBN 978-3-7255-8735-3

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2019 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion et distribution en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine SPRL,

Avenue Milcamps 119, B-1030 Bruxelles ; téléphone et télécopieur : +32 (0)2 736 68 47 ; courriel : patrimoine@telenet.be

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek : La Deutsche Nationalbi- bliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie ; les données bi- bliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

internationales et les droits de l’accusé, « Collection Genevoise » »«»»», Genève / Zurich 2018, Schulthess Éditions Romandes

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Je tiens à remercier chaleureusement les professeurs Nicolas Michel et Robert Roth, codirecteurs de ma thèse, pour leur encadrement bienveillant, leur confiance et leur soutien pendant mon doctorat et mon assistanat. Un remerciement particulier au professeur Nicolas Michel et à la Faculté de droit de l’Université de Genève pour m’avoir permis de rejoindre, pendant un semestre, la Section de la participation des victimes du Tribunal spécial pour le Liban. Ces six mois à La Haye ont profondément marqué mes recherches et ma vision de la place des victimes dans les procédures pénales internationales.

Je remercie également les professeurs Damien Scalia (Université de Bruxelles) et Yvan Jeanneret (Université de Genève), membres du jury de ma thèse, pour leurs commentaires et leurs conseils lors de la soutenance du 6 mars 2018. Merci également au professeur Bénédict Foëx, doyen de la Faculté de droit de l’Université de Genève, pour avoir présidé le jury.

Je remercie la Commission de l’égalité de la Faculté de droit et le Service égalité de l’Université de Genève pour leur soutien et leur générosité en m’accordant un Subside tremplin en 2016. Le prix a largement contribué à l’accomplissement de mon doctorat. Dans ce cadre, je remercie tout particulièrement la professeure Corinne Charbonnel, ma mentore, pour ses conseils et son écoute.

Merci aux professeurs et aux collègues du Département de droit international public et organisation internationale ainsi qu’à ceux du Département de droit pénal de l’Université de Genève. Ce fut un plaisir de travailler à leurs côtés. Un merci particulier au professeur Marco Sassòli pour sa bienveillance ainsi qu’à Djemila, Julie, Eugénie, Viera, Xenia et Vanessa pour leur soutien et leur amitié. Un merci tout particulier à Rachelle, mon acolyte de thèse, avec qui l’aventure du doctorat aurait été bien différente.

Un tout grand merci à : Muriel Fassora, Marie-Claude Ruata et Aline Perrin pour leur indispensable accompagnement ; Nathalie pour avoir relu attentivement ma thèse ; Mireille, Monique, Valériane, Maude, Véronique et Bessy pour leur précieuse amitié ; Olivier, Steve, Cédric, Mathis et Freya pour leur présence bienfaitrice ; et du fond du coeur à mes parents et à mes sœurs pour leur soutien inconditionnel et pour avoir toujours cru en moi.

Finalement, merci infiniment à toi, Nicolas, pour le rôle essentiel que tu as joué tout au long de mon doctorat. Merci d’avoir partagé cette grande aventure avec moi.

Au-delà du droit, il y a l’Humain, j’en suis plus persuadée que jamais.

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A l’origine de la justice pénale internationale contemporaine, la victime n’existait pas (judiciairement).

Dans les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex- Yougoslavie et le Rwanda, la victime n’apparaît que comme l’objet de mesures de protection (article 22 du Statut du TPIY, 21 du Statut du TPIR), nullement comme un sujet de la procédure. Ne se voyant reconnaître aucun statut, elle est passive aussi bien lors de la phase d’instruction qu’à l’audience. Elle doit parfois être présente, mais c’est uniquement en tant qu’élément essentiel du puzzle que représente le crime. Dès lors, l’initiative de requérir la protection de la victime en n’autorisant pas la divulgation de son identité revient à l’une des parties (généralement le Procureur), et non à l’intéressée lui (elle)-même (69 A) RPP TPIY et RPP TPIR).

Les choses changèrent au début des années 2000. L’entrée en vigueur en 2002 du Statut de la Cour pénale internationale et, surtout, la création de deux tribunaux dits hybrides, les Chambres extraordinaires auprès des Tribunaux cambodgiens et le Tribunal spécial pour le Liban donnèrent naissance à un véritable statut judiciaire international de la victime. L’influence française sur le droit des deux pays concernés explique l’impulsion considérable que donnèrent les CETC et le TSL à un mouvement que le Statut de la CPI avait amorcé dès son adoption en 1998.

La victime peut ainsi être représentée, faire entendre sa voix dans le prétoire, réclamer la réparation du dommage subi. Les sections d’aide aux victimes et témoins qui existaient dès l’origine (75 RPP TPIY et RPP TPIR) se sont développées et graduellement émancipées du Greffe des juridictions.

L’évolution ne s’est pas faite sans heurts et contestations, aussi bien à l’intérieur des tribunaux qu’à l’extérieur de ceux-ci, et cette évolution n’est pas achevée. Mélissa Fardel offre dans sa thèse une très bonne synthèse de cette évolution, tant sur le plan « légal » que jurisprudentiel; elle le fait en français, ce qui est particulièrement bienvenu à un double titre : de manière générale, pour enrichir une littérature consacrée à la justice pénale internationale dont le caractère monolingue anglais contribue à l’uniformisation et à l’effacement des différences ; plus spécifiquement, pour rendre compte avec finesse et en épousant les subtilités de la tradition française dans un des rares domaines où son influence a été déterminante.

Une plume suisse est également bienvenue dans ce domaine. La réforme de la procédure pénale helvétique, adoptée en 2007 et entrée en vigueur en 2011, est à certains égards proche de l’état actuel du droit appliqué dans et par la justice pénale internationale : cette réforme a opportunément complètement dissocié participation de la victime à la procédure et prétention de la victime à

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être indemnisée pour le dommage subi. Selon le système novateur mis en place en Suisse, la victime peut décider, alternativement ou cumulativement, l’une et l’autre voies. L’émancipation du droit à participer à la procédure de la demande de réparation du dommage, qui démantèle le régime traditionnel de la partie civile, repose sur une philosophie proche de celle qui a été façonnée en parallèle au sein de la justice pénale internationale.

