• Aucun résultat trouvé

L'attachement des résidents en milieu urbain à l'icône touristique de leur territoire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'attachement des résidents en milieu urbain à l'icône touristique de leur territoire"

Copied!
136
0
0

Texte intégral

(1)

L'attachement des résidents en milieu urbain à l'icône

touristique de leur territoire

Mémoire

Nathalie Bonneu

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

(2)

L’attachement des résidents en milieu urbain

à l’icône touristique de leur territoire

Mémoire

Nathalie Bonneu

Sous la direction de :

(3)

Résumé

L’icône touristique est le symbole qui identifie un territoire. Elle est cette « chose à voir » que les touristes viennent visiter et photographier. Elle se caractérise par des éléments d’authenticité et des perceptions mentales utilisés comme symboles universellement reconnus qui évoquent une image positive chez les touristes et les résidents. Ces derniers peuvent être fiers d’habiter proche de l’icône ou se sentir dépossédés à cause des touristes qui la fréquentent et qui ont le temps et l’argent pour en profiter.

Alors que les icônes touristiques sont largement utilisées pour faire la promotion des villes et des régions, et que la recherche d’authenticité par les touristes est davantage soulignée, on peut s’interroger sur la perception de cette icône auprès des résidents. Cette recherche vise donc à remplir un vide théorique sur l’attachement des résidents à une icône touristique et l’étude empirique de ces concepts porte sur l’attachement des résidents de la Ville de Québec pour le Château Frontenac.

Une approche quantitative par questionnaire électronique auto-administré (471 répondants) a été privilégiée en demandant en préambule au participant d’évaluer lui-même son degré d’attachement sur une échelle virtuelle analogique (ÉVA). En analysant ensuite ses réponses dans différents thèmes (expériences vécues, perceptions, connaissances et interactions), des facteurs expliqueraient pourquoi et dans quelle mesure il peut se sentir attaché à cette icône, à la condition qu’elle soit, à ses yeux, une icône culturelle.

(4)

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vi

Liste des tableaux ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Énoncé de la problématique ... 2

Chapitre 1 Cadre théorique ... 3

1.1 Le territoire urbain ... 3

1.2 L’icône touristique ... 5

1.3 Le résident ... 9

1.4 L’attachement aux lieux ... 11

1.5 Question de recherche ... 20

Chapitre 2 Cadre contextuel ... 22

2.1 La Ville de Québec et ses résidents ... 22

2.2 Le Château Frontenac ... 23

Chapitre 3 Objectifs et hypothèses ... 28

3.1 Objectifs ... 28

3.2 Hypothèses ... 28

Chapitre 4 Cadre méthodologique ... 29

4.1 Choix de l’instrument de collecte de données ... 29

4.2 Construction du questionnaire ... 30

4.3 Présentation du questionnaire ... 33

4.4 Considérations éthiques ... 37

4.5 Territoire et population à l’étude ... 38

4.6 Méthode d’échantillonnage ... 39

4.7 Période de collecte de données ... 40

4.8 Préparation de la base de données ... 40

Chapitre 5 Présentation des données ... 45

5.1 Données générales ... 45

5.2 Portrait des répondants ... 46

5.3 Portrait du Château Frontenac ... 50

5.4 Le lien entre les répondants et le Château Frontenac ... 58

(5)

Chapitre 6 Interprétation des anayses multivariées ... 74

6.1 Données générales ... 74

6.2 Degré d’attachement auto-évalué au début et à la fin du questionnaire ... 74

6.3 Portrait du répondant ... 76

6.4 Portrait du Château Frontenac ... 79

6.5 Liens entre les répondants et le Château Frontenac ... 84

Chapitre 7 Discussion ... 91

Conclusion ... 98

Bibliographie ... 99

Annexe A : Questionnaire ARIT2018 ... 104

Annexe B : Nombre d’années de résidence dans la Ville de Québec ... 124

Annexe C : Rayonnement du Château Frontenac comme moteur économique et symbole 125 Annexe D : Quelques commentaires des répondants ... 126

(6)

Liste des figures

1-1 Different models of place attachment (dans Hernandez et al. 2014 :127) ... 13

1-2 Proposition d’un modèle conceptuel sur l’attachement à l’icône touristique de son territoire ... 21

2-1 Territoire de notre étude ... 23

5-1 Répartition des répondants de la Ville de Québec selon leur durée de résidence (en année) ... 48

5-2 Carte géographique des répondants des régions Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches ... 49

5-3 Lieu de résidence du client-type pour les répondants ... 51

5-4 Raisons pour lesquelles le Château Frontenac est un bâtiment patrimonial ... 53

5-5 Le Château Frontenac comme icône touristique ... 54

5-6 Rayonnement du Château Frontenac comme moteur économique et symbole ... 55

5-7 Raisons principales fournies par le répondant pour lesquelles le Château Frontenac est mondialement connu ou non ... 56

5-8 Mots et expression qui définiraient le Château Frontenac (par ordre décroissant des moyennes des ÉVA) ... 56

5-9 Raisons d’avoir choisi d’être Ami du Château parmi les cinq proposées ... 58

5-10 La possibilité de voir le Château Frontenac pour les répondants des régions Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches ... 60

5-11 Proportion des répondants dans chacune des douze activités selon la raison (personnelle ou professionnelle) ... 63

5-12 Proportion des répondants qui ont vécu des activités au Château Frontenac et dans des établissements de même catégorie ... 64

5-13 Répartition des points aux questions de connaissances ... 68

5-14 Degré d'attachement (recodé) au début et à la fin du questionnaire ... 69

5-15 Répartition des commentaires « hybrides » ... 70

5-16 Répartition des commentaires d’une seule des trois rubriques ... 71

5-17 Répartition des commentaires selon le degré d’attachement des répondants ... 71

5-18 Analyse sémantique intuitive des 169 commentaires ... 72

5-19 Nuage des mots et expressions rencontrés neuf fois ou plus dans les commentaires .... 73

6-1 Courbe de  (ATT2  ATT1) ... 75

6-2 Évolution du degré d’attachement des répondants entre le début et à la fin du questionnaire ... 75

6-3 Âge, nombre d’années de résidence et degré d’attachement des répondants ... 76

6-4 Statut de résidence et degré d’attachement des répondants ... 77

(7)

6-6 Lieu de résidence des répondants membres des « Amis du Château » ... 78 6-7 Corrélation entre le Château Frontenac comme moteur économique et symbole

sur six échelles territoriales, selon le degré d’attachement du répondant et

la perception de caractère iconique ... 80 6-8 Le Château Frontenac comme moteur économique et symbole, sur six échelles

territoriales et selon le degré d’attachement du répondant ... 81 6-9 Analyseen composante principale de sept mots et expression qui définissent

le Château Frontenac ... 82 6-10 Voir le Château Frontenac sur un trajet régulier, degré d’attachement et niveau

de connaissances ... 85 6-11 Le degré d’attachement des répondants qui se promènent habituellement autour du

Château Frontenac (recodé) ... 86 6-12 Lieu de résidence des répondants qui se promènent habituellement avec leurs

proches autour du Château Frontenac ... 86 6-13 Analyseen composante principale de cinq affirmations concernant le Château

Frontenac ... 89 6-14 Variété d’expériences personnelles au Château Frontenac, nombre d’années

de résidence, et niveau de connaissances ... 90 7-1 Adaptation du modèle conceptuel proposé sur l’attachement à l’icône touristique

(8)

Liste des tableaux

1-1 Synthèse des dix variables de mise en tourisme pour l’Équipe MIT (2010) ... 5

1-2 Mise en tableau et codification des dimensions, variables et indicateurs du modèle tripartite de l’attachement au lieu de Scannell et Gifford (2010 :2) ... 14

4-1 Construction du score de connaissances ... 44

5-1 Répartition des hommes et des femmes par groupe d’âge (en %) ... 46

5-2 Répartition des répondants selon leur revenu familial (en k$) ... 47

5-3 Répartition géographique des répondants ... 49

5-4 Regroupement des réponses au sujet des concurrents du Château Frontenac ... 50

5-5 Autres critères du client-type pour les répondants ... 52

5-6 Trois recommandations au Château Frontenac ... 53

5-7 Choix entre quatre photos du Château Frontenac ... 57

5-8 La possibilité de voir ou non le Château Frontenac ... 59

5-9 Répartition des répondants selon la variété d’activités vécues parmi la douzaine proposée, pour raisons personnelles ... 61

