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3. Une question d’alignement

3.3. L’impact de l’alignement sur la performance

3.3.1. Les études d’interaction bivariée

La plupart des études empiriques se concentrent sur des analyses bivariées de paires de variables (Bergeron et al., 2001). La paire la plus fréquemment étudiée est stratégie TI – stratégie d’affaire (Bergeron et al., 2004). La perspective dominante est la modération. La plupart de ces études concluent à un impact significatif et positif de l’alignement entre stratégies TI et d’affaireou structure TI et structure organisationnelle sur la performance. Seule l’étude de Palmer et Markus (2000) citée par Bergeron et al. (2004) conclut à une absence de relation avec la performance.

La paire structure organisationnelle et structure TI a aussi fait l’objet de plusieurs études qui concluent que l’alignement de ces variables a un impact sur la performance (voir par exemple les travaux de Croteau et al. (2001), Raymond et al. (1999) et Ein-Dor et Segev (1982) cités dans les articles consultés).

D’autres paires sont aussi étudiées. Raymond et Bergeron (2008) montrent que l’alignement des capacités de e-business (e-communication, e-intelligence, e-commerce, e-collaboration) et de la stratégie d’affaires a un impact positif sur la performance des PMEs étudiées. Cependant cet impact n’est pas universel. Dans le détail des divergences apparaissent en fonction du type de stratégie adoptée.

Les résultats sur l’impact de la paire incertitude environnementale et stratégie sur la performance sont contradictoires. Bergeron et al. (2001) concluent à l’absence de lien contrairement à plusieurs études citées dans les articles consultés.

Croteau et Bergeron (2001) s’intéressent à la façon dont les entreprises planifient et gèrent les TI en étudiant la paire déploiement technologique et stratégie d’affaire. Les résultats sont contrastés selon la stratégie adoptée par l’entreprise. L’alignement a un effet significatif et positif pour les prospecteurs et analystes, mais significatif et sans impact sur la performance pour les défenseurs.

3.3.2. Des études multivariées

L’analyse par paires est réductionniste puisqu’elle suppose que le tout peut être décomposé en éléments (les paires) qui peuvent être étudiées indépendamment (Drazin et Van de Ven, 1985). Selon la théorie de la contingence, une approche holistique a un pouvoir d’explication plus grand dans la mesure où elle prend en compte les effets d’interrelation entre les variables (Bergeron et al., 2004). Depuis quelques années, des chercheurs testent des modèles multivariés qui permettent de faire émerger les configurations de plusieurs variables interreliées ayant un impact sur la performance.

Le modèle de Bergeron et al. (2001) intègre la gestion stratégique des TI, l’orientation stratégique de l’organisation, l’incertitude de l’environnement et la complexité structurelle. Dans une perspective de gestalt, les auteurs constatent que certaines configurations, combinant un haut niveau d’orientation stratégique et de gestion stratégique des TI, génèrent plus de performance.

Chan et al. (2006) ont testé un modèle intégrant la connaissance partagée, l’historique de succès en matière d’implantation des TI, la taille de l’organisation et l’incertitude environnementale. Leur étude portait sur deux échantillons d’organisations : des entreprises et des universités qu’ils ont respectivement classées en fonction de leur stratégie selon le modèle de Miles et Snow. L’alignement est plus difficile à atteindre pour les prospecteurs, ce qui s’explique par leur stratégie plus réactive. L’alignement a quand même un impact sur la performance dans tous les cas, à l’exception des entreprises adoptant une stratégie de défenseurs.

Bergeron et al. (2004) ont réalisé une étude pionnière. Leurs conclusions valident l’hypothèse générale selon laquelle les configurations de coalignement conflictuel ont un impact négatif sur la performance. Le groupe idéal, et le plus performant, présente les caractéristiques suivantes : une démarche stratégique robuste (l’entreprise prend le temps d’analyser ses performances pour prévoir le futur et anticiper), une structure organisationnelle complexe (hautement formalisée, spécialisée, et différenciée), une utilisation stratégique des TI à la pointe, et une fonction TI très structurée. Toutefois deux groupes posent question. Les auteurs aboutissent à une conclusion qui constitue une contribution : pour que le coalignement ait un impact sur la performance, il faut que chacun de ces domaines ait atteint un certain niveau.

