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Les marais intertidaux du Saint-Laurent : complexités et dynamiques naturelles et culturelles

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Academic year: 2021

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CHRYSTIAN CAREAU

LES MARAIS INTERTIDAUX DU SAINT-LAURENT:

COMPLEXITÉS ET DYNAMIQUES NATURELLES ET CULTURELLES

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en sciences géographiques pour l'obtention du grade de Maître en sciences géographiques (M.Sc.Géogr.)

DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE

FACULTÉ DE FORESTERIE, DE GÉOGRAPHIE ET DE GÉOMATIQUE UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2010

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RESUME

Deux discours opposés caractérisent la littérature scientifique portant sur les marais intertidaux du Saint-Laurent. D'abord, un discours anthropocentrique axé sur leur croissance et sur leur développement économique (ca. 1874-1980). Ensuite, un discours biocentrique centré sur l'érosion et l'impact néfaste des activités humaines (ca. 1980-2009). Entre les deux, une compréhension incomplète de l'évolution naturelle et culturelle de ces écosystèmes a influencé différents types d'aménagements parfois durables, parfois nuisibles, à travers le temps. Pourquoi deux discours contradictoires? Il semble que le réductionnisme présent dans la compréhension scientifique des marais a eu pour effet de simplifier l'interprétation de l'évolution naturelle des marais et de la culture humaine. Avec une étude relationnelle sur les diverses interactions entre êtres humains et les marais de l'estuaire du Saint-Laurent, le mémoire révèle que la géographie physique et humaine des marais intertidaux est complexe et ne peut être résumée par des généralisations simplistes ou réductionnistes.

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Il

AVANT PROPOS

Mes remerciements vont d'abord au directeur de recherche de ce mémoire, monsieur Matthew Hatvany. M. Hatvany a toujours cru en moi et m'a apporté son soutien et sa patience à travers les épreuves dans l'accomplissement et la réussite de la maîtrise. Après avoir réalisé un mémoire de baccalauréat sous sa direction en 2002, l'idée d'entreprendre une maîtrise s'est finalement concrétisée à l'automne 2007 sous l'inspiration de son approche multi-disciplinaire, sa grande passion envers les marais et sa rigueur intellectuelle.

Je remercie particulièrement les membres de mon comité d'évaluation, madame Caroline Desbiens, professeure de Géographie culturelle et monsieur Michel Allard, professeur de Géomorphologie, tous deux de l'Université Laval. Ils m'ont toujours porté une oreille attentive et conseillé à travers leur champ de compétence respectif. Je tiens aussi à souligner les membres du Centre interuniversitaire d'études québécoises (CIEQ), son directeur Donald Fyson, les membres Etienne Rivard et Emilie Lapierre-Pintal ainsi que tous les collègues affiliés au CIEQ.

De plus, je remercie les gens du centre Géo/Stat de l'Université Laval, Stéphano Biondo et Rémi Larochelle, ainsi que ceux du Laboratoire de cartographie du Département de géographie, soit Sylvie Saint-Jacques et Serge Duchesneau. Un merci tout spécial à Donald Cayer pour sa grande disponibilité. Il m'a aidé dans l'analyse du terrain et les différents outils des logiciels de cartographie.

Je suis également très reconnaissant envers mes collègues du local de géographie historique du nord en l'occurrence Pierre Cambon, Ioana Comat, Claire Demilier, Martine Freedman, Mélie Monnérat, Céline Noury et Jacynthe Poulin. Merci pour vos encouragements et votre précieuse aide!! Je m'en voudrais de passer sous le silence l'aide de mes amis proches en particulier Catherine Plante qui a été d'une aide inestimable ainsi que ma très bonne amie Donika fetiu. Enfin, je tiens à mentionner le soutien incommensurable de mes parents Réjean et Huguette qui on toujours été présents pour moi.

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m

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ I AVANT PROPOS II

TABLE DES MATIÈRES III LISTE DES FIGURES V LISTE DES TABLEAUX VII 1 INTRODUCTION : ENTRE TERRE ET MER 9

1.1 MISE EN CONTEXTE DE LA PROBLÉMATIQUE 10

1.2 HYPOTHÈSE 12 1.3 OBJECTIFS 12 1.4 LOCALISATION ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DU MILIEU 13

1.4.1 Les marais intertidaux 13 1.5 REVUE DE LA LITTÉRATURE 14

1.5.1 Le Volet culturel 14 1.5.2 Le Volet naturel 15 1.6 MÉTHODOLOGIE 16 1.7 L'ORGANISATION DU MÉMOIRE 18

2 LES GRANDS DISCOURS : LES TENSIONS ENTRE NATURE, CULTURE ET

L'INTERPRÉTATION DES MARAIS 19 2.1 ENTRE PERCEPTION ET VÉCU 19 2.2 DISCOURS SUR L'ASPECT CULTUREL DES MARAIS 21

2.2.1 Aux Etats-Unis 21 2.2.2 Au Canada atlantique 22

2.2.3 Au Québec 24 2.3 LES DISCOURS SUR L'ASPECT NATUREL DES MARAIS 24

2.3.1 Le discours sur la croissance des marais (ca.1874-1980) 24 2.3.2 Le discours sur la régression des marais (ca. 1980-2009) 30

2.3.2.1 L'impact anthropique 30

2.3.2.2 L'érosion 32 3 UN MILIEU, DE MULTIPLES RELATIONS 34

3.1 LA NATURE PROPOSE L'ÊTRE HUMAIN DISPOSE 34 3.2 LA CÔTE-DE-BEAUPRÉ (CAP TOURMENTE) 35

3.2.1 Le territoire 35 3.2.2 Les types d'exploitations historiques 37

3.2.2.1 Contexte amérindien (avant 1608) 37 3.2.2.2 Contexte colonial (ca. 1608-1840) 37 3.2.2.3 Contexte industriel (ca. 1840-1970) 39 3.2.2.4 Contexte post-industriel (ca.l970-aujourd'hui) 41

3.2.3 Les modes de gestion actuels (RNFdu cap Tourmente) 42

3.3 LTSLE-AUX-GRUES 44 3.3.1 Le territoire 44 3.3.2 Les types d'exploitations historiques 44

3.3.2.1 Contexte amérindien (avant 1646) 44 3.3.2.2 Contexte colonial (ca. 1646-1890) 45 3.3.2.3 Contexte industriel (ca. 1890-1960) 47 3.3.2.4 Contexte post-industriel (ca. 1960-2009) 48

3.4 LA BAIE DE KAMOURASKA 51

3.4.1 Le territoire 51 3.4.2 Les types d'exploitations historiques 51

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IV

3.4.2.2 Contexte colonial (ca. 1680-1860) 52 3.4.2.3 Contexte industriel (ca. 1860-1960) 53 3.4.2.4 Contexte post-industriel (ca. 1960-2009) 54

3.5 LTSLE-VERTE ET L'ÎLE VERTE 58

3.5.1 Le territoire 58 3.5.2 Les types d'exploitations historiques 58

3.5.2.1 Contexte amérindien (avant 1685) 58 3.5.2.2 Contexte colonial (ca. 1680-1860) 60 3.5.2.3 Contexte industriel (ca. 1860-1970) 60 3.5.3 Contexte post-industriel (ca.1970 à aujourd'hui) 62

3.5.3.1 L'Isle-Verte : 62

3.5.3.2 l'île Verte 63 3.6 ANALYSE RELATIONNELLE 66

4 LES ENJEUX NATURELS D'UN MARAIS : LA BAIE DE KAMOURASKA 70

4.1 ENTRE CROISSANCE ET ÉROSION 70

4.2 MÉTHODOLOGIE 71 4.3 LE MARAIS INTERTIDAL 73

4.3.1 La slikke et le schorre 73 4.3.1.1 La zone à Spartina alterniflora (schorre) 74

4.3.1.2 La zone à Spartina patens (schorre) 75 4.3.1.3 La zone à Spartina pectinata (schorre) 76 4.4 PROCESSUS GÉOMORPHOLOGIQUES 77 4.5 ANALYSE SPATIO-TEMPORELLE 79

4.5.1 Les cartes anciennes : 79

4.5.1.1 Epoque pré-coloniale 79 4.5.1.2 La carte de McCarthy, 1781 80 4.5.1.3 La carte de Hamel, 1826 82 4.5.2 Les photographies aériennes 84

4.5.2.1 Photographie aérienne de 1929 84 4.5.2.2 Photographie aérienne de 1948 86

4.5.2.2.1 Comparaison de la limite inférieure du schorre (1929 et 1948) 87

4.5.2.3 Photographie aérienne de 1974 88 4.5.2.3.1 Comparaison de la limite inférieure du schorre (1948 et 1974) 90

4.5.2.4 Photographie aérienne de 1985 91 4.5.2.4.1 Comparaison de la limite inférieure du schorre (1974 et 1985) 93

4.5.2.5 Orthophotographie de 2001 et les coordonnées GPS 2008 94 4.5.2.5.1 Comparaison de la limite inférieure du schorre (1985 et 2008) 96

4.6 DISCUSSION 97 5 CONCLUSION 103 6 BIBLIOGRAPHIE 105

(6)