5-10 Répartition des répondants selon la variété d’activités vécues parmi la douzaine proposée, pour raisons professionnelles ... 61

5-11 Répartitions des répondants par activité et occurrence, pour raisons personnelles et professionnelles ... 62

5-12 Répartitions des répondants par activité pour raisons personnelles dans des établissements de la catégorie du Château Frontenac ... 64

5-13 Raisons d’un rabais ou d’une gratuité lors d’une expérience au Château Frontenac .... 65

5-14 Les raisons pour lesquelles on ne fréquenterait pas le Château Frontenac ... 66

5-15 Les activités autour du Château Frontenac faites avec les amis et/ou la famille parmi les quatre proposées ... 67

5-16 Répartition des 169 commentaires par nombre de caractères ... 73

6-1 Résultat de l’analyse factorielle sur les barrières qui empêcheraient de fréquenter le Château Frontenac ... 84

6-2 Résultat de l’analyse factorielle sur les activités faites dans les établissements de la même catégorie que le Château Frontenac ... 87

6-3 Résultat de l’analyse factorielle sur les huit affirmations concernant le Château Frontenac ... 88

(9)

Remerciements

Mes premiers remerciements vont à ma directrice de recherche madame Pascale Marcotte pour les conseils et critiques constructives qu’elle m’a prodigués tout au long de ce travail et bien avant cela pour ses recommandations de m’inscrire à la maitrise. Merci également à madame Marie Lequin et monsieur Marc St-Hilaire qui ont accepté de bien vouloir évaluer ce mémoire. La richesse de nos échanges m’a confirmée de poursuivre dans cette voie. Je tiens ensuite à remercier le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) pour l’octroi de la bourse Joseph-Armand Bombardier grâce à laquelle j’ai pu me concentrer sur mon projet de recherche, madame Louise Marcoux du département de géographie de l’Université Laval pour sa gentillesse lors de la réalisation des cartes et monsieur Stéphane Morin, directeur Ventes et marketing, pour sa disponibilité à répondre à mes questions sur le Château Frontenac.

Enfin, ma reconnaissance va à tous mes amis d’ici et d’ailleurs pour leur soutien moral qui m’a permis de continuer à travailler dans la ferveur et dans la joie. Et pour finir, un merci tout particulier à Amaury Sainjon pour sa bienveillance ainsi qu’à Lauriane Lepage pour la motivation, les cafés et les discussions que nous avons partagés durant la rédaction de nos mémoires.

(10)

Introduction

Ce projet de recherche avait pour but de mesurer le degré d’attachement des résidents en milieu urbain à l’icône touristique de leur territoire. On peut en effet s’interroger sur la perception de cette icône auprès des habitants sachant qu’elles sont largement utilisées pour faire la promotion des villes et des régions et que la recherche d’authenticité par les touristes est davantage soulignée.

Pour y parvenir, après l’énoncé de la problématique, le chapitre 1 présentera la recension des écrits scientifiques qui fait l’état des connaissances de concepts pour une grande part sur l’attachement au lieu, phénomène complexe associé à plusieurs notions-clés comme l’identité au lieu. Le cadre contextuel au chapitre 2 fera le portrait du territoire et de ses composantes à l’étude, c’est-à-dire la Ville de Québec, ses résidents et le Château Frontenac, hôtel 5 étoiles qui vient de fêter ses 125 ans, présent sur toutes les brochures touristiques. Le chapitre 3 exposera ensuite notre question de recherche, nos objectifs et hypothèses. Puis le cadre méthodologie (chapitre 4) expliquera notre questionnaire comme instrument de collecte de données et la préparation de la base de données avant la présentation des résultats (chapitre 6) et les interprétations d’analyse multivariées (chapitre 7) effectuées pour le résident, le Château Frontenac et les liens entre les deux.

Nous terminerons par une discussion (chapitre 8) dont les réponses à nos trois hypothèses pourraient ouvrir la voie à de futures recherches sur, par exemple, le rôle de certains résidents dans le développement et la représentation de leur territoire touristique.

(11)

Énoncé de la problématique

Avec la Convention 52 de l’Organisation internationale du travail en 1936 et la mise à jour de la loi du salaire minimum en 1946 au Québec, le tourisme est entré dans la culture populaire. Il représente aujourd’hui 10,4% du PIB selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT, 2018). Les composantes d’un système touristique sont le territoire, les acteurs et des attraits. Le touriste vient voir ce qu’il connait déjà, la « chose à voir », et la ville doit être accueillante pour les touristes mais aussi pour les résidents, les industriels et les événements (Bartikowski et al., 2008; 2009).

Le rôle essentiel des résidents dans l’accueil des visiteurs, tout comme le potentiel envahissant du tourisme, ont été bien documentés. En effet, plusieurs études se sont intéressées à la perception des résidents et à l’impact du tourisme sur leur qualité de vie (ex. Deery et al., 2012). Les icônes touristiques n’ont toutefois pas été considérées dans ces études alors qu’elles sont largement utilisées pour attirer de futurs résidents et faire la promotion des villes et des régions.

Lorsque le touriste retrouve son espace quotidien, il est enrichi de son expérience (souvenirs, nouvelles habitudes, …) mais le résident d’une destination touristique vit son quotidien proche d’attraits de toute nature et, pour certains, près d’une icône touristique. Il ne connait donc ni l’éloignement ni la rareté propres à l’expérience touristique, cette dimension spatio-temporelle durant laquelle on est loin et dans l’attente. De chez soi, on prépare son séjour (budget, choix du moyen de locomotion, des effets personnels, …) et on anticipe de voir ces lieux qui n’existent que « là-bas ». Le résident se sent peut-être même dépossédé de certains éléments de son environnement à cause des touristes qui le fréquentent en grand nombre et qui ont le temps et l’argent, eux, pour en profiter plus que lui.

Ce constat nous amène à nous interroger sur la perception de cette icône auprès des résidents en nous posant la question suivante : dans quelle mesure le résident en milieu urbain est attaché à l’icône touristique de son territoire? De plus, cette icône faisant partie de l’environnement quotidien du résident, la considère-t-il uniquement comme un attrait touristique ou a-t-elle une autre signification pour lui?

(12)

CHAPITRE 1 CADRE THÉORIQUE

Cette recension des écrits scientifiques est élaborée pour faire l’état des connaissances sur l’attachement des résidents – qui sont acteurs du système touristique tout autant que les pouvoirs publics et les touristes – à l’icône d’une destination touristique.

Concept-clé de notre problématique, l’attachement au lieu sera étudié après avoir défini un territoire urbain, puis - sur ce territoire - l’icône touristique et les résidents.

1.1 Le territoire urbain

Au début du XXe siècle avec l’École de Chicago, la ville a été le terrain d’études des facteurs régulant la vie sociale, sur fond de tensions raciales que subissait la ville de l’Illinois. Lieu privilégié des sociologues à l’époque, elle est depuis qualifiée de « modèle exemplaire de multidisciplinarité, voire de transdisciplinarité » (Du Berger 1994 :9) et d’« espace humain fondamental », matérialisant le collectif humain (Torgue, 2012 :183). De Sablet apporte une dimension intéressante avec la « respiration des espaces ». Une ville a des moments de fréquentation basse, haute et moyenne qui sont des indicateurs d’une population homogène (1991 :107). Il ajoute que plus la fréquentation est différenciée, plus c’est signe de multifonctionnalité. En effet, une ville-dortoir ne connait que les hauts et les bas moments de fréquentation (l’heure de pointe en début et fin de journée pour le travail, et le calme du soir au matin) et une ville comme Las Vegas ne dort jamais. La fréquentation moyenne est seulement présente dans les villes où les résidents sortent pour profiter d’activités (espace public) ou aller voir des amis (espace privé).

