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L'innovation de modèle d'affaires exploitant les technologies de l'information et de la communication : contribution à la compréhension du lien entre TIC et performance

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Academic year: 2021

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L’innovation de modèle d’affaires exploitant les

technologies de l’information et de la communication

Contribution à la compréhension du lien entre TIC et performance

Thèse

Jean-François Rougès

Doctorat en sciences de l’administration

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Résumé

Les entreprises qui se servent des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour innover mesurent des impacts très inégaux sur leurs performances. Cela dépend principalement de l’intensité, l’ampleur et la cohérence de l’innovation systémique auxquelles elles procèdent. En l’état de la connaissance, la littérature identifie le besoin de mieux comprendre cette notion d’alignement systémique. Cette thèse propose d’aborder cette question à l’aide de la notion d’innovation du modèle d’affaires.

Une revue systématique de la littérature a été réalisée. D’un point de vue conceptuel, elle contribue à mieux définir le concept de modèle d’affaires, et a permis de réaliser une typologie des différents cadres de modélisation d’affaires. Le cadre conceptuel qui en est issu aborde le sujet de l’innovation du modèle d’affaires à trois niveaux : (1) stratégique à travers la proposition d’une matrice de positionnement de l’innovation de modèle d’affaires et l’identification de trajectoires d’innovation ; (2) configuration du modèle d’affaires à l’aide du cadre de modélisation tétraédrique de Caisse et Montreuil ; et (3) opérationnel-tactique par l’analyse des facteurs clés de succès et des chaines structurantes.

Du fait du caractère émergeant de la littérature sur le sujet, la méthodologie choisie est une étude de cas comparés. Trois études de cas d’entreprises québécoises ont été réalisées. Elles oeuvrent dans des secteurs variés, et ont procédé à une innovation significative de leur modèle d’affaires en s’appuyant sur des TIC,.

La recherche conclut à la pertinence de l’utilisation du concept de modèle d’affaires en ce qui concerne l’analyse de l’alignement systémique dans un contexte d’innovation appuyée sur les TIC. Neuf propositions de recherche sont énoncées et ouvrent la voie à de futures recherches

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Abstract

Organizations that employ Information and Communication Technologies (ICT) to innovate, generate performance results that differ greatly from one organization to another. The Three principal factors that influence performance are: the degree of intensity, coherence and the scale of the systemic innovation. On the basis of current knowledge, the concept of systemic alignment is clearly identified in the research literature. The herewith thesis purposes to examine the notion of the business model innovation.

A systematic literature review has been conducted. From a conceptual perspective, the review provided a clearer definition of the concept of a business model; and in turn, facilitated building a typology based on the various existing business model frameworks. The research framework examined innovation within the business model from three perspectives: (1) The strategic level is assessed employing a matrix that examines how innovation is positioned within the business model, and identifiying business model innovation trajectories. (2) The configuration level is studied based on the Caisse and Montreuil’s tetrahedral framework. (3) The operational-tactical level is focused on key success factors and the interdependencies, herewith entitled the structuring chains.

Literature on this subject is relatively new therefore a comparative case study methodology has been favoured. Three companies located in the Province of Québec, Canada have been studied. Each represents a business sector. Each has led a significant business model innovation that is clearly ICT driven.

The research concludes that the concept of a business model is relevant to better understand the systemic alignment within the context of ICT implementation. A total of nine propositions are identified and have examined how companies manage business model innovation. These nine propositions constitute the bases for future research.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xiii

Liste des figures ... xv

Remerciements ... xvii

1. Chapitre introductif ... 1

2.1. Le contexte de la recherche : le potentiel d’innovation des TIC ... 1

2.1.1. La vente en ligne ... 2

2.1.2. La mobilité ... 5

2.1.3. L’informatique dans les nuages, le cloud computing ... 7

2.1.4. La personnalisation et l’impression 3D ... 8

2.1.5. Le crowdsourcing ... 10

2.1.6. Le Big Data... 12

2.1.7. L’Internet des objets ... 13

2.1.8. Un potentiel encore sous-exploité par les entreprises ... 14

2.2. Le cheminement de cette recherche ... 15

2. Les ambiguïtés du lien entre TIC et performance ... 19

2.1. Lien entre investissements dans les TIC et performance ... 19

2.2. Impacts sur la performance en fonction des TIC ... 20

2.3. L’approche basée sur les ressources ... 22

2.4. Les études de cas ... 22

2.5. Les facteurs modérateurs ... 24

(8)

2.5.2. Le facteur temporel ... 25

2.5.3. L’alignement stratégique ... 25

2.5.4. L’attitude de la haute direction ... 26

2.5.5. L’innovation systémique ... 26

2.5.6. La gestion du changement ... 27

2.5.7. La compétence interne ... 27

2.6. Conclusion ... 28

3. Une question d’alignement ... 29

3.1. Définition de l’alignement ... 29

3.2. La mesure de l’alignement ... 30

3.3. L’impact de l’alignement sur la performance ... 32

3.3.1. Les études d’interaction bivariée ... 32

3.3.2. Des études multivariées ... 33

3.3.3. Un impact ni universel, ni uniforme ... 35

3.4. Les variables ayant un impact dans la construction de l’alignement ... 37

3.5. Conclusions de la revue de la littérature sur l’alignement ... 37

4. Le concept de modèle d’affaires ... 39

4.1. Méthodologie de la revue systématique de la littérature ... 40

4.2. Une définition du concept de modèle d’affaires ... 42

4.3. L’utilité des cadres de modélisation d’affaires ... 44

4.3.1. Décrypter et objectiver le modèle d’affaires ... 46

4.3.2. Faciliter les communications et les échanges entre parties prenantes ... 46

4.3.3. Explorer les différentes hypothèses de transformation ... 46

4.3.4. Apprendre ... 47

(9)

4.5. Une typologie des approches de modélisation d’affaires ... 47

4.5.1. Les approches inductives ... 49

4.5.3. Les approches normatives... 52

4.5.4. Les modes d’emplois : comment utiliser un cadre de modélisation pour concevoir un modèle d’affaires ... 57

4.6. Conclusion et liens avec le cadre théorique. ... 58

4.7. La distinction entre les concepts de modèle d’affaires et de stratégie ... 63

4.7.1. Une difficulté à distinguer les deux concepts ... 63

4.7.2. Une distinction interne / externe ... 64

4.7.3. Le modèle d’affaires comme abstraction de la stratégie ... 64

4.7.4. Le modèle d’affaires comme concrétisation de la stratégie ... 65

4.7.5. Stratégie / Configuration du modèle d’affaires / Tactique ... 66

4.7.6. Stratégie et modèle d’affaires : l’œuf ou la poule ? ... 68

4.8. Conclusion et conséquences pour le cadre théorique ... 69

5. L’innovation du modèle d’affaires ... 71

5.1. Le lien entre innovation du modèle d’affaires et performance dans la littérature . 72 5.2. L’innovation dans le modèle d’affaires, de quoi parle-t-on ? ... 75

5.2.1. Première caractéristique de l’innovation de modèle d’affaires : l’ampleur ... 75

5.2.2. Deuxième caractéristique de l’innovation de modèle d’affaires : l’intensité .... 76

5.2.3. Troisième caractéristique de l’innovation de modèle d’affaires : l’origine de la création de valeur ... 81

5.2.4. Quatrième caractéristique de l’innovation de modèle d’affaires : l’espace concurrentiel ... 82

5.3. Une matrice d’innovation de modèle d’affaires pour le cadre conceptuel ... 84

5.4. Comment gérer l’innovation de modèle d’affaires ... 87

(10)

5.4.2. Le mode d’innovation du modèle d’affaires ... 91

5.4.3. Au niveau opérationnel-tactique : Réussir l’innovation du modèle d’affaires .. 92

6. Questions de recherche et cadre conceptuel ... 97

6.1. Questions de recherche ... 97

6.2. Cadre conceptuel ... 98

6.2.1. Le niveau « stratégique » ... 98

6.2.2. Le niveau « configuration des modèles d’affaires » ... 99

6.2.3. Le niveau « opérationnel – tactique » ... 100

7. Méthodologie de recherche ... 101

7.1. Le choix de l’étude de cas comparative ... 101

7.1.1. L’étude de cas traditionnelle ... 103

7.1.2. L’étude de cas comparative ... 103

7.1.3. L’étude de cas prospective... 105

7.1.4. Le choix de l’étude de cas comparative ... 105

7.2. Description détaillée de la méthodologie de recherche ... 105

7.2.1. L’identification d’une question de recherche et l’élaboration de construits exploratoires. ... 106

7.2.2. La sélection des cas ... 107

7.2.3. La construction des protocoles et des outils de collecte des données... 108

7.2.4. La collecte de données ... 111

7.2.5. L’analyse des données ... 111

7.2.6. L’élaboration de propositions ... 114

7.2.7. La comparaison avec la littérature ... 114

7.2.8. La décision de clore la recherche... 114

(11)

