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: Les traditions juridiques et les théories relatives à la justification

la participation des victimes aux procédures pénales internationales

A ce stade de l’exposé, il est nécessaire de mettre en évidence deux éléments de la justice pénale ayant une influence importante sur la justice pénale internationale et la participation des victimes. Le premier concerne les traditions juridiques et les procédures qui leur sont associées (titre I), le second, les théories relatives à la justification des peines (titre II). Si ces deux éléments sont, avant tout, liés aux Etats et ne se transposent pas tels quels au niveau international, ils orientent toutefois considérablement le choix de la procédure d’un tribunal pénal international et le degré de participation des victimes. Les traditions juridiques et les théories relatives à la justification des peines contribuent ainsi à expliquer le rôle souvent marginalisé des victimes devant les tribunaux pénaux internationaux. Pour ces raisons, leur analyse est incluse dans la thèse.

I. Les traditions juridiques et les procédures y relatives

Les traditions juridiques peuvent être définies comme « des manières communes de penser le droit »138. La tradition romano-germanique139 et la tradition de la common law140 sont les principales traditions juridiques du monde et les plus représentées devant les tribunaux pénaux internationaux.

Pour ces raisons, elles sont les seules analysées dans ce chapitre.

Dans les paragraphes qui suivent, la tradition de la common law et la tradition romano-germanique sont étudiées en tant qu’entités distinctes afin de simplifier l’analyse et permettre de mieux cerner l’influence respective de ces

138 RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 6; MCGONIGLE,Procedural Justice?, p.65.

139 L’expression « tradition romano-germanique » est la plus exacte pour décrire la tradition en question. D’autres termes sont régulièrement utilisés par la doctrine, surtout de langue anglaise, comme par exemple, tradition des pays de droit civil (civil law tradition) ou tradition de droit continental (european continental law tradition). Pour des explications: MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 70 et nbp 30; RAMBAUD, Introduction au droit comparé, pp. 55-56.

140 L’expression anglaise est conservée dans la thèse. Comme le souligne RAMBAUD : « Pour les Français, la difficulté commence par la question de la traduction de cette formule [i.e. la common law]. Littéralement, elle signifie « droit commun ». Mais […] une telle traduction gommerait

« l’irrécusable spécificité de la notion anglaise et prêterait à de graves confusions ». Il s’avère donc préférable d’utiliser en français la formule générale anglaise » (RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 103). De plus, l’expression « droit anglo-américain » parfois utilisée est trop réductrice.

Voir à ce sujet, MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 66 et nbp 7 ; AMBOS, International criminal procedure : « adversarial », « inquisitorial » or mixed ?, p. 4.

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traditions sur la justice pénale internationale et la participation des victimes141. Les éléments de comparaison qui sont donnés ci-après ne sont, par conséquent, pas exhaustifs et restent volontairement généraux142. Ils ne sont pas représentatifs de toutes les variations qui existent au sein d’une tradition juridique et entre traditions juridiques. En outre, les deux traditions présentées sont loin d’être incompatibles. Au contraire, elles interagissent entre elles et s’influencent mutuellement143.

A. La tradition romano-germanique et la tradition de la common law

La tradition romano-germanique trouve sa source en Europe, plus particulièrement « dans les grandes universités européennes, notamment dans les territoires germaniques, en France et en Italie, qui ont développé depuis le XIIe siècle une science juridique commune à tous, à partir de la redécouverte par les glossateurs du droit romain à Bologne. […] L’épithète « romano-germanique » a été choisie pour rendre hommage à ces efforts communs, déployés à la fois dans les universités des pays latins et des pays germaniques

»144. Outre cet aspect commun, la tradition romano-germanique repose également sur un droit codifié grâce auquel elle « a connu une très large diffusion du fait de la colonisation et de l’exportation relativement aisée de la technique de codification »145. Cette tradition est aujourd’hui suivie par un

141 En ce sens, l’exposé rejoint SAFFERLING, International Criminal Procedure, pp. 54-55 et la nbp. 258 dans laquelle l’auteur cite DAMAŠKA: « I concede that there are levels of analysis at which procedural models are generally misleading stereotypes or lifeless clichés. They are also simplifications; but this is precisely their default de qualité, indeed their virtue. They are used to liberate us from the tyranny of details, so that we can discern the overall distinguishing attributes of complex phenomena ».