1.1.1 Un espace du quotidien

Pour Torgue, l’espace urbain stratifie la mémoire et détermine les répartitions entre le public et le privé dans un équilibre sans cesse remis en question (2012 :182), et les résidents sont à la fois acteurs et témoins, informateurs et spectateurs (Roberge, 1997 :163). Rien n’est figé dans cet espace collectif, composé pour De Sablet d’espaces « formels » (délimités par des bâtiments qui les bordent) et d’espaces « de vie et de sociabilisation » (1991 :13). L’auteur énumère les fonctions des espaces publics : 1) la satisfaction des besoins sensoriels et

(13)

psychologiques, 2) les relations sociales, 3) les échanges économiques et 4) les déplacements utilitaires (p.15) qui répondent aux besoins et aspirations suivants des citadins (p.48) : 1) « Sensoriels et psychologiques » (plaisir urbain, confort et confiance, satisfaire les sens, désir d’espace, désir de nature, surprise, magie de l’esthétique), 2) « Relations sociales » (liberté, rencontres, communication, culture et spectacle, expression et revendication), 3) « Échanges et activités économiques », 4) « Déplacements », et il ajoute 5) « Enracinement » (identité sociale au sein de territoires où les résidents trouvent une place dans leur histoire). Dans le cadre de notre recherche, nous retiendrons la définition d’Yves Barel (dans Tizon, 1996 : 21) qui qualifie le territoire du quotidien comme « un milieu de vie, de pensée et d’action dans lequel et grâce auquel un individu ou un groupe se reconnaît, dote ce qui l’entoure de sens et se dote lui-même de sens, met en route un processus identificatoire et identitaire ». Quant à sa délimitation géographique, le territoire à l’étude sera la Ville de Québec qui, à l’instar de la définition de Di Méo (1996 :57), est un espace de vie avec des « lieux du quotidien, itinéraire régulier, travail, consommation, acteurs et agents sociaux, centres de services et espaces de loisirs ».

1.1.2 Un espace de vacances

Comme nous l’avons dit précédemment, notre étude n’abordera pas le tourisme en tant que tel mais il nous a paru nécessaire de retenir un article de l’Équipe MIT (Mobilité, Itinéraire et Territoires) sur les variables de la mise en tourisme d’un territoire.

L’Équipe, en 2000, explique les dix variables dont il faut tenir compte pour « mettre en tourisme » un territoire sur la base d’observation de plusieurs territoires et du modèle conceptuel qu’elle a élaboré en 1996. Ces variables sont regroupées en trois blocs distincts comme le montre le tableau suivant.

(14)

Blocs Variables Situation

économique

1. Taux de fonction touristique (c’est-à-dire l’hébergement) 2. Fréquentation touristique

(en deçà de 10 000, il s’agit de touristes locaux) 3. Présence de résidences secondaires

Lieu de vie

4. Dynamique économique

5. Évolution de la population active tertiaire 6. Évolution du solde migratoire

7. Rôle des élus

8. Attitude de la population locale Géographie

9. Situation à proprement parler 10. Ouverture paysagère du lieu

(soit son aptitude à être parcouru, son accessibilité)

Tableau 1-1 : Synthèse des dix variables de mise en tourisme pour l’Équipe MIT (2010)

Le point saillant dans le cadre de notre recherche est celui qui concerne l’attitude de la population locale (8). Les résidents qui apprécient habiter un territoire touristique contribuent à ce que la destination soit accueillante. Pour Cracolici et al., « des résidents sympathiques » (2008 :338) sont d’ailleurs une composante essentielle des destinations touristiques, au même titre que des centres artistiques et culturels, des hôtels et services, de la nourriture typique, de l’information et un environnement sécuritaire.

Voyons maintenant comment et pourquoi sur ce territoire un des attraits devient particulièrement l’icône touristique.

1.2 L’icône touristique

1.2.1 Le degré d’importance des attraits touristiques

Les attraits peuvent être bâtis, ou un paysage ou encore le rythme et les coutumes des résidents que le touriste aimerait découvrir et partager le temps de ses vacances. Pour Kusen (2010 :412), ils sont la raison pour laquelle les touristes visitent une destination touristique et, de fait, sont considérés comme une ressource touristique de base. L’auteur ajoute qu’un attrait « potentiel » ne devient « réel » que lorsqu'il peut offrir une accessibilité générale (accès physique, accès public, signalisation, visites touristiques, interprétation, informations

(15)

imprimées) et que seuls ces derniers peuvent être placés sur le marché du tourisme et être promus. De plus, la valeur patrimoniale des destinations touristiques est importante à des fins de planification stratégique et de marketing (Ram et al., 2016 :110).

Le degré d’importance des attraits touristiques est donc inégal, tout comme leur rayonnement géographique. Pour les plus célèbres, Weidenfeld (2010 :852) fait une distinction entre les attractions « phares » (« flagshipness ») et « emblématiques » (« iconicity »). Les premières sont incontournables par leur caractère unique, leur emplacement particulier, une réputation internationale et une attention médiatique exceptionnelle comme Euro Disney en Ile-de-France ou la Cornwall au Royaume-Uni. Les secondes se caractérisent par des éléments d’authenticité et des perceptions mentales utilisés comme symboles universellement reconnus qui évoquent une image positive chez les touristes et les résidents, comme la Tour Eiffel ou la Grande Muraille. En effet, préciser leur situation géographique serait superflu. Et lorsqu’il devient trop difficile de comprendre pourquoi tel attrait est une icône, Urry explique que l’expression « famous for being famous » attribuée habituellement aux stars est alors la seule réponse qu’on puisse donner (1990 :12).

L’icône est donc l’attraction touristique majeure d’une destination (Becken 2005 :21) issue d'un processus à long terme qui implique des acteurs tels que les agences de marketing, les opérateurs et les touristes et elles sont utilisées pour attirer l'attention de clients potentiels. (p.22).

1.2.2 Le processus de sacralisation d’un lieu touristique

Le modèle de MacCannell (1976) sur la sacralisation d’un lieu permet d’expliquer comment un site devient touristique et reconnu comme tel. La Rencontre (ce point culminant attendu) se fait grâce à l’interaction entre le touriste, la chose à voir (le « Sight ») et l’élément d’information (le marqueur). La sacralisation se fait par des mises en scène institutionnelles dont les cinq étapes sont : 1) Identification/Distinction du Sight par un marqueur (sa valeur, son authenticité, …), 2) Exposition/Encadrement (mise en valeur du Sight et délimitation du lieu où il se trouve), 3) Enchâssement (le Sight est maintenant dans un lieu valorisé), 4) Reproduction mécanique (contrôle de l’image) et 5) Reproduction sociale (la société contribue d’elle-même à son rayonnement). Ce processus oblige moralement et socialement

(16)

le touriste à visiter ce lieu reconnu. Tout est mis en scène pour qu’il ressente le privilège de l’avoir vu, comme la récompense de l’effort du chemin parcouru lors d’un pèlerinage. Par son caractère unique, l’icône touristique est instantanément reconnaissable grâce à son image omniprésente sur les brochures (Urry, 1990 :12). À son tour, le touriste prendra des photos pendant son séjour qu’il montrera au retour à son entourage. Il participera ainsi au « cercle de représentation » (Jenkins, 2003 :308) en faisant, sans le vouloir, la promotion de cette icône.

1.2.3 L’icône, un symbole identitaire

Les acteurs privés et publics jouent donc un rôle dans la construction du regard qu’un touriste porte sur une attraction (Urry, 1990 :2). Les politiques et discours publics s’appuient sur les icônes – qu’elles soient patrimoniales (« Heritage sites ») ou emblématiques (« Flagship sites ») – pour ancrer l’identité territoriale (« Spatial identity ») des résidents, a fortiori dans une société où les habitants sont de plus en plus mobiles (Terlouw, 2014 :38) et la compétition entre les destinations de plus en plus féroce.

Cette « chose à voir » fait référence à des valeurs auxquelles chaque individu d’une même société (à différentes échelles géographiques) doit adhérer et transmettre. Les touristes doivent avoir des connaissances préalables ou des attentes particulières (Ram et al., 2016 :112). Si on va à Paris, il faut avoir vu et photographié la Tour Eiffel sinon on aura l’impression (ou on ne manquera pas de nous le dire) d’avoir manqué « quelque chose » et si on préfère Londres, il en sera de même avec Big Ben.