7.3.1. La fiabilité de la recherche ... 115

7.3.2. La validité de construit / concept ... 115

7.3.3. La validité interne ... 116

7.3.4. La validité externe ... 116

8. Analyse des résultats ... 119

8.1. Le cas du fabricant de meubles ... 120

8.1.1. Description du cas... 120

8.1.2. La nature stratégique de l’innovation du modèle d’affaires ... 126

8.1.3. Le mode d’innovation du modèle d’affaires ... 127

8.1.4. Les facteurs clés de succès de l’innovation du modèle d’affaires ... 127

8.1.5. Les perspectives pour le futur ... 128

8.1.6. La synthèse de l’évolution du modèle d’affaires ... 129

8.2. Le cas de l’entreprise industrielle ... 131

8.2.1. Description du cas... 131

8.2.2. La nature de la stratégie d’innovation du modèle d’affaires ... 137

8.2.3. Le mode d’innovation du modèle d’affaires ... 138

8.2.4. Les facteurs de succès de l’innovation du modèle d’affaires ... 138

8.2.5. Les perspectives pour le futur ... 139

8.2.6. La synthèse de l’évolution du modèle d’affaires ... 140

8.3. Cas de l’organisme public d’inspection ... 142

8.3.1. Description du cas... 142

8.3.2. La nature de la stratégie d’innovation du modèle d’affaires ... 146

8.3.3. Le mode d’innovation ... 146

8.3.4. Les facteurs clés de succès de l’innovation du modèle d’affaires ... 147

(12)

8.3.6. Synthèse de l’évolution du modèle d’affaires ... 150

8.4. Interprétation des résultats ... 152

8.4.1. Les objectifs stratégiques de l’innovation ... 153

8.4.2. Le rapport à la technologie ... 155

8.4.3. Les modes d’innovation ... 158

8.4.4. Le leadership du projet ... 163

8.4.5. Le support de la haute direction... 165

8.4.6. Des mécanismes d’innovation ouverte ... 165

8.4.7. L’importance de l’apprentissage organisationnel ... 166

9. Conclusion ... 169 9.1. Principaux résultats ... 169 9.2. Contributions de la recherche ... 172 9.2.1. Contributions scientifiques ... 172 9.2.2. Contributions managériales ... 173 9.3. Limites de la recherche ... 175

9.4. Perspectives futures de recherche ... 176

Bibliographie ... 179

Annexe 1 : Impact de l’alignement de paires sur la performance ... 191

(13)

Liste des tableaux

Tableau 1-1- Exemples d'entreprises exploitant sept potentiels technologiques de

transformation des modèles d’affaires ... 3

Tableau 3-1- Trois approches et six formes d’alignement ... 31

Tableau 4-1- Quatre définitions divergentes du concept de modèle d’affaires ... 42

Tableau 4-2- Classification des définitions de modèles d’affaires dans la littérature ... 45

Tableau 7-1- Les trois courants de l’étude de cas ... 102

Tableau 7-2- Techniques de cueillette des données utilisées dans la recherche ... 112

Tableau 8-1- Les trois axes de transformations introduits par la boutique en ligne ... 137

Tableau 8-2- Les trois ruptures du projet ... 147

Tableau 8-4- Comparaison des cas ... 154

Tableau 8-5- Comment l’innovation de modèle d’affaires exploitant les TIC introduit des ruptures dans le rapport au temps, à l’espace et aux autres ... 158

Tableau 9-1- Trois configurations en matière d'innovation de modèle d'affaires exploitant les TIC ... 172

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Liste des figures

Figure 1-1- Le cheminement de la recherche ... 18 Figure 4-1- Répartition des articles retenus entre 1998 et 2012 ... 41 Figure 4-2- Typologie des approches de modélisation ... 48 Figure 4-3- Représentation du modèle d'affaires de Ryanair (Casadesus-Masanell et Ricart,

2010) ... 51 Figure 4-4- Représentation synthétique des canevas statiques de modélisation d’affaires . 54 Figure 4-5- Cadre de modélisation d’affaires de Hamel (2000) ... 55 Figure 4-6- Le cadre de modélisation tétraédrique de Caisse & Montreuil ... 59 Figure 4-7- Représentation synthétique des pôles du modèle d'affaires de Costco ... 61 Figure 4-8- Représentation détaillée du modèle d’affaires de Ryanair à l’aide du tétraèdre de

Caisse et Montreuil ... 62 Figure 4-9- Liens entre stratégie, configuration du modèle d’affaire et tactique ... 67 Figure 4-10- Les intersections entre stratégie, modèle et processus d’affaires ... 68 Figure 5-1- L’échelle d’innovation dans les modèles d’affaires (Linder et Cantrell, 2000) 79 Figure 5-2- Cohérence du modèle de transilience de Abernathy et Clark (1985) avec le

modèle d’innovation de modèle d’affaires de Linder et Cantrell (2000) ... 80 Figure 5-3- Matrice de positionnement de l’innovation de modèle d’affaires ... 85 Figure 5-5- Quatre types de trajectoires d’innovation des modèles d’affaires ... 89 Figure 5-6- Les trois conditions de réussite clés d’une innovation de modèle d’affaires ... 93 Figure 6-1- Matrice d'innovation du modèle d'affaires ... 98 Figure 6-2- Les quatre trajectoires d'innovation du modèle d'affaires ... 99 Figure 6-3- Outil d'analyse des évolutions des configurations des modèles d'affaires ... 100 Figure 8-1- Représentation de l’innovation en matière de configuration du modèle d’affaires

du fabricant de meubles ... 130 Figure 8-2- Les chaînes structurantes dans la démarche d’innovation du modèle d’affaires ... 131 Figure 8-5- Représentation de l’innovation en matière de configuration du modèle d’affaires

de l’industriel du papier et de l’emballage ... 140 Figure 8-6- Les chaines structurantes dans la démarche d’innovation du modèle d’affaires ... 141 Figure 8-7- Représentation de l’innovation en matière de configuration du modèle d’affaires

de l’organisme public d’inspection ... 151 Figure 8-8- La chaine structurante dans la démarche d’innovation ... 152

(16)

Figure 8-9- Comparaison des stratégies d'innovation des modèles d'affaires des cas étudiés ... 153 Figure 8-10- Cartographie de l’évolution du rapport à la technologie des entreprises étudiées ... 156

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Remerciements

Parfois, dans la vie, vous croisez quelqu’un qui voit en vous quelque chose qui vous est parfaitement inconnu. Quelqu’un qui s’acharne, année après année, dans toutes sortes de circonstances, malgré les résistances de tous ordres, à le faire sortir. Merci Diane Poulin. Votre confiance, votre infinie patience, votre rigueur ont été absolument inestimables. Je sais que je vous dois beaucoup comme doctorant et comme homme.

Parfois, aussi, vous croisez quelqu’un qui vous ouvre les portes d’un monde dont vous ignoriez à peu près tout, et dans lequel vous vous sentez bien. Et quand vous commencez à prendre vos aises, voilà qu’il vous amène ailleurs. Et que cela vous amuse et vous challenge toujours autant. Merci Benoit Montreuil. Continuez à explorer et à changer le monde. Les modèles d’affaires, l’Internet Physique et après, quoi ?

Et je garde les derniers mots de cette thèse pour Isabelle Lopez. Attention ! Une fois le point de cette phrase tapé, lui qui sera le point final de cette orgie de mots, une fois ce doctorat terminé, 30% de la puissance mon CPU vont se libérer (Tu sais, ceux qui géraient le programme latent doctorat en fond de crâne). Imagine la vie que vous allons avoir. La vie que nous n’avons jamais connue. Imagine comment je vais pouvoir te regarder et t’aimer. Alors vite. Point final.