142 Le but n’étant pas de présenter en détails les traditions romano-germanique et de la common law, l’exposé se limite volontairement aux éléments importants pour la compréhension de la thèse. Pour de plus amples informations sur l’historique des traditions juridiques: RAMBAUD, Introduction au droit comparé; VOGLER, A World View of Criminal Justice;PRIMOT, Le concept d’inquisitoire en procédure pénale : représentations, fondements et définitions.

143 Comme le relève RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 6 : « les traditions juridiques […]

constituent des ensembles d’informations. Elles émettent et reçoivent des informations et ainsi communiquent entre elles ». Voir également p. 7 et pp. 141ss sur les traditions juridiques mixtes

« qui témoignent qu’il existe des ponts entre la tradition de common law et celle des pays romano-germanique » (p. 141). Sur le même sujet: PRADEL, Inquisitoire-accusatoire: une redoutable complexité, pp. 214-215 ; POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », p. 16 ; MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 66 et nbp 7.

144 RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 56. Voir également les détails donnés par DAMAŠKA, The Faces of Justice and State Authority, pp. 29-38.

145 RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 57.

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nombre important d’Etats en Europe, en Amérique latine, en Afrique, au Proche-Orient ou encore en Asie146.

La tradition de la common law, quant à elle, s’est formée en Angleterre, l’isolement des îles britanniques permettant de cultiver une tradition juridique différente de celle qui prévalait sur le continent147. Dès lors, « s’est développé en Angleterre un pouvoir organisé, puissant et centralisateur, qui a facilité à son tour l’instauration d’un pouvoir judiciaire à partir des cours royales, le berceau de la common law »148. En effet, l’élaboration de la loi commune à toute l’Angleterre fut du ressort exclusif des cours royales de justice149. Cela a eu pour conséquence un droit anglais se fondant essentiellement sur la jurisprudence développée par les cours, la loi écrite y jouant un rôle secondaire150. Aujourd’hui, la tradition de la common law est suivie, outre l’Angleterre, par les Etats-Unis d’Amérique ainsi que par les Etats issus de la colonisation britannique151.

B. La procédure adversarial et la procédure non-adversarial

La distinction généralement opérée par la doctrine entre la procédure inquisitoire des Etats de tradition romano-germanique et la procédure accusatoire des Etats de la common law pour expliquer les fondements de la procédure pénale internationale n’est pas reprise dans la suite de l’exposé152. La distinction est, d’une part, trop schématique puisqu’elle ne prend pas en

146 Ibid, p. 57; MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 70. A noter que chaque ordre juridique national possède ses propres particularités, même si leur racine commune est la tradition romano-germanique.

147 Selon la doctrine suivante, la tradition de la common law remonte à 1066 avec l’arrivée des Normands en Angleterre: RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 106; MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 70; POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », p. 17; HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, p. 44. Voir également les détails donnés par DAMAŠKA, The Faces of Justice and State Authority, pp. 38-46.

148 RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 107.

149 Ibid, p. 107.

150 Ibid, p. 115; POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », p. 17.

151 RAMBAUD, Introduction au droit comparé, p. 104 et pp. 106ss; MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p.

70 ; HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, p. 44. L’Etat de Louisiane aux Etats-Unis et la province du Québec au Canada ne suivent toutefois pas la tradition de la common law.