Pour la communauté du territoire (quel que soit son étendue géographique), l’icône patrimoniale est une fierté qu’il faut maintenir en place et à sa place, au risque de créer un tollé comme ce fut le cas avec le Taj Mahal1 ou Big Ben dont le silence depuis 2017 - et ce

pendant quatre années de restauration - fait réagir les Londoniens : « It can’t be right » a proclamé la Première Ministre Theresa May (Shirbon, 2017). Le patrimoine est une matière vivante qui tire sa richesse de sa relation avec le temps (Clais, 2002 ; Mélin, 2005) et qui s’articule autour du rationnel et du sensible (Clais, 2002 :84). La mise en récit de l’icône

1 Ce monument classé au patrimoine mondial de l’UNESCO a été supprimé des guides pour des raisons

(17)

patrimoniale doit pouvoir continuer, en innovant (le futur) mais sans perdre la mémoire (le passé). En effet, elle peut faire l’objet d’un plan de conservation (qu’il s’agisse d’un paysage ou d’un bâti) ou de restauration au besoin, innover et s’enrichir comme par exemple la Tour Eiffel et ses nouveaux ascenseurs, depuis 2014, plus écologiques, moins énergivores, « parce que modernité à la Tour doit rimer avec pérennité et durabilité »2, ou bien encore

le développement de plateformes sur internet qui facilitent l’achat de billets ou proposent des visites virtuelles.

1.2.4 L’architecture iconique

Ce type d’architecture a pour vocation de contribuer au « processus de mondialisation culturelle » (Saunders, 2005) et de « participer à l’expression touristique » (Sklair, 2010 :143). Pour Broda (2006 :101), il obéit aux critères suivants : commandé à des architectes célèbres, construit à grande échelle et de conception avant-gardiste, il est immédiatement reconnaissable par le grand public et fonctionne souvent comme siège social pour les entreprises et les organisations. Cette architecture médiatique permet aux villes de se renouveler et se démarquer (Jencks, 2005; 2006). La culture visuelle de l’urbain contemporain a séduit (Gravari-Barbas, 2009) durant les deux dernières décennies du XXe siècle.

Cette architecture iconique n’a d’icône que le nom. Les édifices, livrés clé-en-main, n’ont aucun socle patrimonial. La ville est le terrain privilégié de ces Starchitectures pour bâtir l’« élément de création d’une nouvelle identité » (Gravari-Barbas et Renard-Delautre, 2015 :146). En 1994, Morel fait déjà le triste constat que les identités territoriales tendent à être produites de façon de plus en plus autonome, « sans se préoccuper de continuité et sans qu’il y ait une relation nécessaire avec les traditions culturelles de la collectivité qu’il s’agit de valoriser » (p.151). On pourrait les rapprocher des non-lieux de Augé (dans Bédard 2002 :61), « des témoins et non pas des acteurs ».

Le musée Guggenheim à Bilbao a fêté ses 20 ans en 2017. À l’époque, l’effet Bilbao a séduit les municipalités mais la crise de la fin de la décennie des années 2000 a ralenti les commandes pour cette architecture iconique. Les raisons invoquées pour arrêter leur construction étaient économiques mais aussi patrimoniales et environnementales.

(18)

Alors, des projets ont vu le jour en Asie et au Moyen-Orient comme en 2012 le Centre culturel Heydar-Aliyev à Bakou de la starchitecte Zaha Hadid ou, la même année, l’hôtel Sheraton par Yansong Ma, en forme d’anneau sur le lac Tai près de Shanghai. Revenons aux territoires chargés d’histoire et aménagés au fil du temps, à ces municipalités organisées politiquement, économiquement et culturellement pour recevoir les touristes le temps de leurs vacances mais aussi pour accueillir et retenir ceux qui y vivent au quotidien.

1.3 Le résident

1.3.1 Sa place dans l’espace-temps

Dans la définition commune, un résident est une « personne qui habite ordinairement dans un lieu déterminé » (CNRTL). Il est un élément d’une population donnée, définie comme un « ensemble des personnes qui habitent un espace ». Lors du recensement quinquennal, Statistique Canada donne pour chaque territoire le nombre de logements privés « occupé[s] par des résidents habituels », c’est-à-dire « occupé[s] de façon permanente par une personne ou un groupe de personnes ». Comme on peut le constater, si l’aspect géographique est toujours clair, celui de la durée d’habitation n’est pas vraiment explicite.

Pour mesurer la mobilité des Canadiens, Statistique Canada comptabilise ceux qui ont déménagé ou non depuis un an ainsi que ceux qui ont déménagé ou non depuis cinq ans, à l’échelle de la ville, de la province et du pays. Sans pouvoir nous répondre sur le choix de ces deux durées, l’Institut – contacté en octobre 2018 – a confirmé que le critère de « cinq ans » existait déjà au recensement de 1961 alors que celui d’« un an » n’est apparu qu’en 1991, signe évident de mobilité.

Tuan (2006 [1977] :22) avançait que « le fait de résider longtemps dans un lieu permet de le connaître de manière intime », sans pour autant donner une durée de résidence. Dans le cadre de leur maîtrise (sur les territoires de Rosemont-La Petite Patrie et du Vieux-Limoilou), deux étudiants de l’Université Laval ont défini un résident comme un habitant vivant « depuis deux ans minimum » sur les lieux (Pouliot, 2014 :31), « le temps de prendre le pouls de l’environnement » (Kelly, 2014 : 13), durée qui – quarante ans après Tuan – est tout à fait acceptable dans nos sociétés modernes où le rapport au temps a changé.

(19)

1.3.2 Ses besoins

Si la durée d’occupation ne semble pas pouvoir faire consensus, les besoins des résidents sont plus faciles à caractériser. Les sites internet des villes (touristiques en l’occurrence) mettent à disposition des informations pour les « citoyens », les « gens d’affaires » et les « touristes ». Le résident est évidemment de la première catégorie. Dans sa quotidienneté, il doit être informé des règlements municipaux (déneigement, taxes et évaluation, matière résiduelle, transports en commun, abonnement à la bibliothèque, horaire d’ouverture de l’hôtel de ville, etc.) pour répondre à ses besoins tout en vivant en harmonie avec les autres. Dans cette perspective, nous considérons que les personnes qui ont une résidence secondaire sont aussi des résidents de ce territoire.

Pour Cracoli et al., les résidents « font partie des installations touristiques d’une destination attractive » (2008 : 339) et pour Ashworth et al., ils « ont la primauté sur les visiteurs en matière de demandes au niveau du patrimoine [dans les villes historiques] » afin de ne pas menacer le patrimoine lui-même ni d’« évincer les autres usagers [de ces mêmes villes historiques] » comme ce fut le cas à Bruges ou Venise (2014 :218). Le résident s’ancre donc sur le territoire de son lieu d’habitation et démontre le sentiment et la volonté « d’appartenir à un même groupe et de se présenter comme tel dans l’espace public » (Debarbieux, 2012 : 2).

1.3.3 Son imaginaire

Chaque groupe construit une image mentale de sa ville qui lui est propre (Du Berger et al., 1994 : 127). Cet imaginaire « inhérent à la vie urbaine » (De la Pradelle, 1997 :159) n’a été étudié au Québec que depuis une trentaine d’années grâce au Laboratoire d’ethnologie urbaine3. Le LEU avait la particularité de reconstituer les parcours des habitants de la Ville,

d’un passé proche et au présent, en donnant la parole aux habitants eux-mêmes (Roberge, 2004 :166). Le projet « Vivre sa ville : Québec au XXe siècle » a montré comment les habitants de Québec ont « élaboré un imaginaire qui a créé un champ urbain symbolique » (Du Berger, 1994 :10).

(20)

En conclusion, le résident se prévaut d’un espace privé (son habitation) mais aussi de l’espace public (son territoire) dont il fait partie. Nous estimons que deux années d’habitation sont acceptables comme critère pour définir un résident mais nous ajoutons qu’il est tout aussi important de considérer l’intention de vouloir ou non rester car, selon nous, la prévision d’un déménagement dans un futur plus ou moins proche limite naturellement le résident dans l’investissement qu’il mettra à s’acclimater et à s’approprier l’espace public.

Abordons maintenant les raisons et les formes de liens qui se créent avec certains endroits.

1.4 L’attachement aux lieux

En géographie, un lieu est une portion déterminée de l’espace (CNTRL) mais en psychologie environnementale, l’espace devient lieu (Tuan, 2006 [1977] :75). Il s’agit donc du résultat d’un processus. D’un point de vue phénoménologique, l’appropriation de l’espace est nécessaire par l’homme pour que le lieu existe (Cf. infra L’esprit du lieu). Les lieux « n’ont aucun sens en eux-mêmes. Ils n’ont que celui qu’on leur donne » (Bédard, 2002 :70). Le haut-lieu particulièrement (dont s’apparente l’icône touristique) a une symbolique et il suscite l’imaginaire. « Il peuple notre quotidien » (p.54).