LISTE DES FIGURES

Figure 1.1 Cinq marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent à l'étude 10

Figure 1.2 Profil général d'un marais intertidal 13 Figure 2.1 La créature des marais «The Swamp Thing » 19

Figure 2.2 La région du Canada atlantique 22 Figure 2.3 Exploitation des marais, baie du Mont-Saint-Michel, France 25

Figure 2.4 Discours unidirectionnel de croissance et de valeur économique des marais salés .. 29

Figure 2.5 Discours unidirectionnel de régression des marais salés (ca. 1980-2009) 33

Figure 3.1 Les grands contextes de civilisation de la société québécoise 35

Figure 3.2 Marais saumâtre de la Côte-de-Beaupré 36 Figure 3.3 Vue de Château-Richer, Côte-de-Beaupré, 1785 38

Figure 3.4 Vue de Château-Richer, Côte-de-Beaupré, 2008 40 Figure 3.5 Réserve nationale de faune du cap Tourmente 41 Figure 3.6 Marais à scirpe, Réserve nationale de faune du cap Tourmente 42

Figure 3.7 Marais de l'Isle-aux-Grues 45 Figure 3.8 Animaux broutants sur le marais de l'Isle-aux-Grues 46

Figure 3.9 Récolte du foin de batture, l'Isle-aux-Grues, ca. 1920-1930 48 Figure 3.10 Marais de la baie de Kamouraska , 52

Figure 3.11 Reconstruction de 1'aboiteau sur la baie de Kamouraska, 1980 55

Figure 3.12 Aboiteau sur la baie de Kamouraska, 2008 56

Figure 3.13 Marais de L'Isle-Verte 59 Figure 3.14 Marais de l'île Verte 59 Figure 3.15 Récolte de mousse de mer à Cacouna (fin du XIXe siècle) 61

Figure 3.16 Marais salé, Réserve nationale de faune de la baie de l'Isle-Verte 62

Figure 3.17 Agneaux sur le marais salé de l'île Verte 63 Figure 3.18 Dynamiques spatio-temporelles des cinq marais du Saint-Laurent à l'étude 67

Figure 4.1 Profil des zones du marais salé de la baie de Kamouraska 73

Figure 4.2 Spartina alterniflora 74 Figure 4.3 Microfalaise entre le schorre et la slikke, baie de Kamouraska 75

Figure 4.4 Spartina patens 76 Figure 4.5 Spartina pectinata 77 Figure 4.6 Carte hypothétique de la baie de Kamouraska avant 1680 80

Figure 4.7 Le marais de la baie de Kamouraska, 1781 81 Figure 4.8 Le marais de la baie de Kamouraska, 1826 82 Figure 4.9 Superficie du marais de la baie de Kamouraska, 1826 83

Figure 4.10 Limite inférieure du schorre, marais de la baie de Kamouraska, 1929 85 Figure 4.11 Limite inférieure du schorre, marais de la baie de Kamouraska, 1948 86 Figure 4.12 Carte schématique de l'interface entre la slikke et le schorre, 1929-1948,

baie de Kamouraska 87 Figure 4.13 Limite inférieure du schorre, marais de la baie de Kamouraska, 1974 89

Figure 4.14 Carte schématique de l'interface entre la slikke et le schorre, 1948-1974,

baie de Kamouraska 90 Figure 4.15 Limite inférieure du schorre, marais de la baie de Kamouraska, 1985 92

Figure 4.16 Carte schématique de l'interface entre la slikke et le schorre, 1974-1985,

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VI

Figure 4.17 Limite inférieure du schorre, marais de la baie de Kamouraska, 2008 95 Figure 4.18 Carte schématique de l'interface entre la slikke et le schorre, 1985-2008,

baie de Kamouraska 96 Figure 4.19A Carte schématique de l'interface entre la slikke et le schorre, 1929-2008,

baie de Kamouraska 98 Figure 4.19B Carte schématique de l'interface entre la slikke et le schorre, 1948-2008,

baie de Kamouraska 98 Figure 4.20 Érosion observée sur la portion ouest du marais salé, baie de Kamouraska,

été 2008 101 Figure 4.21 Portion est en croissance du marais salé, baie de Kamouraska, été 2008 101

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VII

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 3.1 Utilisation et aménagement des marais du cap Tourmente

depuis plus de 400 ans 43 Tableau 3.2 Utilisation et aménagement du marais des l'Isle-aux-Grues et de l'Isle-aux-Oies

depuis plus de 400 ans 50 Tableau 3.3 Utilisation et aménagement du marais de la baie de Kamouraska

depuis plus de 400 ans 57 Tableau 3.4 Utilisation et aménagement du marais de L'Isle-Verte

(depuis le contexte amérindien) 64 Tableau 3.5 Utilisation et aménagement du marais de l'île Verte

(depuis le contexte amérindien) 65 Tableau 4.1 Mesures de la largeur du marais intertidal en 1826 84

Tableau 4.2 Mesures de la largeur du marais intertidal en 1929 85 Tableau 4.3 Mesures de la largeur du marais intertidal en 1948 87 Tableau 4.4 Dynamique comparative de l'interface entre la slikke et le schorre,

1929-1948, baie de Kamouraska 88 Tableau 4.5 Mesures de la largeur du marais intertidal en 1974 89

Tableau 4.6 Dynamique comparative de l'interface entre la slikke et le schorre,

1948-1974, baie de Kamouraska 91 Tableau 4.7 Mesures de la largeur du marais intertidal en 1985 92

Tableau 4.8 Dynamique comparative de l'interface entre la slikke et le schorre,

1974-1985, baie de Kamouraska 94 Tableau 4.9 Mesures de la largeur du marais intertidal en 2008 95

Tableau 4.10 Dynamique comparative de l'interface entre la slikke et le schorre,

1985-2008, baie de Kamouraska 97 Tableau 4.11 Dynamique comparative de l'interface entre la slikke et le schorre,

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1. INTRODUCTION :

Entre terre et mer

Émergents entre terre et mer dans l'un des plus grands estuaires au monde, les marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent, au Québec, se font discrets mais encore bien présents. Jouissants de la rencontre entre eaux salées venues de l'océan Atlantique et eaux douces provenant des Grands-Lacs et autres affluents du Saint-Laurent, les conditions sont établies pour donner naissance à ces écosystèmes intertidaux parmi les plus productifs en termes de matière organique (Hatvany, 2008 : 4). Au Québec, les marais intertidaux se concentrent principalement sur la rive sud du Saint-Laurent estuarien où ils s'étendent de Lévis à Rimouski et, sur la rive nord, de Québec à Baie-Comeau. Au total, ce sont une quarantaine de marais intertidaux qui évoluent sur ce territoire occupant une superficie totale de 8 900 ha ou 89 km2 (Centre Saint-Laurent, 1996 ; Dionne, 2004 : 8 ). Dans le

cadre de cette étude, cinq marais attirent l'attention à cause de la diversité des sources disponibles pour chacun tant sur les volets humains que physiques. Il s'agit des marais de la Côte-de-Beaupré (en l'occurrence cap Tourmente), l'Isle-aux-Grues, Kamouraska, LTsle-Verte et l'île Verte (Figure 1.1).

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Figure 1.1 Cinq marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent à l'étude

Source : Carte réalisée par C. Careau et M. Hatvany, 2009, Laboratoire de géographie historique, Département de géographie, Université Laval.

1.1 Mise en contexte de la problématique

Les marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent constituent un écosystème riche qui depuis l'époque amérindienne est exploité par l'être humain pour assurer ses besoins. Que ce soit du point de vue physique ou humain, l'intérêt manifesté envers ce milieu naturel a d'ors et déjà fait longtemps l'objet d'études multidisciplinaires au Québec. Depuis la fin du XIXe siècle, période durant laquelle le professeur Jean-Daniel Schmouth, de l'École

d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, écrivait en 1874 une des premières études sur les marais du Saint-Laurent (qui visait leur endiguement à des fins agricoles), c'est principalement au tournant des années 1960-1980 que des ouvrages se sont massivement intéressés à ces milieux naturels à cause de leurs importante perte de superficie subie pendant la période industrielle (ca. 1850-1980). En effet, longtemps considérés comme étant des milieux nuisibles ou inutiles, c'est durant la période d'industrialisation que 50 % à 80 % des marais du Saint-Laurent ont été soit endigués à des fins agricoles ou éradiqués

(11)

par le développement des moyens de transports et l'étalement urbain. Depuis, la perception des marais du Saint-Laurent a fait volte-face et la protection de ceux-ci, notamment contre l'endiguement et le remblayage, à l'aide des lois et de l'établissement des réserves nationales de flore et de faune est devenue l'ordre du jour. Selon de récentes études, l'avenir des marais est précaire puisque les scientifiques expriment une inquiétude en lien avec une érosion généralisée à l'ensemble des marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent.