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1. Chapitre introductif

L’idée de cette thèse est partie d’un sujet d’actualité régulièrement mis en avant par les journaux grand public et professionnels : la sous-utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) par les entreprises québécoises. Ces articles amenaient à se poser la question : investir dans les TIC permet-il effectivement de générer de la performance ? À la lecture de la littérature scientifique il est apparu que ce lien n’est ni systématique, ni homogène, et dépend des entreprises. L’analyse des facteurs clés de succès révèle qu’une innovation systémique, dans laquelle tous les éléments sont alignés dans leur reconfiguration, est indispensable pour tirer le maximum d’une TIC. Pour étudier cette dynamique systémique, la thèse propose d’utiliser le concept de modèle d’affaires. Une revue systématique de la littérature a été réalisée. Elle a permis de préciser les concepts dans un champ de recherche encore en construction, ainsi que de définir les questions de recherche. Pour y répondre, une étude de cas comparative a été réalisée auprès de trois organisations québécoises.

Le cheminement de cette thèse est présenté en détail dans la seconde partie de ce chapitre introductif. Mais avant, il est utile de comprendre son contexte. Quelles sont ces TIC dont le potentiel ouvre un champ infini d’innovation des modèles d’affaires ?

2.1. Le contexte de la recherche : le potentiel d’innovation des TIC

Depuis les années 70, les vagues d’innovations technologiques se succèdent. L’informatique, la micro-informatique, l’Internet, la téléphonie mobile, les réseaux sociaux ont bouleversé nos façons de travailler, de commercer, d’apprendre, d’être en relation avec les autres, en un mot, de vivre. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont aussi le moteur d’une transformation profonde des règles du jeu du monde des affaires, ce que Rifkin (2011) appelle une troisième révolution industrielle.

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Il est aujourd’hui admis que l’exploitation des TIC est un levier incontournable de performance pour qui veut s’inscrire dans la compétition mondiale (Rougès et al., 2010). De fait, les TIC offrent de multiples possibilités pour réinventer la proposition de valeur, l’organisation de l’architecture de valeur (la façon dont la valeur est produite) ou le modèle de captation de la valeur (Dervitsiotis, 2010).

La synthèse de plusieurs travaux1 identifiant les technologies ayant le plus d’impact ou de potentiel, permet de mettre en évidence sept tendances considérées actuellement comme majeures pour le monde des affaires : la vente en ligne, la mobilité, l’informatique dans les nuages, la personnalisation, le crowdsourcing, le Big Data, et l’Internet des objets. Dans les pages qui suivent, chacune d’elles est présentée et illustrée par des exemples d’entreprises réunis dans le Tableau 1.1. Il faut distinguer les entreprises « facilitatrices » qui développent et fournissent les solutions technologiques, des entreprises qui les exploitent pour créer de nouveaux modèles d’affaires. Celles-ci peuvent être nées avec la révolution technologique actuelle, mais il peut aussi s’agir d’entreprises préexistantes qui ont intégré ces nouvelles technologies.

2.1.1. La vente en ligne

Depuis vingt ans, la vente en ligne gagne des parts de marché que ce soit en B2B ou B2C. Largeur de l’offre, avantage prix, possibilité de commander depuis chez soi, accès à de l’information facilitant l’achat, les avantages du e-commerce sont nombreux. Des acteurs tels que Amazon, ou eBay (des entreprises nées avec l’Internet), Apple avec iTunes ou Netflix (des entreprises préexistantes ayant su réinventer leurs modèles d’affaires) ont mis à mal des secteurs comme la distribution de la musique, la vente de livres, les agences de voyage, la location de films ou de séries ainsi que le commerce de détail. RadioShack, par exemple, une entreprise américaine de vente de produits électroniques, a annoncé cette année 1000

(21)

fermetures de magasins. Quelques chiffres illustrent sa lutte perdue. En 2003, les ventes d’Amazon et de RadioShack étaient équivalentes, autour de 5 milliards de dollars. En 2013, elles étaient respectivement de 75 milliards et 3,5 milliards ; 640 000$ par employé pour Amazon contre seulement 127 000$ pour RadioShack (Thompson, 2014).

Tableau 1-1- Exemples d'entreprises exploitant sept potentiels technologiques de transformation des modèles d’affaires

Tendances technologiques

Entreprises facilitatrices : elles développement et fournissent les solutions technologiques exploitées

par d’autres entreprises

Entreprises nées avec l’Internet ayant bâti des modèles d’affaires innovants en exploitant

le potentiel des technologies

Entreprises préexistantes qui ont innové en matière de modèle d’affaires en exploitant le potentiel technologique Big Data - Salesforce

- SAP, Oracle, Microsoft - Splunk - … - Calico - Uber - … - Rossignol - Walmart - … Cloud - Amazon - ServerFarm Realty - … - Dropbox - OnLive - Salesforce - … - Apple iCloud - Google Drive - Microsoft One Drive - Netflix - Walmart (vudu.com) - … Crowdsourcing - Salesforce - … - Airbnb - Innocentive - Kickstarter - Made.com, Threadless - Task-Rabbit - … - Dell Community - Doritos, Frito-Lay - Lego - …

Internet des objets

- SAP, Oracle, Microsoft - TST TSmarT Platform - Zatar - ... - Nest - Waze - … - Desjardins Ajusto - Ford Roximity - Nike, Adidas, etc. - …

Mobile

- Oracle (Oracle Mobile Platform) - WellDoc - … - Square - Waze - … - Apple - Starbucks - … Personnalisation - 3D systems - MakerBot - … - Blank Label - Blink - tailor4less - TOG - … - Converse - M&Ms - Nike - …

Vente en ligne - Amazon (amazon market ) - …

- Amazon - eBay, etsy - So Cloz - … - Archambault - Walmart - …

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La vente en ligne oblige les entreprises « brick and mortar » à s’adapter. Deux entreprises à l’étude dans cette thèse sont d’ailleurs dans cette situation. Industriels installés dans un modèle traditionnel, ils se sont tournés avec succès vers la vente en ligne. Dans certains secteurs comme les services financiers, la grande distribution, les entreprises traditionnelles résistent d’ailleurs très bien à leurs concurrents virtuels en développant des offres en ligne et en jouant d’avantages concurrentiels historiques (leur image de marque, leur taille, leurs moyens financiers, leurs réseaux de partenaires, etc.). Canadian Tire, un important détaillant canadien, a même abandonné la vente en ligne après huit ans de présence, pour miser sur la densité de son réseau de magasins2.

Depuis deux ou trois ans, un nouveau virage semble s’amorcer. Dans une logique de relation multicanal, plusieurs modèles combinent vente en ligne et magasins physiques. Le plus fréquent, le « click and collect » est celui dans lequel les clients commandent en ligne et ramassent les marchandises dans des locaux du vendeur. En France, par exemple, les supermarchés « drive-in » tirent la croissance du secteur3. Au Canada, les supermarchés

Loblaw a lancé une première expérimentation en septembre 20144. Le même modèle est

utilisé à petite échelle par de petits distributeurs, comme le Marché de solidarité de Québec. Les acteurs emblématiques de l’Internet s’y mettent aussi. eBay teste des magasins à Londres et Berlin5. Ces magasins seront à la fois des lieux de dépôt des commandes en ligne, des

espaces de service-après-vente et des lieux de rencontre des clients.

Autre approche, plusieurs jeunes pousses6 aident les internautes qui cherchent un produit à

connaitre sa disponibilité dans les magasins à proximité de chez eux. So Cloz va jusqu’à

2http://fr.canoe.ca/cgi-bin/imprimer.cgi?id=444452

3http://www.e-marketing.fr/Thematique/Etudes-1007/Breves/Les-limites-drive-232731.htm 4http://www.huffingtonpost.ca/2014/09/24/loblaws-click-and-collect_n_5875978.html 5http://www.atelier.net/trends/articles/ebay-centre-magasins-ephemeres-experience-mobile 6 We are the shops, Proximis, Shopping Adventures, Evoke, milo.com, findable.in

(23)

permettre de réserver le produit chez plus de 10000 détaillants, afin que l’acheteur puisse l’essayer en magasin avant de prendre une décision.