Mélissa Fardel ne se contente pas de décrire avec minutie le processus d’évolution et l’état des textes et de la jurisprudence. Elle soumet également au lecteur des propositions souvent innovantes ; ainsi sur la garantie de l’anonymat accordé aux victimes participant à la procédure.

Aussi importante que soit la mise en place d’un statut judiciaire de la victime, elle ne représente qu’une première étape dans un processus qu’il faut considérer de manière plus globale. Une fois reconnus une place et un rôle pour les victimes dans la procédure, la seconde étape du processus concerne la vocation de la justice pénale internationale elle-même. Autrement dit, après une phase d’intégration judiciaire vient une phase de transformation institutionnelle.

Après avoir fait le point sur la première phrase du processus, Mélissa Fardel pose les jalons pour la seconde.

L’enjeu de cette seconde phase est bien résumé dans une citation de la chercheuse Sofia Stolk1: « International criminal tribunals are increasingly put forward as places where victim scan pursue their search for truth or even as sites where truth as a right can be exercised »2. Certes, les textes réglementaires ne reconnaissent pas pour l’heure le droit (subjectif) à la vérité – même si le Statut de la Cour pénale internationale donne au Procureur la responsabilité d’« établir la vérité » (article 54 1) a)) -, et cette figure essentielle du droit international des droits de l’homme contemporain ne se laisse pas transposer sans beaucoup de mal dans le domaine de la justice pénale internationale. Le droit à la vérité dont il s’agit ne saurait être le droit à la vérité judiciaire. Or l’objet du « droit de la vérité » consacré par les Statuts (s’agissant de la Cour pénale internationale, outre la disposition précitée, article 69 3) pour la Chambre de première instance, qui procède aux auditions) est la vérité telle qu’elle ressort des débats (et indirectement de l‘instruction du Procureur). Le droit à la vérité ne saurait donc découler du droit de la vérité. Sauf à déclencher ou à admettre une révolution copernicienne, il ne saurait y avoir de place dans un procès pénal pour une autre vérité que la vérité judiciaire.

Si son exploration de ce sujet, à ce stade encore largement prospectif, reste modeste, Mélissa Fardel ouvre toutefois des perspectives plus réalistes, sous la forme essentiellement d’un plaidoyer et d’un réquisitoire.

1 S. Stolk ’The Victim, the ICC and the search for truth’, Jnal of Int. Crim. Justice 2015, p. 975.

2 Nos italiques.

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Le plaidoyer concerne l’institution du juge de la mise en état, telle que l’a instaurée le Tribunal spécial pour le Liban. A juste titre, Mélissa Fardel souligne que cette innovation, une des plus significatives de la décennie, favorise la consistance des décisions, si importante dans un système souvent mis en cause en raison de l’insécurité juridique qu’il a secrétée et sécrète encore, et que les conditions juridiques dans lesquelles travaille ce juge permettent la constitution d’un corpus de décisions indépendantes et éclairées.

Le réquisitoire, que l’on lit en filigrane, vise le caractère incomplet du

« système », en l’absence d’une autorité de nature civile habilitée à traiter des demandes de réparation des victimes de manière approfondie et indépendante. Cette autorité serait-elle mieux à même de sanctionner judiciairement un droit à la vérité puisqu’elle serait affranchie des contraintes procédurales qui enserrent la justice pénale ? Voilà une des questions fondamentales des prochaines années, que la thèse de Mélissa Fardel permettra d’aborder sur une base solide.

Enrichies par une expérience personnelle auprès du Tribunal spécial pour le Liban, les réflexions critiques de Mélissa Fardel sont marquées par une profonde conviction, celle de la nécessité de trouver et de mettre en place dans la justice pénale internationale un statut procédural adéquat pour les victimes.

Cette posture engagée n’empêche pas l’auteure de garder un regard critique sur les évolutions récentes et de les évaluer sous le double aspect de leur apport effectif pour les victimes et de l’équité du procès.

Nicolas Michel Robert Roth

Professeur honoraire Professeur honoraire

Faculté de droit, Université de Genève Faculté de droit, Université de Genève

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Introduction ... 7

Première partie : Les fondements juridiques et l’évolution de la participation des victimes aux procédures pénales internationales ... 19

Chapitre 1 : Des arguments pour une participation des victimes aux procédures pénales internationales... 20

Chapitre 2 : Les traditions juridiques et les théories relatives à la justification des peines pour expliquer la participation des victimes aux procédures pénales internationales ... 37

Chapitre 3 : Les étapes essentielles de l’intégration des victimes dans les procédures pénales internationales... 55

Deuxième partie : CPI, CETC et TSL : Les régimes participatifs des victimes et leur relation avec les droits de l’accusé ... 99

Chapitre 1 : La définition du terme « victime » ... 100

Chapitre 2 : Le statut de victime ... 112

Chapitre 3 : Les rapports entre la participation des victimes et le respect des droits de l’accusé ... 159

Chapitre 4 : Les réponses aux critiques ... 179

Conclusion ... 225

Bibliographie ... 239

Table des matières ... 279

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AEP Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome AGNU Assemblée générale des Nations Unies

art./arts. article/articles

ASP Assembly of States Parties to the Rome Statute BCPV Bureau du conseil public pour les victimes

CAE Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises

CDI Commission du droit international

CEDEAO Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest CETC Chambres extraordinaires au sein des tribunaux

cambodgiens

Ch. Chapitre

CPI Cour pénale internationale

CrEDH Cour européenne des droits de l’homme CSNU Conseil de sécurité des Nations Unies

Doc. Document

ECCC Extraordinary Chambers in the Courts of Cambodia ECOSOC Economic and Social Council

ed./eds. éditeur/éditeurs et al. et alii (et autres)

FIDH Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme Ibid. Ibidem (au même endroit)

ICC International Criminal Court

ICTJ International Center for Transitional Justice i.e. id est (c’est-à-dire)

nbp. note de bas de page

ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies

p./pp. page/pages

para./paras. paragraphe/paragraphes RCA République centrafricaine

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RDC République démocratique du Congo

Res. Résolution

RI Règlement intérieur

RPE Règlement de procédure et de preuve RPP Rules of Procedure and Evidence SGNU Secrétaire général des Nations Unies

ss. suivant-e-s

STL Special Tribunal for Lebanon TMI Tribunal militaire international TPI Tribunal pénal international

TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie TSL Tribunal spécial pour le Liban

TSSL Tribunal spécial pour la Sierra Leone

UA Union africaine

UE Union européenne

UNODC Office des Nations Unies contre la drogue et le crime UNTAET United Nations Transitional Administration in East Timor UNTS United Nations Treaty Series

VIS Victim impact statement

VPP Victime participant à la procédure VRWG Victims’ Rights Working Group

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I. Le sujet et l’objectif de la thèse

En 1998, lors de la cérémonie de signature du Statut de Rome de la CPI, Kofi Annan décrivait la création de la Cour comme un « gage d’espoir pour les générations à venir et un pas de géant sur la voie du respect universel des droits de l’homme et de l’état de droit »3. La déclaration du SGNU comporte une signification particulière pour les victimes des crimes les plus graves (ci- après, également appelés crimes internationaux) qui, jusqu’à l’adoption du Statut de Rome, n’avaient ni statut propre ni droits de participation dans les procédures pénales internationales. Les dispositions du Statut, complétées par celles du RPP de la Cour, constituent ainsi une avancée majeure pour les victimes des crimes internationaux. L’inclusion des victimes dans le Statut de Rome démontre la volonté des Etats de leur donner une voix et un rôle distincts dans les procédures pénales internationales. Elle suggère également qu’un retour à la situation des victimes devant les TPI pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda n’est plus possible : les victimes ne sont pas seulement des témoins à disposition des parties, mais des êtres humains qui ont besoin que justice soit faite pour pouvoir se reconstruire.

Si le principe de la participation des victimes aux procédures pénales internationales n’est aujourd’hui plus remis en question de manière fondamentale, et s’il est perçu comme une avancée positive de la justice pénale internationale, il n’en va pas de même des droits de participation des victimes dans les procédures4. Ceux-ci se caractérisent par la grande complexité qu’engendre leur mise en œuvre et par les nombreuses interrogations qu’ils soulèvent. En particulier, le nombre (très) élevé de victimes autorisées à participer à une procédure ou encore certains droits spécifiques accordés aux victimes (par exemple, le droit de produire des preuves à charge ou le droit d’interroger l’accusé) sont régulièrement critiqués pour leur impact sur les droits de l’accusé et l’équité des procédures. Plus précisément, l’exercice de droits par les victimes porterait atteinte à l’efficacité et à la durée des procédures, au droit de l’accusé à être jugé de manière impartiale, à l’égalité des armes ou encore au principe de la présomption d’innocence de l’accusé.

3 ONU, La cérémonie de signature du Statut de Rome de la Cour pénale internationale s’est tenue au Campidoglio pour commémorer la clôture de la Conférence, Communiqué de presse, Doc. ONU L/218, 20 juillet 1998.

4 FIDH, Five Myths about Victim Participation in ICC Proceedings, p. 6; Expert Initiative on Promoting Effectiveness at the International Criminal Court, p. 176; HOVEN, Civil Party Participation in Trials of Mass Crimes, p. 21; REDRESS, Independent Panel of Experts Report on Victim Participation at the International Criminal Court, p. 11, para. 42.

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Les critiques proviennent d’observateurs extérieurs mais également de l’intérieur même de la CPI.

La thèse a pour objectif de démontrer qu’il n’existe pas d’antinomie radicale entre la participation des victimes et le respect des droits de l’accusé.

Au contraire, les victimes ont leur place dans les procédures pénales internationales, elles y sont titulaires de droits et ces droits peuvent être exercés dans le respect des droits de l’accusé. Un juste équilibre entre les droits des victimes et les droits de l’accusé est possible pour autant que certaines conditions soient respectées et que des efforts soient fournis en ce sens par tous les acteurs de la justice pénale internationale. En particulier, les juges ont une fonction essentielle à jouer dans la recherche de l’équilibre précité du fait de leur rôle dans l’interprétation et la mise en œuvre des règles relatives à la participation des victimes. Dans la thèse, le régime participatif des victimes de la CPI est comparé à ceux mis en place par les CETC et le TSL qui sont actuellement les seuls tribunaux pénaux internationalisés dont les statuts autorisent la participation des victimes et leur reconnaissent des droits dans les procédures5. Le choix d’inclure les tribunaux précités dans la thèse se justifie aussi par le fait que leur pratique respective est suffisamment développée, commentée et critiquée pour servir de base à des recherches doctorales portant sur la participation des victimes. Pour les CETC, par exemple, la participation des parties civiles lors du premier procès a fait l’objet de vives critiques en lien avec les droits de l’accusé6. Pour le TSL, la situation est quelque peu différente puisque sa pratique de la participation des victimes soulève moins d’interrogations que celles de la CPI et des CETC. Néanmoins, le tribunal spécial est pris en compte dans les recherches car ses règles de procédure ont été pensées, à partir des expériences antérieures de la CPI et des CETC, de façon à garantir un équilibre entre une protection totale des droits de l’accusé et une participation large des victimes7. Inclure le TSL permet ainsi de jauger, tout au long de la thèse, si sa pratique est la plus aboutie en termes de respect des droits de l’accusé et des droits des victimes ou, au contraire, si une autre solution devrait être proposée8.

5 Au sujet des Chambres spéciales pour le Kosovo et des CEA, voir chapitre 3.V.C de la première partie.

6 Voir, par exemple, le chapitre 3.V.D.1 ci-après.

7 Voir le chapitre 3.V.D.2 de la première partie.

8 L’intérêt de l’auteure pour le TSL et sa pratique provient également d’un stage juridique effectué auprès de la Section de participation des victimes du TSL entre septembre 2013 et février 2014 à La Haye, Pays-Bas.