L'analyse chronologique des sources écrites sur les marais intertidaux du Saint-Laurent démontre que la compréhension scientifique des marais par plusieurs auteurs de diverses disciplines (biologie, agronomie, géomorphologie, sédimentologie, etc.) et le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs progresse selon deux axes parallèles, c'est-à-dire que deux discours dominants, nettement en opposition se succèdent et caractérisent la littérature scientifique portant sur ces terres humides. D'abord, un discours anthropocentrique axé sur leur croissance et leur développement économique (ca. 1860-1980) et ensuite un discours biocentrique centré sur l'érosion et l'impact destructeur de l'être humain (ca.l980-aujourd'hui). Entre ces deux discours se situe une compréhension incomplète de l'évolution humaine et naturelle des marais intertidaux, ce qui a influencé différents types d'aménagements parfois durables, parfois néfastes. La problématique de ce mémoire cherche à savoir pourquoi la prédominance de deux discours contradictoires?

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1.2 Hypothèse

L'hypothèse de ce mémoire avance que le réductionnisme présent dans la compréhension de l'évolution humaine des marais a eu pour effet de simplifier plus de quatre cents ans de relations entre l'être humain et les marais intertidaux. Également, ce réductionnisme semble expliquer la simplification de la connaissance de l'évolution géomorphologique de ceux-ci à de simples expressions de croissance et d'érosion.

1.3 Objectifs

L'objectif principal de ce mémoire est de démontrer que les marais du Saint-Laurent sont dynamiques et complexes tant par leur utilisation que sur le plan géomorphologique et écologique. De façon plus spécifique, ce travail vise à :

1. Démontrer que même dans des milieux possédant des caractéristiques physiques semblables, chaque communauté humaine vit des relations particulières dans le temps et dans l'espace avec son propre environnement.

2. Illustrer par la cartographie spatio-temporelle du marais de la baie de Kamouraska que l'interprétation réductionniste de l'évolution d'un milieu naturel a pour effet d'en masquer la complexe réalité évolutive propre à chaque marais.

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1.4 Localisation et caractéristiques générales du milieu

Situés en aval de la ville de Québec, les cinq marais à l'étude se localisent dans l'estuaire saumâtre et maritime du Saint-Laurent. En fonction de la salinité des eaux de l'estuaire, les marais intertidaux peuvent êtres divisés en deux parties. Dans la zone d'eau douce et saumâtre située en amont de la municipalité de Saint-Jean-Port-Joli se trouvent les marais à scirpe américain et maritime (Scirpus americanus et maritimus), en 1'occurence ceux de la Côte-de-Beaupré (cap Tourmente) et l'Isle-aux-Grues dont il est question dans cette étude (Fleurbec, 1985 : 26 ). Dans la zone d'eau salée, se positionnent les marais salés à spartines (Spartina sp.), précisément les marais de Kamouraska, de LTsle-Verte et de l'île Verte (Fleurbec, 1985 : 26) (Figure 1.1).

1.4.1 Les marais intertidaux

La zone intertidale est celle située entre la terre et la mer qui est soumise au cycle semi-diurne des marées, c'est-à-dire inondée et exondée deux fois par jour. C'est à l'intérieur de cette zone que se développent les marais intertidaux. Ces derniers, sont des écotones, c'est-à-dire des lieux de transition entre la mer et la terre. Ils sont divisés en deux grandes parties principales soit la slikke et le schorre, termes néerlandais (Figure 1.2).

Figure 1.2 Profil général d'un marais intertidal

Slikke Schorre Domaine j f l terrestre ^ H | ^ ^

PMEq PMVE L__i_É__lÉ__Éi PMME L__i_É__lÉ__Éi PMME 1 PMEq:Pleine merd'équinoxe 1

^H-ri-fl 1 PMVE : Pleine mer de vive eau

1 PMME : Pleine mer de morte eau 1

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En général, la slikke est la partie du marais qui est vaseuse et dénudée de végétation alors que le schorre correspond à la zone du marais recouverte par une végétation dense (Verger, 1968 : 54). Celles-ci sont alors délimitées en fonction des espèces végétales et par la fréquence de submersion et les conditions de salinité tolérées par ces espèces.

Depuis les premières études de zonation des marais au Québec par le biologiste Henri Prat (1933), qui est le premier scientifique au Québec à appliquer la terminologie néerlandaise de « schorre » et de « slikke », la terminologie des différentes composantes des marais intertidaux peut varier d'un auteur à l'autre. Selon le géomorphologue Jean-Claude Dionne, concernant les marais littoraux du Saint-Laurent, les zones sont généralement divisées en slikke et haute slikke ainsi qu'en schorre inférieur et schorre supérieur (Dionne, 2004 : 6). D'une plus simple manière, Teal et Teal (1969) ont décrit les limites supérieures et inférieures d'un marais salé en disant que « La limite supérieure du marais intertidal s'étend aussi loin à l'intérieur des terres que le fait la marée au cours d'une saison et la partie inférieure est limitée aux secteurs où les plantes peuvent s'enraciner et tolérer les eaux salées » (Teal et Teal, 1969 : 1, traduction libre). Au Québec, selon Gauthier et al. (1980) la limite supérieure du marais correspond à la présence de l'élyme des sables (Elymus arenarius), une limite définie par les arpenteurs pour marquer la fin du marais et le début des terres (Gauthier et al., 1980 : 11).

1.5 Revue de la littérature

Au Québec, tout comme au Canada atlantique et dans le nord-est des États-Unis, l'étude des marais intertidaux suit deux grands courants historiographiques. D'abord, l'évolution des connaissances sur la relation des êtres humains avec le milieu, ensuite l'évolution des connaissances physiques du milieu.

1.5.1 Le Volet culturel

En ce qui concerne la place de l'homme dans l'évolution historique et naturelle des marais intertidaux en Amérique du Nord, il se doit d'être mentionné que ce sujet n'a été que peu étudié jusqu'à récemment. Par contre, il marque la littérature acadienne de la baie de Fundy. Ici se distinguent des auteurs comme Wynn (1979), Cormier (1988), Leonard

(15)

(1991), Hatvany (2002), Butzer (2002) et Bleakney (2004). De plus, certains auteurs ont travaillé sur la relation qu'entretient l'être humain avec les marais en Nouvelle-Angleterre et dans la région du Canada atlantique. Effectivement, Sebold (1992), Vileisis (1997) et Hatvany (2001) ont étudié la relation dynamique entre l'être humain et son environnement à travers le temps. Enfin, pour se rapprocher du milieu à l'étude dans ce mémoire, plus spécifiquement le Québec, notons que peu de littérature existe sur l'interaction dynamique entre l'homme et les marais, à l'exception des auteurs comme Hatvany (1997, 2003), De Koninck (2000), Plante (2005), Harnois (2005), Carrier (2006) et Charest-Hallé (2006). 1.5.2 Le Volet naturel

Depuis la fin du XIXe siècle, avec la parution de « Mise en culture des terrains envahis par

les eaux salées » - premier texte au Québec portant sur les marais intertidaux écrit par J.-D. Schmouth (1874), jusqu'à aujourd'hui, l'analyse des études scientifiques nord-américaines portants sur les aspects physiques des marais présente une tendance uni-directionnelle. En effet, pendant la période industrielle (ca.1860 à 1980), le discours principal portant sur les marais était focalisé sur les processus de sédimentation et de croissance continuelle de ces derniers. Parmi ceux qui ont étudié ce phénomène, il y a Schmouth (1874), Shaler (1886), Ganong (1903), Pratt (1933), Hamel (1963), Redfield (1972) et Gourde (1980). À partir des années 1970, dans le contexte post-industriel, le discours principal des études scientifiques sur les marais intertidaux change radicalement. Puisque l'émergence de nouveaux enjeux environnementaux progresse comme par exemple la pollution et plus récemment les changements climatiques avec la hausse du niveau marin, la perception des marais change également. C'est pourquoi biologistes, écologistes, agronomes et géographes consacrent majoritairement leurs études sur l'érosion des marais et l'effet néfaste de l'action humaine sur ces terres humides. Ce discours touche notamment les travaux de Gauthier et al. (1980), Dutil et al. (1982), Dionne (1985, 1986, 2000), Larouche (1993), Centre Saint-Laurent (1996), Bernatchez (2004) et le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (2008), pour ne citer que ceux-ci. Alors que l'évolution des études nord-américaines en sciences naturelles se concentre d'abord sur la croissance (ca.1860-1980) et ensuite l'érosion des marais (ca.l980-aujourd'hui), peu d'auteurs ont mis en évidence l'existence d'une dynamique spatio-temporelle qui peut

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survenir des processus géomorphologiques d'érosion et de sédimentation des marais. Sur ce sujet, notons toutefois les importants travaux à l'échelle internationale de F. Verger avec Marais et wadden du littoral français ( 1968) et de Pye dans Erosion and Accretion Processes on British Saltmarshes (1993).

Au Québec, il n'y a pratiquement pas d'études à l'heure actuelle qui font état de cette dynamique à l'exception de celles de Michel Allard, « L'anse aux Canards, île d'Orléans, Québec : Évolution holocène et dynamique actuelle » (1981), J. B. Sérodes et al., « Étude de la dynamique sédimentaire et du pouvoir de transformation des zones intertidales de l'estuaire moyen du Saint-Laurent : cas des estrans de Kamouraska » (1982), P. Champagne et al., «Établissement de modèles caractérisant l'équilibre dynamique des estrans de la rive sud du moyen estuaire du Saint-Laurent » (1983), ainsi que celle de G. Drapeau, « Dynamique sédimentaire des littoraux de l'estuaire du Saint-Laurent » (1992).

