• Aucun résultat trouvé

3. UN MILIEU, DE MULTIPLES RELATIONS

3.5 L'Isle-Verte et l'ïïe Verte 1 Le territoire

Les municipalités de LTsle-Verte et l'île Verte (Notre-Dame-des-Sept-Douleurs) font parti de la MRC de Rivière-du-Loup dans la région administrative du Bas-Saint-Laurent. L'Isle- Verte est située en bordure du fleuve Saint-Laurent à environ 30 kilomètres à l'est de la ville de Rivière-du-Loup. Accessible par la route 132, la municipalité compte 1519 habitants et couvre un territoire de 117,4 km2 (Statistiques Canada, 2007). En ce qui a trait

île-Verte, elle s'étire au large de L'Isle-Verte, formée d'une crête qui s'étend sur 14 kilomètres de longueur et sur 2 kilomètres de largeur. En 2007, une population totale de 208 personnes y est dénombrée, dont 30 personnes qui y demeurent à l'année longue (Carrier, 2007 : 24). À noter que les marais de L'Isle-Verte et l'île Verte sont situés dans la portion maritime de l'estuaire du Saint-Laurent, partie la plus salée de l'estuaire où la Spartina colonise une grande superficie de ces milieux humides (Fleurbec, 1985 : 26). Le marais de la baie de LTsle-Verte possède le statut de Réserve nationale de faune. Il s'étend sur une distance de 15 km et occupe une superficie totale de 9,4 km2 (Figure 3.13). À l'île

Verte, le marais occupe une superficie totale de 3,4 km2 (Figure 3.14).

3.5.2 Les types d'exploitations historiques

L'analyse des relations entre l'homme et les marais de LTsle-Verte et de l'île Verte sera jumelée par les contextes de civilisation étant donné la proximité géographique et les

caractéristiques historiques semblables des deux milieux à l'étude. 3.5.2.1 Contexte amérindien (avant 1685)

Tout comme pour la Côte-de-Beaupré, l'Isle-aux-Grues et Kamouraska, les marais L'Isle- Verte et de l'île Verte ont été fréquentés par les Amérindiens il y a plus de 5000 ans avant l'actuel. Ces tribus nomades de l'époque archaïque progressèrent vers l'amont du fleuve Saint-Laurent suite à l'assèchement des terres. Au sein de l'estuaire du Saint-Laurent, les marais intertidaux turent utilisés par les tribus amérindiennes alors que la cueillette, la chasse et la pêche étaient des activités pratiquées directement sur les marais (Carrier, 2007 : 26).

Figure 3.13 Marais de LTsle-Verte

Source : Carte réalisée par C. Careau et M. Hatvany, 2009, Laboratoire de géographie historique, Département de géographie, Université Laval.

Figure 3.14 Marais de l'île Verte

Source : Carte réalisée par C. Careau et M. Hatvany, 2009, Laboratoire de géographie historique, Département de géographie, Université Laval.

3.5.2.2 Contexte colonial (ca.1680-1860) La chasse et la pêche

Les terres humides de LTsle-Verte et l'île Verte constituaient un lieu prolifique pour la faune terrestre et aquatique, milieu que les premiers colons avaient su tirer profit pour pratiquer la chasse et la pêche. Le hareng était d'ailleurs péché au printemps et l'anguille était une capture importante à l'automne. Les marais regorgeaient alors de plantes aquatiques qui offraient un habitat propice pour les oiseaux de mer ainsi qu'aux épinoches. À partir du XVIIIe siècle, des installations turent établies à proximité de l'île Verte afin d'y

chasser les phoques et les bélugas (Michaud, 1989 : 88). De plus, tout comme à L'Isle- Verte, il existait des pêches à fascines sur l'île Verte qui étaient situées en bordure des marais (Michaud, 1987 : 88).

Le foin de mer et l'agriculture

Durant le contexte colonial, la récolte de foin de mer qui servait principalement de fourrage était une activité pratiquée sur les marais des deux municipalités. De plus, c'est en 1685 que les activités agricoles débutèrent à L'Isle-Verte. À ce moment-là, le marais intertidal servait de pâturage pour les animaux (Carrier, 2007 : 26). Au cours du régime seigneurial, la valeur des battures fut remarquée par les élites. C'est pourquoi des parcelles de terrains furent établies le long de la plaine côtière et du marais. Au fil des ans, la batture fut progressivement utilisée à des fins agricoles.