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II. L’intérêt, les difficultés et les enjeux du sujet traité

La justice est essentielle dans le processus de guérison personnelle des victimes et, à plus large échelle, dans un processus de réconciliation nationale puisqu’il ne peut y avoir de paix sans justice. Pour les victimes, il importe surtout qu’un tribunal reconnaisse que des crimes ont été commis, qu’il atteste que les crimes ont fait des victimes et que des poursuites soient engagées contre les auteurs des crimes. Toutefois, dans un contexte conflictuel ou post- conflictuel, il est peu probable que les victimes puissent s’adresser aux tribunaux étatiques, lorsqu’ils existent, pour demander justice. Dans certains cas, l’Etat n’a pas la volonté de poursuivre les responsables en justice. Dans ces situations, le seul recours pour les victimes est la justice pénale internationale9. Or, celle-ci a pendant longtemps marginalisé les victimes en ne leur accordant aucun droit dans les procédures, si ce n’est celui d’être appelé à témoigner pour l’une ou l’autre des parties. Ce n’est qu’à partir de l’adoption du Statut de Rome de la CPI, il y a près de 20 ans, que les victimes ont été prises en compte en tant que telles dans les procédures pénales internationales grâce aux efforts soutenus de la société civile. La participation des victimes est, de ce fait, une composante jeune et encore en développement de la justice pénale internationale.

La situation des victimes tranche avec celle de l’accusé dont le respect des droits est un pilier des procédures pénales internationales depuis la création des premiers tribunaux pénaux internationaux en 1945. De ce fait, si les droits de l’accusé ne sont pas respectés, le tribunal concerné perd toute crédibilité et légitimité. Il n’en va pas de même pour les victimes dont la participation aux procédures de la CPI est soumise à conditions et dépend de l’appréciation des juges. La situation résulte de l’incapacité des Etats à s’entendre sur les modalités de la participation des victimes lors des négociations du Statut de Rome. Dès lors, si le principe même de la participation des victimes a pu être inscrit à l’art. 68-3 du Statut, le contenu et la mise en œuvre du régime participatif des victimes ont été confiés, par les Etats, aux juges de la Cour. Par conséquent, les juges ont pour tâche de veiller non seulement à ce que les procédures soient justes et équitables envers l’accusé mais aussi qu’elles permettent une participation effective des victimes dans le respect des droits de l’accusé. Il s’agit d’un exercice complexe de mise en balance des intérêts des victimes et de ceux de l’accusé dont le résultat devrait mener à un juste équilibre entre les droits en présence. La tâche des juges de la CPI se révèle ainsi très compliquée, d’autant plus qu’il n’existe aucun précédent international sur lequel ils pourraient s’appuyer.

9 Encore faut-il qu’il existe un tribunal pénal international ou internationalisé compétent pour juger les crimes subis par les victimes. Dans le cas contraire, force est de constater qu’il n’y a pas de solution judiciaire à disposition des victimes, malheureusement.

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La participation des victimes a engendré interrogations et critiques dès les premières décisions de la Cour à son sujet, c’est-à-dire dès 2006. Depuis, la participation des victimes n’a cessé de faire l’objet de décisions (souvent contradictoires) des chambres de la Cour et d’articles de doctrine. Le sujet est abondamment discuté car il oppose deux visions principales de la justice pénale : celle provenant de la common law et de son modèle procédural adversarial dans lequel il n’y a généralement pas de place pour les victimes et celle ayant pour origine le droit romano-germanique et son modèle procédural non-adversarial qui intègre habituellement les victimes aux procédures pénales10. De ce fait, la participation des victimes constitue l’une des questions les plus complexes et les plus contestées de la justice pénale internationale.

L’enjeu est de taille pour la CPI, comme pour les CETC et le TSL, qui ont pour tâche de rendre justice aux victimes dans un contexte qui ne leur est pas totalement favorable tout en démontrant que la participation des victimes s’exerce dans le respect des droits de l’accusé. Les objectifs et les attentes sont ainsi très élevés et, pour le cas où ils ne seraient pas remplis, il est fort probable que la confiance des victimes et des observateurs extérieurs en la justice pénale internationale soit ébranlée, ce qui porterait également atteinte à sa crédibilité.

Dans le pire des cas, cela démontrerait que les victimes n’ont pas leur place dans les procédures pénales internationales.

Pour éviter cette situation, des recherches détaillées visant à clarifier les rapports entre la participation des victimes et les droits de l’accusé sont nécessaires. En particulier, il est indispensable de vérifier si les craintes concernant l’impact de la participation des victimes sur les droits de l’accusé sont fondées et, dans ce cas, quelles sont les mesures envisagées par les tribunaux pour remédier à la situation. Dans cette optique, les questions suivantes sont examinées dans la thèse : En quoi consistent les régimes participatifs des victimes mis en place par la CPI, les CETC et le TSL ? La mise en œuvre de ces régimes a-t-elle un impact sur les droits de l’accusé ? Quels sont les droits affectés et dans quelle mesure ? Un remède est-il trouvé par les juges ? Dans le cas contraire (ou de manière complémentaire), quelles recommandations peuvent être données ? Les réponses aux questions qui précèdent permettront également d’évaluer, en fin de thèse, si la situation des victimes devant la CPI, les CETC et le TSL est satisfaisante et comment elle pourrait être améliorée. Selon les conclusions, il sera possible de vérifier si la justice pénale internationale rend effectivement justice aux victimes ou si, au contraire, elle ne crée pas davantage de désillusions et de déceptions chez les victimes au risque de les victimiser une nouvelle fois. Autrement dit, il s’agira de vérifier si les victimes ont réellement leur place devant les tribunaux pénaux internationaux ou si d’autres solutions ne devraient pas être

10 Ces différentes notions sont expliquées dans le chapitre 2 de la première partie.

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envisagées pour leur rendre justice de manière plus efficace, comme le soutiennent un certain nombre d’auteurs.

III. La terminologie et la délimitation du sujet

Les paragraphes qui suivent précisent le sens de plusieurs expressions essentielles utilisées dans la thèse. Les précisions contribuent à la délimitation du sujet.

A. Victime

Dans la thèse, une victime est une personne physique qui a subi un préjudice (physique, morale et/ou économique) du fait de la commission d’un crime11. Dans la première partie de la thèse, le crime en question relève soit du droit commun soit du droit international selon les chapitres concernés12. Dans la seconde partie, le crime entre exclusivement dans la compétence matérielle de la CPI, des CETC ou du TSL. La définition du terme « victime » évolue en fonction des règles et de la jurisprudence de chacun de trois tribunaux précités. A noter que toutes les personnes physiques qui ont subi un préjudice en raison d’un crime entrant dans la compétence du tribunal concerné peuvent être reconnues en tant que victimes de ce crime, y compris les mineurs, les personnes en situation de handicap, les victimes indirectes et les personnes agissant au nom de personnes décédées13. En ce qui concerne les personnes morales, bien que les règles de la CPI et celles des CETC les incluent dans la catégorie des victimes, elles ne sont pas prises en compte dans la thèse14. Le TSL exclut les personnes morales de son champ de compétence15.