Ajoutons que le modèle de livraison collaborative (« crowdsourced delivery »), le fait de permettre à n’importe qui de prendre en charge la livraison d’un colis, permet de faire une livraison rapide, flexible et peu coûteuse depuis la boutique jusqu’à l’acheteur. Deliv, une des jeunes pousses de ce secteur, a ainsi passé un accord avec trois des plus gros propriétaires de centres commerciaux aux États-Unis pour assurer des livraisons le jour même pour les achats réalisés sur les sites Internet des magasins qu’ils hébergent7.

On le voit, la frontière entre e-commerce et magasins physiques devient de plus en plus floue. Le potentiel technologique a un rôle décisif en la matière. La vidéoconférence, l’Internet très haute vitesse, la géolocalisation, l’holographie et les odeurs virtuelles permettent d’enrichir les services qui sont fournis en ligne en les rapprochant de la richesse des interactions physiques. Cela permet à des banques de fonctionner uniquement en ligne en proposant une proximité de relation satisfaisante entre les conseillers et les clients. Toutefois, certains aspects plaident pour les magasins physiques : le fait de pouvoir toucher et tester les produits, le développement du lien de confiance, la simplicité logistique qui évite les problèmes de livraison, etc. Les modèles émergents ne séparent pas les deux aspects, mais pensent plutôt l’équilibre entre ce qui est fait en ligne et en magasin. Cet espace, que l’on appelle le « web to store », est source de multiples expérimentations de modèles d’affaires.

2.1.2. La mobilité

Les téléphones intelligents et les tablettes s’imposent de plus en plus comme l’interface privilégiée d’accès. Selon Cisco, en 2013, 33% du trafic est généré par les terminaux mobiles.

7 http://www.prnewswire.com/news-releases/simon-macerich-and-westfield-launch-same-day-delivery-with-deliv-235524671.html

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Cela devrait atteindre 58% en 2018. Cette croissance sera particulièrement forte en Asie et en Afrique où l’accès mobile compensera la faiblesse des infrastructures de télécommunication (Colt, 2014).

Ces outils, que nous emportons en permanence avec nous partout où nous allons, permettent de développer des services qui s’inscrivent au cœur de nos activités, alors que les ordinateurs nous contraignent à interrompre nos occupations pour nous asseoir devant un écran. L’innovation de modèles d’affaires exploitant le mobile est foisonnante.

Beaucoup d’entreprises se contentent de transférer sur des applications mobiles des services qu’elles ont développés sur leur site Internet. Au contraire, d’autres innovent dans leurs offres et leurs processus en exploitant le potentiel technologique de la géolocalisation et de la transmission de données. Waze par exemple propose un système de guidage qui collecte les informations de ses utilisateurs pour informer la communauté en direct de l’état du trafic et des événements (travaux, accidents) advenant sur la route. Elle a été rachetée pour près d’un milliard de dollars par Google.

La mobilité est un levier d’innovation dans les processus d’affaires. Que ce soit dans les interactions avec le client ou dans les façons de faire à l’interne. Dans le secteur bancaire, le développement d’applications mobiles est un moyen d’offrir de nouveaux services et de générer de la productivité. La gestion de son compte en banque depuis une application mobile s’est généralisée. Certaines banques proposent même à leurs clients de numériser leurs chèques avec leurs téléphones mobiles. C’est un acte gagnant-gagnant : pour le client qui n’a plus à se déplacer à son agence, et pour la banque qui économise le coûteux traitement des chèques.

A l’interne, les outils mobiles sont un levier de développement du télétravail et de transformation des métiers dans lesquels les employés sont sur la route. Commerciaux, inspecteurs, ingénieurs sur un chantier, tous peuvent désormais interagir en direct. Un des cas étudiés dans cette thèse porte d’ailleurs sur cela. La technologie mobile peut aussi

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conduire à des bouleversements profonds des modèles d’affaires dans certains secteurs d’activité comme la distribution de musique, de films, ou la médecine. Prenons l’exemple du paiement par mobiles, le m-paiement. Les téléphones mobiles sont utilisés comme portefeuilles électroniques (M-Pesa, Google Wallet, Apple Pay), ou comme terminaux de paiement (Square). Cela conduit les fournisseurs de systèmes d’exploitation (Google, Apple) et les entreprises de communication qui voient les flux de paiements passer par leurs serveurs, à étendre leurs modèles d’affaires dans le secteur des services financiers, et à devenir concurrents des banques. Le japonais KDDI est ainsi devenu le premier opérateur de téléphonie mobile à acquérir en 2008 une licence de banque pour créer une institution financière accessible uniquement par mobile8. Laquelle a rencontré un vrai succès9.

2.1.3. L’informatique dans les nuages, le cloud computing

L’informatique dans les nuages se développe à un rythme accéléré. Selon Bartels et al. (2014), le marché a atteint 58 milliards de dollars en 2013. Il devrait atteindre 191 milliards en 2020, en proposant des applications destinées à un marché de particuliers autant que d’entreprises10.

Dans nos vies personnelles nous sommes désormais habitués à utiliser des systèmes de stockage dans les nuages (Flickr, Dropbox, Box, etc.), mais aussi des SaaS (Software as a Service) comme la Suite Google ou la version en ligne d’Office 365. De plus en plus d’entreprises proposent des SaaS. Salesforce par exemple a créé des services de gestion de la relation client dans les nuages qui rencontrent un énorme succès, en particulier parmi les PME. Les fournisseurs de TI s’y sont aussi mis (Microsoft, Oracle, etc.).

8http://www.mobilepaymentsworld.com/bank-of-tokyo-mitsubishi-and-kddi-launch-m-banking-jv/ 9 http://www.prnewswire.com/news-releases/kddi-au-and-uq-communications-pioneers-of-mobile-music-and-flat-data-rates-analysis-report-271661751.html 10 https://www.forrester.com/The+Public+Cloud+Market+Is+Now+In+Hypergrowth/fulltext/-/E-RES113365?intcmp=blog:forrlink&al=0

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Avec la mobilité, de nouveaux services se développent comme les systèmes de streaming de musique (Spotify, Deezer, Apple iCloud), de films (Netflix), ou de jeux (Onlive qui propose 250 jeux dans les nuages). Et ces nouveaux acteurs changent radicalement les règles du jeu de ces secteurs.

L’informatique dans les nuages est cohérente avec la logique d’externalisation qui est un des fondements stratégiques actuels. Combinée à la mobilité, l’Internet des objets, et le Big Data, l’informatique dans les nuages ouvre la porte à de multiples innovations de modèles d’affaires.

2.1.4. La personnalisation et l’impression 3D

Dans un environnement concurrentiel de plus en plus intense, de nombreuses entreprises ont trouvé un axe de création de valeur pour leurs clients dans la personnalisation des produits. Grâce aux TIC, il est aujourd’hui possible de concevoir en ligne des produits personnalisés en combinant les multiples possibilités offertes par le fabricant, puis de les faire produire pour un prix peu différent du modèle standard, que ce soient des chaussures (Converse, Nike), des costumes (tailor4less, BlankLabel), des meubles (TOG11), ou des M&M’s.

Mais il est possible d’aller encore plus loin dans la personnalisation. Des techniques de fabrication contrôlée par ordinateur (impression 3D, découpe au laser, usinage 3 axes ou plus) permettent de créer des objets aux designs uniques, conçus sur ordinateur. L’impression 3D était d’ailleurs considérée comme la technologie la plus prometteuse en 2012 par Gartner dans son « Hype Circle of Emerging Technologies ». Plusieurs acteurs s’en sont emparés. Le réseau des Fablabs initié par le MIT dans une perspective d’innovation collaborative12 est

plus axé sur la recherche. Des acteurs marchants comme Shapeways, Sculpteo, i.materalise,

11http://www.togallcreatorstogether.com/ 12www.fablabs.io

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et PrintaBit permettent aux utilisateurs de faire imprimer en 3D leurs propres créations ou de choisir dans un catalogue de designs proposés par d’autres (bijoux, bibelots, figurines, etc.).

Cette capacité à créer des pièces uniques à faibles coûts, fait que l’impression 3D est de plus en plus utilisée pour des applications médicales. Les projets de recherche se transforment en start-ups pour fabriquer des prothèses (Youbionic, GRASP, etc.), des corsets (Andiamo), des prothèses dentaires (EnvisionTEC, Oration B.V., etc.) ou des tissus organiques (Organovo, MaRS Innovation, etc.).