3.5.2.3 Contexte industriel (ca.1860-1970) La chasse et la pêche

La chasse et la pêche se poursuit au cours du contexte industriel. La pêche et le commerce du poisson fut d'ailleurs une activité prospère au cours du XXe siècle pour LTsle-Verte et

l'île Verte. C'est ainsi qu'à partir du XIXe siècle il exista une quinzaine de pêches à

fascines (Carrier, 2007 : 26). Au XXe siècle, la pêche à la sardine et celle de l'anguille

Le foin de mer et l'agriculture

Durant le contexte industriel la récolte de foin de mer se poursuit sur les battures de deux municipalités. De plus, dans un contexte où l'endiguement des marais est à l'honneur, le marais salé de LTsle-Verte n'y échappe pas. En effet, deux aboiteaux furent construits afin de récupérer du marais en terres agricoles. Presque 75 % des terres endiguées servaient à la culture fourragère et à l'avoine tandis que l'autre partie servait au pâturage des animaux (Carrier, 2007 : 27). À l'île Verte, divers témoignages oraux démontrent que des bêtes avaient fréquenté les marais salés de l'île à l'époque (Carrier, 2007 : 27).

La récolte de mousse de mer

Une autre activité liée aux marais apparut durant le contexte industriel à L'Isle-Verte et île- Verte, il s'agit de la culture de mousse de mer (Figure 3.15). Il faut savoir que la mousse de mer (varech de mer) servait comme matériau de rembourrage. C'est à la fin du XIXe

siècle que le fauchage de mousse de mer débuta dans la baie de 1'Isle-Verte et sur les battures de l'île Verte. Près de 29 familles s'adonnèrent à cette pratique sur les 11,3 kilomètres de rivage d'une extrémité à l'autre de l'île Verte (Carrier, 2007 : 28). Cette activité était pratiquée jusqu'aux années 1930 où elle fut ensuite abandonnée à cause d'une maladie (Carrier, 2007 : 28). À l'île Verte, isolés, les insulaires s'adonnèrent à des activités traditionnelles comme l'agriculture, la chasse et la pêche afin de pallier au manque économique de la mousse de mer. La mer et les marais ont donc permis de diversifier l'économie à cette époque pour L'Isle-Verte et l'île Verte.

Figure 3.15 Récolte de mousse de mer à Cacouna (fin du XIXe siècle)

3.5.3 Contexte post-industriel (ca. 1970 à aujourd'hui) 3.5.3.1 L'Isle-Verte

Suivant l'émergence d'une prise de conscience environnementale nord-américaine par rapport à la destruction de plusieurs terres humides durant la période industrielle, la Réserve nationale de faune de la baie de LTsle-Verte fut crée en 1980 et avait comme principale fonction de protéger les marais à Spartina de la Baie de LTsle-Verte ainsi que les milieux côtiers. Parce que des constats réalisés avaient montré la disparition de certaines espèces aviaires sur le marais de LTsle-Verte, cette démarche de préservation visait à protéger les habitats vitaux pour la sauvagine, en particulier le canard noir ainsi que des espèces aviaires (Carrier, 2007 : 29). En plus d'assurer la diversification de l'habitat naturel pour accueillir des communautés fauniques variées et riches, la RNF de la baie de LTsle-Verte déborde aussi d'activités et d'infrastructures pour atteindre ses objectifs. La maison Girard est un exemple qui offre une exposition permanente sur les marais intertidaux afin de sensibiliser le public aux terres humides (Carrier, 2007 : 30). Un kiosque d'accueil donne aussi de l'information aux personnes sur la faune et la flore du marais salé, comme à la RNF de Cap-Tourmente. Des informations sont également offertes sur l'écologie et la géomorphologie des marais. De plus, des sentiers et belvédères sont aménagés pour les visiteurs (Figure 3.16).