11 Il s’agit d’une définition générale reprenant les critères communs aux définitions données par la CPI, les CETC et le TSL au terme « victime ». Les critères sont examinés en détails dans le chapitre 1 de la seconde partie de la thèse. La définition est, en outre, inspirée de la Déclaration de 1985 sur laquelle se base la définition de la CPI, celle du TSL et, dans une moindre mesure, celle des CETC.

Au sujet de la Déclaration de 1985, voir le chapitre 3.II de la première partie.

12 L’expression « droit commun » est utilisée dans la thèse pour qualifier, en comparaison des crimes internationaux, les crimes qui relèvent exclusivement du droit national. Les crimes internationaux sont définis dans l’introduction de la thèse.

13 Chaque tribunal a toutefois ses propres conditions à ce sujet. Pour la CPI, voir le chapitre 1.I.A de la seconde partie de la thèse. Pour de plus amples détails et une comparaison entre la CPI, les CETC et le TSL, voir par exemple : DUMONT, « Requirements for Victim Participation », pp. 45-79.

14 Les personnes morales ne constituent encore qu’un infime pourcentage des demandes de participation en tant que victimes devant la CPI et les CETC. Pour la CPI, il peut être fait référence à la décision suivante dans laquelle le statut de victime a été reconnu à un directeur d’une école ayant introduit une demande de participation au nom de celle-ci : Situation en République démocratique du Congo, Corrigendum à la « Décision sur les demandes de participation à la procédure déposées dans le cadre de l'enquête en République démocratique du Congo par a/0004/06 à a/0009/06, a/0016/06 à a/0063/06, a/0071/06 à a/0080/06 et a/0105/06 à a/110(06, a/0188/06, a/0128/06 à a/0162/06, a/0199/06, a/0203/06, a/0209/06, a/0214/06, a/0220/06 à a/0222/06, a/0224/06,

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B. Participation des victimes

Le champ de recherche est limité à la participation des victimes, c’est-à-dire la présentation des « vues et préoccupations » des victimes au cours d’une procédure pénale internationale, généralement par l’intermédiaire d’un représentant légal16. Devant la CPI et le TSL, une victime qui est autorisée à participer obtient le statut de victime participant aux procédures (ou à la procédure, expression utilisée par le TSL). Pour le CETC, la victime devient une partie civile.

Seules les personnes dont la demande de participation a été acceptée par la CPI, les CETC ou le TSL et qui ont, de ce fait, obtenu le statut de victime participant aux procédures ou de parties civiles sont prises en compte dans la seconde partie de la thèse. Sont ainsi écartées des recherches les personnes dont la demande de participation est pendante et qui n’ont pas encore été officiellement reconnues en tant que victimes par le tribunal concerné. Il en va de même des personnes ayant adressé une plainte ou fourni des informations à l’un des tribunaux précités sur les crimes commis, leurs auteurs et/ou les préjudices endurés puisque ces personnes n’ont généralement pas (encore) le statut de victimes participant aux procédures ou de parties civiles. En outre, les demandes de participation qui visent uniquement la phase des réparations ne sont pas intégrées dans la thèse car elles ne concernent pas la participation des victimes proprement dite. En effet, la procédure relative à la réparation est une procédure distincte à laquelle les victimes peuvent demander à participer sans avoir, auparavant, pris part à la procédure pénale. Devant la CPI, les victimes peuvent ainsi introduire une demande en réparation indépendamment d’une participation au procès17. A première vue, la

a/0227/06 à a/0230/06, a/0234/06 à a/0236/06, a/0240/06, a/0225/06, a/0226/06, a/0231/06 à a/0233/06, a/0237/06 à a/0239/06 et a/0241/06 à a/0250/06 », Chambre préliminaire I, ICC-01/04- 423-Corr, 31 janvier 2008, paras. 142-143 et p. 58. A noter que la Règle 85-b du RPP/CPI (qui contient la définition du terme victime en lien avec les personnes morales) semble indiquer une subsidiarité de cette catégorie de victimes par rapport aux personnes physiques du fait de l’utilisation de l’expression peut aussi s’entendrede dans l’alinéa b de l’article. Cette expression ne se retrouve pas dans l’alinéa a consacré aux personnes physiques. Voir à ce sujet, DE BROUWER/HEIKKILÄ, « Victim Issues », p. 1301. Pour les CETC, aucune personne morale n’a participé aux affaires 001 et 002 en tant que parties civiles selon les documents suivants : Les co-procureurs c. Kaing Guek Eav, Jugement - annexe III, Chambre de première instance, Dossier n°001/18-07- 2007/ECCC/TC, 26 juillet 2010; Les co-procureurs c. Nuon Chea et al., Jugement du premier procès dans le cadre du dossier n° 002, annexe II – liste des parties civiles, Chambre de première instance, Dossier n°002/19-09-2007/ECCC/TC, 7 août 2014.

15 Selon l’article 2 du RPP/TSL, une victime est « toute personne physique ayant subi un préjudice physique, matériel ou moral résultant directement d’un attentat relevant de la compétence du Tribunal ». Voir également : TSL, Mémoire explicatif du règlement de procédure et de preuve, para.

19.

16 CPI, Les victimes devant la Cour pénale internationale - un guide d’information sur la participation des victimes aux procédures de la Cour, p. 11. L’expression « vues et préoccupations » est expliquée dans le chapitre 2.I.C.2.b et 2.II.A.2 de la seconde partie.

17 Le prononcé de la culpabilité de l’accusé est toutefois la condition pour obtenir des réparations. Voir les arts. 68-3 et 75 du Statut de Rome et la Règle 94 du RPP/CPI.

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participation des victimes à la phase des réparations ne soulève pas autant de questions et de critiques que la participation des victimes à la procédure pénale. Cependant, les informations et la jurisprudence existantes à ce sujet sont encore très limitées, ce qui, pour l’instant, ne permet ni de tirer des conclusions ni de comparer la pratique de la Cour à celle des autres tribunaux18. A noter que l’art. 25 du Statut du TSL exclut la possibilité pour les victimes de demander réparation devant le tribunal, la question devant être soumise aux tribunaux nationaux.