1.6 Méthodologie

Pour tester l'hypothèse de recherche, la méthodologie a impliqué une analyse critique des différents discours sur les volets naturels et culturels des marais. Elle a été adaptée selon une approche à deux échelles d'analyse soit régionale et locale. En premier lieu, une analyse relationnelle de la dynamique spatio-temporelle des interactions entre les communautés humaines avec cinq différents marais de la région de l'estuaire du Saint-Laurent (Côte-de-Beaupré/cap Tourmente, Isle-aux-Grues, Kamouraska, LTsle-Verte et l'île Verte). En prenant en compte la littérature, ces marais ont été choisis sur la base de la diversité de leurs aménagements et leurs utilisations historiques ainsi que de leurs gestions actuelles et les sources historiques disponibles.

De plus, afin de tester la question d'évolution géomorphologique des marais, une analyse temporelle (time series analysis) du marais de la baie de Kamouraska a été utilisée. Cette étude de cas a été déterminée par les aspects naturels du milieu et grâce à la richesse des sources historiques (primaires et secondaires) qui témoignent de son évolution spatiale. En effet, depuis l'époque coloniale, ce sont des cartes anciennes, documents archivés,

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photographies aériennes et plusieurs études scientifiques de différentes disciplines (agronomie, biologie, écologie, géomorphologie, etc.) qui mettent en évidence cette baie. Afin de cartographier l'évolution spatio-temporelle du marais de la baie de Kamouraska cette analyse a donc combiné une série de cartes anciennes (1781 et 1826) et photographies aériennes (1929, 1948, 1974, 1985) qui ont été traitées et géoréférencées à l'échelle cartographique du 1/20000 par l'intermédiaire du système de traitement de données à références spatiales Arclnfo Version 9.3 de ESRI. Cette démarche a permis de mesurer l'évolution de la progression et de la régression du schorre de la baie de Kamouraska depuis plus de deux siècles.

Dans le cadre de ce travail d'analyse cartographique de l'évolution d'un milieu naturel il faut noter que la précision d'analyse des zones de végétation des marais dépend beaucoup de la qualité des photographies aériennes, du moment et de la saison de la prise de clichés. Par exemple, l'usure du document, la prise de photos pendant une marée haute ou une période végétative peu avancée, ainsi que l'influence de la couverture nuageuse sont toutes des contraintes qui ne permettent pas de bien différencier les zones de végétation d'un marais. C'est pourquoi une vérification de ces zones sur le terrain a été nécessaire.

Pour la période actuelle, dans un contexte de changement climatique et de hausse du niveau marin, un travail d'analyse et d'observation du terrain a été effectué sur le marais de la baie de Kamouraska à l'été et l'automne 2008. Ce travail a permis de tracer avec précision la limite inférieure du marais (schorre) à l'aide d'un GPS. Ces données ont été intégrées dans le système de traitement de données à références spatiales pour ainsi compléter l'analyse et la cartographie de l'évolution du marais intertidal de la baie de Kamouraska.

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1.7 L'organisation du mémoire

Afin de répondre à la problématique, le mémoire a été divisé en trois chapitres. Le premier chapitre, intitulé « Les grands discours : les tensions entre nature, culture et l'interprétation des marais », comprend une analyse chrono-thématique de la littérature sur les marais intertidaux, c'est-à-dire les différentes périodes temporelles des grands discours sur les volets culturels et naturels des marais. Le deuxième chapitre, « Un milieu, de multiples relations » met en évidence les relations dynamiques entre l'être humain et cinq marais de l'estuaire du Saint-Laurent (Côte-de-Beaupré/ Cap Tourmente, Isle-aux-Grues, Kamouraska, LTsle-Verte et l'île Verte). Ce chapitre illustre comment les types d'aménagement et d'utilisation des marais par l'homme à travers le temps ne se résument pas qu'à une simple expression, mais peuvent prendre différentes formes malgré qu'ils soient des milieux naturels possédant des caractéristiques semblables. Le troisième chapitre, « Les enjeux naturels de l'évolution d'un marais : la baie de Kamouraska », présente l'évolution du marais de la baie de Kamouraska. Il illustre les résultats de la cartographie spatio-temporelle qui, depuis l'époque coloniale, distingue une évolution dynamique (non linéaire) du marais. En d'autres mots, la représentation spatiale de l'évolution d'équilibre dynamique entre les périodes de sédimentation et d'érosion du marais intertidal de la baie de Kamouraska. Également, représentés sous forme de cartes et de schémas, les résultats illustrent les changements environnementaux de la baie de Kamouraska en lien avec les différents contextes socio-économiques. Finalement, les résultats présentés dans ce mémoire analysent et critiquent le caractère trop général relevé dans l'interprétation de l'évolution des milieux naturels, en l'occurrence le réductionnisme présent dans les grands discours sur les marais.

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2. LES GRAND DISCOURS :

Les tensions entre nature, culture

et l'interprétation des marais

2.1 Entre perception et vécu

Porteurs de maladies, malodorants, refuges pour hors-la-loi, historiquement les marais ont souvent projeté une image négative chez les populations nord-américaines puisqu'ils étaient mal connus. Cette perception transportée par les colonisateurs, colons et élites d'Europe atlantique, se reflète dans le passage suivant : « Pour les premiers colons puritains venant imposer un ordre à la nature sauvage, ce qui faisait partie de leur mission providentielle, marais et étangs symbolisaient l'ultime chaos à abattre, l'ultime démon à contrôler spirituellement et physiquement (Vileisis, 1997 : 36, traduction libre). Cette mauvaise interprétation des marais se répercutait aussi dans l'imaginaire populaire, interprétation visible dans la publication de certains médias tel que démontré par Mitsch et Gosselink (1993) dans Wetlands (Figure 2.1).

Figure 2.1 La créature des marais « The Swamp Thing »

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Cependant, les sources historiques et archéologiques en Amérique et en Europe confirment qu'il n'en fut pas tout autant pour certaines communautés qui vivaient étroitement en relations avec les terres humides. En effet, pour les communautés médiévales de l'Europe atlantique, la pêche à l'anguille, la chasse à la sauvagine, la récolte de foin de mer, l'emploi des roseaux pour le chaume, l'utilisation de la tourbe pour chauffer les maisons ainsi que le pâturage étaient tous des usages quotidiens utilisés par les communautés qui provenaient des marais intertidaux et qui étaient bénéfiques pour l'économie locale (Hatvany, 2008 : 3). En Amérique, des tribus amérindiennes ont pratiqué la transhumance entre l'intérieur des terres et les marais intertidaux où ils ont péché l'anguille et d'autres poissons en plus d'y chasser la sauvagine. De plus, pour les colons anglais, néerlandais et suédois de la côte est de l'Amérique ainsi que les premiers colons français de la vallée du Saint-Laurent et de l'Acadie, Hatvany souligne qu'ils ont maintenu les traditions européennes en Amérique en pratiquant une exploitation durable des marais pendant plusieurs siècles (Hatvany, 2008 : 3). D'ailleurs, une communauté de la région du Canada atlantique se distingue par des relations profondes avec les marais : il s'agit des Acadiens. La survivance et l'affirmation de la culture acadienne par 1'aboiteau sont évoquées dans l'œuvre poétique de Henry Wadsworth Longfellow (1847), Evangeline : A Tale ofAcadie. Longfellow décrit de façon émotive et romantique l'importance des marais dans le quotidien des gens au cœur de l'ancienne Acadie.

Paradoxalement, le chroniqueur environnemental Louis-Gilles Francoeur écrivait dans le quotidien Le Devoir, près de cent soixante ans plus tard, au printemps 2006, un discours qui illustre la perception de plusieurs québécois sur les marais, même à l'heure actuelle : « les Québécois placent les milieux humides dans leur échelle de valeurs : des trous à bibittes qu'il vaut mieux remblayer ou assécher ». Tel que démontré par Plante et al. (2006), Francoeur réduisait des siècles de relations humaines avec les marais de la vallée du Saint-Laurent à une simple histoire de méconnaissance et d'ignorance du milieu naturel. Une analyse historique de la littérature sur les différents discours humains et naturels des marais intertidaux en Amérique du Nord et spécifiquement dans l'estuaire du Saint-Laurent est donc nécessaire à la compréhension de l'évolution des marais intertidaux du Saint-Laurent.

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2.2 Discours sur l'aspect culturel des marais

2.2.1 Aux États-Unis

La place de l'être humain dans l'évolution historique et naturelle des marais intertidaux en Amérique du Nord n'a été que peu étudiée. C'est aux États-Unis à la fin du XIXe siècle,

plus précisément en 1885 avec la publication du livre de Sarah Orne Jewett, A Marsh Island, qu'il faut débuter. Jewett décrit alors, d'une façon romancée, la vie à cette époque sur une ferme de Nouvelle-Angleterre où, mentionne-t-elle, la récolte du foin salé était intrinsèquement liée au quotidien des gens qui côtoyaient les marais salés. Elle décrit aussi le potentiel écologique du milieu naturel : plantes, fleurs, insectes, animaux et oiseaux s'y retrouvent en grands nombres. Toutefois, il faut se transporter près d'un siècle plus tard pour avoir un autre regard sur les relations humaines aux marais.

