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7. Méthodologie de recherche

7.1. Le choix de l’étude de cas comparative

Un élément clé de cette recherche est à prendre en compte dans les choix méthodologiques pour répondre aux questions de recherche identifiées : en matière d’innovation de modèle d’affaires, la théorie est en construction. En effet, il n’existe pas de cadre théorique unifié en matière d’innovation de modèle d’affaires. Le cadre conceptuel de cette recherche est exploratoire et combine plusieurs approches.

Dans ce contexte, l’étude de cas apparait comme la méthodologie la plus pertinente. En effet, l’essence de l’étude de cas est de s’appuyer sur l’observation d’un milieu réel pour travailler sur la théorie : donner une description d’un phénomène ou tester une théorie, générer une nouvelle théorie dans un champ peu exploré, ou expliquer des contradictions dans la littérature, dans un aller-retour constant entre les observations empiriques et la théorie (Yin, 2003).

Tableau 7-1- Les trois courants de l’étude de cas Etude de cas traditionnelle Etude de cas comparative Etude de cas prospective

Auteurs Dyer et Wilkins (1991) Eiseinhardt (1989) Bitektine (2008)

Science d’origine Ethnologie, sociologie Médecine

Contribution essentielle

Tester ou approfondir une théorie en la confrontant à la réalité. Elaborer de nouvelles théories. Développer de nouveaux construits et des hypothèses à tester

Tester la validité d’une théorie ou identifier la théorie la plus pertinente pour expliquer un phénomène

Accent mis sur Compréhension fine et approfondie des cas

Comparaison entre cas Confrontation d’une ou plusieurs théories avec un cas

Recours à la littérature en amont de l’étude terrain

Plus ou moins forte selon l’objectif : Rester le plus ouvert possible (tend vers la tabula rasa)

S’appuie sur les construits existants, question de recherche plus ciblée Formulation d’hypothèses de recherche à partir de la littérature qui sont testées sur le terrain

Résultats obtenus Permet d’illustrer en profondeur la façon dont un phénomène est vécu Permet des remises en question radicales des théories existantes

Permet essentiellement des avancées modestes : confirmation,

raffinement des théories existantes

Permet de tester la validité des théories dans une perspective de généralisation lorsque

des méthodes

quantitatives ne peuvent s’appliquer

Nombre de cas Réduit (parfois un seul) Généralement de 4 à 10 Un seul Obsession

méthodologique

Comprendre en

profondeur chaque cas

Comparer les cas et s’assurer de l’objectivité (codification,

croisement)

Développer des

hypothèses testables sur le terrain (phase 1) Formuler des indicateurs fiables pour tester les hypothèses (phase 2)

7.1.1. L’étude de cas traditionnelle

Yin (2003) donne la définition suivante de l’étude de cas :

“A case study is an empirical inquiry that investigates a contemporary phenomenon within real-life context, especially when the boundaries between phenomenon and context are not clearly evident”. (p.13)

L’étude de cas est pertinente quand on cherche à étudier le pourquoi ou le comment d’un phénomène, lorsque la théorie sur le sujet est encore peu développée, et lorsque l’expérience vécue par les acteurs et le contexte sont cruciaux (Benbasat et al., 1987 ; Dyer et Wilkins, 1991 ; Yin, 2003).

Les théories ainsi développées sont plus riches du fait de leur profondeur, mais moins généralisables puisque très liées à un contexte précis. Les études de cas classiques racontent des histoires riches. Elles suscitent chez le lecteur une compréhension fine d’un phénomène, même si les construits sont plus faibles. Elles lui permettent de faire une plongée profonde dans la réalité en intégrant la complexité de dimensions multiples. Cette école reproche d’ailleurs à l’étude de cas comparative de rester plus en surface pour des raisons de volume de données à traiter et de se concentrer sur le développement et la mesurabilité de construits simplificateurs qui ne rendent pas compte de la complexité des phénomènes tels qu’ils sont vécus (Dyer et Wilkins, 1991).

7.1.2. L’étude de cas comparative

Eiseinhardt et Graebner (2007) donnent la définition suivante de l’étude de cas comparative :

« Building theory from case studies is a research strategy that involves using one or more cases to create theoretical constructs, propositions and/or midrange theory from case-based, empirical evidence”. (p.1)

Dans l’étude de cas comparative, des construits théoriques robustes émergent d’une comparaison entre les cas et un aller-retour entre l’observation et la littérature. La comparaison entre cas repose sur deux mécanismes : l’identification de patterns communs entre cas et la compréhension des différences entre les cas (Eisenhardt, 1989 ; Fox- Wolfgramm, 1997).

La méthode de l’étude de cas comparative est basée sur la réplication. Chaque cas est étudié de manière distincte. Les chercheurs utilisent dans ce but des données multiples : observation, entrevues, analyse documentaire, et autres.

Puis, la comparaison des cas permet de mettre en évidence des convergences, des divergences et des contrastes. Plusieurs méthodes sont possibles à cet effet : créer des catégories afin d’étudier les convergences au sein des catégories et les divergences entre les catégories, étudier les similarités et les différences des cas deux par deux, faire des comparaisons transversales par types de données (entrevues, documents, etc.). La force de cette méthode est sa capacité à générer de nouvelles théories grâce à la créativité et la rigueur induites par le processus de compréhension des contradictions entre les cas. Cela permet de dépasser l’idiosyncrasie des résultats issus des études de cas unique pour bâtir des théories plus robustes (Baskerville et Pries-Heje, 1999 ; Yin, 2003 ; Eiseinhardt et Graebner, 2007).

Un aller-retour constant entre les observations et la construction théorique est nécessaire. Il permet en permanence d’enrichir les construits des convergences et de l’explication des divergences, et de les valider en comparant chacun des cas avec le cadre conceptuel émergent. Cela garantit un certain niveau de réplicabilité. Dans cette logique, l’échantillon peut évoluer au cours de l’étude pour confirmer, explorer un aspect théorique émergent, ou étudier un cas opposé pour approfondir les différences. Finalement une confrontation avec la littérature permet d’assurer la robustesse.

7.1.3. L’étude de cas prospective

A l’autre extrémité du spectre, Bitektine (2008) propose une méthode d’étude de cas déductive. Elle vise à tester des théories. Des propositions sont formulées sur la base de la littérature. Elles constituent des prédictions sur ce qui devrait être observé si les théories sont valides. Un défi majeur est le développement de critères qui permettent de mesurer les construits théoriques que l’on souhaite observer dans la réalité.

7.1.4. Le choix de l’étude de cas comparative

Dans le cadre de cette recherche, l’étude de cas comparative s’impose comme la méthodologie appropriée. En effet :

- Le cadre théorique exploratoire ne permet pas une étude de cas prospective. Il sera renforcé par un processus de comparaison des cas à travers l’identification de points de convergence et l’explication des divergences. Ainsi les conclusions seront plus robustes plus généralisables, et plus testables.

- Une étude de cas unique ne permettrait pas de répondre à la troisième question portant sur l’existence de configurations particulières dans la façon dont les entreprises procèdent à une innovation de leur modèle d’affaires.

- Multiplier les cas augmente aussi la robustesse des résultats sur les deux premières questions de recherche. En effet la comparaison des cas permet de distinguer ce qui dans la réponse aux questions de recherche, relève de l’idiosyncrasie du phénomène et ce qui est plus généralisable.

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