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I. Le cadre légal de la participation des victimes devant la CPI, les CETC et le TSL

A. La Cour pénale internationale

La participation des victimes fait l’objet d’un certain nombre de dispositions du Statut de Rome et du RPP, complétées par le Règlement de la Cour et le Règlement du Greffe. Selon ces textes, la participation des victimes peut prendre différentes formes et s’exercer, sous certaines conditions, à tous les stades de la procédure564. Parmi les dispositions essentielles du Statut de Rome se trouvent les articles 15-3, 19-3 et 68-3565. Seule cette dernière disposition est traitée dans la suite de l’exposé au vu de son importance capitale pour la participation des victimes et du fait des nombreuses questions et controverses que soulève sa mise en œuvre. L’art. 68-3 du Statut est analysé en lien avec les règles 85 et 89 à 93 du RPP.

Les droits spécifiques de participation que sont les articles 15-3 et 19-3 du Statut ne sont pas examinés, ces deux articles n’étant pas les plus représentatifs de la problématique étudiée566. Premièrement, contrairement à l’art. 68-3 du

564 Sur la notion de stade de la procédure, voir, p. 100.

565 D’autres dispositions permettent aux victimes de s’impliquer, sans toutefois que cela équivaille à une participation directe dans les procédures de la Cour. Par exemple, l’art. 15-1 Statut de Rome concerne la transmission volontaire d’informations (officiellement appelées communications) au Bureau du Procureur afin d’attirer son attention sur une situation qui pourraient le mener à demander l’autorisation d’ouvrir une enquête auprès d’une chambre préliminaire, au sens et aux conditions des arts. 15 et 53 du Statut. Les communications peuvent provenir de diverses sources, y compris des victimes, et leur transmission ne requiert aucune formalité particulière (SCHABAS, The International Criminal Court: A Commentary on the Rome Statute, pp. 402-403). Les communications contribuent de manière importante à l’accomplissement du travail du procureur : en 2016, le Bureau du Procureur a reçu 477 communications (toute source confondue) dont « 356 échappaient manifestement à la compétence de la Cour, 28 justifiaient une analyse plus poussée, 72 étaient liées à une situation en cours d’analyse et 21 étaient liées à une enquête ou à des poursuites. Depuis juillet 2002, le Bureau a reçu au total 12 022 communications au titre de l’article 15 » (Bureau du Procureur, Rapport sur les activités menées en 2016 en matière d’examen préliminaire, 14 novembre 2016, p. 6, para. 18. Consulter également la page 5 du Rapport pour de plus amples informations sur le traitement des communications reçues).

566 L’art. 15-3 du Statut autorise les victimes à adresser des représentations à la Chambre préliminaire, selon les modalités fixées à la règle 50 du RPP, lorsque le Procureur conclut qu’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête et qu’il présente une demande d’autorisation en ce sens. Par

« représentations », il faut comprendre « arguments », selon la lecture de la norme 50 du Règlement de la Cour. L’art. 19-3, quant à lui, permet aux victimes de soumettre des observations à la Cour dans les procédures portant sur la contestation de la compétence de la Cour ou de la recevabilité d’une affaire. Les droits découlant des arts. 15-3 et 19-3 du Statut de Rome sont appelés « droits spécifiques de participation » par opposition au droit général de participation de l’art. 68-3 du Statut. Pour plus d’informations sur les deux articles en question: DE BROUWER/HEIKKILÄ,

« Victim Issues », pp. 1315-1316; BERGSMO/PEJIC/ZHU, « Article 15: Prosecutor », p. 735;

