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2. Les ambiguïtés du lien entre TIC et performance

2.5. Les facteurs modérateurs

Les TIC ne sont pas la panacée (OECD, 2006). Le lien entre investissement dans les TIC et performance n’est pas linéaire. Ragowsky et Somen (2002) en synthèse de leur revue de la littérature affirment que les bénéfices tirés d’une technologie dépendent des caractéristiques spécifiques des organisations. Implanter des technologies ne suffit pas à améliorer la performance. Plusieurs facteurs ont des effets modérateurs. Les facteurs identifiés dans les différentes approches présentées ci-dessus se recoupent.

2.5.1. Les TIC elles-mêmes

La qualité de l’infrastructure technologique, c'est-à-dire son architecture, la compatibilité des systèmes, leur flexibilité, leur complexité, leur niveau de sécurité, est en elle-même un facteur de performance (Croteau et al., 2001 ; Productivity Commission, 2004 ; Falk, 2005).

La littérature livre des conclusions contradictoires sur l’impact de l’intégration des systèmes. Certaines études révèlent que l’intégration des systèmes a un effet positif dans la mesure où elle impose une reconfiguration globale des processus (Atrostic, 2004 ; Bendoly, 2004 ; Martin et Milway, 2007).D’autres au contraire montrent que l’intégration peut être négative. La complexité introduite par la recherche du tout-en-un génère des coûts et des difficultés que ne compensent pas les bénéfices induits. Hitt et al. (2004) en font le constat sur les ERP, Dehning et al. (2007) sur les outils de gestion de la chaine d’approvisionnement.

2.5.2. Le facteur temporel

Le temps est un facteur à prendre en compte. Les résultats significatifs de l’implantation des TIC n’apparaissent pas à court terme, mais après un délai de un à quatre ans (Nelson et Nelson, 2003 ; Productivity Commission, 2004 ; Dehning et al., 2007). Ce délai est lié au temps nécessaire pour que d’une part les individus, à travers une remise en cause de leurs façons de faire et le développement de nouvelles compétences, et d’autre part l’organisation, grâce à une réingénierie globale de ses processus, s’approprient la technologie.

2.5.3. L’alignement stratégique

Les TIC ont d’autant plus d’impact qu’elles sont intégrées dans une réflexion stratégique (Croteau et al., 2001 ; Raymond et Blili, 2005 ; Bucar et al., 2006 ; Foreman-Peck et al., 2006 ; Jeon et al., 2006 ; Yand et al., 2006 ; Bruque et al., 2007 ; Law et Ngai, 2007). Pour une PME dont l’avantage concurrentiel repose souvent sur sa proximité client, sa réactivité ou son agilité, le succès de l’adoption des TIC nécessite en premier lieu une connaissance fine de son modèle d’affaire, de ce qui la distingue, et de ses modes de fonctionnement (Zheng et al., 2004).

La réflexion stratégique intégrant les TIC peut prendre deux formes opposées (Raymond et Bergeron, 1998 ; Hua, 2007). L’approche par alignement stratégique fait découler l’adoption et l’implantation des TIC, ainsi que la reconfiguration des fonctions et des ressources, des buts de l’organisation et de sa stratégie préexistants. Au contraire, l’approche « par impact » s’appuie sur le potentiel des TIC pour élaborer une nouvelle vision du modèle d’affaire.

2.5.4. L’attitude de la haute direction

L’intégration stratégique dépend en grande partie des dirigeants, en particulier dans les PME qui n’ont souvent pas de responsable TI dédié (Winklhofer et al., 2007 ; Schubert et Leimstoll, 2007). Il est indispensable qu’ils comprennent les TIC pour avoir une vision, sans cesse actualisée, de comment elles peuvent transformer leur métier et leur entreprise (Zheng et al., 2004 ; Grandon et Pearson, 2005 ; Bucar et al., 2006 ; Foreman-Peck et al., 2006 ; Beckinsale et al., 2007). Toutefois ils doivent garder une attitude critique et ne pas se laisser emporter dans des chimères technologiques (Hoogeven et al., 2002). Enfin leur support est nécessaire tout au long du projet d’implantation des TIC (Grandon et Pearson, 2004 ; Tsao et al., 2004 ; Bucar et al., 2006 ; Bruque et al., 2007 ; Winklhofer et al., 2007).