152 Pour des exemples et de plus amples explications sur les termes inquisitoire et accusatoire: CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, pp. 329ss ; CALVO-GOLLER, La procédure et la jurisprudence de la Cour pénale internationale, pp. 12ss ; TULKENS, « La procédure pénale : grandes lignes de comparaison entre systèmes nationaux » ; MCGONIGLE, Procedural Justice ?, pp. 65ss ; SAFFERLING, International Criminal Procedure, pp. 52ss ; POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », pp. 16ss ; HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, pp. 43ss ; ARMENTA-DEU, « Beyond Accusatorial or Inquisitorial Systems : A Matter of Deliberation and Balance » ; AMBOS, International criminal procedure: « adversarial »,

« inquisitorial » or mixed ?; PRADEL,Inquisitoire-accusatoire: une redoutable complexité.

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compte toutes les variations et les réalités des systèmes procéduraux et, d’autre part, elle n’est pas la plus pertinente pour expliquer la place des victimes dans les procédures pénales. Pour les présentes recherches, la différence la plus significative entre la tradition de la common law et la tradition romano-germanique repose davantage sur le caractère adversarial ou non-adversarial de leur procédure pénale respective. En effet, l’intégration des victimes dans le processus pénal dépend avant tout de la possibilité d’y insérer une troisième partie. Il s’agit, par conséquent, de déterminer qui a le contrôle de la procédure, le juge (non-adversarial) ou les parties (adversarial), pour ensuite expliquer la place des victimes dans le procès pénal.

Conserver le terme anglais adversarial dans la thèse permet d’exprimer au mieux le trait distinctif essentiel de la procédure pénale des Etats de la common law, soit la présence dans le procès de deux adversaires qui contrôlent le déroulement de la procédure153. Dans un système adversarial, le procès est ainsi construit comme une compétition entre la défense et l’accusation dans laquelle le juge est impartial et ne joue qu’un rôle passif, similaire à celui d’un arbitre154. Ce sont les parties qui mènent l’enquête, sont chargées de présenter les preuves et dirigent les débats155. Le rôle du juge est de trancher le litige non pas en cherchant activement la vérité mais en déterminant si les preuves amenées par l’accusation permettent d’établir, au-delà de tout doute raisonnable, que l’accusé est coupable156. Par ce système, la procédure adversarial cherche à protéger l’accusé de l’imposant pouvoir de l’Etat157. Selon MCGONIGLE: « The distrust of the « powers that be » is reflected in the procedures applied in many common law jurisdictions where the procedural rights of the accused are emphasized. There is a strong emphasis on the protection of the individual from tyranny in the extreme and abuse of process at least. Although the primary goal of adversarial systems is legal justice, some commentators argue that the adversarial approach makes protection from the state a higher priority than obtaining justice »158. Pour certains, la façon dont l’accusé est jugé dans une procédure adversarial se révèle ainsi être un objectif plus important que le fait de savoir si l’accusé a effectivement commis le crime

153 Par exemple, CALVO-GOLLER, La procédure et la jurisprudence de la Cour pénale internationale, p. 13.

Il n’existe pas de bonne traduction en français des termes adversarial et non-adversarial.

154 PRADEL,Inquisitoire-accusatoire: une redoutable complexité, p. 214 ; AMBOS, International criminal procedure : « adversarial », « inquisitorial » or mixed ?, p. 4. Pour de plus amples détails sur le rôle du juge : DAMAŠKA, The Faces of Justice and State Authority, pp. 135-140, CALVO-GOLLER, La procédure et la jurisprudence de la Cour pénale internationale, p. 14 ; CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, pp. 335-336 ; et sur celui des parties : DAMAŠKA, The Faces of Justice and State Authority, pp. 109ss.

155 POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », p. 21;

SPENCER, « Le procès pénal en Angleterre », p. 118.

156 CASSESE, Interational Criminal Law, p. 362.

157 CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, p. 330.

158 MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 75.

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reproché159. C’est la raison pour laquelle cette procédure est généralement décrite comme offrant une meilleure protection des droits de l’accusé, notamment quant au respect de l’égalité des armes160.