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Statut, leur mise en œuvre ne requiert aucune demande formelle de participation567 ni la satisfaction de conditions spécifiques par les victimes, si ce n’est celle de correspondre à la définition de la règle 85 RPP568. Cela rend la matière à analyser peu instructive et moins pertinente pour le sujet d’étude569. Deuxièmement, la mise en application de l’art. 15-3 du Statut par les victimes est limitée du fait de la stratégie qu’a adoptée le Bureau du Procureur en ce qui concerne les examens préliminaires des situations portées à son attention. Dès le début de ses activités, le Bureau a eu pour politique d’encourager les renvois volontaires de situations par les Etats eux-mêmes, afin de promouvoir la coopération avec la Cour et le soutien sur le terrain570. Par conséquent, seules trois situations ont fait l’objet d’une autorisation au sens de l’art. 15 du Statut depuis 2002, ce qui limite fortement la possibilité, pour les victimes, d’user de l’alinéa 3 de l’article571. Troisièmement, aucune demande n’a jamais été

HALL/NTANDA NSEREKO/VENTURA, « Article 19: Challenges to the jurisdiction of the Court or the admissibility of the case », pp. 874-877.

567 La seule exigence est d’adresser la demande par écrit (règles 50-3 et 59-3 du RPP) dans le délai fixé par la norme 50-1 du Règlement de la Cour (pour l’art. 15-3) ou celui fixé par la chambre compétente (pour l’art. 19-3). Voir aussi, TSERETELI, « Victim Participation in ICC Proceedings », p.

631.

568 Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-101, 17 janvier 2006, para. 62 ; Situation en République du Kenya, Ordonnance adressée à la Section de la participation des victimes et des réparations concernant les représentations faites par les victimes en vertu de l’article 15-3 du Statut, Chambre préliminaire II, ICC-01/09-4-tFRA, 10 décembre 2009, para. 7 ; Situation en République de Côte d’Ivoire, Ordonnance à l’intention de la Section de la participation des victimes et des réparations concernant les représentations adressées par les victimes en vertu de l’article 15‐3 du Statut, Chambre préliminaire III, ICC-02/11-6-tFRA, 6 juillet 2011, para. 10; Situation in Georgia, Report on the Victims’ Representations Received Pursuant to Article 15(3) of the Rome Statute, Pre-Trial Chamber I, ICC-01/15-11, 4 December 2015, para. 4.

569 A noter que le fait de transmettre des informations à la Cour n’équivaut pas à une demande de participation : Situation en République de Côte d’Ivoire, Ordonnance à l’intention de la Section de la participation des victimes et des réparations concernant les représentations adressées par les victimes en vertu de l’article 15‐3 du Statut, Chambre préliminaire III, ICC-02/11-6-tFRA, 6 juillet 2011, para. 10 (in fine) ; Situation in Georgia, Report on the Victims’ Representations Received Pursuant to Article 15(3) of the Rome Statute, Pre-Trial Chamber I, ICC-01/15-11, 4 December 2015, para. 8. Par conséquent, les victimes qui transmettent des informations en vertu des arts. 15-3 et 19-15-3 n’ont pas le statut de participants à la procédure.

570 Par exemple : Bureau du Procureur, Rapport sur les activités mises en œuvre au cours des trois premières années (juin 2003 - juin 2006), 12 septembre 2006, p. 7 ; Bureau du Procureur, Rapport sur les activités du Bureau du Procureur en matière d’examens préliminaires, 13 décembre 2011, para. 14 ; Bureau du Procureur, Document de politique générale relatif aux examens préliminaires, novembre 2013. Voir aussi SCHABAS, The International Criminal Court: A Commentary on the Rome Statute, pp. 398-399.

571 Le Procureur a été autorisé à ouvrir une enquête de sa propre initiative dans le cadre des situations au Kenya (Situation in the Republic of Kenya, Decision Pursuant to Article 15 of the Rome Statute on the Authorization of an Investigation into the Situation in the Republic of Kenya, Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09-19, 31 March 2010), en Côte d’Ivoire (Situation in the Republic of Côte d'Ivoire, Decision Pursuant to Article 15 of the Rome Statute on the Authorization of an Investigation into the Situation in the Republic of Côte d'Ivoire, Pre-Trial Chamber III, ICC-02/11-14, 3 October 2011) et en Géorgie (Situation in Georgia, Decision on the Prosecutor’s request for authorization of an investigation, Pre-Trial Chamber I, ICC-01/15-12, 27 January 2016).

