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4. Le concept de modèle d’affaires

4.5. Une typologie des approches de modélisation d’affaires

4.5.3. Les approches normatives

Les approches normatives appliquent des cadres génériques préexistants pour décrire les modèles d’affaires. Ce sont les plus nombreuses dans la littérature. Parce qu’elles proposent des matrices d’analyse, elles ont deux avantages : elles permettent de comparer les différents modèles et elles constituent des guides structurants pour un gestionnaire qui veut réfléchir à l’innovation de son modèle d’affaires. Cependant en appliquant une grille qui impose une logique, on peut passer à côté de ce qui fait l’originalité d’un modèle d’affaires et brider la créativité lorsqu’il s’agit d’innover (Casadesus-Masanell et Ricart, 2010).

En fonction du niveau d’importance accordée à l’interdépendance entre les éléments du modèle, les cadres de modélisation se regroupent en trois catégories : les taxonomies, les canevas statiques et les canevas systémiques.

4.5.3.1. Les taxonomies

Dans cette approche, qui représente près du tiers des articles lus dans le cadre de la revue systématique de la littérature, les auteurs étudient un ensemble d’entreprises oeuvrant dans un même secteur d’activité, par exemple : l’internet pour Afuah et Tucci (2000) et Kauffman et Wang (2008) les entreprises 2.0 pour Wirtz et al. (2010), les entreprises de gestion de projet pour Kujala et al. (2010) ou la téléphonie mobile pour Ghazzi et al. (2010). Une comparaison entre les entreprises amène à identifier des configurations archétypales à partir de variables clés permettent de contraster de manière significative les entreprises étudiées (Sabatier et al., 2010). Par exemple la typologie de Rappa (2001) distingue neuf modèles d’affaires génériques en fonction de la nature de leur proposition de valeur et de leur modèle de revenus.

Cette approche est descriptive, elle permet de classer les entreprises, et de les comparer. Mis non de concevoir un modèle d’affaires. L’analyse se fait à partir d’un petit nombre de

variables et en ignore d’autres. Les modèles d’affaires ne sont donc pas pris en compte d’un point de vue systémique.

4.5.3.2. Les canevas statiques

Les canevas statiques sont très fréquents dans la littérature et très divers. Ils sont basés sur le principe qu’une organisation est en fait la configuration spécifique d’éléments génériques. Ils visent à proposer un cadre intégrateur couvrant l’ensemble de l’organisation, tout en limitant le nombre d’éléments afin de garder l’outil facile d’utilisation.

Plusieurs revues de littérature comparent les différents propositions de canevas (Osterwalder et al., 2005 ; Nenonen et Storbacka, 2009 ; Al-Debei et Avison, 2010). Elles montrent que la plupart des modèles d’affaires se structurent autour de trois pôles présentés dans la Figure 4.4. :

- La proposition de valeur, c’est à dire la capacité à proposer une offre qui répond aux besoins de segments de marché identifiés (Hwang et Christensen, 2008 ; Johnson et al., 2008 ; Osterwalder et Pigneur, 2010).

- Les éléments qui permettent de livrer la valeur promise : ressources et capacités nécessaires, organisation de la chaine de valeur et réseau de partenaires. Ce que Lehmann-Ortega et Moingeon (2010) nomment « l’architecture de valeur ».

- Le modèle de profit qui permet de capter la valeur : soit l’articulation entre le modèle de revenu et la structure des coûts qui permet de générer une marge.

Chaque auteur organise à sa façon les éléments des trois pôles. Certains modèles sont très macro et résument le modèle d’affaires en trois blocs (Rayport et Jaworsky, 2000 ; Johnson, 2010 ; Lehmann-Ortega et Moingeon, 2010 ; Yunus et al., 2010) ou quatre blocs (Hwang et Christensen, 2008 ; Johnson et al., 2008 ; Al-Debei et Avison, 2010). L’avantage de cette approche est de conserver une certaine souplesse (Demil et Lecocq, 2010), mais elle peut entraîner une simplification de l’analyse (Morris et al., 2005). D’autres modèles au contraire

sont plus micros : six blocs pour Demil et Lecocq (2010), une douzaine de blocs pour Osterwalder et Pigneur (2002) et pour Nenonen et Storbacka (2009).