2.5.5. L’innovation systémique

Un consensus se dégage de la littérature pour affirmer que tirer pleinement parti des investissements dans les TIC, nécessite d’aller au-delà d’une implantation « cosmétique » et de procéder à une innovation systémique (Atrostic et Nguyen, 2004 ; Hempell et al., 2004 ; Brynjolfsson, 2005 ; Dehning et al., 2007). L’introduction de TIC crée les conditions favorables à une transformation profonde de l’entreprise (Grandon et al., 2004 ; Tsao et al., 2004 ; Law et Ngai, 2007 ; Martin et Milway, 2007).

Il s’agit tout à la fois d’adapter l’offre et le marketing (Grandon et al., 2004), de reconfigurer les processus (Baldwin et Sabourin, 2002 ; Brown et He, 2007), d’aplatir la structure organisationnelle (Falk, 2005), de faire évoluer la dynamique réseau à l’interne en cassant les silos (Brynjolfsson, 2005) et avec les partenaires externes (Motohashi, 2003), de faire évoluer la gestion des ressources humaines (compétences, contrat de travail, comportements) (Brynjolfsson, 2005 ; Martin et Milway, 2007), et d’adopter un style de management plus démocratique (Brynjolfsson, 2005 ; Falk, 2005). Les entreprises qui ont procédé à cette

innovation systémique constatent un impact plus important des TIC sur leur performance (Croteau et al., 2001 ; Baldwin et Sabourin, 2002 ; Hempell et al., 2004 ; Dehning et al., 2007).

2.5.6. La gestion du changement

La culture des employés, leur âge ou leur éducation ont un effet inhibiteur ou facilitateur sur l’appropriation des technologies et donc sur le niveau de performance atteint (Morris et al., 2005 ; Montazemi, 2006 ; Bruque et al., 2007 ; Barba-Sanchez et al., 2007).

Implanter une TIC, c’est donc gérer un projet de changement dans la durée dans la mesure où l’on touche à la culture de l’organisation, qui évolue plus lentement que la technologie (OCDE, 2003 ; Brynjolfsson, 2005). Pour réussir, tout est question de rythme (Caldeira et al., 2003 ; Barba-Sanchez, 2007), de leadership de la haute direction (Grandon et Pearson, 2004 ; Tsao et al., 2004 ; Bucar et al., 2006 ; Bruque et al., 2007 ; Winklhofer et al., 2007), de politique RH (Tessier et Lagacé, 2003) et de méthode, en particulier d’implication des utilisateurs tout au long du processus (Bruque et al., 2007 ; Caldeira et al., 2003).

Une étude du CEFRIO (2005) donne des chiffres. Pour chaque dollar investi dans l’acquisition de technologies, les entreprises doivent consacrer neuf dollars au développement de leur capital socio-organisationnel (constitué de leur culture et de leurs pratiques).

2.5.7. La compétence interne

Toute implantation de nouvelle technologie doit s’accompagner d’efforts de formation importants visant à favoriser l’appropriation par la maîtrise technique (Raymond et Blili, 2005 ; Barba-Sanchez et al., 2007).

Dans les PME la question de la compétence est un enjeu clé. En effet le manque de ressources compétentes est un frein majeur à l’implantation des TIC (Tessier et Lagacé, 2003 ; Brynjolfsson, 2005 ; Evangelista et Sweeny, 2006 ; Hyjek et Sharp, 2006 ; Jeon et al., 2006 ; Barba-Sanchez et al., 2007 ; Bruque et al., 2007 ; Winklhofer et al., 2007).

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