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déposée par le Procureur au sens de l’art. 19-3 du Statut572 et, dans l’hypothèse où cela se produirait, seule une certaine catégorie de victimes serait autorisée à soumettre des observations à ce sujet, c’est-à-dire les victimes qui « ont déjà communiqué avec la Cour à l’occasion de l’affaire dont il s’agit »573. Ces différents constats démontrent la portée limitée des deux articles en question, ce qui convainc à les exclure du champ des présentes recherches.

1. L’art. 68-3 du Statut de Rome

L’article 68-3 du Statut a la teneur suivante : « Lorsque les intérêts personnels des victimes sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu’elle estime appropriés et d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial ». Le contenu de l’art. 68-3 n’étant clarifié nulle part dans le Statut et les règles de la Cour, ce sont les juges qui interprètent les éléments constitutifs de l’article. Dans cet exercice, s’ils bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation, ils demeurent néanmoins liés par la double obligation contenue dans l’article, c’est-à-dire celle de permettre aux victimes d’exposer leurs vues et préoccupations lorsque leurs intérêts personnels sont concernés, et celle d’examiner ces vues et préoccupations574. Comme l’explique la Chambre préliminaire I dans sa décision du 17 janvier 2006 : « S’agissant de l’article 68-3, […] il impose une obligation à la Cour vis-à-vis des victimes. L’utilisation du présent de l’indicatif dans la version française du texte (« la Cour permet ») ne laisse aucun doute sur le fait qu’au droit d’accès des victimes à la Cour correspond une obligation positive à la charge de celle-ci de leur permettre d’exercer ce droit de manière concrète et effective. Par conséquent, il échoit à la Chambre la double obligation, d’une part, de permettre aux victimes d’exposer leurs vues

572 SCHABAS, The International Criminal Court: A Commentary on the Rome Statute, pp. 494-495;

HALL/NTANDA NSEREKO/VENTURA, « Article 19: Challenges to the jurisdiction of the Court or the admissibility of the case », p. 875.

573 Règle 59-1-b RPP. Pour une interprétation du contenu de cette règle: Le Procureur c. Joseph Kony et al, Décision ouvrant une procédure en vertu de l’article 19, invitant au dépôt d’observations et portant désignation d’un conseil de la Défense, Chambre préliminaire II, ICC-02/04-01/05-320-tFRA, 21 octobre 2008, p. 7. En ce qui concerne l’art. 15-3 du Statut et la règle 50-1 RPP, le Procureur a fait usage de la seconde possibilité (diffusion large) dans les trois situations où il a été autorisé à ouvrir une enquête de sa propre initiative: Situation in the Republic of Kenya, Request for authorisation of an investigation pursuant to Article 15, Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09-3, 26 November 2009, para. 112 ; Situation in the Republic of Côte d’Ivoire, Request for authorisation of an investigation pursuant to article 15, Pre-Trial Chamber III, ICC-02/11-3, 23 June 2011, para.

176; Situation in Georgia, Report on the Victims’ Representations Received Pursuant to Article 15(3) of the Rome Statute, Pre-Trial Chamber I, ICC-01/15-11, 4 December 2015, para. 1.

574 Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-101, 17 janvier 2006, para. 71.

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et préoccupations, et d’autre part, de les examiner »575. Dès lors, les juges ne peuvent pas refuser aux victimes l’exercice de leurs droits de participation lorsque les conditions sont réunies.

La participation des victimes aux procédures de la CPI est donc un droit qui leur est reconnu dans les instruments juridiques du tribunal. Il ne s’agit pas d’un privilège accordé aux victimes mais de la mise en application du droit des victimes à la justice, tel qu’il a été développé dans la Déclaration de 1985 et les instruments qui ont suivi576. Les juges doivent faire participer les victimes aux procédures, dans les limites fixées par le cadre légal et la jurisprudence de la Cour. La participation doit, en outre, être effective et non purement symbolique afin de conférer aux victimes une véritable voix et un rôle distinct de celui du procureur dans les procédures577. Il appartient toutefois aux juges de fixer les modalités de la participation en décidant

« quand et comment les victimes peuvent utiliser leurs droits, tout en assurant que cette participation ne porte pas atteinte aux droits de l’accusé et son droit d’être jugé régulièrement et impartialement »578. Les modalités de la participation sont examinées dans le titre B de ce chapitre.