La fabrication personnalisée, et l’impression 3D en particulier, peuvent profondément transformer les chaines de production. Une personnalisation plus grande de la fabrication est rendue possible et une partie de la fabrication (notamment l’accessoirisation) peut être réalisée à proximité des acheteurs. Le distributeur pourrait aussi être responsable d’une partie de la fabrication13. Par exemple l’EBM (Espresso Book Machine) est une imprimante

implantée dans les librairies ou les bibliothèques, qui permet de fabriquer des livres à partir de fichier électroniques. Aujourd’hui, sept millions de titres sont disponibles dans son catalogue14.

Cette évolution concerne aussi les industriels établis. Cascades a ainsi très tôt investi dans une imprimante 3D professionnelle pour se familiariser avec cette technologie, en posant l’hypothèse que l’entreprise n’aurait peut-être plus d’usine de fabrication de meubles en plastique recyclé dans un futur plus ou moins lointain. En France, La Poste a inclus dans son plan stratégique de tester l’implantation d’imprimantes 3D dans des bureaux de poste. Trois bureaux tests parisiens sont aujourd’hui concernés15.

13 La chaine de magasins de bricolage Leroy-Merlin lance d’ailleurs cet automne une opération de démonstration de l’impression 3D dans ses 120 magasins français.

14http://ondemandbooks.com/ebm_overview.php

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2.1.5. Le crowdsourcing

Le crowdsourcing, ou l’externalisation ouverte selon l’Office de la Langue Française, désigne les pratiques dans lesquelles les entreprises font réaliser certaines tâches par des clients ou des partenaires volontaires (Estellés-Arolas et Gonzalez-Ladron, 2012). Ses champs d’application sont multiples et ouvrent la voie à des innovations de modèle d’affaires qui peuvent être radicales. Déjà Airbnb bouscule le monde de l’hôtellerie. Kickstater est à l’origine d’un nouveau mode de croissance des start-ups. Coursera et les MOOC (Massive Open Online Course) font peser une menace dans le monde de l’éducation.

Dans une logique d’entreprise ouverte, certaines entreprises externalisent des activités qui traditionnellement étaient considérées comme stratégiques et auraient été réalisées à l’interne ou confiées à des partenaires ou des sous-traitants (Chesbrough, 2003 ; Afuah et Tucci, 2012). Dell par exemple utilise sa communauté de clients comme un outil de service après-vente. Sur les forums du site, les clients peuvent poser des questions, parfois très techniques, et la communauté va y répondre. Même une activité aussi stratégique que la recherche et développement peut être « crowdsourcée ». Par exemple Eli Lilly a créé Innocentive, un site qui permet aux entreprises de déposer des challenges de recherche sur lesquels elles ont besoin d’idées neuves. Des « solvers », le plus souvent des chercheurs ou des industriels, déposent des solutions. La meilleure, choisie par l’entreprise, sera financièrement récompensée. Autre exemple, Lego voit dans la mobilisation de sa communauté de passionnés un levier d’innovation produit très important (Nguyen et al., 2013).

Le crowdsourcing peut aussi être utilisé par des entreprises de toutes tailles pour réinventer la relation avec les clients. Dans un contexte où ceux-ci sont toujours plus difficiles à saisir, et où les segments de clientèle sont de plus en plus flous, de nombreuses entreprises cherchent à co-construire l’offre avec leurs clients. Quand il s’agit de proposer des innovations dans les produits et de sélectionner les meilleures (mystarbucksidea, ideastorm de Dell, etc.), de développer de nouveaux produits (Lays, Doritos, Anheuser-Busch, Restaurants Victor, etc.), ou de choisir les emplacements des magasins (moijezap, etc.).

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Les résultats peuvent être étonnants. Lay’s par exemple lance régulièrement des opérations de crowdsourcing pour imaginer de nouvelles saveurs de chips. En 2013, entre le 20 juillet et le 6 octobre, les fans de la marque ont envoyé 3,8 millions de suggestions. Vingt ont donné lieu à du prototypage parmi lesquels un jury en a sélectionné trois pour être soumises au vote des internautes. Aux États-Unis le vainqueur a reçu un prix d’un million de dollars et 1% des ventes pour sa saveur de « Cheesy Garlic Bread »16. Au Canada, le prix de 50000$ et de 1%

des ventes, est revenu à un résident de Terre Neuve ayant proposé un goût de « Maple Moose »17.

Certaines entreprises utilisent même leurs clients pour produire leurs publicités. C’est ce que fait Doritos depuis 7 ans pour la publicité diffusée lors du SuperBowl. Les internautes sont invités à produire des vidéos de 30 secondes, puis à voter pour sélectionner la meilleure qui sera mise en ondes. D’autres entreprises s’y sont aussi lancées avec plus ou moins de succès (Harley-Davidson, Bouygues, John Fluevog, etc.).

Dans d’autres modèles d’affaires, c’est la communauté elle-même qui constitue l’offre. C’est le cas des réseaux (Facebook, LinkedIn, et autres) et médias sociaux (Reddit, Yelp, et autres) ou de sites qui permettent à la communauté d’échanger et d’agréger de l’information (Waze, Wesabe et autres). Dans d’autres cas, ce n’est pas uniquement de l’information, mais des produits qui s’échangent. L’entreprise se positionne alors comme une plateforme qui met en contact les acheteurs et les vendeurs, et organise les transactions au sein de la communauté. Cette façon de faire est appliquée dans de nombreux secteurs : la location de chambres et d’appartements (Airbnb, etc.), le financement communautaire de projets (Kickstarter, mymajorcompany, etc.), la réalisation de tâches domestiques ou professionnelles (TaskRabbit, etc.), la livraison de colis (Zipments, etc.), et bien d’autres. Dans certains cas,

16 http://abcnews.go.com/blogs/lifestyle/2013/05/lays-cheesy-garlic-bread-potato-chips-win-do-us-a-flavor-contest/

17 http://pepsico.ca/en/PressRelease/Lays-Brand-Names-Maple-Moose-Flavoured-Potato-Chips-As-Do-Us-A-Flavour-Contest-W10222013.html

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outre la mise en relation entre des designers de produits et des acheteurs, l’entreprise est aussi responsable de la fabrication des T-shirts (Threadless), meubles (Made.com), vêtements (ModCloth), bijoux (Shapeways), ou autre.

2.1.6. Le Big Data

En 2013, le Big Data (« données volumineuses » selon l’Office de la langue française) était considéré comme la technologie suscitant le plus d’attentes par Gartner dans son « Hype Circle of Emerging Technologies 2013 ». Avec les outils du Big Data, il devient possible de collecter et d’analyser de gros volumes de données. Cela ouvre des voies nouvelles de recherche en science, en ingénierie, mais aussi dans le monde des affaires (George et Haas, 2014).

Le Big Data fait naitre de gros espoirs en matière de marketing (Rust et Huang, 2014). Il permet en effet de croiser les informations collectées pour modéliser, comprendre et anticiper les comportements des consommateurs. L’entreprise peut donc proposer des solutions plus proactives, et plus personnalisées, qui ont plus de valeur pour les clients. Les recommandations que l’on voit depuis des années sur des sites comme Amazon, les publicités ciblées, sont des premiers pas en ce sens.

L’analyse des données recueillies peut permettre d’offrir de nouveaux services aux utilisateurs ainsi que d’aider à l’innovation produit. Rossignol, par exemple, exploite les données recueillies avec son application mobile, d’une part, pour enrichir l’expérience client en permettant à chacun d’accéder à un tableau de bord de ses performances et de les partager sur les réseaux sociaux et, d’autre part, pour analyser l’usage que ses consommateurs font de leurs skis18 afin de faire évoluer ses produits.

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Dans ce contexte la gestion du Big Data devient une capacité stratégique pour les entreprises. Google par exemple construit en partie l’évolution de son modèle d’affaires sur l’exploitation de cette capacité. Cela induit des stratégies de diversification qui seraient incompréhensibles autrement. Par exemple, Google a créé Calico dont la mission est de retarder puis de tuer la mort, par l’analyse du séquençage ADN des individus19.

