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Open data des données judiciaires : entre transparence de la justice et droit à la vie privée

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Academic year: 2021

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(1)

de la justice et droit à la vie privée

Mémoire

Maîtrise en droit - avec mémoire

Flora Dornel

Université Laval

Québec, Canada Maître

en droit (LL. M.)

et

Université paris-Saclay

Cachan, France

(2)

Open data des données judiciaires : entre

transparence de la justice et droit à la vie privée

Mémoire

Maîtrise en droit – avec mémoire

Flora Dornel

Sous la direction de :

Professeur Pierre-Luc Déziel, Université Laval

Monsieur Benjamin Charrier, Université Paris-Saclay

(3)

Résumé

Le projet de recherche s’inscrit dans le contexte du mouvement d’open legal data, c’est-à-dire des données judiciaires ouvertes. En effet, que ce soit en France ou au Canada, les données judiciaires font l’objet d’une législation en faveur de l’open data. Les données judiciaires sont mises à la disposition des citoyens, de manière variable selon les systèmes juridiques. La question qui est au cœur du problème est l’affrontement de deux valeurs fondamentales : le droit du public à la transparence de l’administration de la justice, qui justifie que les données judiciaires soient consultables, et le droit de l’individu à la protection de sa vie privée.

(4)

Abstract

This research project is set within the broader context of the open data movement, namely that of open judicial data. This type of data has been subject to legislation in favour of open data both in France and in Canada. Each legal system has a different approach as to how judicial data is made available to the population. The underlying issue is the interplay between two fundamental rights: the collective right to an open and transparent justice system, which in turn justifies the openness of judicial data, and the individual right to privacy.

(5)

Table des matières

RESUME II

ABSTRACT III

TABLE DES MATIERES IV

REMERCIEMENTS VII INTRODUCTION 1 I. Mise en contexte 1 A. Définitions 2 B. Délimitation du sujet 5 II. Problématique 7

III. Les objectifs 11

IV. Questions de recherche et hypothèses de travail 12

A. Question de recherche générale 12

B. La question de recherche spécifique 12

V. Méthodologie 12

PARTIE 1 15

L’ELECTRONIQUE, UN FACTEUR DE BOULEVERSEMENT DANS L’EQUILIBRE ENTRE LE DROIT A LA VIE PRIVEE ET LE PRINCIPE DE

TRANSPARENCE DE LA JUSTICE 15

Chapitre 1. Une diffusion amplifiée et facilitée par la mise en ligne 16

Section 1. L’électronique, facteur de suppression de l’obscurité pratique 16

Section 2. Le principe de transparence de la justice comme fondement pour la mise

en place de l’open data 17

I. L’open data au service du principe fondamental de transparence de la justice 17 II. Le principe de transparence, un principe à aménager de manière

proportionnelle face au droit à la vie privée 21

A. La controverse autour de la question des plumitifs 21

B. Dérives dans l’utilisation des données judiciaires et solutions alternatives

au procès 25

Conclusion du premier chapitre 29

Chapitre 2. Les risques de réutilisation des renseignements personnels 31

Section 1. L’électronique comme source d’augmentation de la facilité de réutilisation

(6)

Section 2. Hypothèse de la mise à disposition en ligne des dossiers judiciaires dans

leur entièreté : analyse 34

I. La justification : analogie entre l’accès papier et l’accès en ligne aux dossiers

judiciaires 34

II. L’obstacle des renseignements personnels contenus dans les dossiers

judiciaires : étude d’une analyse empirique 36

A. Dossiers judiciaires divulgués et diffusion de renseignements personnels :

une confrontation entre deux principes fondamentaux 36

B. Résultat de l’enquête : une distinction flagrante entre les dossiers pénaux et les dossiers civiles relativement à la présence des informations sensibles 38

C. La nécessité d’adapter la diffusion au public face aux risques 39

Section 3. Un cadre législatif existant dont l’efficience remise en question 40

Conclusion du deuxième chapitre 42

Chapitre 3. Différence d’approche entre la France et le Canada 43

Section 1. La mise en balance entre le principe de transparence de la justice et le droit

à la vie privée des individus : la recherche d’un équilibre 43

I. Approche canadienne 43

II. Approche française 44

A. L’affaire Doctrine.fr 44

B. La nébulosité de la position française : de la nécessité de distinguer entre

l’open data et l’accès aux décisions de justice 47

Section 2. Open data et principe de publicité 50

I. Divergence entre le Canada et la France quant à l’appréciation de la publicité

et de la publication 50

II. Divergence entre la France et le Canada quant à la réutilisation des informations trouvées dans les documents judiciaires mis à disposition du public 51

Conclusion du troisième chapitre 53

Conclusion de la première partie 54

PARTIE 2 55

DES SOLUTIONS PARTICULIERES POUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS CONTENUS DANS LES DONNEES

JUDICIAIRES 55

Chapitre 1. La solution française actuelle : la pseudonymisation des données à

caractère personnel 56

Section 1. Définition de la technique de pseudonymisation 56

I. Généralités 56

II. Les techniques de pseudonymisation 58

A. Système cryptographique à clé secrète 58

B. Fonction de hachage 59

(7)