2. L’interprétation des éléments constitutifs de l’art. 68-3 du Statut de Rome

La jurisprudence de la Cour mentionne quatre conditions à satisfaire pour qu’un individu obtienne le statut de victime et soit autorisé à exposer « ses vues et préoccupations » au sens de l’art. 68-3 du Statut. Le demandeur doit

575 Ibid., para. 71. A noter que, dans la version anglaise de l’article, l’expression utilisée est « the Court shall permit », ce qui démontre qu’il s’agit bien d’une obligation faite aux juges. Voir, par exemple, TSERETELI, « Victim Participation in ICC Proceedings », p. 634.

576 Au sujet de la Déclaration de 1985, voir chapitre 3.II de la première partie. Par exemple, AEP, Rapport de la Cour sur la stratégie concernant les victimes, ICC-ASP/8/45, 10 novembre 2009, para.

45 : « La participation des victimes est un droit consacré par le Statut [de Rome] et non un privilège » ; Le procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Décision relative à la participation des victimes, Chambre de première instance I, ICC-01/04-01/06-1119-tFRA, 18 janvier 2008, Separate and Dissenting Opinion of Juge René Blattmann, p. 54, para. 13: « It is necessary to state, first and foremost, the important notion that victims’ participation is not a concession of the Bench, but rather a right accorded to victims by the Statute »; DONAT-CATTIN, « Article 68: Protection of victims and witnesses and their participation in the proceedings », p. 1686: « The participation of victims in the ICC proceedings implements their right to justice before the Court. Article 68 para. 3 of the Rome Statute recognises this legal principle, which is developed and specified in some provisions of the Rules of Procedure and Evidence and the Regulations of the Court, as well as the Regulations of the Registry ».

577 Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Arrêt relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I, Chambre d’appel, ICC-01/04-01/06-1432-tFRA, 11 juillet 2008, para. 97 : « Pour que l'esprit et l'intention de l'article 68-3 du Statut se traduisent dans les faits lors du procès, cet article doit être interprété de manière à ce que la participation des victimes soit significative ».

578 CPI, Les victimes devant la Cour pénale internationale - un guide d’information sur la participation des victimes aux procédures de la Cour, p. 11.

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d’abord apporter la preuve qu’il est une victime au sens de l’art. 85-a du RPP de la Cour. Une fois les conditions de la définition prouvées, les juges examinent chaque demande de participation afin de déterminer si les stades auxquels les victimes désirent participer sont appropriés, puis si les intérêts personnels des victimes sont concernés. Enfin, les juges s’assurent que la participation n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de l’accusé et aux exigences d’un procès équitable et impartial.

L’examen de l’art. 85-a RPP ayant été fait précédemment, il ne sera pas repris ici579. Les développements qui suivent se concentrent sur les trois autres critères tels qu’interprétés par les chambres de la Cour. Sont ainsi examinées les notions de stades appropriés de la procédure et d’intérêts personnels, ainsi que l’expression « d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial ». Les

« vues et préoccupations » sont analysées plus loin, dans le titre consacré aux modalités de participation580.

A noter que le contenu de l’art. 68-3 du Statut soulève beaucoup de questions et fait l’objet d’un très grand nombre de décisions jurisprudentielles, souvent contradictoires. Les sous-titres suivants traitent des principales décisions des chambres, en particulier celles concernant la situation en RDC et l’affaire Lubanga, première affaire à avoir été traitée par la Cour et première affaire à avoir atteint le stade de la condamnation de l’accusé. Les décisions des juges dans l’affaire Lubanga ont grandement contribué à façonner le régime de participation des victimes devant la Cour et continuent d’influencer les décisions prises dans les autres affaires de la Cour. Il est donc indispensable d’en discuter dans la suite de la thèse.

a. Les stades appropriés de la procédure

La procédure de la Cour compte quatre stades (également appelés « phases de la procédure » dans le RPP et le Règlement de la Cour), à savoir: le stade de l’enquête, le stade préliminaire, le stade du procès et le stade de l’appel. Le premier stade correspond au stade de la situation, les trois autres au stade de l’affaire581.