Une œuvre importante portant sur les relations entre les êtres humains et les marais salés est celle de Kimberly Sebold intitulée From marsh to farm : the landscape transformation of coastal New Jersey, (1992). Cette œuvre met en lumière l'évolution des diverses relations que l'être humain a eu avec les marais salés du New Jersey et les diverses ressources obtenues de ces écosystèmes après l'endiguement de ceux-ci à des fins agricoles. Sebold évoque ainsi la valeur économique de la récupération des marais par la récolte de foin salé et la culture des cerises, par exemple.

Dans Discovering the unknown landscape : A history of America's wetlands, (1999), Ann Vileisis trace un portrait de l'évolution des attitudes culturelles face aux marais des États-Unis en traitant de l'évolution de la perception de la population de cet écosystème. Elle explique cette évolution à travers la mauvaise compréhension des marais par la population et la participation croissante des instances gouvernementales à l'exploitation industrielle et agricole du milieu naturel. Elle dévoile entre autres la perte de 117 000 acres de marais depuis la période industrielle au profit du développement économique, perte due essentiellement au manque flagrant de connaissances envers les milieux humides. Vileisis s'intéresse aussi aux diverses relations historiques des êtres humains avec différents marais des États-Unis.

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2.2.2 Au Canada atlantique

C'est principalement dans la région des maritimes que les études se font plus nombreuses et portent une grande attention aux questions culturelles et historiques des marais. Plus précisément, cette thématique touche aux marais de l'île-du-Prince-Édouard et à ceux de l'Acadie, c'est-à-dire la baie de Fundy en Nouvelle-Ecosse et au Nouveau-Brunswick (Figure 2.2).

Figure 2.2 La région du Canada atlantique

Source : Tirée de Pichette, 1998.

Parmi ceux qui ont étudié les relations entre les communautés du Canada atlantique et les marais et qui ont mesuré l'impact de leur exploitation, se distinguent notamment le texte de Graeme Wynn (1979) « Late Eighteenth Century Agriculture on the Bay of Fundy Marshlands », celui de Yves Cormier (1990) avec Les aboiteaux en Acadie : Hier et aujourd'hui, ainsi que Kevin Leonard (1991) avec son texte « The Origin and Dispersal of Dykeland Technology ». Pour le XXIe siècle, se démarquent entre autre plusieurs textes de

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Matthew Hatvany incluant « Wedded to the Marshes: Salt Marshes and Socio-Economic Differentiation in Early Prince Edward Island» (2001), «The Origins of the Acadian Aboiteau : An Environmental Historical Geography of the Northeast », paru en 2002. Également, Karl W. Butzer publiait en 2002 « French Wetland Agriculture in Atlantic Canada and it's European Roots : Different Avenues to Historical Diffusion ». Finalement, en 2004 paraissait l'oeuvre de Sherman J. Bleakney Sods Soil and Spades: the Acadians at Grand Pré and their Dykeland Legacy.

Cette enumeration de différents travaux a pour but de souligner que le sens du discours principal de ces auteurs concerne la valeur historique des marais pour l'établissement et la survivance des communautés atlantiques du Canada. Il est même crucial de soulever l'importance de l'aboiteau dans l'affirmation de la culture de l'ancienne Acadie. L'importance des marais et de leur assèchement en terres agricoles rendu possible par un système ingénieux appelé « aboiteau », a en effet permis d'assurer le développement socio-économique de la région de la baie de Fundy. Yves Cormier a retracé la relation historique qu'avaient les Acadiens avec les marais, en l'occurrence leur maîtrise par le système d'aboiteau, en disant que « L'Acadie a toujours vécu en étroite relation avec la nappe d'eau qui borde ses terres, car celle-ci constituait une source de revenus quasi vitale pour ses habitants [...] ce sont ces terres qui, justement, sont devenues si importantes dans le genre de vie traditionnel des Acadiens » (Cormier, 1990 : 9).

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2.2.3 Au Québec

Enfin, pour ce qui est de l'historiographie des relations entre les êtres humains et les marais de l'estuaire du Saint-Laurent, il est à noter que le nombre de publications est faible. Parmi les auteurs essentiels à ce sujet, on note principalement les travaux de Hatvany (2003) avec Marshlands : Four Centuries of Environmental Change on the Shores of the St. Lawrence, Plante (2005) avec « Des marais et des hommes » : Nature et culture sur l'Isle-aux-Grues de l'époque amérindienne à aujourd'hui », Harnois (2005) avec « Entre terre et mer » : utilisation et perceptions environnementales des marais intertidaux de la côte de Beaupré » et Carrier (2006) avec « La compréhension de la gestion historique des marais de l'île-Verte et de LTsle-l'île-Verte sur leur développement actuel ». Ces travaux mettent en évidence les différentes formes d'aménagement et d'utilisations historiques des cinq marais intertidaux à travers la succession des grands contextes de civilisation de la société québécoise.

2.3 Les discours sur l'aspect naturel des marais

2.3.1 Le discours sur la croissance des marais (ca. 1874-1980)

Situé entre la terre et la mer, le milieu naturel des marais salés est devenu un sujet d'étude assez tardif après d'autres milieux comme les forêts, les champs ou même le milieu marin. Une des premières études à paraître sur les marais vient de J.- D. Schmouth. Schmouth, professeur d'agronomie à l'école d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière entre 1861 et 1898, écrit en 1874 un texte intitulé « Mise en culture des terrains envahis par les eaux salées », qui fut republié dans La Gazette des campagnes en 1942 sous le titre « Endiguements ou aboiteaux ». Paru dans un contexte socio-économique où les vieilles seigneuries du Québec sont saturées par la pression démographique et des saisons de mauvaises récoltes se traduisant alors par une période de forte émigration, Schmouth et l'école d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière amènent une solution moderne au contexte socio-économique de l'époque, soit la récupération des marais et leur transformation en terres agricoles à l'aide de digues de terres nommées aboiteau. Cette

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approche s'inspire directement du modèle d'endiguement (polders) de la baie du Mont-Saint-Michel en France (Hatvany, 2003 ) (Figure 2.3).

Figure 2.3 Exploitation des marais, baie du Mont-Saint-Michel, France

Source : Hatvany, 2008, collection privée.

Schmouth remarque alors la richesse des terres sur les bords du fleuve Saint-Laurent, précisément sur la rive sud entre Saint-Jean-Port-Joli et la limite orientale de la province de Québec. Il note qu'il existe de grandes étendues de terrains formées par les atterissements du fleuve pendant les hautes marées. Constatant une forte sédimentation en cours, Schmouth écrit : « Ces atterrissements successifs exhaussent sans cesse les rives, augmentent leur étendue et bientôt les eaux ne peuvent plus les submerger que dans les plus fortes marées de l'automne et du printemps » (Schmouth, 1874 : 153). Tout comme à la baie du Mont-Saint-Michel, Schmouth observe que les cultivateurs envoient paître leurs bestiaux sur les grèves de l'estuaire pendant une dizaine de jours en été (Figure 1.5).

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Un discours dominant sur la sédimentation et la croissance des marais s'installe lentement chez les scientifiques en Amérique du Nord. En 1886, une étude parait aux États-Unis par N. S. Shaler sous le titre Preliminary report on Sea-Coast Swamps of the Eastern United States. Ce texte fait état du fonctionnement de certains processus géomorphologiques, de la dynamique littorale donc, les interactions entre le milieu terrestre et marin influençant la sédimentation des marais de la Nouvelle-Angleterre et les portions nordiques des côtes américaines. À ce sujet, Shaler mentionne: « By these movements of the water the sedimentary matter is carried in varied directions, sometimes from the land to the sea; again, by a slight change in the equation of the forces, from the sea floor to the land » (Shaler, 1886 : 359). De plus, en parlant des marais de la côte atlantique situés au sud de la Nouvelle-Angleterre, il prétend que ceux-ci occupent au moins 3 000 000 acres et qu'ils continuent à augmenter, ainsi qu'il le note: « they may exceed double this amount » (Shaler, 1886 : 380). Dans cette même étude, Shaler discute aussi de l'intérêt économique de l'écosystème intertidal sur la côte est américaine où il affirme « their prospective value, but it's evident that they are well worth a serious inquiry » (Shaler, 1886 : 380).