Il faut également préciser que la protection des victimes n’est abordée que de manière subsidiaire dans la thèse, c’est-à-dire seulement lorsqu’elle crée des difficultés en lien avec les droits de l’accusé et la participation des victimes. La protection n’est donc pas traitée comme un sujet en soi, bien qu’elle constitue, avec la participation et les réparations, l’un des trois piliers de la question des victimes devant les tribunaux pénaux internationaux.

A noter encore que les victimes qui participent aux procédures pénales internationales ont pour principal souhait que l’instance compétente fasse la lumière sur les évènements du passé et établisse la vérité19. La notion de vérité doit être comprise, dans la thèse, comme une vérité judiciaire, soit celle qui, sur la base du droit, permet l’établissement des faits, l’identification des responsables et la déclaration de leur responsabilité. Selon la jurisprudence de la CPI, ces trois éléments sont « au cœur du droit à la vérité qui est largement reconnu aux victimes de violations graves des droits de l’homme »20. En particulier, la vérité judiciaire (ou la vérité du droit) ne doit pas être confondue avec la vérité historique qui, elle, est du seul ressort des historiens et ne concerne pas directement le sujet de la thèse.

C. Droits de l’accusé

L’expression « droits de l’accusé » fait référence aux droits fondamentaux garantis à l’accusé dans les instruments juridiques de la CPI, des CETC et du TSL21. Le terme « accusé » est employé de manière large, incluant également le suspect. Ainsi, l’expression « droits de l’accusé » s’applique à toutes les phases

18 Par exemple, seules trois affaires sur un total de vingt-six ont atteint le stade des réparations devant la CPI. Il s’agit des affaires Lubanga, Katanga et Al Mahdi. Quant aux CETC, les juges ont prononcé des réparations dans les affaires 001 et 002/1 uniquement : Les co-procureurs c. Kaing Guek Eav, Jugement, Chambre de première instance, Dossier n° 001/18-07-2007/ECCC/TC, 26 juillet 2010 ; Les co-procureurs c. Nuon Chea et al., Jugement du premier procès dans le cadre du dossier n° 002, Chambre de première instance, Dossier n°002/19-09-2007/ECCC/TC, 7 août 2014.

19 Voir, par exemple, p. 27 de la thèse.

20 Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, Décision relative à l’ensemble des droits procéduraux associés à la qualité de victime dans le cadre de la procédure préliminaire en l’espèce, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-01/07-474-tFRA, 13 mai 2008, para. 32.

21 Il s’agit des arts. 66 et 67 du Statut de Rome, de l’art. 35 (nouveau) de la Loi de 2004 portant création des CETC et de l’art. 16 du Statut du TSL.

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de la procédure, c’est-à-dire aux enquêtes, au stade préliminaire d’une affaire (durant laquelle les charges sont établies), au stade du procès et au stade de l’appel22.

D. Droit international pénal et procédures pénales internationales

Le droit international pénal est le droit « constitué par l’ensemble des infractions pénales définies par le droit international dans des traités ou par la coutume, et potentiellement punissables, de ce fait même, devant un tribunal international »23. Le droit international pénal est celui appliqué par les tribunaux pénaux internationaux et les tribunaux pénaux internationalisés, à l’exception du TSL qui applique uniquement le droit matériel libanais. Il s’agit du droit positif, tel qu’il existe.

Le droit international pénal est mis en œuvre dans des procédures pénales internationales, c’est-à-dire des procédures judiciaires qui ont pour but d’établir la culpabilité d’un individu particulier pour des crimes entrant dans la compétence du tribunal concerné. Une procédure pénale internationale se compose généralement de trois phases : la phase préliminaire d’une affaire (y compris les enquêtes), la phase du procès et la phase de l’appel.

E. Crimes internationaux

L’expression « crimes internationaux » fait référence aux crimes énumérés à l’art. 5 du Statut de Rome, soit « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale »24. Il s’agit du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. La disposition mentionne également le crime d’agression. Néanmoins, l’infraction n’est pas prise en compte dans la thèse car aucun des tribunaux examinés n’est actuellement compétent à son égard. En effet, l’exercice de la compétence de la CPI vis-à-vis du crime d’agression est soumis à certaines conditions qui ne sont pas encore remplies25. Quant aux CETC et au TSL, le crime d’agression

22 Dans ce sens : SCHABAS, The International Criminal Court : A Commentary on the Rome Statute, pp.

1019-1020.

23 KOLB/SCALIA, Droit international pénal, p. 13.

24 Art. 5, Statut de Rome.

25 Les conditions sont mentionnées dans la résolution RC/Res.6 et son annexe I « Amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale relatifs au crime d’agression » adoptés par l’AEP lors de la Conférence de révision du Statut de Rome à Kampala (Ouganda) le 11 juin 2010. A noter que le 14 décembre 2017, l’AEP a décidé de déclencher la compétence de la CPI à l’égard du crime d’agression dès le 17 juillet 2018 (Résolution ICC-ASP/16/Res.5).

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n’entre pas dans leur champ de compétence matérielle26. Cela implique qu’il n’existe pas, pour l’instant, de jurisprudence ou de pratique relatives à la reconnaissance du statut de victimes d’agression ou concernant le traitement procédural des victimes de ce crime. A première vue, rien n’indique toutefois que le régime procédural des victimes d’agression doive être différent de celui des victimes de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre, bien que la question se pose de savoir si, conceptuellement, l’agression peut entraîner des victimes individuelles27. Dès lors, il ne paraît pas nécessaire de discuter plus en détail du crime d’agression dans la suite de la thèse.

IV. La structure de la thèse

La thèse est divisée en deux parties principales. La première est consacrée aux fondements juridiques et à l’évolution de la participation des victimes aux procédures pénales internationales. La seconde traite des différents régimes de participation des victimes devant la CPI, les CETC et le TSL et de leurs rapports avec les droits de l’accusé.