Dans les Etats romano-germaniques, la procédure pénale est habituellement placée sous l’autorité d’un juge qui joue un rôle central et participe activement à la recherche de la vérité161. Le contrôle de la procédure ne se trouve ainsi pas entre les mains des parties mais revient au juge qui a

« l’obligation de faire respecter la loi ; son rôle étant d’assurer le contrôle de la puissance publique sur la gestion des cas individuels »162. L’objectif final est l’intime conviction du juge quant à la culpabilité de l’accusé163. Le terme non-adversarial renseigne directement sur la nature de la relation entre les parties : elles ne sont pas des adversaires engagés dans une bataille juridique164. Cela signifie que la vérité juridique peut être recherchée même en l’absence d’adversaire, soit en l’absence d’accusé au procès. Par conséquent, les procès par défaut sont généralement autorisés dans les Etats romano-germaniques, par opposition à la pratique des Etats de la common law165. Le fait que le juge joue un rôle déterminant permet également à la procédure non-adversarial de garantir « un meilleur respect de la vérité et de l’impératif de célérité », contrairement à la procédure adversarial souvent critiquée pour être l’un des facteurs principaux de lenteur de la justice166.

159 HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, p. 51, nbp 191. Selon l’expression

« better that a hundred criminals go free than that one person be wrongly convicted », citée, par exemple, dans MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 75; DAMAŠKA,The Competing Visions of Fairness:

The Basic Choice for International Criminal Tribunals,p. 368.

160 Par exemple, CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, p. 339 ; CALVO-GOLLER, La procédure et la jurisprudence de la Cour pénale internationale, p. 14.

161 CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, p. 336; CALVO-GOLLER, La procédure et la jurisprudence de la Cour pénale internationale, p. 16.

162 TULKENS, « La procédure pénale : grandes lignes de comparaison entre systèmes nationaux », p. 38.

Voir aussi: POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », pp. 20-21; AMBOS, International criminal procedure: « adversarial », « inquisitorial » or mixed ?, p.

4 ; HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, p. 51.

163 HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, p. 51; POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », p. 19; DAMAŠKA, The Faces of Justice and State Authority, pp. 168-173.

164 MCGONIGLE, Procedural Justice ?, p. 71.

165 Ibid, p. 71. Le procès par défaut n’est toutefois pas reconnu dans tous les Etats de tradition romano-germanique. De plus, son exercice est soumis à des conditions strictes. Voir, CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, pp. 337-338.

166 PRADEL,Inquisitoire-accusatoire: une redoutable complexité, p. 227; POCAR/CARTER, « The challenge of shaping procedures in international criminal courts », p. 22 ; CALVO-GOLLER, La procédure et la jurisprudence de la Cour pénale internationale, p. 17.

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C. La place des victimes dans les procédures adversarial et non-adversarial

L’une des grandes différences entre la procédure non-adversarial et la procédure adversarial est la place accordée aux victimes dans le procès.

En ce qui concerne la procédure non-adversarial, les victimes jouissent de certains droits de participation et peuvent les exercer en tant que victimes.

L’un des droits les plus importants, qui n’est toutefois pas reconnu par tous les Etats de tradition romano-germanique, est celui, pour la victime, de devenir partie au procès pénal et, si elle le souhaite, de saisir le juge de ses conclusions civiles167. En Suisse, par exemple, la victime peut déclarer vouloir expressément participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal et/ou au civil168. Par cette action, la victime devient partie plaignante, soit une partie à part entière du procès avec les droits qui en découlent. En tant que partie plaignante, la victime a le droit de saisir le juge pénal de ses conclusions civiles, c’est-à-dire qu’elle peut demander au juge pénal de se prononcer sur les réparations civiles qui lui sont éventuellement dues169. En ce sens, la victime devient un demandeur au civil dans le procès pénal170. L’exercice de l’action civile devant un tribunal pénal vise la réparation du préjudice subi par la victime en sus de la reconnaissance de la culpabilité de l’accusé171. Cette solution a notamment pour avantager de simplifier les procédures (deux procès en un) et de « faciliter la réparation de préjudice encouru par celui dont les droits ont été touchés directement par une infraction »172. De façon générale, les Etats de tradition romano-germanique accordent un rôle important aux victimes en leur permettant d’avoir accès au dossier de la procédure, de présenter des preuves, d’interroger les témoins ou encore