Dans cet élan où la connaissance physique et écologique des marais constitue un moyen efficace pour l'être humain de contrôler la nature, W. F. Ganong écrit un texte en 1903 dans The Botanical Gazette intitulé « The Vegetation of the Bay of Fundy Salt and Diked Marshes : An Ecological Study ». Dans ce texte, Ganong insiste sur la croissance des marais de la côte atlantique canadienne et le rôle ingénieux de l'être humain dans son exploitation de l'écosystème, tel que démontré dans l'extrait suivant : « But if in some way the dikes and drains could be perpetual, I believe that the present English hay grasses could maintain themselves indefinitely, or at least as long as the fertility on the marshes last, without care from man, and they would not as a whole be replaced by any other vegetation » (Ganong, 1903 : 294). Ganong voit clairement que l'homme joue un rôle qui influence les changements écologiques des marais et la succession des plantes. Il note que le foin salé qui croît sur les marais endigués de la baie de Fundy semble la meilleure plante adaptée à cet environnement. Ganong mentionne que l'endiguement des marais en terrain agricole par le drainage et la désalinisation produit une des terres les plus fertiles où les engrais ne sont d'aucune utilité.

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Pendant ce temps, au Québec, la connaissance scientifique des marais salés en est toujours à ses premiers pas. À part le texte de Henri Prat publié en 1933 dans Le Naturaliste canadien, intitulé « Les zones de végétation et les faciès des rivages de l'estuaire du Saint-Laurent, au voisinage de Trois-Pistoles », un des premiers travaux scientifiques faisant état des différents processus de peuplement végétal des marais et de leur zonation dans l'estuaire du Saint-Laurent, il faut attendre jusque dans les années soixante pour voir paraître plusieurs études sur les marais. À partir des années 1960, le développement des connaissances scientifiques sur les marais s'intensifie et le Québec n'y fait pas exception. En plein contexte industriel de la société québécoise, les études se font moins discrètes notamment sur la sédimentation et la croissance des marais dans l'estuaire du Saint-Laurent. Le potentiel économique du milieu soulève d'ailleurs une fois de plus la curiosité. L'étudiant en agronomie de l'École d'agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière Marcel Létoumeau (1959), dans « Monographie agricole », constate d'abord que la sédimentation des marais laisse place à de vastes étendues récupérables pour l'agriculture à l'aide d'un système d'aboiteau. Létoumeau note que « La sédimentation continue toujours à se faire sur l'estran [...] ce procédé de récupération des marais en terres agricoles pourrait même être recommencé à tous les cent ans si on adopte quelques méthodes pour hâter la sédimentation» (Létoumeau, 1959:13). Suivant ce discours sur la sédimentation, Létoumeau prétend même que les terrasses dans l'estuaire du Saint-Laurent sont dans des conditions parfaites pour l'établissement de polders (Létoumeau, 1959 : 14).

Dans ce courant de conquête des marais, l'agronome Aubert Hamel expose clairement le potentiel économique du milieu naturel de la côte sud de l'estuaire du Saint-Laurent dans un article paru en 1963 dans Agriculture. Dans son texte « La récupération et la mise en valeur des alluvions maritimes du St-Laurent », Hamel suggère une importante mise en valeur, à grande échelle, de ce qu'il appelle les « alluvions maritimes du Saint-Laurent ». Contrairement à d'autres qui encourageaient l'assèchement des haut-marais, Hamel encourage alors la mise en valeur des estrans vaseux de l'estuaire du Saint-Laurent. Il va même jusqu'à évoquer que « dans un avenir plus lointain, l'envasement plus complet de l'estuaire entre l'île d'Orléans et les battures du Loup Marin, au sud-ouest de l'île-aux-Coudres, pourrait se compléter comme un énorme delta qui relierait toutes les îles. A-t-on imaginé que cela représenterait de 2 à 5 millions d'acres, soit près de la moitié des terres

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arables de la province ? » (Hamel, 1963 : 83). Les écrits de Létoumeau et Hamel ne sont pas sans rappeler ceux réalisés à la même époque en France par Paul Wagret (1959) dans son livre sur la conquête des atterrissements littoraux à l'aide des polders. Dans Les Polders, Wagret fait mention de la sédimentation des marais dans quelques régions du monde et de l'influence de l'homme pour accélérer la sédimentation. Encore dans un autre texte nommé «La conquête des atterrissements littoraux» (1958), Wraget écrit que « Labourage de la vase [et] plantation d'halophyte, sont deux aspects d'une même entreprise, tendant au même résultat [...]» et qu' «ainsi se créent pacifiquement les conquêtes sur la mer et s'agrandit l'oekoumène » (Wagret, 1958 : 228). La croissance des marais semble donc être un thème dominant à l'échelle transatlantique durant cette période.

Une décennie plus tard, en 1972, Alfred C. Redfield publia une étude géomorphologique incontournable sur le développement d'un marais salé à Barnstable au Massachusetts (Nouvelle-Angleterre). Intitulée « Development of a New England Salt Marsh », cette étude fait part des différents stades de croissance d'un marais depuis 4000 ans et fait état des taux de sédimentation ainsi que des principaux processus géomorphologiques influençant la forme et le développement du marais.

Dans ce courant de littérature sur la croissance des marais en Amérique du Nord et sur cette longue tradition de conquête des marais littoraux, spécialement dans l'estuaire du Saint-Laurent, l'ingénieur Gaétan Gourde publia en 1980 l'étude cadre-technique et économique Les Aboiteaux, comté de Kamouraska: Gourde travaillait à l'époque pour le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Cette étude est déterminante sur la perception des marais puisqu'elle marque la fin d'une tendance anthropocentrique envers ce milieu naturel, tel qu'évoqué dans la littérature au Québec. L'élément central de l'étude de Gourde est la promotion de la valeur économique et de la rentabilité des sols rendues possibles par l'aboiteau. Gourde mentionne que « la construction des aboiteaux dans le comté de Kamouraska permettra de rentabiliser davantage l'exploitation de quelques 90 fermes du comté et constituera un ajout sensible au capital agricole dans ce comté » (Gourde, 1980 : 175).

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Il appuie son argument avec des données sur la sédimentation constante des marais en disant « qu'à un taux de sédimentation de 5 mm annuellement [...] une période de temps d'environ 60 ans sera nécessaire pour produire 12 pouces de sédimentation [...] la batture supérieure s'élargirait ainsi annuellement » (Gourde, 1980 : 37-38).

En somme, pour la période comprise entre 1874 et 1980, ce sont donc agronomes, ingénieurs, géomorphologues, biologistes et scientifiques de plusieurs disciplines et représentant diverses sphères de la connaissance scientifique en Amérique du Nord et spécifiquement au Québec, qui axèrent leurs études sur la croissance et la sédimentation des marais, et ce, pour plusieurs raisons souvent socio-économiques. Un discours qui s'avère unidirectionnel, en l'occurrence généraliste, sur l'évolution naturelle des marais et qui reflètent ainsi la compréhension scientifique des divers acteurs (Figure 2.4).

Figure 2.4 Discours unidirectionnel de croissance et de valeur économique des marais salés

Schmouth Shaler Ganong Prat Létoumeau Hamel Redfïeld Gourde

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1874 1886 1903 1933 1959 1963 1972 1980

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2.3.2 Le discours sur la régression des marais (ca. 1980-2009)

2.3.2.1 L'impact anthropique

Au fil du temps, un changement de paradigme s'installe concernant la perception des marais intertidaux en Amérique du Nord. Un discours plus alarmiste prend place dans la communauté scientifique nord-américaine en ce qui concerne la situation des marais. Inspirés par des pionniers de l'écologie tels que Henri David Thoreau (1817-1862), Frederick Edward Clements (1874-1945), Aldo Leopold (1887-1948), Rachel Carson (1907-1964) et Eugene Odum (1913-2002), s'étant tous illustrés par une pensée écologique et une conscience des dommages que l'être humain faisait subir à la nature, John Teal et Mildred Teal faisaient paraître en 1969 une oeuvre environnementale appelée Life and Death of the Salt Marsh. Cette œuvre met en lumière la situation précaire des marais intertidaux en Amérique du Nord, plus précisément aux États-Unis. Teal et Teal font en effet prendre conscience de l'importance écologique des marais et de la vitesse rapide de disparition de ce milieu sous l'effet de l'industrialisation et par l'urbanisation. Influencés par l'œuvre de Teal et Teal, les biologistes québécois Reed et Moisan (1971) enchaînent avec « The Spartina tidal marshes of the St. Lawrence estuary and their importance to aquatic birds ». Dans ce texte, les auteurs soulignent l'importance capitale des marais salés à spartines de l'estuaire du Saint-Laurent pour la nidification et l'alimentation de plusieurs espèces d'oiseaux aquatiques. Dans ce mouvement de conscience environnementale, le texte souligne l'utilisation abusive des marais. D'ailleurs à ce sujet, Reed et Moisan mentionnent qu' « environ 32 pour cent de l'étendue originale de 7 800 acres des marais salés a été drainée et endiguée pour des fins agricoles » (Reed et Moisan, 1971 : 905). Suivant la régression des terres humides, les publications de Teal et Teal ainsi que celles de Reed et Moisan visent aussi à conscientiser la population et les décideurs sur l'importance de protéger ces écosystèmes.