Depuis les années 70, la production d’écrits scientifiques sur l’attachement au lieu est conséquente et touche des disciplines aussi variées que la géographie (particulièrement urbaine et culturelle), la psychologie, la psychologie environnementale, le marketing ou encore l’architecture. De plus, une grande variété de lieux est étudiée : le voisinage seulement (Mesh et Manor,1998) ou simultanément avec la maison et la ville (Hidalgo et Hernandez, 2001), les lieux de service (Debenedetti, 2004), ou des lieux imbriqués géographiquement - communauté, ville, région, pays, Europe - (Gustafson, 2001). Cette liste de lieux n’est pas exhaustive car on peut y ajouter une librairie, un quartier, une tente ou une église par exemple, lorsque les répondants ont l’opportunité de proposer eux-mêmes le lieu auquel ils sont attachés4.

4 Des synthèses et recensions d’écrits consacrées à l’attachement au lieu ont été réalisées par des auteurs tels

(21)

Gustafson (2001) avance que le lieu doit être identifiable (Distinction), évaluable (Valuation) et repérable dans le temps (Continuity / Change) par des événements qui s’y sont déroulés ou par ce qu’on y a construit. Pour Relph (dans Seamon et Sowers, 2008 :43-45), le sentiment que tel lieu est unique réside dans sa capacité à ordonner et concentrer les intentions, les expériences et les actions humaines dans l'espace. Relph a été un des premiers auteurs dans les années 70 à formaliser qu’il est nécessaire d’avoir une compréhension approfondie du lieu (Depth of place) afin de décrire pourquoi tel lieu est particulier pour certains car il a, avant tout, une signification humaine.

L’attachement au lieu est bien un phénomène complexe d’autant plus qu’il est associé à des concepts très proches - qu’il s’agisse d’enracinement (Rootedness), d’esprit du lieu (Sense of

place), d’appartenance (Belongingness), d’appropriation, de dépendance et d’identité

(Altman et Low, 1992; Giuliani et Feldman, 1993) - et aussi à des lieux très différents (milieux urbain ou naturel, public ou privé, etc.). Hernandez et al. (2014 :127) ont synthétisé en trois modèles les grandes approches de l’attachement au lieu dans la littérature depuis 2010 (Figure 1-1). Les auteurs ont analysé qu’il existait presque autant d’approches que de combinaisons des différents concepts. En effet, l’attachement au lieu peut être considéré par certains auteurs comme un concept unidimensionnel (modèle 1), c’est-à-dire au même niveau que ceux d’identité au lieu et de dépendance au lieu, ou pour d’autres comme un concept pluridimensionnel (modèle 2), au niveau supérieur avec 2, 3 ou 5 dimensions, ou pour d’autres encore comme une dimension d’un concept plus général (modèle 3).

(22)

Figure 1-1 : Different models of place attachment

(dans Hernandez et al. 2014 :127) 5

1.4.1 Les modèles tripartites

Les études scientifiques sur l’attachement au lieu proposent souvent des modèles tripartites. Selon le sujet de recherche, ils peuvent être sous la forme Personal / Social / Physical (Sixsmith,1986), Self / Others / Environment (Gustafson, 2001), ou House / Neighbourhood / City (Hidalgo et Hernandez, 2001). On peut noter que plus le voisinage répond aux besoins

(23)

de l’individu, plus il y est attaché (Mesh et Manor, 1998) et que l’attachement à la ville relève d’une dimension sociale, tout autant que celui à la maison relève d’une dimension physique (Hidalgo et Hernandez, 2001).

Scannell et Gifford (2010) ont développé un modèle tripartite qui résume les différentes définitions trouvées dans la littérature. Pour les auteurs, ce modèle permet - lors d’études sur l’attachement au lieu - de mesurer l’importance accordée aux dimensions « Personne », « Lieu » et « Processus ». Nous avons jugé pertinent de le prendre en considération pour construire le questionnaire de notre collecte de données. Il a l’avantage d’être simple, complet et les variables, tout comme les indicateurs, sont clairement énoncés.

Dimensions Variables Indicateurs

Personne Culturel/Social  Religieux  Historique Individuel  Expérience

 Réalisation  Repères

Lieu Social  Espace social

 Symbole social

Physique  Nature

 Construit

Processus Affectif  Joie

 Fierté  Amour Cognitif  Mémoire  Connaissance  Mode de pensée  Significations Comportemental  Maintien de proximité

 Reproduction de l’endroit [i.e. en cas de destruction]

Tableau 1-2 : Mise en tableau et codification des dimensions, variables et indicateurs

(24)

De son côté, Lewicka (2011) conclut, après une recension des écrits publiés depuis 40 ans, que la plupart des recherches ont un caractère exploratoire et ne sont pas assez théoriques. Elle ajoute qu’une part trop importante dans les études est donnée à la « personne » mais qu’en même temps, l’accent mis sur la psychologie de l’individu a permis d’améliorer graduellement les outils de mesure.

1.4.2 Définitions de l’attachement au lieu, de l’identité au lieu et de l’esprit du lieu

Nous avons retenu les concepts d’attachement au lieu (PA), d’identité au lieu (PI) et d’esprit du lieu (SP) considérant qu’ils sont les plus en lien avec notre sujet de recherche et ce, quel que soit leur niveau (concept ou dimension) dans les différents modèles d’Hernandez et al. (Figure 1-1). À l’inverse, la dépendance au lieu (Place dependence) ne sera pas abordée dans notre étude puisqu’il est peu commun, selon toute vraisemblance, d’être dépendant à une icône touristique pour satisfaire ses besoins, qu’il soit de sécurité ou d’activités de loisir par exemple.

Attachement au lieu

Deux définitions de Low (dans Giuliani et Feldman, 1993 :271) sur l’attachement au lieu (PA) ont retenu notre attention. L’une est sous l’angle de la culture: “Place attachment is the symbolic relationship formed by people giving culturally shared emotional/affective meanings to a particular space or piece of land that provides the basis for the individual's and group's understanding of and relation to the environment”. L’autre est sous l’angle de la psychologie: “Attachment refers to the cognition and emotionally linkage of an individual to a particular setting environment”. La multidisciplinarité de ce concept montre bien l’impossibilité d’en donner une définition universelle et explique en partie la diversité des termes utilisés.

L’attachement peut naitre de tous types de lieux (Altman et Low, 1992) quels que soient leur taille, leur nature (bâti ou non), leur caractère ordinaire ou extraordinaire, qu’ils soient privés ou publics, esthétiques ou non. Il se produit envers un lieu spécifique. Autrement dit, on est attaché à un paysage et non au paysage. L’attachement a aussi la caractéristique de se former avec le temps (Giuliani et Feldman, 1993). Il nécessite des interactions répétées (comme l’enfant avec sa mère) même si Proshansky et al. (1983) avancent qu’il n’est pas un résultat direct d’expériences. D’un point de vue marketing, Gouteron (2011) met de l’avant qu’il faut

(25)

une satisfaction cumulée, obtenue donc par plusieurs expériences, pour faire naitre l’attachement à un bien ou à un service. Ainsi, l’appropriation mentale n’oblige pas la possession de l’objet auquel on s’attache (le lieu, en l’occurrence, qui peut être un espace public).

De leur côté, Stedman et al., (2014) avancent qu’il faut faire une distinction entre significations au lieu (Place meanings) et attachement au lieu. Pour les auteurs, ce sont elles qui produisent l’attachement au lieu (2014 : 113) et elles doivent continuer d’exister pour maintenir l’attachement. Les significations sont donc les symboles sur lesquels repose l'attachement. Elles peuvent aller du simple descripteur au symbole fort. Par exemple, à la question « Quel type de lieu est-ce ? », la réponse peut aller de « Mon voisinage est sympathique » à « C’est chez moi [home] ».