La première partie est un préalable indispensable à la compréhension de la seconde. Elle se compose de trois chapitres. Le chapitre 1, consacré aux arguments pour une participation des victimes aux procédures pénales internationales, pose les fondations d’une approche centrée sur les victimes et leurs intérêts. Le chapitre 2 traite des traditions juridiques et des théories relatives à la justification des peines pour expliquer la participation des victimes aux procédures pénales internationales. Plus précisément, le titre I du deuxième chapitre vise à distinguer la tradition de la common law de la tradition romano-germanique, d’abord de manière générale (A) puis quant à la procédure - adversarial ou non-adversarial - qui leur est habituellement associée (B)28. Le sous-titre (C) traite de la place des victimes dans les procédures susmentionnées, les divergences de vue se situant bien plus au niveau de la

26 La compétence matérielle des CETC porte sur des crimes relevant du droit pénal cambodgien ainsi que le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre (arts. 3 (nouveau) à 7 de la Loi de 2004 portant création des CETC). Le TSL est compétent uniquement à l’égard de certains crimes de droit matériel libanais (art. 2 du Statut du TSL).

27 En effet, le crime d’agression est défini à l’art. 8bis du Statut de Rome comme un acte visant la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État. Ainsi, contrairement, aux autres crimes entrant dans la compétence de la Cour, le crime d’agression n’est pas commis à l’encontre d’individus mais contre un Etat dans son ensemble. Par conséquent, la question se posera certainement aux juges de la Cour de décider si des personnes physiques peuvent être reconnues victimes (directes ou indirectes) du crime d’agression. Les travaux préparatoires des amendements au Statut de Rome n’indiquent pas que les victimes aient été prises en compte dans les discussions sur le crime d’agression, bien que le sujet fut à l’ordre du jour à Kampala. Il n’existe pas non plus d’opinio juris sur la question de la reconnaissance des personnes physiques en tant que victimes du crime d’agression. Pour de plus amples détails sur le sujet : POBJIE, « Victims of Crime of Aggression ».

28 Les notions sont définies dans le chapitre 2.I de la première partie.

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distinction adversarial - non-adversarial qu’au niveau des traditions juridiques elles-mêmes. Le sous-titre (D) clôt les développements relatifs aux traditions juridiques et aux procédures en examinant leur influence respective sur la procédure pénale internationale et la participation des victimes. Le titre II, quant à lui, a pour but de présenter les deux théories traditionnelles relatives à la justification des peines que sont le rétributivisme et l’utilitarisme (A)29. Le sous-titre (B) examine la place des victimes dans les théories traditionnelles, alors que le sous-titre (C) analyse l’influence de chacune des théories sur la justice pénale internationale et la participation des victimes. L’exposé se termine par une courte présentation de la justice réparatrice en tant que défi au rétributivisme et à l’utilitarisme (D). Quant au chapitre 3, il se concentre sur les étapes essentielles de l’intégration des victimes dans les procédures pénales internationales, soit sur les TMI de Nuremberg et de Tokyo (I), sur le Mouvement en faveur des victimes et l’adoption de la Déclaration de 1985 par l’AGNU (II), sur les TPI pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda (III) et sur l’adoption du Statut de Rome de la CPI (IV). Le titre (V) traite des tribunaux internationalisés et explique pourquoi certains d’entre eux sont écartés des recherches alors que les CETC et le TSL sont pris en compte dans la suite de l’exposé.

La seconde partie de la thèse constitue le cœur des recherches. Elle se concentre en priorité sur la CPI et, à titre de comparaison, sur les CETC et le TSL. Cette partie débute par une analyse de la définition du terme « victime » telle que donnée par les instruments juridiques de chacun des trois tribunaux précités (chapitre 1). Le chapitre 2 traite du statut de victime et est composé de deux titres principaux : le titre (I) examine le cadre légal de la participation des victimes, alors que le titre (II) traite des modalités de participation des victimes, en particulier celles qui peuvent engendrer un conflit avec les droits de l’accusé. Sont ainsi étudiés, la représentation légale des victimes et des parties civiles, les droits de participation, la possibilité du double statut de victime et de témoin et la participation des victimes anonymes. Le chapitre 3 discute des rapports entre la participation des victimes et les droits de l’accusé : le titre (I) porte sur le difficile équilibre entre les deux éléments susmentionnés, le titre (II) explique pourquoi les droits de l’accusé devraient primer sur la participation des victimes en cas de conflit, et le titre (III) énonce les critiques régulièrement émises à l’encontre de la participation des victimes en lien avec les droits de l’accusé. Les critiques sont groupées en quatre thèmes : (A) le manque d’impartialité des juges du fait de la présence des victimes dans les procédures, (B) l’impact de la participation des victimes sur l’efficacité et la durée des procédures, (C) la participation des victimes et le préjudice causé à l’égalité des armes et (D) l’atteinte à la présomption d’innocence de l’accusé. Le chapitre 4 est consacré à l’examen des critiques. Le

29 Les termes sont expliqués dans le chapitre 2.II de la première partie.

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chapitre se concentre prioritairement sur l’efficacité des procédures et l’égalité des armes, sujets qui sont les plus régulièrement soumis aux critiques dans la doctrine et à l’intérieur même des tribunaux étudiés (titres I et II). Pour chacun des sujets, il est exposé la source du problème, les solutions trouvées par les tribunaux et les recommandations qui peuvent être faites pour améliorer la relation entre la participation des victimes et le respect des droits de l’accusé.

Les résultats obtenus de l’examen des critiques relatives à l’efficacité des procédures et à l’égalité des armes permettent de tirer des conclusions quant aux critiques portant sur le manque d’impartialité des juges vis-à-vis de l’accusé et à celles relatives à la présomption d’innocence de l’accusé (titre III).

Les deux sujets sont groupés sous un même titre au vu des similitudes entre les critiques respectivement émises à leur encontre. Il est, de ce fait, plus efficace de les traiter ensemble à la fin du chapitre.

La conclusion de la thèse a été rédigée de façon à donner une vue d’ensemble des éléments étudiés et des résultats obtenus. Les questions précédemment énoncées dans le titre II de l’introduction de la thèse y trouvent également des réponses.