C'est principalement à partir des années 1980 que les études et les lois se font nombreuses en matière de protection des terres humides au Québec. Les travaux de Robert Gauthier et al. (1980) sur les marécages intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent vont dans le sens opposé de ceux de Gaétan Gourde (1980). Gauthier et al. démontrent en effet les côtés

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néfastes de l'anthropisation des marais intertidaux à des fins agricoles pour les populations d'oiseaux migrateurs et autres espèces qui côtoient ou vivent dans les marais, des milieux dont leur survie dépend. Le discours sur l'effet destructeur des êtres humains sur les terres humides est également palpable dans les travaux de Dutil et al. (1982). En 1982, Dutil et al. déposaient un mémoire au Conseil consultatif de l'Environnement du Québec, dans lequel ils soulignaient l'importance des zones littorales pour les ressources halieutiques et aquatiques. Résultant des différentes recherches sur la perte des milieux humides, la création en 1987 de la politique du gouvernement québécois sur la protection des rives, du littoral et des plaines inondables qu'endosse actuellement le ministère du Développement Durable, de l'Environnement et des Parcs est un exemple concret de mesure de protection du milieu naturel.

Dans les années 1990 émergent d'autres travaux sur l'effet anthropique nuisible aux marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent. D'ailleurs, précisément en 1993, les travaux de Larouche et Legault recensèrent toutes les terres humides du Québec. Intitulé Guide des milieux humides du Québec (Union québécoise pour la conservation de la nature), le guide se voulait un moyen de souligner l'importance de ces écosystèmes et de sensibiliser la population à leur grande valeur écologique, mais également aux perturbations anthropiques qu'ont subis et que pourraient subir les milieux humides. Dans ce même élan, il y a aussi eu le Centre Saint-Laurent qui publiait en 1996 leur premier volume du Rapport de l'État de l'Environnement du fleuve Saint-Laurent : l'Écosytème du Saint-Laurent, où l'un des éléments centraux du discours fait état de la perte de 1000 acres de marais causée par la construction des digues et d'autres activités humaines.

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2.3.2.2 L'érosion

En ce qui concerne les études sur le milieu naturel et physique, l'analyse de la littérature sur l'évolution géomorphologique des marais intertidaux en Amérique du Nord (principalement dans l'estuaire du Saint-Laurent) permet d'observer depuis les années

1980 le développement d'un discours dominant sur l'érosion du milieu. Dans le contexte actuel où les changements climatiques et l'augmentation du niveau marin sont à l'ordre du jour à l'échelle internationale, plusieurs études en sciences naturelles font état de l'érosion actuelle de plusieurs côtes et marais littoraux (Dionne, 1985, 1986, 2000; Paskoff, 1992; Goeldner-Gianella, 2000; Bernatchez et Dubois, 2004). Parmi ceux ayant étudié l'érosion dans l'estuaire du Saint-Laurent, ce sont principalement les nombreux travaux du géographe Jean-Claude Dionne qui se démarquent. D'abord, Dionne, dans l'article «L'érosion anthropique des marais intertidaux du Saint-Laurent» (1985), mentionne clairement que la dégradation du milieu serait grandement liée aux activités humaines. En

1986, Dionne nota l'érosion de l'écosystème intertidal du Saint-Laurent estuarien dans « Érosion récente des marais intertidaux du Saint-Laurent ». Dionne enchaîna jusque dans les années 2000 avec d'autres études ayant comme sujet principal des marais du Saint-Laurent. Par exemple, l'érosion du schorre supérieur de Sainte-Anne-de-Beaupré et de Montmagny (2000), à propos duquel il souligne le recul de l'ordre de plusieurs centimètres voir même quelques mètres des schorres supérieurs de ces deux municipalités. Les principales causes de cette érosion des marais sont énumérées dans son article « Érosion récente du schorre supérieur à Sainte-Anne-de-Beaupré » (2000). Dionne, mentionne que divers agents jouent un rôle dans l'érosion du schorre supérieur de Sainte-Anne-de-Beaupré : « Les deux principaux sont évidemment les vagues et les courants de marées, d'une part, et les glaces et le gel-dégel, d'autre part. À ces derniers, il faut ajouter le ruissellement et l'activité biologique et anthropique qui contribuent entre 5 et 10 % de l'érosion totale » (Dionne, 2000 : 78).

Dionne fait aussi mention des travaux d'autres chercheurs d'Europe et des États-Unis qui étudient ce même phénomène d'érosion des marais depuis 1980, incluant Reed (1988), Allen et Pye (1992) et Paskoff (1992). Récemment, d'autres travaux se sont intéressés à l'érosion dans l'estuaire du Saint-Laurent. Parmi ceux-ci, se distinguent les travaux de

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Lehoux et al. (1997, 2004) sur l'érosion des berges, ainsi que Bernatchez et Dubois (2004). Avec le texte « Bilan des connaissances de la dynamique de l'érosion des côtes du Québec maritime laurentien », Bernatchez et Dubois mettent en relief l'importance de l'érosion actuelle des côtes en affirmant que « Dans un contexte de réchauffement climatique, une accélération de ce phénomène est prévue » (Bernatchez et Dubois, 2004 : 25). Ils confirment le recul du littoral dans les formations meubles qui varie de l'ordre de 0,5 et 2 mètres/an. À ce sujet, ils notent qu' « il semble que les côtes à marais maritimes soient les plus sensibles, certains schorres supérieurs ayant déjà disparu au cours de la dernière décennie (Bernatchez et Dubois, 2004 : 1). Ils notent également un recul de la majorité des schorres pour chaque région de l'estuaire du Saint-Laurent.

En résumé, entre 1980 et 2009, ce sont géomorphologues, écologistes, biologistes, aménagistes, ingénieurs, et autres scientifiques, spécifiquement au Québec, qui concentrent leurs études et leurs lois sur le fait que l'érosion et l'effet anthropique néfaste soient généralisés à l'ensemble des marais de l'estuaire du Saint-Laurent (Figure 2.5). La plupart de la littérature portant sur l'évolution physique et environnementale des marais intertidaux fait abstraction de la complexité historique des dynamiques culturelles et naturelles appliquées aux marais. En ce moment, c'est un discours réducteur « d'érosion » et de l'homme perçu comme un « agent destructeur » du milieu qui est relevé dans la littérature scientifique, une progression linéaire de la compréhension scientifique de l'évolution du milieu naturel des derniers 30 ans.

Figure 2.5 Discours unidirectionnel de régression des marais salés (ca. 1980-2009)

Bernatchez Lehoux Saint- Larouche Dutil Gauthier et i .nhm\ Dionne , 3 d i m _t i ~oa„it Dionne Dionne , ,

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2004 2000 1997 1996 1993 1986 1985 1982 1980 Régression des marais

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3. UN MILIEU, DE MULTIPLES RELATIONS

3.1 La nature propose, l'être humain dispose

Les relations entre l'être humain et l'environnement sont complexes et ne s'expliquent pas par des généralisations simplistes ou en d'autres mots réductionnistes. C'est le rôle des géographes d'analyser l'interaction entre nature et culture dans les différents milieux de vie et les multiples circonstances. En géographie culturelle se confrontent traditionnellement deux concepts fondamentaux de cette relation nature-culture. Aux origines du concept de déterminisme géographique avec les allemands Cari Ritter (1779-1859) et Friedrich Ratzel (1844-1904), il est proposé de considérer l'histoire des peuples comme tributaire du milieu physique dans lequel ils vivent, une idée qui s'oppose au concept de possibilisme du géographe français Paul Vidal de la Blache (1845-1918) (Courville, 1995 : 14). Avec le possibilisme, de la Blache suggère que la nature propose et que l'être humain dispose, une prémisse primordiale dans la manière de comprendre les diverses relations entre l'être humain et le milieu naturel. Dans ce chapitre, trois variables sont mises en relations et explorées, c'est-à-dire l'être humain, le temps et l'environnement. Pour cette étude, les marais du Saint-Laurent sur la Côte-de-Beaupré/cap Tourmente, à Isle-aux-Grues, dans la région de Kamouraska, à LTsle-Verte et à l'île Verte) sont étudiés afin de comprendre les diverses relations entre l'être humain et l'environnement à travers le temps ; notamment à cause de leur ressemblance naturelle et que de multiples relations ont pris appuis sur l'écosystème à travers le temps.

La période d'analyse spatio-temporelle des cinq marais à l'étude tient compte de l'échelle de temps développée par le géographe-historien Serge Courville (1995). Cette échelle permet d'expliquer la diversité des paysages québécois à travers la succession des grands contextes de civilisation (Figure 3.1). Elle se définit par les contextes amérindien (avant 1608), colonial (1608 à 1840), industriel (1840-1960) et post-industriel (1960 à aujourd'hui). Il faut noter que ces quatre grandes périodes de la civilisation québécoise ont eu chacune leur durée propre, mais certains de leurs éléments constitutifs ont eu tendance à se maintenir dans le temps, au-delà de leur moment initial d'expression (Courville, 1995 : 75).

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Cette échelle d'analyse permet aussi de démontrer que les périodes de transformations environnementales d'origine humaine ne sont pas le fruit du hasard ou d'illogisme, mais qu'elles sont souvent associées à une réponse rationnelle au changement social ou à des circonstances économiques (Hatvany, 2003 : 4).

Figure 3.1 Les grands contextes de civilisation de la société québécoise

( Post-industriel i960 à aujourd'hui ) ▲ Industriel 1840-1960 J k Colonial 1608-1840 J . ( Amérindien Avant 1608 )

Source : Adapté de Courville, 1995 : 75.