2.1.7. L’Internet des objets

En 2014, l’Internet des Objets a supplanté le Big Data comme technologie suscitant le plus d’attentes20 selon Gartner. Selon IDC (2013), 9,1 milliards d’objets étaient connectés en 2013. Ils devraient être 28,1 milliards en 2020. Aux États-Unis, en 2013, 153 start-ups dans ce domaine ont attiré plus de 1,1 milliard de dollars de financement21. La connexion des

objets sur Internet, combinée aux capacités du Big Data pour traiter les données recueillies, ouvre la voie à des innovations radicales des modèles d’affaires en matière de services, de modes de facturation, ou de processus de travail.

Pour beaucoup d’entreprises c’est un moyen d’ajouter des services à un produit. Par exemple, en se connectant à Internet, le thermostat Nest peut être contrôlé à distance et devient capable de prendre des décisions en fonction des prévisions météorologiques. Autre exemple, la connexion des équipements qu’utilisent les sportifs (chaussures, raquettes, skis, ballons, et autres) est en train de révolutionner l’offre des fabricants, qui peuvent développer des services nouveaux, à forte valeur-ajoutée pour les clients.

Les objets connectés permettent aussi de mettre en place des modes de facturation basés sur l’usage et donc, personnalisés. En installant Ajusto sur leurs voitures, les clients de

19http://time.com/574/google-vs-death/

20https://www.gartner.com/user/registration/prospect?resId=2816917&srcId=13132930191&pcp=gi_sr_hc&c m_sp=gi-_-free-_-heroleft

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Desjardins peuvent voir baisser leur prime d’assurance de 25% au maximum en fonction du kilométrage annuel, de la fréquence des accélérations et des freinages brutaux ainsi que des horaires de circulation.

Les processus de travail peuvent être aussi fortement optimisés grâce à la connexion des objets. Pour les fournisseurs de progiciels de gestion comme Microsoft22, Oracle23, SAP24 et

autres, il s’agit d’une voie nouvelle pour optimiser les processus d’affaires de leurs clients.

2.1.8. Un potentiel encore sous-exploité par les entreprises

Comme nous venons de le voir, les TIC offrent de multiples possibilités pour innover. Pourtant sur le terrain, les choses sont moins glorieuses comme l’illustrent ces titres d’articles parus dans la revue québécoise Les Affaires : « Manque de vision stratégique face aux TI : un frein pour les PME québécoises » (août 2011), « Industrie de la mode : sa survie passera par les TIC » (novembre 2013), « Des PME moins productives, faute d’assez de TI » (mai 2014). En outre, la littérature scientifique autant que les revues professionnelles regorgent d’histoires d’horreurs en matière d’implantation ratée de TIC. La plupart des projets d’implantation d’ERP n’atteignent pas les objectifs fixés. Cet écart entre la croyance dans le potentiel des TIC et la performance réellement observée ouvre un champ de recherche très intéressant. La littérature sur le sujet est vaste. Elle analyse le sujet sous plusieurs angles : l’alignement stratégique, la gestion de projet d’implantation, le développement des compétences, l’adoption par les utilisateurs.

L’objectif de cette thèse est d’apporter un regard différent sur le l’innovation permise par les TIC en mobilisant un concept nouveau, celui de modèle d’affaires.

22http://www.microsoft.com/windowsembedded/fr-fr/internet-of-things-manufacturing.aspx 23http://www.oracle.com/us/solutions/machine-to-machine/m2m-brochure-1951397.pdf

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2.2. Le cheminement de cette recherche

L’élaboration de la problématique de recherche de cette thèse, s’est faite en plusieurs étapes, tel qu’illustré à la Figure 1.1. Le point de départ était la volonté de comprendre le lien entre investissement dans les TIC et performance.

Le second chapitre de cette thèse présente une synthèse de la revue de littérature réalisée à cet effet qui fut publiée par Rougès, Poulin, D’Amours et Montreuil (2010) sous le titre « Relationship between SME Performance and Information and Communication Technology » dans le livre dirigé par Poulin et Tran, « ICT and SMEs: From Theory to Practice ». Il ressort que le lien entre TIC et performance n’est ni systématique ni uniforme et que plusieurs facteurs l’influencent : la personnalité du dirigeant, la vision stratégique, l’organisation et les processus, la gestion du processus d’implantation, les compétences et la culture. La question de l’alignement de ces différents facteurs apparaissait comme un élément clé conditionnant le lien entre implantation des TIC et performance.

Une seconde étape a donc consisté à explorer ce concept d’alignement. Le chapitre 3 présente le résultat d’une revue de la littérature sur le sujet, publié par Rougès, Poulin, Bergeron et Cimon (2010) sous le titre « The Alignment of IT in SMEs and its Contribution to Performance: Research Directions » dans le livre cité plus haut. Le rôle décisif de l’alignement est généralement mis en évidence dans la littérature, mais là encore, il n’est ni systématique, ni uniforme. Un point crucial est le besoin de considérer l’entreprise comme un système et de prendre en compte l’alignement du système-entreprise dans son ensemble dans la mesure où les impacts des TIC touchent tous les aspects d’une organisation. Dit autrement, pour que l’investissement dans les TIC génère de la performance, une innovation organisationnelle systémique est nécessaire.

À ce stade la question générale à laquelle cette thèse cherche à répondre a été précisée. Il s’agit de savoir pourquoi et comment les entreprises exploitent les TIC pour innover en matière de modèle d’affaires afin de créer de la valeur.

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Pour progresser sur le sujet, une difficulté théorique est apparue, celle d’avoir un outil pour conceptualiser le système-entreprise. Le concept de modèle d’affaires, qui prend de plus en plus d’importance dans la littérature scientifique, est apparu comme une piste intéressante.

A la fin des années 90, le terme de « modèle d’affaires » a commencé à se répandre dans la presse professionnelle pour décrire les starts-ups comme eBay, Yahoo ou Amazon pour citer celles qui ont réussi. Car ce n’était pas seulement les stratégies qui étaient différentes, mais les entreprises elles-mêmes : leurs logiques de fonctionnement, leurs modes de financement, leurs modèles de revenus, leurs styles de gestion et autres. Bref, considérées d’un point de vue systémique, ces entreprises étaient des entités radicalement nouvelles. Pour décrire cette différence, le terme de « modèle d’affaires » s’est répandu. Il a depuis fait son entrée dans la littérature scientifique.

Une troisième étape de la recherche a consisté à explorer la notion de modèle d’affaires. Il existe en effet un consensus des chercheurs sur le fait que le concept de « modèle d’affaires » demeure flou et mal défini (Zott et al., 2011). En outre la distinction entre modèle d’affaires et stratégie est aussi confuse (Al Debei et Avison, 2010). Un travail de clarification était nécessaire. Il constitue le quatrième chapitre de cette thèse. Le cinquième chapitre présente le cadre conceptuel pour étudier l’innovation dans les modèles d’affaires s’appuyant sur les TIC afin de répondre à trois questions de recherche spécifiques :

1. Comment les entreprises innovent-elles en matière de modèle d’affaires ?

1.1. Quelle est l’articulation entre leurs objectifs stratégiques et l’innovation du modèle d’affaires ?

1.2. Comment gèrent-elles cette dynamique dans le temps ? 1.3. Quelles sont les conditions de réussite ?

2. Le concept de modèle d’affaires est-il opérant pour réfléchir à l’alignement systémique de l’entreprise ?

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3. Existe-t-il des configurations particulières en matière d’innovation du modèle d’affaires soutenu par les TIC, conformément à la théorie de la gestalt (Drazin et Van de Ven, 1985) ?

Compte tenu de la nouveauté du sujet, une approche exploratoire a été adoptée. Pour répondre à ces questions, trois études de cas d’entreprises ayant exploité les TIC pour innover avec succès dans leur modèle d’affaires ont été réalisées. La méthodologie adoptée est décrite dans le chapitre six. Les résultats de cette étude de cas comparée sont présentés dans le chapitre sept. La conclusion s’intéresse aux contributions de cette thèse d’un point de vue scientifique et managérial, ainsi qu’à ses limites et aux perspectives de recherche.

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2. Les ambiguïtés du lien entre TIC et performance

Ce chapitre explore le lien entre TIC et performance. Cette revue de la littérature constitue le point de départ de la thèse. Une version, cosignée avec Poulin, D’Amours et Montreuil a été publiée en 2010 sous le titre « Relationship between SME Performance and Information and Communication Technology ».