Il est possible, pour les victimes, de participer à tous les stades de la procédure, selon ce que les juges estiment appropriés, y compris au stade de l’enquête préliminaire. La participation des victimes à ce stade a été l’une des premières questions à être tranchée par les juges de la Cour582. En 2005, la

579 Voir chapitre 1.I de la seconde partie.

580 Voir chapitre 2.II.A.2 de la seconde partie.

581 Voir p. 100 de la thèse.

582 Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-101, 17 janvier 2006, para. 22.

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Chambre préliminaire I avait reçu six demandes de participation à la procédure « que ce soit au stade de l’enquête, du procès ou de la condamnation » concernant la situation en RDC583. Le procureur s’était opposé aux demandes, soulevant l’inapplicabilité de l’art. 68-3 du Statut au stade de l’enquête car, selon lui, il n’y avait pas à proprement parler de « procédure » au sens de l’article 68-3 du Statut durant ce stade584. S’appuyant sur des arguments terminologique, contextuel et téléologique, la Chambre préliminaire avait rejeté les contestations de l’accusation et avait conclu que l’expression « procédure » devait être interprétée comme « incluant le stade de l’enquête concernant une situation et accordant ainsi aux victimes un droit d’accès général à la Cour à ce stade, aux conditions prévues par [l’article 68-3 du Statut de Rome] »585. En conséquence, la Chambre avait accordé le statut de victimes aux six demandeurs durant la phase de l’enquête, en précisant que les victimes seraient « habilitées, nonobstant toute procédure spécifique ayant lieu dans le cadre d’une telle enquête, à être entendues par la Chambre pour exposer leurs vues et préoccupations […] » (italiques ajoutés)586.

L’approche large décidée par la Chambre préliminaire a fait l'objet de critiques et de plusieurs tentatives infructueuses d’appels de la part du procureur587. Ce n’est qu’en décembre 2008, soit près de trois ans après la première décision de la Chambre préliminaire I, que la Chambre d’appel a tranché la question de savoir si des droits généraux de participation aux enquêtes sur une situation pouvaient effectivement être reconnus aux victimes588. Dans son arrêt du 19 décembre 2008, la Chambre d’appel, se basant

583 Ibid., para. 19.

584 Ibid., para. 25 ; Situation en République démocratique du Congo, Réponse de l’Accusation aux demandes de participation 01/04-1/dp à 01/04-6/dp, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-84-Conf-tFR, 15 août 2005, paras. 12-14. Il est intéressant de noter que la défense n’a pas contesté

« l’applicabilité de l’article 68-3 du Statut au stade de l’enquête ni la possibilité en droit pour les victimes de participer à cette étape de la procédure » (Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-101, 17 janvier 2006, para. 24).

585 Situation en République démocratique du Congo, Décision sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I, ICC-01/04-101, 17 janvier 2006, paras. 28-46. La citation est tirée du para. 46 de la décision.

586 Ibid., para. 71.

587 Pour un bon aperçu des critiques, voir: CHUNG, Victims' Participation at the International Criminal Court: Are Concessions of the Court Clouding the Promise?, pp. 483-496. Pour la jurisprudence : Situation en République démocratique du Congo, Requête de l'Accusation sollicitant l'autorisation d'interjeter appel de la décision de la Chambre préliminaire I sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I,

587 Pour un bon aperçu des critiques, voir: CHUNG, Victims' Participation at the International Criminal Court: Are Concessions of the Court Clouding the Promise?, pp. 483-496. Pour la jurisprudence : Situation en République démocratique du Congo, Requête de l'Accusation sollicitant l'autorisation d'interjeter appel de la décision de la Chambre préliminaire I sur les demandes de participation à la procédure de VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, Chambre préliminaire I,