Identité au lieu

Proshansky et al. (1983) parlaient déjà de « Place identity » en 1978, concept pour lequel ils identifiaient un ensemble de relations, de comportements et d’attitudes vis-à-vis d'un environnement physique, d'idées, croyances, préférences, sentiments, valeurs et tendances comportementales pour cet environnement (1978 : 155). Le lieu où se déroulent ces (inter)actions participe autant à se définir qu’à définir les (inter)actions elles-mêmes. Ainsi, la culture renvoie au territoire et par lui, incarne sa relation avec l’espace (Bonnemaison, 1981). Ce territoire devient alors un géosymbole que l’auteur définit par « un lieu, un itinéraire, un espace, qui prend aux yeux des peuples […], une dimension symbolique et culturelle, où s’enracinent leurs valeurs et se conforte leur identité » (p.249). L’attachement au lieu et l’identité au lieu continuent d’être une part importante de l’existence humaine, et ce malgré la croissance de la mobilité urbaine (Lewicka, 2011). Dans nos sociétés modernes, on est de plus en plus amené à déménager, par obligation ou par volonté. Dans ces conditions, on peut se demander si le temps de résidence relativement court affecte(ra) ou non le degré d’attachement et d’identification à un lieu.

(26)

Esprit du lieu

Le dernier concept que nous avons retenu des modèles d’Hernandez et al. est l’esprit du lieu. À l’Antiquité, le genuis loci était l’esprit protecteur des lieux et des individus. Aujourd’hui, cette expression signifie que l’esprit et le lieu interagissent étroitement. L’un se construit par rapport à l’autre. L’esprit construit le lieu et, en même temps, le lieu investit et structure l’esprit. Pour Norberg -Schulz (1981), architecte, le but d’un lieu est de rendre significative l’existence des individus. L’orientation (l’espace) et l’identification (l’être humain) composent l’esprit du lieu. Ainsi, l’endroit et les individus ne font qu’un, ce qui donne à chaque lieu un caractère distinctif.

La 16e Assemblée générale et du Symposium scientifique de l’ICOMOS6 qui s’est tenue

à Québec en 2008 avait pour thème « Où se cache l’esprit du lieu ? ». Les discussions étaient réparties en quatre ateliers : 1) Repenser l’esprit du lieu, 2) L’esprit du lieu menacé, 3) Sauvegarder l’esprit du lieu et 4) Transmettre l’esprit du lieu. La Déclaration issue de ces réflexions définit l’esprit du lieu (article 1) comme « constitué d’éléments matériels (sites, paysages, bâtiments, objets) et immatériels (mémoires, récits oraux, documents écrits, rituels, festivals, métiers, savoir-faire, valeurs, odeurs) qui servent tous de manière significative à marquer un lieu et à lui donner un esprit », puis stipule (article 3) qu’il est « un processus construit et reconstruit pour répondre aux besoins de continuité et de changement des communautés […], il peut varier avec le temps et d’une culture à une autre en fonction de leurs pratiques mémorielles, et un même lieu peut posséder plusieurs esprits et être partagé par différents groupes ». (dans Joly, 2010 :256).

1.4.3 Les bienfaits de l’attachement au lieu

L’attachement au lieu est une formulation de liens émotionnels positifs entre un ou des individu(s) et son/leur environnement socio-physique (Woosman et al., 2018 :139).

Sous des formes tripartites, des relations positives de l’attachement sont clairement identifiées par les participants, comme par exemple « la reconnaissance » entre « le soi » et « les autres » ou « la vie dans la rue » entre « les autres » et « l’environnement » (Gustafson, 2001).

(27)

Lorsqu’il est question de la ville, les bienfaits ressentis sont avant tout l’appartenance (Belonging) et les souvenirs (Memories) (Di Méo, 2007 :84 ; Lewiska, 2008 :221 ; Scannell et Gifford, 2017 :259) en tenant compte que la relation entre les attachements positifs, durables et le bien-être peut ne pas être universelle mais plutôt s’expliquer en fonction des valeurs sociétales (Giuliani et Feldman,1993).

Les avantages psychologiques de l’attachement au lieu sont à rapprocher de ceux de la mobilité pour certains auteurs (Scannell et Gifford, 2017 :267) alors que d’autres considèrent que l’attachement au lieu et la mobilité sont incompatibles (Gustafson, 2001). Pour Taylor, malgré les liens souvent rompus avec sa ville ou son pays d’origine, les interprétations multiples de son lieu de résidence demeurent au centre du récit de vie. La propre définition du « chez-soi » positionne l’individu positivement, en donnant le sentiment de « constance environnementale » (dans Wang et Chen, 2015 :18). Ce sentiment contribue à la qualité de vie du résident au quotidien lorsque ses besoins de base sont satisfaits (Araújo et al., 2013 :103).

Dans le fait d’être loin ou absent du lieu auquel on est attaché, certains auteurs y voient un renforcement des liens avec le lieu en question quand d’autres estiment que plus les distances sont grandes plus l’attachement est dilué (Hidalgo et Hernandez, 2001), et vécu comme une « rupture » et une perte de repères spatio-temporels ou géographiques entrainant alors un sentiment de perte d’identité (Guy, 2015 :59). L’absence peut donc accroitre ou diluer l’attachement.

Dans l’attachement au lieu, le caractère identitaire est central (Giuliani et Feldman, 1993). Il aide à la continuité du maintien de soi (Altman et Low, 1992). Ce « maintien de soi » peut être individuel et collectif et pour Di Méo (1996), le sentiment d’identité collective s’accompagne d’une sensation de bien-être (p.83). Ashworth (2004) met de l’avant que la population locale doit s’identifier à sa localité, avoir une « fierté locale », d’autant plus dans un contexte de mondialisation économique (p.211) et que, de leur côté, les pouvoirs publics doivent encourager et renforcer ce sentiment d’appartenance par des mesures (plan de conservation, subventions, etc.) visant à développer des lieux à « caractère local potentiel » - sans qu’elles soient pour autant une réaction nationaliste - pour lutter contre

(28)

De son côté, Di Méo (2007) met de l’avant que, sur un territoire urbain, la cohabitation de personnes d’horizons divers (due à la mondialisation et à la mobilité) fragilise les identités individuelles et invite donc l’individu ou le groupe à chercher « une cohérence sociale et spatiale autour de son histoire et de la construction de sa propre territorialité » (p.73). L’auteur prend l’image que les référents spatiaux sont pour l’identité collective l’équivalent du corps pour l’identité individuelle (p.77).

Un autre bienfait que procure l’attachement au lieu est l’estime de soi par la prise de conscience du sens de la valeur sociale de son groupe (Araújo et al., 2013 :105). Le partage de valeurs et d’activités peut faire ressentir de la fierté, en particulier pour ceux qui résident dans le centre-ville des villes historiques qui, contrairement aux banlieues récentes, sont moins anonymes sur le plan social et offrent une plus grande variété d’activités culturelles et communautaires (Lalli, 1992 :290).

Ressentir l’esprit du lieu (« Sense of place ») est aussi un bienfait car la mise à contribution des sens éveille la conscience active de l’individu (Torgue, 2012 :225). Ce sentiment d’ambiance a aussi un rôle fédérateur car il fait prendre conscience de vivre « un moment identifié et circonscrit » (p.244). Relph parle de profondeur de lieu (« Depth of place »), où le point central de cette intensité est l'identité avec le lieu, qu'il définit à travers le concept de l'intériorité (« Insideness »), le degré d'attachement, d'implication et de préoccupation d'une personne ou d'un groupe pour un lieu particulier (dans Seamon et Sowers, 2008 :45). Un dernier bienfait de l’attachement au lieu que nous avons repéré dans la littérature est étudié en marketing. Il s’agit de la fidélité. Qu’elle soit par crainte du risque de changer, par satisfaction paresseuse ou par volonté de simplification dans le processus de choix (Achour, 2006 :62), il existe une relation positive, mais pas systématique, entre la satisfaction et la fidélité à une marque, une catégorie de produits ou un type de biens (p.67).

1.4.4 L’échelle de mesure et les facteurs d’influence

L’échelle de mesure de Lalli (1992) concerne directement l’identité urbaine (« Urban-related identity »). Elle donne les facteurs d’évaluation, de continuité d’attachement, de perception de familiarité et d’engagement (à rester dans la ville où l’on réside) qui seront utiles dans le cadre de notre recherche. Retenons aussi que l’âge et le genre - contrairement au niveau

(29)

social - ont une influence sur le degré d’attachement au lieu (Hidalgo et Hernandez, 2001), tout comme la culture (Altman et Low, 1992) ou les valeurs sociétales (Giuliani et Feldman, 1993), puisque l’hypothèse avancée est que la relation entre les attachements (positifs et durables) et le bien-être peut ne pas être universelle.