Même si plusieurs auteurs insistent sur l’importance de l’interdépendance entre les éléments (Johnson et al., 2008 ; Demil et Lecocq, 2010), les canevas statiques de modélisation n’intègrent pas d’éléments caractérisant de manière spécifique les liens entre les différents éléments du modèle d’affaires, au contraire des canevas systémiques qui font l’objet de la section suivante (Rayport et Jaworski, 2000 ; Hedman et Kalling, 2003 ; Hwang et Christensen, 2008 ; Johnson et al., 2008 ; Nenonen et Storbacka, 2010).

4.5.3.3. Les canevas systémiques

Les canevas systémiques procèdent de la même logique que les canevas statiques : ils identifient des éléments génériques constituant un modèle d’affaires. Leur grande différence est le fait qu’ils intègrent des variables qui caractérisent les relations entre les éléments. Les auteurs ayant proposé des canevas systémiques incluent Hamel (2000) ; Rayport et Jaworski (2000) ; Hedman et Kalling (2003) ; Montreuil et Caisse (2008) ; Hwang et Christensen (2008) ; Johnson et al. (2008), Nenonen et Storbacka (2010) ainsi que Zott et Amin (2010).

Hamel (2000), le premier, a proposé un cadre de modélisation de ce type. Comme le montre la Figure 4.5, trois ponts insistent sur les liens entre quatre blocs :

- Le pont « bénéfices pour le consommateur » présente la proposition de valeur faite au client, combinaison de la stratégie produit et de l’interface client.

- Le pont « configuration » fait référence à la façon unique dont l’entreprise combine ses ressources en fonction de sa stratégie,

- Le pont « frontières de l’entreprise » oblige à se questionner sur les ressources stratégiques qui doivent être internalisées ou externalisées auprès du réseau de création de valeur.

- Enfin les quatre « facteurs de richesse » illustrent comment la combinaison des éléments (les quatre blocs et les trois ponts) crée un modèle de prospérité pour l’entreprise.

Le tétraèdre de Caisse et Montreuil (2008) est structurellement conçu pour mettre en évidence les interdépendances systémiques entre les éléments. Les quatre pôles (caractère, offre, création et parties prenantes) sont interconnectés à travers six dyades reliant les pôles deux à deux, et quatre faces réunissant les pôles trois par trois, chaque dyade et chaque face ayant une appellation et une signification stratégique spécifiques, faisant partie prenante du cadre qui sera traité plus à fond en section 4.5.4. , chaque dyade et chaque face ayant une appellation et une signification stratégique spécifiques, faisant partie prenante du cadre qui sera traité plus à fond en section 4.5.4.

Zott et Amin (2010) proposent un modèle à deux niveaux. Le premier comprend trois éléments de design : le contenu (les activités qui doivent être faites), la structure et la gouvernance (qui est responsable de quoi). Le second niveau comporte quatre « thèmes de design » (design themes) qui constituent quatre façons d’activer les éléments de design pour créer de la valeur : nouveauté, rétention, complémentarité, efficience. Cela amène de dépasser une analyse en silo et oblige à travailler sur l’interdépendance entre les éléments.

Ces cadres de modélisation sont plus lourds à manipuler car ils demandent d’entrer plus profondément dans la compréhension des modèles d’affaires des organisations. Mais ils sont particulièrement pertinents quand il s’agit de comprendre les leviers de l’avantage concurrentiel d’une entreprise. En effet celui-ci repose sur l’alignement des composantes d’un modèle d’affaires. Dans son livre « Good strategy / Bad strategy », Rumelt (2011) l’illustre très bien, en expliquant en quoi la cohérence du design de Wal-Mart est à l’origine de son avantage concurrentiel :

« Wal-Mart’s policies fit together (…), they are complements to one another, forming an integrated design. This whole design – structure, policies and actions – is coherent. Each part of the design is shaped and specialized to the others. The pieces are not interchangeable parts. Many competitors do not have much of a design, shaping each of their elements around some “best practice” form. ». (Rumelt, 2011 : p. 25)

4.5.4. Les modes d’emplois : comment utiliser un cadre de modélisation pour

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