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Première partie : Les fondements

juridiques et l’évolution de la

participation des victimes aux

procédures pénales internationales

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Chapitre 1 : Des arguments pour une participation des victimes aux procédures pénales internationales

Les écrits juridiques portant sur la participation des victimes traitent rarement de l’importance de la justice pénale internationale pour ces personnes et, inversement, de la valeur de la participation des victimes pour la justice pénale internationale. Pourtant, ces sujets sont essentiels à la compréhension de la place aujourd’hui occupée par les victimes dans les procédures pénales internationales. C’est la raison pour laquelle ils sont développés en ouverture de la thèse. Les réflexions qui suivent se concentrent prioritairement sur la CPI, le TSL et les CETC. En outre, pour mieux saisir les enjeux sous-jacents à la participation des victimes aux procédures pénales internationales, il est fait appel au droit mais également à d’autres disciplines qui lui sont complémentaires, telles que la victimologie, la psychologie et la sociologie.

I. Les crimes internationaux et leur impact sur les victimes

Avec la création progressive de tribunaux pénaux internationaux s’est enracinée l’idée que les comportements criminels « les plus graves »30 ne peuvent rester impunis et que leurs auteurs doivent être poursuivis et jugés pour ce qu’ils ont fait31. Ces comportements sont qualifiés de crimes internationaux32 car ils dépassent la souffrance individuelle et contreviennent aux valeurs acceptées par l’ensemble de la communauté internationale, telles que le respect de la paix et de la sécurité internationales et celui des considérations élémentaires d’humanité33. En ce sens, il existe un intérêt

30 Cette expression est utilisée, par exemple, à l’art. 5 du Statut de Rome, à l’art. 1er du Statut du TPIY et à l’art. 1er du Statut du TPIR. Les statuts des tribunaux internationalisés suivants contiennent également une référence aux crimes les plus graves: art. 1er du Statut du TSSL et art. 2 de la Loi de 2004 portant création des CETC. Le TSL n’est compétent qu’à l’égard de certains crimes qui relèvent uniquement du droit matériel libanais (art. 2 du Statut). Toutefois, au vu de l’importance des actes de terrorisme sur le plan international, ceux-ci sont placés dans la catégorie « des crimes les plus graves » dans la suite de la thèse.

31 GAETA, « International Criminalization of Prohibited Conduct », p. 65.

32 Pour une définition de l’expression « crimes internationaux », voir l’introduction de la thèse, p. 14.

33 GAETA, « International Criminalization of Prohibited Conduct », p. 66; MOFFETT, Justice for Victims before the International Criminal Court, p. 9; MAFWENGA, « The Contribution of the International Criminal Tribunal for Rwanda to Reconciliation in Rwanda », p. 14; CASSESE, « The Rationale for International Criminal Justice », p. 145. Sur le lien entre les crimes les plus graves et la menace à la paix et à la sécurité internationales, voir en particulier le préambule de la résolution 827 (1993) du CSNU créant le TPIY (Doc. ONU S/RES/827 (1993), 25 mai 1993), celui de la résolution 955 (1994) du CSNU créant le TPIR (Doc. ONU S/RES/955 (1994), 8 novembre 1994) ainsi que le préambule du Statut de Rome.

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universel à les réprimer, au nom et pour le compte de la communauté internationale34. Le Statut de Rome de la CPI est l’instrument juridique le plus représentatif de cet intérêt universel puisqu’il comprend 123 Etats parties35

« affirmant que les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis »36.

Dans la plupart des cas, les crimes internationaux sont commis à grande échelle et génère un nombre élevé de victimes37. Selon le Statut de Rome, le crime de génocide est commis « dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux »38, les crimes contre l’humanité sont commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile »39, et les crimes de guerre

« s’incrivent dans le cadre d’un plan ou d’une politique » ou « font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle »40. Ainsi, contrairement aux victimes de crimes de droit commun41, les victimes de crimes internationaux ne sont pas seulement ciblées en tant qu’individus mais surtout comme éléments d’un groupe ou d’une population à éliminer42. En effet, les victimes de crimes internationaux sont souvent « déshumanisées »43 et perçues comme des ennemis dont la destruction est nécessaire pour se

34 GAETA, « International Criminalization of Prohibited Conduct », p. 65; MOFFETT, Justice for Victims before the International Criminal Court, p. 9.

35 https://asp.icc-

cpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/Pages/the%20states%20parties%20to%20the%20rome%2 0statute.aspx

36 Para. 4, Préambule du Statut de Rome.

37 Le terme le plus souvent utilisé pour qualifier ce phénomène est victimisation de masse ou mass victimization. Pour des références à ce sujet : SAFFERLING, International Criminal Procedure, p. 165;

MOFFETT, Justice for Victims before the International Criminal Court, p. 10; MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 10; GROENHUIJSEN/PEMBERTON, « Genocide, Crimes against Humanity and War Crimes: A Victimological Perspective on International Criminal Justice », pp. 12 et 22; REDRESS, Victim Participation in Criminal Law Proceedings: Survey of Domestic Practice for Application to International Crimes Prosecutions, p. 9; PEMBERTON [et al.], Coherence in International Criminal Justice: A Victimological Perspective, p. 349.

38 Art. 6, Statut de Rome.

39 Art. 7, Statut de Rome.

40 Art. 8, Statut de Rome.

41 Voir note 12.

42 SAFFERLING, International Criminal Procedure, p. 166, pt. 5: « The person of the victim is of no importance to the perpetrator, which means that any victim is interchangeable. Only the membership of a certain group is the decisive factor ». Voir également, GROENHUIJSEN/PEMBERTON, « Genocide, Crimes against Humanity and War Crimes: A Victimological Perspective on International Criminal Justice », pp. 12 et 29ss.

43 MOFFETT, Justice for Victims before the International Criminal Court, p. 11; PEMBERTON [et al.], Coherence in International Criminal Justice: A Victimological Perspective, p. 351;

GROENHUIJSEN/PEMBERTON, « Genocide, Crimes against Humanity and War Crimes: A Victimological Perspective on International Criminal Justice », p. 30: « Dehumanization involves casting an out- group as subhuman creatures (animals) or negatively evaluated unhuman creatures (monsters).

This often proceeds through processes of infra-humanization, in which out-group members « lose » secondary, more human, emotions like jealousy, love, shame etc. and become defined in primary emotions, like anger and fear and involves derogatory linguistics (for instance the use of « cockroaches » in the case of Rwanda) ».

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