Ces considérations mettent en évidence combien la mesure du degré d’attachement à un lieu est complexe, d’autant plus que le lieu étudié peut être du domaine public ou privé (sans pour autant le posséder), naturel ou bâti, proche ou éloigné de nous et que les expériences qu’on y vit le sont individuellement, en groupe (famille, amis) ou collectivement (concitoyens). Comme nous l’avons dit, pour s’attacher à un lieu, celui-ci doit être identifiable, évaluable et repérable dans le temps par des événements qui s’y sont déroulés ou par ce qu’on y a construit (Gustafson, 2001). Malgré l’absence de littérature sur l’attachement à l’icône touristique en particulier, on peut raisonnablement supposer que ces caractéristiques lui sont tout aussi valables.

1.5 Question de recherche

A la suite de cette recension des écrits scientifiques, nous pouvons conclure qu’aucune étude n’a été repérée sur l’icône touristique en lien avec les résidents d’un territoire. Cependant, des liens peuvent être établis entre l’icône comme symbole identitaire et des résidents du même territoire. Nous sommes donc amenés à nous poser la question suivante : Dans quelle mesure les résidents sont attachés à l’icône touristique de leur territoire ? Pour tenter d’y répondre, nous proposons le modèle suivant - sur la base du modèle tripartite de l’attachement au lieu (Scannell et Gifford, 2010) - qui illustre que l’attachement au lieu peut se faire par la personne elle-même et/ou par un processus dont les valeurs restent à confirmer, infirmer, ou compléter.

(30)

Figure 1-2 : Proposition d’un modèle conceptuel

(31)

CHAPITRE 2 CADRE CONTEXTUEL

Dans le cadre de notre recherche, l’étude de cas est l’attachement des résidents de la Ville de Québec au Château Frontenac. A l’instar de ce que défend Tuan, il est impossible d’aborder l’espace de l’expérience sans présenter les objets et les lieux qui définissent cet espace (2006 :138).

2.1 La Ville de Québec et ses résidents

Samuel de Champlain s'installe à Québec en 1608. Capitale coloniale de la Nouvelle-France, ancienne colonie britannique de 1763 à 1791, la « Vieille Capitale » est le berceau de l'Amérique française. Les remparts font d’elle la seule ville fortifiée au nord du Mexique. Selon Statistique Canada, la Ville de Québec compte 531 902 habitants au recensement de 2016. Elle est la capitale nationale de la province de Québec (la seule officiellement francophone, elle représente 23% de la population du Canada). Pour Graham et al. (2000), la Ville de Québec est le symbole de l'identité nationale québécoise (dans Ashworth et al., 2004 :216).

Le territoire de notre étude (Figure 2-1) est La Cité-Limoilou, Les Rivières, Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge, Charlesbourg, Beauport et La Haute-Saint-Charles - ces six arrondissements forment la Ville de Québec depuis les fusions municipales de 2001 – ainsi que les trois territoires enclavés (la ville de L'Ancienne-Lorette, la réserve amérindienne huronne-wendate de Wendake et la petite municipalité de paroisse de Notre-Dame-des-Anges) pour couvrir un territoire sans discontinuité.

Le taux de chômage dans la région métropolitaine de recensement (RMR) - territoire des villes de Québec et de Lévis essentiellement - est de 3,3 % (Statistique Canada, janvier 2018). D’après une étude de la chambre de commerce et d’industrie de Québec en 2016, les quatre premiers secteurs en matière d’emplois sont : Commerce de détail et de gros (16,9 %), Gouvernements (10,3 %), Fabrication (9, 1 %) et Tourisme et culture (7,1 %). Québec est aussi un centre portuaire important qui a accueilli 202 081 croisiéristes en 2017

(32)

Figure 2-1 : Territoire de notre étude (Source : ville.quebec.qc.ca)

Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, les aménagements sur les bords du fleuve St-Laurent visent à embellir Québec, ville historique, porte d’entrée de la Nouvelle-France. La terrasse Durham, construite sur l’emplacement du vieux château Saint-Louis, fait place à la terrasse Dufferin en 1879. Les escaliers pour s’y rendre du Petit-Champlain sont remplacés. Les rues élargies facilitent la circulation (Courville et Gagnon 2001 :357). Le plan d’urbanisme de l’époque rend le cadre de vie agréable. Québec a une vocation touristique. Les promeneurs viennent y flâner mais il manque un hébergement pour les touristes. Sur les plans de Bruce Price, c’est en 1892-1893 que la compagnie ferroviaire Canadien Pacifique commence la construction de l’hôtel Château Frontenac (Lieux patrimoniaux du Canada, 2019), sur le terrain perché du Cap-Diamant.

2.2 Le Château Frontenac

Les critères qui font de l’hôtel-Château une icône touristique sont nombreux. L’histoire qu’il a à raconter sur ses origines lui a donné un caractère authentique et une (bonne) renommée, ce qui lui a permis de devenir une icône et d’être un acteur incontournable de la Ville de Québec.

(33)

2.2.1 Son histoire

Les plans du futur hôtel sont inspirés de ceux du Château Isle Savary en France, dernier château fort construit au milieu du XVe siècle qui a appartenu pendant une vingtaine d’années à Frontenac. Sur l’emplacement du fort Saint-Louis (construit en 1620 par Samuel de Champlain, qui devient « Château Saint-Louis » et la résidence officielle du gouvernement de la Nouvelle-France en 1646) et du Château Haldimand (construit en 1784 et siège du gouvernement colonial de la Province de Québec de 1786 à 1791), son nom de « Château » était donc tout trouvé tandis que son architecture s’intégrait à l’environnement qui rappelait la France. Dès son ouverture en 1893, l’hôtel de luxe Château Frontenac attire la clientèle américaine et canadienne de la compagnie de chemin de fer le Canadien Pacifique (Gagnon-Pratte et Etter, 2018 :9). Ce « Sight » a un caractère authentique, situé dans un lieu valorisé et délimité. Il en sera de même tout au long de ses étapes de construction, de Price (1892-1899), de Painter (1909-1910) et de Maxwell (1920-1924). La tour de 1925, qui l’identifie et le repère facilement sur le territoire, renforce son aspect majestueux. Parallèlement, la gare actuelle, dans le même style architectural, construite par le Canadien Pacifique sur les plans de l’architecte Prindel, est inaugurée en 1915 (Courville et Gagnon, 2001 :248).

Le Château Frontenac s’agrandit et vit avec son temps. Il se modernise en 1973 et des améliorations majeures sont apportées pour son centenaire avec l’aile Claude-Pratte. En un siècle, il passe de 170 à 610 chambres tout en gardant un ensemble cohérent. Reconnu comme monument historique en 1981 par Patrimoine Canada, il est situé dans le Vieux-Québec, arrondissement historique depuis 1963 et inscrit au patrimoine mondial en 1985. Le monument commémoratif de l’UNESCO est à ses pieds, à côté de la statue de Champlain inaugurée en 1898. Comme l’a écrit Clais (2002), « le patrimoine tire sa richesse de sa relation privilégiée au temps ». Par sa situation géographique, le Château Frontenac sait en tirer parti. Le Château Frontenac poursuit son histoire et vient de fêter en grand ses 125 années. Le coup d’envoi a été donné le 18 décembre 2017 (jour calendaire de l’inauguration de l’hôtel-Château en 1893) par le directeur général Robert Mercure (2007-2018). Ses paroles sont reprises dans les médias : « Le Château, c’est plus qu’un hôtel. C’est une icône,

(34)

dans l’article de Provencher (Le Soleil) ou encore à ICI Radio-Canada : « Les Québécois sont très fiers de leur Château, on est tous des propriétaires du Château et je trouve que c’est très important que les gens se sentent très à l’aise que le Château est accessible et se sentent bienvenus pour le visiter ».

Huit suites nouvelles ou restaurées sont inaugurées, au nom de personnages comme William Van Horne (ex-directeur général du Canadien Pacifique qui entreprit la construction de l'hôtel), Élisabeth II, Roosevelt, Churchill, Charles de Gaulle et Céline Dion. Portes ouvertes, expositions et rendez-vous culinaires font aussi partie de la programmation. « Il y a une histoire absolument fascinante à raconter, réapprendre les choses qui se sont passées au Château en 125 ans » annonçait Robert Mercure au coup d’envoi.