Figure 3.16 Marais salé, Réserve nationale de faune de la baie de l'Isle-Verte

3.5.3.2 l'île Verte

Entre 1950 et 1970, dans un contexte où l'urbanisation est en pleine effervescence, l'île Verte a connu un déclin à plusieurs égards mais surtout de sa population qui passa de 305 à

175 habitants. Jusque dans les années 1990, l'industrie agricole était en chute constante sur l'île. Cependant, l'agriculture représentait encore une activité exercée par quelques personnes, notamment pour l'exploitation de l'agneau, un produit du terroir. Les années

1990 marquèrent un renouveau important dans l'utilisation des ressources de la mer à l'île Verte. En effet, en 1997 afin de revaloriser la vocation agricole de l'île, deux étudiants finissants en agronomie de l'Université Laval, J. DeBlois et M.Clotteau effectuèrent un voyage à la baie du Mont-Saint-Michel en France afin d'apprendre la mise en valeur de l'agneau de pré salé (agneau consommant les herbes poussant sur le marais comme le carex et un type de spartine) de l'élevage jusqu'à la commercialisation (Carrier, 2007 : 32). C'est grâce à leurs recherches qu'une corporation locale nommée Mer Bergère s'établit à l'île Verte se basant sur la production d'agneau de pré salé. En 2007, une centaine d'agneaux fréquentaient le marais de l'île Verte (Figure 3.17).

Figure 3.17 Agneaux sur le marais salé de l'île Verte

Il s'agissait d'une revalorisation d'une pratique traditionnelle, une mise en valeur d'un produit du terroir qui était exercée en respectant la fragilité du milieu humide. Malheureusement, cette activité qui s'inscrivait bien dans l'optique du développement durable fut abandonnée en 2008 (Fabien Deglise, Le Devoir, 17 mars 2008). Actuellement, selon le plan d'urbanisme 2007, le marais de l'île Verte est circonscrit comme lieu de conservation, état qui stipule que les composantes naturelles doivent être préservées (Carrier, 2007 : 33).

Pour l'île Verte et LTsle-Verte, les relations entre les communautés et les marais sur plus de quatre siècles prennent diverses trajectoires spatio-temporelles et démontrent bien que même dans des milieux naturels semblables et situés à proximité l'un de l'autre, divers facteurs culturels, socio-économiques, technologiques et environnementaux peuvent survenir dans l'évolution de l'usage et la gestion de chacun, faisant de chaque marais un milieu unique (Tableaux 3.4 et 3.5).

Tableau 3.4 Utilisation et aménagement du marais de LTsle-Verte (depuis le contexte amérindien)

Contexte Utilisation des

marais Caractéristiques socio- économiques Post- industriel (ca.1970- aujourd'hui) Réserve nationale de faune (lieu de préservation)

Économie de marché, agriculture intensive (mono-production), émergence d'une société de loisir et plein air, naissance d'une conscience environnementale, ratio population

ressource favorable.

Industriel (ca.1840-1970)

Récolte de foin salé, chasse, pêche, production de mousse de mer, pâturage et agriculture (endiguement)

Économie de marché, agriculture intensive mixte, mécanisation simple

des techniques, ratio population ressource défavorable vers favorable.

Colonial (ca.1685-1840)

Récolte de foin salé, pâturage, chasse

et pêche

Sédentaire, économie de subsistance, agriculture extensive mixte, faible

apport technologique, ratio population ressource favorable vers

défavorable. Amérindien

(avant 1685)

Chasse, pêche et cueillette

Société nomade, chasseurs- cueilleurs, ratio population-ressources

favorable.

Tableau 3.5 Utilisation et aménagement du marais de l'île Verte (depuis le contexte amérindien)

Contexte Utilisation des marais Caractéristiques socio-économiques

Post- industriel (ca.1970- aujourd'hui) Pâturage (production d'agneau de pré salé), chasse, pêche

et récolte du foin

Économie de marché, tourisme et villégiature, agriculture (produits du terroir),

forte mécanisation, ratio population- ressources favorable. Industriel (ca.1860- 1970) Récolte du foin, pâturage, chasse, pêche et Production de mousse de mer

Économie de marché, agriculture intensive spécialisée, mécanisation simple des techniques, ratio population-ressources

défavorable vers favorable.

Colonial (ca.1680- 1860) Récolte de foin salé, chasse et pêche

Sédentaire, économie de subsistance, agriculture extensive mixte, faible apport technologique, ratio population-ressources

favorable vers défavorable. Amérindien

(avant 1685)

Chasse, pêche et cueillette

Société nomade, chasseurs-cueilleurs, ratio population-ressources favorable.