167 En Allemagne, par exemple, la qualité de partie au procès pénal n’est pas reconnue aux victimes. En outre, il n’existe pas de mécanisme comparable à celui de l’action civile et l’indemnisation des victimes est « quasiment toujours demandée au civil » : HENRION, « Y a-t-il une place pour la victime en procédure pénale allemande ? », pp. 26-31 ; DELMAS-MARTY, Procédures pénales d’Europe, pp.

39, 392 et 466.

168 Art. 118 du Code de procédure pénale suisse. A noter que le terme exact utilisé dans l’article est

« lésé » et non « victime ». Toutefois, pour davantage de cohérence avec le reste de la thèse, le terme « victime » a été conservé dans le texte ci-dessus. Pour une définition des termes « lésé » et

« victime » selon le droit suisse : arts. 115 et 116 du Code de procédure pénale.

169 Arts. 119 et 122 du Code de procédure pénale suisse (voir le commentaire de la note 164 qui s’applique ici également). Pour de plus amples informations sur l’adhésion à la procédure pénale : JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, pp. 163-172 ; JEANDIN/MATZ, « Section 4 : Action civile - Art. 122 », pp. 475ss.

170 Dans certains Etats, par exemple la France ou le Cambodge, le demandeur au civil est qualifié de

« partie civile ». Le terme est repris dans la suite de la thèse car il correspond à celui généralement utilisé en droit international pénal, notamment dans les instruments juridiques des CETC.

171 DELMAS-MARTY, Procédures pénales d’Europe, p. 230.

172 MACALUSO, « L’action civile dans le procès pénal régi par le nouveau CPP », p. 176.

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d’obtenir des réparations173. Par rapport à l’accusé, la place donnée aux victimes dans les systèmes romano-germaniques n’est pas perçue comme portant atteinte à ses droits174.

La situation est différente dans la procédure adversarial des Etats de la common law où les victimes sont marginalisées175. En effet, l’une des conséquences de la confrontation entre la défense et l’accusation est l’absence de possibilité pour les victimes d’être intégrées dans les procès pénaux. Dans une logique purement adversarial, il est difficile d’imaginer comment une troisième partie pourrait trouver sa place dans le procès. Si tel était le cas, celui-ci serait déséquilibré par la présence des victimes puisque la balance pencherait alors du côté de l’accusation176. Tout au plus, les victimes qui ont été témoins d’un crime peuvent être appelées à témoigner, mais ce rôle dépend de la stratégie mise en place par la défense ou l’accusation. De plus, dans les procédures adversarial, les affaires vont rarement jusqu’au stade du procès du fait de l’existence du guilty plea, ce qui limite les possibilités d’intervention des témoins177. A noter également qu’au vu du caractère belliqueux de la procédure, les témoins peuvent être soumis à des contre-interrogatoires plutôt agressifs qui peuvent s’avérer très difficiles à supporter, en particulier lorsque le témoin est une victime ou un membre de la famille d’une victime178. Dans ces circonstances, il n’apparaît pas possible pour une victime de se constituer partie civile dans un procès pénal de type adversarial179.

173 HEIKKILÄ, International Criminal Tribunals and Victims of Crime, p. 52. MCGONIGLE, Procedural Justice ?, pp. 73-74; CASSESE [et al.], Cassese’s International Criminal Law, p. 338; DAMAŠKA, The Faces of Justice and State Authority, p. 200.

174 Par exemple, ZAPPALÀ, The Rights of Victims v. the Rights of the Accused, p. 138: « Moreover, it

174 Par exemple, ZAPPALÀ, The Rights of Victims v. the Rights of the Accused, p. 138: « Moreover, it