Depuis l’affirmation du célèbre paradoxe de Solow en 1987 : « L’informatique est partout, sauf dans les chiffres de productivité », les choses ont bien changé. Il y a depuis quelques années une preuve grandissante de l’impact positif des TIC sur la performance. Du point de vue macroéconomique, le lien entre investissement dans les TIC et croissance de la productivité du travail est aujourd’hui clairement établi (Van Ark et al., 2003 ; Productivity Commission, 2004 ; Foreman-Perck et al., 2006 ; Jorgensen et al., 2008 ; Dahl et al., 2011) à quelques nuances près (Pilat, 2004 ; Rei, 2004). Toutefois les choses se compliquent quand on descend au niveau des entreprises.

Dans un premier temps le chapitre fait la synthèse de la littérature sur le lien entre investissements dans les TIC et performance à un niveau macro, puis en fonction du type de TIC dans un second temps. Dans un troisième temps, les conclusions de la littérature basée sur les études de cas sont présentées. Elles mettent en évidence un lien non systématique et non uniforme. Dans un quatrième temps, les facteurs identifiés comme modérateurs de ce lien sont discutés. La conclusion montre en quoi cette revue de la littérature a constitué le point de départ de la thèse.

2.1. Lien entre investissements dans les TIC et performance

Si l’on se place au niveau des entreprises, le lien le plus étudié est celui entre investissement dans les TIC et productivité. De nombreuses études concluent à un lien positif (Atrostic et Nguyen, 2002 ; Brynjolfsson et Hitt, 2003 ; Criscuolo et Waldron, 2003 ; Motohashi, 2003 ;

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Atrostic et Nguyen, 2004 ; Bucar et al., 2006 ; Hempell et al., 2006). Un lien positif est aussi mis en évidence en ce qui concerne la probabilité d’innover (INSEE, 2006) et des indicateurs financiers comme la création de valeur-ajoutée ou le niveau de marge (Nelson et al., 2003 ; INSEE, 2006).

Toutefois le lien entre investissement dans les TIC et performance n’est pas linéaire et systématique. Son existence et son ampleur dépendent des technologies et des processus étudiés (Motohashi, 2003 ; Atrostic et Nguyen, 2004), de la taille de l’entreprise (Hill et al., 2002 ; Falk, 2005) et d’un certain nombre de facteurs modérateurs comme l’intégration stratégique (Law et Ngai, 2007), l’innovation systémique (Brynjolfsson et Hitt, 2003 ; Hempell et al., 2004), le temps (Motohashi, 2003 ; Nelson et al., 2003), la compétence disponible en interne (Falk, 2005), le secteur d’activité (Motohashi, 2003) et l’environnement d’affaires du pays (OCDE, 2003 ; Melville et al., 2004 ; Productivity Commission, 2004 ; CEFRIO, 2005). Ainsi les entreprises aux États-Unis tireraient plus de bénéfices des TI parce qu’elles seraient plus innovatrices qu’ailleurs. Elles ont moins d’aversion au risque, un meilleur accès au financement et moins de contraintes règlementaires (OCDE, 2003).

2.2. Impacts sur la performance en fonction des TIC

Un autre courant de la littérature s’intéresse aux impacts par technologie de l’information utilisée. Il constate que le lien varie en fonction des TIC étudiées (Atrostic et Nguyen, 2004). En outre, des effets modérateurs sont à prendre en compte dans l’évaluation de l’impact des TIC sur la performance.

En ce qui concerne l’utilisation des TIC dans la gestion de la chaine d’approvisionnement, plusieurs études recensées montrent un impact positif que ce soit sur le délai de livraison, la rotation des stocks, la qualité du processus de livraison ou les résultats financiers du fait d’une meilleure gestion des coûts, de la réduction des stocks ou une meilleure collaboration entre les intervenants dans la chaine de valeur (Wade et al., 2004 ; Lefebvre et al., 2005 ; Levenburg, 2005 ; Hyjek et Sharp, 2006 ; Montazemi, 2006 ; Rivard et al., 2006 ; Dehning

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et al., 2007 ; Martin et Milway, 2007). D’autres, au contraire, ne constatent pas de relation significative entre utilisation des TIC dans la gestion de la chaine de valeur et productivité (Falk, 2005).

La littérature en matière d’ERP est très nuancée. Plusieurs auteurs constatent un lien entre l’implantation d’un ERP et la performance, mesurée en terme de productivité (Atrostic, 2004 ; Hitt et al., 2004 ; Falk, 2005), de performance financière (Hitt et al., 2004 ; Law et Ngai, 2007) ou d’aspects commerciaux (croissance des ventes, de la part de marché et de la satisfaction client) (Law et Ngai, 2007). Toutefois ce lien doit être nuancé en fonction des modules utilisés (Atrostic et Nguyen, 2004 ; Hitt et al. 2004).

Plusieurs études concluent à un impact réduit (Wade et al., 2004 ; Raymond et Blili, 2005) voire ne concluent pas à un lien significatif entre investissement dans les TIC et le type de performance étudiée (Caldera et al, 2003 ; Locke, 2004 ; Tsao et al., 2004 ; Foreman-Peck et al., 2006). Ainsi Laugen et al. (2005) ont réalisé une enquête sur la base d’une évaluation subjective, utilisant des échelles de Lickert, auprès de 474 entreprises manufacturières dans 14 pays, sur leur utilisation de 14 bonnes pratiques dont l’implantation des TIC (incluant les ERP) et l’e-commerce. Ils montrent que l’ « implantation des TIC » n’a pas été utilisée de manière significativement différente entre « high performers » et « low performers » et n’a pas eu d’effet sur la performance.

L’impact peut même être négatif. De manière contre-intuitive, l’étude de Laugen et al. (2005) constate même que pour son échantillon, le e-business influence négativement la performance dès que la flexibilité est prise en considération. Ainsi l’implantation de TIC, peut aussi avoir des effets négatifs sur la performance, en particulier un ERP (Abdinnour et Groen, 2008). D’un point de vue stratégique, un ERP peut imposer des processus génériques à une organisation, même si des processus customisés sont la source d’un avantage concurrentiel (Yang et al., 2006). D’un pointde vue opérationnel, un système trop intégré introduit une grande complexité d’implantation qui peut réduire les bénéfices (Hitt et al., 2004), voire conduire à l’échec. Ainsi, de manière globale, entre 50% et 70% des projets

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n’arrivent pas à atteindre les bénéfices attendus (Al-Mashari et al., 2003 ; Loh et Koh, 2004 ; Brown et al., 2007 ; Chou et Chan, 2008).

Langerak et Hultink (2005), dans leur recherche sur 233 entreprises manufacturières ayant mis en marché un nouveau produit dans les 12 mois précédents, mettent en évidence que la mise en place de techniques et systèmes de support (Conception Assistée par Ordinateur, Production Assistée par Ordinateur, intranet, extranet, Gestion de la Qualité Assistée par Ordinateur) réduit la vitesse de développement et réduit la profitabilité des nouveaux produits.

2.3. L’approche basée sur les ressources

L’approche par les ressources est un autre cadre de référence utilisé par la littérature pour questionner le lien entre utilisation des TIC et performance. Dans cette perspective, la performance concurrentielle de la firme repose sur ses ressources tangibles et intangibles ainsi que sur sa capacité à les assembler, les intégrer et les déployer pour répondre aux menaces et aux opportunités du marché (Bharadwaj, 2000 ; Caldeira et al., 2003 ; Wade et Hulland, 2004). Les études de cette école constatent un lien positif entre les ressources en lien avec la capacité à développer le SI (ex. planifier et gérer le changement SI, ou compétences techniques SI) et la performance (Bharadwaj, 2000 ; Santanam et Hartono, 2003 ; Wade et Hulland, 2004).