2.2.2 Sa sacralisation

En lien avec le processus de sacralisation d’un lieu de MacCannell mentionné au point 1.2.2, on pourrait transposer comme première étape du processus, le choix de l’emplacement de la construction de l’hôtel. Un Château sur les fondations d’autres châteaux. Mélangeant les époques, on pourrait presque l’assimiler à une hétérotopie (Foucault, 2004 [1967]) dont deux des principes sont 1) la rupture avec la chronologie traditionnelle (construction fin XIXe d’un Château style XVe) et 2) l’espace d’illusion et de perfection, sans pour autant qualifier son architecture d’iconique, au sens de la « Starchitecture » (Cf. point 1.2.4). Pour ce qui est de son image (la reproduction mécanique), l’hôtel-Château sait la contrôler. Des personnalités de tous horizons ont logé chez lui et il n’a jamais manqué de le faire savoir. En 2002, dix-sept suites portent leur nom (i.e. Élisabeth II, Charlie Chaplin, Lindbergh, Trudeau, Robert Lepage). Le directeur général de l’époque, Philippe Borel, dira à l’inauguration qu’« il convient de tisser dans l’expérience du client la dimension historique, culturelle et artistique du Château » (dans Gagnon-Pratte, 2018 :98). Ces propos sont dans la lignée de ceux de ses prédécesseurs. En avril 2018, dans le cadre des fêtes de son 125e anniversaire, l’Orchestre symphonique de Québec dévoile l’hymne officiel du

Château Frontenac, annoncé comme Première mondiale pour un édifice patrimonial et composé par Steve Barakatt7. « Le Fairmont Château Frontenac pourra désormais voyager

(35)

à travers le monde par le langage universel de la musique » déclarait Robert Mercure le soir du concert.

La dernière étape du processus de MacCannell est la reproduction sociale. Le Château Frontenac a la réputation d’être l’hôtel le plus photographié au monde (Léger, 2013) et son image se décline sur de nombreux objets-souvenirs. En 2012, quelques chanceux ont pu se faire offrir des œuvres d’art réalisées avec un morceau du toit de cuivre issu des dernières rénovations.

Sur la quantité de touristes que Québec accueille par an, plusieurs entrent dans le hall par les portes tournantes et le cas échéant achètent dans les boutiques, quelques-uns y boivent un verre au bar, moins encore y prennent un repas dans un des restaurants et enfin peu y dorment, a fortiori dans une chambre ensoleillée avec vue sur le fleuve St-Laurent. Mais l’important est que chacun puisse y accéder selon ses moyens et réalise sa part de rêve.

2.2.3 Sa place dans la cité

Les icônes touristiques sont le résultat d'un processus à long terme impliquant des agences de marketing, des opérateurs et des touristes (Becken, 2005 :21). Avec le temps, l’hôtel est devenu un acteur légitimé et appuyé par les pouvoirs publics. Il est le lieu d’événements historiques comme les festivités du 300e de Québec, la Conférence de Québec en 1944

ou le Sommet des Amériques en 2001. Au début du mouvement de « re-francisation » de Québec, il a accueilli en 1928 le festival canadien de chanson folklorique. Il participe aussi aux activités annuelles comme la course en canot du Carnaval en février ou le partage du traditionnel gâteau le 1er juillet (Fête du Canada) sur la terrasse Dufferin, préparé par le Chef.

L’importance du facteur temps se retrouve aussi dans le message qu’il fait passer comme employeur. Le « Guide du Collègue » offert aux employés donne le ton : « Les valeurs de l’entreprise reflètent la tradition maintenue » peut-on y lire (p.5-6). Travailler au Château est signe de fierté et de longévité. On souligne dans la presse ceux qui ont été fidèles pendant quelques décennies. Pour les résidents, y fêter Noël ou s’y marier se planifie avec confiance. Le service sera assurément impeccable. Le Chef Modat montre qu’il est bien à sa place quand il annonce en 2018 à l’émission culinaire de Josée Di Stasio que « ce qui [l’]allume, c’est

(36)

le produit lui-même et l’histoire en arrière », tout en buvant un cocktail « qui a traversé le temps », au bar 1608 (date de création de Québec par Samuel de Champlain) de l’hôtel. Les résidents qui se sont inscrits sur le site amisduchateau.ca sont abonnés à l’infolettre bimensuelle qui leur permet de s’informer des activités et événements qui s’y déroulent mais aussi de profiter de promotions exclusives en hébergement, restauration et dans la boutique du Château par exemple.

Le défi pour toute destination est d’avoir « le coup de génie » qui l’associera à une icône et qui, pour de multiples raisons, la fera devenir internationalement populaire (Goeldner et Ritchie, 2009 :247). Le Château Frontenac est donc dit le plus photographié au monde, sans aucune étude à l’appui. Le site officiel de l’Office du Tourisme de Québec le présente comme « icône » de la Ville et l’accent du é de Québec sur son nouveau logo nous fait penser au Château Frontenac (OTQ, 2019). Quand on demande aux résidents de Québec en 2010 quel est le symbole par excellence de la capitale, 81% répondent « Le Château Frontenac et son quartier », et le journal Le Soleil de relayer ces résultats et titrer « Symbole de Québec : l’indélogeable Château Frontenac ». Les choses sont donc ainsi : « It’s famous because it’s famous ».

(37)

CHAPITRE 3 OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES

3.1 Objectifs

L’objectif de ce mémoire est donc de répondre à notre question de recherche qui est la suivante : Dans quelle mesure le résident en milieu urbain est attaché à l'icône touristique de son territoire ?

Plus spécifiquement, notre recherche vise aussi à remplir un vide théorique sur l’attachement des résidents à une icône touristique. Elle tente aussi d’adapter à l’icône touristique les outils et instruments de mesure d’études existantes sur l’attachement au lieu.

Empiriquement, cette étude permettra de recueillir des données sur l’attachement au Château Frontenac des résidents de la Ville de Québec.

3.2 Hypothèses

Des études retenues dans notre recension des écrits scientifiques et en lien avec la spécificité du lieu qu’est une icône touristique, nous posons trois hypothèses auxquelles nous tenterons de répondre d’après les données recueillies auprès des résidents de la Ville de Québec.

– H1 : En se basant sur les résultats de Hidalgo et Hernandez (2001), « Plus les distances

sont grandes, plus l’attachement est dilué », nous posons l’hypothèse que le degré d’attachement à l’icône touristique est lié à la situation géographique du lieu d’habitation.

– H2 : En se basant sur les études de Giuliani et Feldman (1993), « L’attachement se forme

avec le temps », nous posons l’hypothèse que la durée de résidence sur le territoire a une influence sur le degré d’attachement à l’icône touristique.

– H3 : En se basant sur le modèle de MacCannell (1976) sur le processus de sacralisation

d’un site touristique, nous posons l’hypothèse que les reproductions mécanique et sociale de l’icône touristique entretiennent l’attachement des résidents à cette icône.

Figure

Figure 2-1 : Territoire de notre étude (Source : ville.quebec.qc.ca)
Tableau 5-1 : Répartition des hommes et des femmes   par groupe d’âge (en %)
Figure 5-2 : Carte géographique des répondants  des régions Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches  Notes :
Tableau 5-4 : Regroupement des réponses   au sujet des concurrents du Château Frontenac  Faits saillants :
+7

Références

Documents relatifs

Enfin, le développement de l’agriculture dans les milieux urbains et son intégration dans les plans d’aménagement ouvre une nouvelle perspective dans la construction

[r]

Une nouvelle fois, les recommandations pour la pratique clinique ont été le point d’orgue des journées avec une assistance qui dépassait les capacités de

Une fois cette situation sociopolitique posée, nous passerons en revue la notion de dialogue de savoirs 1 que nous avons abordée en classe à partir de l’adaptation du modèle

Le second travail, « Les Ayoreode urbains de Santa Cruz de la Sierra (Bolivie) » (I. Roca Ortiz, Paris Descartes), analyse l’installation, il y a quelques années, des Ayoreode dans

L’Algérie, comme tous les pays en voie de développement a soutenu son cadre institutionnel par des textes et des institutions en matière de gestion et élimination des

Des cellules qui n’ont jamais été exposées aux UV, sont prélevées chez un individu sain et chez un individu atteint de Xeroderma pigmentosum.. Ces cellules sont mises en

de jongleurs que de