3.2 La Côte-de-Beaupré (cap Tourmente)

3.2.1 Le territoire

Située 40 kilomètres à l'est de la ville de Québec, depuis la rivière Montmorency jusqu'au pied du cap Tourmente, la MRC de La Côte-de-Beaupré englobe 9 municipalités et 2 territoires non organisés. La MRC compte 23 000 habitants, une population vivant assez éloignée des marais à stirpes, dominants les côtes de la MRC. Actuellement, les marais occupent une superficie totale estimée à plus de 3000 hectares sur la Côte-de-Beaupré et se concentrent principalement à cap Tourmente (Hamois, 2005 :10). Ils touchent à six municipalités d'ouest en est soit de Boischatel jusqu'à Saint-Joachim en passant par les municipalités de L'Ange-Gardien, Château-Richer, Sainte-Anne-de-Beaupré et Beaupré

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(Figure 3.2). Quant au site plus précisément étudié, soit la région du cap Tourmente, les marais intertidaux occupent une superficie de 620 hectares et ils se situent au bout de la plaine du Cap Tourmente à la rencontre des basses-terres du Saint-Laurent et du Bouclier canadien. Les marais du cap Tourmente sont localisés dans l'estuaire d'eau saumâtre du Saint-Laurent ; il est caractérisé principalement par un marais à Scirpe américain (Scirpus americanus) (Fleurbec, 1985 : 26). Depuis 1978, ce site est protégé par la fondation de la Réserve nationale de faune du cap Tourmente.

Figure 3.2 Marais saumâtre de la Côte-de-Beaupré

Source : Carte réalisée par C. Careau et M. Hatvany, 2009, Laboratoire de géographie historique, Département de géographie, Université Laval.

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3.2.2 Les types d'exploitations historiques 3.2.2.1 Contexte amérindien (avant 1608)

Les fouilles archéologiques réalisées par Moussette entre 1989 et 1992 ainsi que par Chapdelaine et Chrétien de 1997 à 2000 confirment que le marais du cap Tourmente constituait une source importante de nourriture (gibiers, poissons, sauvagine) pour les populations nomades amérindiennes. Entre 6000 à 3000 ans avant aujourd'hui, des groupes d'Amérindiens vivant de la chasse, de la pêche et de la cueillette de baies sauvages sont venus s'établir sur les basses terres du cap Tourmente (Chrétien et Chapdelaine, 1997, 2000). Cette utilisation préhistorique des marais est aussi notée dans les différentes sources historiques analysées par Harnois (2005). En effet, les Amérindiens y faisaient la transhumance en s'y établissant de façon saisonnière pour y exploiter les richesses fauniques et végétales suivant alors le mouvement migratoire de la faune aviaire. C'est ainsi que les marais intertidaux se sont intégrés dans l'environnement des Iroquois où l'agriculture, la chasse et la pêche y étaient pratiqués - des pratiques qui se poursuivront par les premiers colons européens après 1608 (Harnois, 2005 : 62).

3.2.2.2 Contexte colonial (ca.l608-1840)

Dans la première moitié du XVIIe siècle, le système seigneurial est implanté au Québec.

Le but premier de ce système est la maîtrise du territoire par l'établissement d'une société rurale, stable et capable d'auto-production (Courville, 1983 : 419). Lors de la concession des lots de la seigneurie de Beaupré en 1662, chaque censitaire recevait une partie de terre humide sur la Côte-de-Beaupré. Les battures étaient d'abord des espaces de prairies naturelles qui fournissaient du fourrage pour le bétail. En effet, à partir du XVIIe siècle et

jusqu'à la fin du XXe siècle, la récolte de foin de mer s'effectuait sur la Côte-de-Beaupré,

surtout sur les battures du cap Tourmente. Le foin de mer était principalement destiné au bétail de l'Habitation de Québec (Harnois, 2005 : 122).

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L'aquarelle de Thomas Davies (1785) met en évidence l'étendue des marais pour le secteur de Château-Richer (Figure 3.3). Selon l'atlas historique du Canada, cette peinture illustre un exemple d'une agriculture mixte extensive sur la Côte-de-Beaupré où l'on observe différents types d'aménagement du territoire incluant le marais, par exemple, les granges en bois avec leurs toits en chaume, les levées de terres sur le marais, l'élevage et les nasses pour la pêche à l'anguille (Harris et al, 1987).

Figure 3.3 Vue de Château-Richer, Côte-de-Beaupré, 1785

Source : Thomas Davies, 1785, Musée des beaux-arts du Canada, No. 6279, Ottawa.

À l'époque coloniale les marais étaient également utilisés pour la pêche mais aussi la chasse. Les techniques de pêche étaient liées au jeu des marées et on y capturait principalement l'anguille, l'esturgeon, le bar, l'éperlan, le poulamon et le saumon de l'Atlantique (Harnois, 2005 : 75). Outre la chasse à la sauvagine (bemaches, oies blanches, canards de toutes espèces) qui était aussi pratiquée sur le marais, on y frappait toutes sortes de petits gibiers comme le lièvre, et on y abattait même l'orignal qui s'aventurait tout près

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des rives du Saint-Laurent, au début de la colonie (Harnois, 2005 : 76). C'est ainsi que jusqu'au XVIIIe siècle, une population sédentaire vivaient le long du littoral où

l'agriculture mixte et extensive, l'élevage, la chasse et la pêche étaient fréquemment pratiquées sur les marais de la Côte-de-Beaupré et le milieu environnant. C'est à partir du XIXe siècle, cependant, que de profonds changements socio-économiques transformeront

les rapports entre l'être humain et les marais de la Côte-de-Beaupré. 3.2.2.3 Contexte industriel (ca.l840-1970)

La période de 1840 à 1900, au Québec, est marquée par la modernité : une mécanisation en plein développement, un réseau de transport qui prend de l'expansion, et une agriculture et un élevage en pleine mutation. On assiste également à l'abandon du système seigneurial en 1854. Les relations entre les habitants et les marais de la Côte-de-Beaupré se métamorphosent de façon graduelle. En effet, la culture du blé fait de plus en plus place aux pâturages et aux autres céréales comme le foin et l'avoine ; l'industrie laitière est aussi en pleine émergence. Jusqu'en 1891, les battures demeurent essentielles aux cultivateurs en fournissant un supplément de nourriture de subsistance pour le bétail, ce qui aide ainsi l'industrie laitière à prendre de l'ampleur. Survient alors le premier événement marquant qui modifie les relations entre l'homme et les battures de la Côte-de-Beaupré. Symbole de modernisme, l'implantation du chemin de fer sur la batture en 1889 entre Saint-Joachim et Québec a eu pour effet de créer une barrière entre les habitants de la côte et les marais intertidaux du fleuve Saint-Laurent. Passant à travers les terres et contournant le rivage du fleuve, la voie ferrée se rendait jusqu'au cap Tourmente dès 1894 (Andrews, 2000 : 39). Cet événement marqua le début de la fin des grandes étendues de marais sur la quasi totalité de la Côte-de-Beaupré (Harnois, 2005 : 86).

À partir de 1900, et ce, jusqu'en 1960 (période de modernisation intensive) les marais intertidaux subiront les effets de l'étalement urbain (développement commercial, résidentiel et industriel) et de l'expansion du réseau routier à cause de la proximité de la ville de Québec. C'est particulièrement lors de la construction du boulevard Sainte-Anne en 1941 entre Québec et Sainte-Anne-de-Beaupré que ces effets seront les plus ressentis. Pendant cette époque, marquée par le progrès, la superficie d'empiétement totale sur le

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littoral suite à la construction du boulevard Sainte-Anne s'éleva à 150 hectares (Hamois, 2005 : 101). Le terrain plat des battures favorisait la construction d'infrastructures dans le secteur (Figure 3.4). Une photographie prise en 2008 au même endroit que la peinture de Davies en 1785 illustre des changements majeurs dans l'utilisation du sol notamment le remblayage des marais (Figure 3.4). Il est à noter que les propriétaires n'eurent aucune compensation monétaire pour les terres perdues. De 1889 à 1990, c'est plus de 300 ha de littoral qui ont été remblayés, dont la moitié était des terres humides. La construction de l'autoroute Dufferin-Montmorency dans les années 1970 donna une rapidité d'accès à la Côte-de-Beaupré, promouvant ainsi son développement. Jusqu'au contexte post-industriel, les marais de cette région sont disparus progressivement du quotidien des habitants. Les marais restants connurent ensuite une protection et une mise en valeur particulière, principalement au cap Tourmente.

Figure 3.4 Vue de Château-Richer, Côte-de-Beaupré, 2008

Fleuve Saint-Laurent

Figure

Figure 1.1 Cinq marais intertidaux de l'estuaire du Saint-Laurent à l'étude
Figure 2.3 Exploitation des marais, baie du Mont-Saint-Michel, France
Figure 3.1 Les grands contextes de civilisation de la société québécoise
Figure 3.6 Marais à scirpe, Réserve nationale de faune du cap Tourmente
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