3.3.3. Un impact ni universel, ni uniforme

De nombreuses études concluent à l’impact positif d’un alignement stratégique des TI, sur la performance de l’organisation (Chan et Reich, 2007). Cependant, au-delà de constats généraux, cet impact n’est ni systématique, ni uniforme. Lorsqu’on introduit des variables pour créer des sous-échantillons (par exemple les différences de stratégies), ce bénéfice se révèle inégal selon les entreprises (Raymond et Bergeron, 2008 ; Tallon, 2008). En particulier, les entreprises classées comme défenseurs dans la typologie de Miles et Snow, ne tirent pas parti de leur alignement stratégique des TI (Chan et al., 2006 ; Raymond et Bergeron, 2008 ; Tallon, 2008). Ainsi le fait qu’une entreprise soit alignée ne garantit pas la performance.

Trois approches, en disséquant le phénomène de l’alignement, permettent de mieux comprendre pourquoi. D’une part, une démarche « verticale » permet d’analyser les alignements à un niveau plus micro. Tallon (2008) par exemple étudie le micro-alignement au niveau des processus. Il distingue deux dimensions dans la stratégie : son contenu (ce qu’elle est) et son processus (comment elle est mise en œuvre). Beaucoup de recherches sur l’alignement étudient le contenu des stratégies25 et ne tiennent pas compte de la façon dont

les entreprises les mettent en œuvre. Or des stratégies identiques peuvent être mises en œuvre à travers des processus et des activités différentes. Selon la théorie basée sur les ressources, c’est même cette configuration unique de processus, d’activités et de compétences qui crée un avantage concurrentiel durable. Pour l’auteur, comprendre l’impact de l’alignement sur la performance, et expliquer les différences et paradoxes constatés, suppose donc de dépasser l’analyse au niveau du contenu des stratégies pour étudier les processus de mise en œuvre. Dans son étude empirique, Tallon (2008) démontre qu’il ne s’agit pas de réaliser un alignement indifférencié, mais de rechercher le type d’alignement pertinent en tenant compte

25 D’un point de vue méthodologique cela se traduit par l’utilisation des typologies de Miles et Snow ou de Porter.

du mix de processus et d’activités pertinents pour opérationnaliser la stratégie choisie. Si un alignement étroit est essentiel pour les processus clés, un alignement lâche, voire un non- alignement des processus secondaires n’a pas d’impact sur la performance.

D’autre part une approche longitudinale permet de voir l’alignement se construire dans le temps et de constater des décalages entre l’émergence de l’alignement et l’impact sur la performance (Hirschheim et Sabherwal, 2001 ; Sabherwal et al., 2001 ; Chen et al., 2008). Dans une perspective longitudinale, l’alignement doit idéalement être continu. L’évolution des différentes dimensions doit être synchronisée. Mais il est constaté que cela n’arrive que rarement (Chen et al., 2000 ; Hirschheim et Sabherwal, 2001 ; Sabherwal et al., 2001). Il est en effet complexe de faire évoluer les composantes de l’alignement de façon synchrone et cohérente. La situation de sous-alignement, voire de non-alignement, est la plus fréquente (Chen et al., 2000 ; Hirschheim et Sabherwal, 2001 ; Sabherwal et al., 2001).

Enfin une approche systémique permet d’intégrer des variables qui sont rarement prises en compte. En effet les dimensions sociales sont largement sous-représentées dans les modèles d’analyse de l’alignement. Pourtant les deux principaux antécédents de l’alignement : la connaissance croisée et la confiance née de l’historique d’implantation sont deux facteurs particulièrement humains. Les relations sociales et les réseaux informels sont décisifs dans une dynamique qui repose sur la volonté de travailler ensemble, de partager son savoir, de s’entendre sur des priorités et une allocation des ressources (Chan et Reich, 2007). La culture de l’organisation joue aussi un grand rôle. Raz et Goldberg (2006) par exemple ont testé l’hypothèse que l’implantation des TI a plus d’impact sur la performance lorsque la culture, les caractéristiques de la technologie et la nature de la tâche qui est automatisée sont alignées.

Il apparaît donc nécessaire de mieux comprendre comment se crée l’alignement. L’étape suivante dans la revue de littérature est donc d’identifier les facteurs qui ont de l’impact dans la construction de l’alignement.

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