2.4. Les études de cas

Les études sur de larges échantillons souffrent de deux limites. Atrostic et al. (2003) affirment qu’elles ne disposent pas des données assez précises pour prendre en compte les différences entre les entreprises, qui ont pourtant un impact majeur dans le lien entre investissements dans les TIC et performance. Ils soulignent le besoin de meilleures données pour séparer ce qui est dû aux TIC et ce qui ne l’est pas (Dehning et al., 2007). Dans ces enquêtes, la mesure des impacts des TIC est limitée à ce qui est attendu, le plus souvent la productivité et la

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performance financière. Or une partie de la valeur créée par les TIC n’est pas appropriée par la firme mais par ses partenaires ou ses clients, à travers une meilleure qualité ou des prix plus bas par exemple. En outre, les conséquences inattendues, qui dans un contexte d’impact systémique peuvent être importantes, ne sont pas prises en compte (Melville et al., 2004 ; Dehning et al., 2007). Ces raisons donnent à l’approche par étude de cas un grand intérêt car elles permettent d’approfondir la spécificité de chaque cas, au détriment de la généralisation (Atrostic et al., 2003). Les résultats de ces études montrent que le lien entre investissement TIC et performance est loin d’être systématique. Chaque cas est une histoire en soi qui mérite d’être approfondie.

Certains cas montrent un lien très fort entre investissement dans les TIC et performance. Par exemple chez Ducato et Aprilia la mise en place d’un réseau d’information intégré allant du fournisseur aux clients a eu un impact très positif sur la performance (meilleure planification des achats et de la production, plus grande flexibilité, meilleur contrôle des ventes, optimisation de la gestion des stocks et meilleur contrôle des tendances du marché) (Muffatto et Payaro, 2004). D’autres sont plus nuancés. Maddox et Boyle (2007) montrent que pour trois des quatre entreprises étudiées, il n’était pas possible d’identifier des bénéfices tangibles de l’investissement réalisé.

Enfin certaines études telles que celle de Abdinnour et Groen (2008) mettent en évidence des impacts négatifs. En ce sens, Olsen et Saetre (2007) concluent de quatre études de cas de PME de niche qu’un ERP est pertinent pour ce type d’entreprise quand celle-ci adopte le modèle d’affaire courant (mainstream) d’une industrie. Mais, parce que les systèmes ERP imposent des processus standards basés sur les meilleures pratiques d’un domaine, ils ne correspondent pas aux besoins d’entreprises de niches qui cherchent à être différentes, grâce à des processus maison qui contribuent à créer l’avantage concurrentiel et des produits hautement personnalisés. Pour ces entreprises, l’implantation d’un ERP constitue une menace stratégique. Ainsi les auteurs constatent que suite à l’implantation de l’ERP des entreprises petites et flexibles sont devenues plus rigides que nécessaire. De ce point de vue, le risque est plus élevé pour une PME dont l’avantage concurrentiel repose en grande partie

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sur la proximité avec ses clients et sa réactivité, que pour une grande entreprise ayant de complexes exigences de coordination interne et externe.

Au terme de ce survol de la littérature, il apparaît que le lien entre investissement dans les TIC et performance n’est ni systématique, ni uniforme, mais soumis à l’influence de facteurs modérateurs.

2.5. Les facteurs modérateurs

Les TIC ne sont pas la panacée (OECD, 2006). Le lien entre investissement dans les TIC et performance n’est pas linéaire. Ragowsky et Somen (2002) en synthèse de leur revue de la littérature affirment que les bénéfices tirés d’une technologie dépendent des caractéristiques spécifiques des organisations. Implanter des technologies ne suffit pas à améliorer la performance. Plusieurs facteurs ont des effets modérateurs. Les facteurs identifiés dans les différentes approches présentées ci-dessus se recoupent.

2.5.1. Les TIC elles-mêmes

La qualité de l’infrastructure technologique, c'est-à-dire son architecture, la compatibilité des systèmes, leur flexibilité, leur complexité, leur niveau de sécurité, est en elle-même un facteur de performance (Croteau et al., 2001 ; Productivity Commission, 2004 ; Falk, 2005).

La littérature livre des conclusions contradictoires sur l’impact de l’intégration des systèmes. Certaines études révèlent que l’intégration des systèmes a un effet positif dans la mesure où elle impose une reconfiguration globale des processus (Atrostic, 2004 ; Bendoly, 2004 ; Martin et Milway, 2007).D’autres au contraire montrent que l’intégration peut être négative. La complexité introduite par la recherche du tout-en-un génère des coûts et des difficultés que ne compensent pas les bénéfices induits. Hitt et al. (2004) en font le constat sur les ERP, Dehning et al. (2007) sur les outils de gestion de la chaine d’approvisionnement.

(43)

2.5.2. Le facteur temporel

Le temps est un facteur à prendre en compte. Les résultats significatifs de l’implantation des TIC n’apparaissent pas à court terme, mais après un délai de un à quatre ans (Nelson et Nelson, 2003 ; Productivity Commission, 2004 ; Dehning et al., 2007). Ce délai est lié au temps nécessaire pour que d’une part les individus, à travers une remise en cause de leurs façons de faire et le développement de nouvelles compétences, et d’autre part l’organisation, grâce à une réingénierie globale de ses processus, s’approprient la technologie.

2.5.3. L’alignement stratégique

Les TIC ont d’autant plus d’impact qu’elles sont intégrées dans une réflexion stratégique (Croteau et al., 2001 ; Raymond et Blili, 2005 ; Bucar et al., 2006 ; Foreman-Peck et al., 2006 ; Jeon et al., 2006 ; Yand et al., 2006 ; Bruque et al., 2007 ; Law et Ngai, 2007). Pour une PME dont l’avantage concurrentiel repose souvent sur sa proximité client, sa réactivité ou son agilité, le succès de l’adoption des TIC nécessite en premier lieu une connaissance fine de son modèle d’affaire, de ce qui la distingue, et de ses modes de fonctionnement (Zheng et al., 2004).

La réflexion stratégique intégrant les TIC peut prendre deux formes opposées (Raymond et Bergeron, 1998 ; Hua, 2007). L’approche par alignement stratégique fait découler l’adoption et l’implantation des TIC, ainsi que la reconfiguration des fonctions et des ressources, des buts de l’organisation et de sa stratégie préexistants. Au contraire, l’approche « par impact » s’appuie sur le potentiel des TIC pour élaborer une nouvelle vision du modèle d’affaire.

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2.5.4. L’attitude de la haute direction

L’intégration stratégique dépend en grande partie des dirigeants, en particulier dans les PME qui n’ont souvent pas de responsable TI dédié (Winklhofer et al., 2007 ; Schubert et Leimstoll, 2007). Il est indispensable qu’ils comprennent les TIC pour avoir une vision, sans cesse actualisée, de comment elles peuvent transformer leur métier et leur entreprise (Zheng et al., 2004 ; Grandon et Pearson, 2005 ; Bucar et al., 2006 ; Foreman-Peck et al., 2006 ; Beckinsale et al., 2007). Toutefois ils doivent garder une attitude critique et ne pas se laisser emporter dans des chimères technologiques (Hoogeven et al., 2002). Enfin leur support est nécessaire tout au long du projet d’implantation des TIC (Grandon et Pearson, 2004 ; Tsao et al., 2004 ; Bucar et al., 2006 ; Bruque et al., 2007 ; Winklhofer et al., 2007).

2.5.5. L’innovation systémique

Un consensus se dégage de la littérature pour affirmer que tirer pleinement parti des investissements dans les TIC, nécessite d’aller au-delà d’une implantation « cosmétique » et de procéder à une innovation systémique (Atrostic et Nguyen, 2004 ; Hempell et al., 2004 ; Brynjolfsson, 2005 ; Dehning et al., 2007). L’introduction de TIC crée les conditions favorables à une transformation profonde de l’entreprise (Grandon et al., 2004 ; Tsao et al., 2004 ; Law et Ngai, 2007 ; Martin et Milway, 2007).

Il s’agit tout à la fois d’adapter l’offre et le marketing (Grandon et al., 2004), de reconfigurer les processus (Baldwin et Sabourin, 2002 ; Brown et He, 2007), d’aplatir la structure organisationnelle (Falk, 2005), de faire évoluer la dynamique réseau à l’interne en cassant les silos (Brynjolfsson, 2005) et avec les partenaires externes (Motohashi, 2003), de faire évoluer la gestion des ressources humaines (compétences, contrat de travail, comportements) (Brynjolfsson, 2005 ; Martin et Milway, 2007), et d’adopter un style de management plus démocratique (Brynjolfsson, 2005 ; Falk, 2005). Les entreprises qui ont procédé à cette

Figure

Tableau 1-1- Exemples d'entreprises exploitant sept potentiels technologiques   de transformation des modèles d’affaires
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