D. Chiffrement déterministe (ou fonction de hachage par clé avec suppression

de la clé) 59

Section 2. Une efficacité questionnée à juste titre 60

I. La pseudonymisation encouragée mais limitée dans son efficacité 60

II. L’existence des métadonnées 60

A. Définition 61

B. Analyse de l’étude de Mayer, Mutchler et Mitchell 61

Section 3. Pseudonymisation et open data 62

I. La pseudonymisation des décisions de justice : une tâche fastidieuse pour

l’humain 62

II. Le recours à l’intelligence artificielle 64

A. Définition 64

B. IA et open data 66

Conclusion du premier chapitre 67

Chapitre 2. Les outils mis à disposition par le Règlement Général sur la Protection

des Données 69

Section 1. L’approche privacy by design prévue par le RGPD 69

I. Définition 69

A. Généralités 69

B. Les techniques 71

II. Application dans le cadre de l’open data 71

A. Hypothèse de la privacy by design dans le cadre de l’open data 72

B. Limites techniques 73

Section 2. Le droit à l’oubli 74

I. Une reconnaissance hétérogène dans le monde 74

A. Une consécration d’origine européenne 74

B. Droit à l’oubli numérique au Québec : une récente inflexion vers sa

reconnaissance 77

II. Open data des données judiciaires et droit à l’oubli numérique 79

A. Rôle du droit à l’oubli dans l’équation vie privée et open data 79

B. La qualification de données sensibles au soutien d’une protection accrue 81

Conclusion du deuxième chapitre 85

Conclusion de la deuxième partie 86

CONCLUSION GENERALE 87

(8)

Remerciements

Dans un premier temps, je souhaite remercier mes directeurs de recherche, Monsieur Benjamin Charrier et le professeur Pierre-Luc Déziel, pour leurs précieux conseils, ainsi que pour leur disponibilité tout au long de cette période compliquée liée à la Covid-19. Cela a été un vrai soutien de savoir que, malgré cette situation inédite, vous étiez restés disponibles. J’en profite pour remercier l’ensemble des professeurs et du personnel qui ont tout mis en œuvre afin que la formation puisse se poursuivre dans les meilleures conditions possibles.

J’aimerais remercier mes parents, pour m’avoir permis de faire les études que je voulais, dans les universités que je souhaitais (toujours un peu plus loin… je sais !). Un merci tout spécial à ma maman, pour sa présence, son écoute, ses encouragements, et sa confiance.

Merci à mes amis, sur qui j’ai pu compter tout au long de mes études, à chaque moment, y compris lors d’un confinement à plusieurs milliers de kilomètres de la France. Merci notamment à Anna, Arthur, Julie, et Tom. À toi, Pauline, tout particulièrement, je te remercie pour ton soutien indéfectible, pour ta joie de vivre, pour tes mots lors de mes moments de doute (pas peu nombreux…). Je tiens également à remercier mes acolytes du PIFTN, pour les aventures « pré-covid », et pour la solidarité qui a pu s’installer dans la promotion.

(9)

Introduction

Le sujet de recherche se concentre sur la manière dont le droit à la vie privée et le principe de transparence de la justice cohabitent à l’ère du numérique, et il est très intéressant de voir d’emblée que le système juridique français et le système juridique canadien n’aboutissent pas à la même vision des choses, alors même que les principes sur lesquels ils s’appuient sont identiques. En effet, les principes en jeu sont la transparence de la justice et le droit à la vie privée. Ainsi, en France, les documents judiciaires publiés, telles que les décisions de justice, ne comportent pas les noms des parties, afin de garantir le droit à la vie privée. À l’inverse, au Canada, le principe réside dans la publication de décisions sans qu’elles ne soient dépersonnalisées. Le nom des parties n’est donc pas occulté.

I. Mise en contexte

Selon l’adage, « justice is not only to be done, but to be seen to be done » (« la justice ne doit pas seulement être rendue, il faut aussi que chacun puisse voir qu’elle est rendue »). À cette fin, le principe de publicité est un élément essentiel du procès équitable, venant renforcer le principe de transparence de la justice. À la question de savoir comment peut-on rendre les gouvernements plus transparents, une des réponses partielles consiste à la mise en œuvre de l’open data. Ce mouvement global prend de l’ampleur : le Partenariat Open Government Partnership, qui regroupe 78 pays dans le monde, et que la France a présidé en 2016-2017, en est la preuve. En 2014, l’ONU a classé la France 4e pays au monde en matière d’administration numérique (et 1er européen), saluant notamment les progrès réalisés en matière d’ouverture des données.

Ce mouvement n’épargne pas le domaine judiciaire, et on constate aujourd’hui, en France, que les données judiciaires font l’objet d’une législation en faveur de l’open data : la Loi du 7 octobre 2016, pour une République numérique, vient amorcer cette dynamique. Au Canada, les décisions sont accessibles par tous, et ne font pas l’objet d’une occultation des noms. La mise à disposition est donc largement facilitée.

(10)

Mais qu’en est-il du principe de publicité lorsqu’il est confronté à une nouvelle forme de diffusion de l’information, à savoir la diffusion en ligne ?

Avant de rentrer directement dans cette étude, des définitions s’imposent (A), ainsi qu’une délimitation du sujet (B).

A. Définitions

Le principe de publicité est une notion qui sera centrale tout au long de ce travail (1), dans le cadre de la mise en place de l’open data (2) des données judiciaires (3), et ayant des interactions intéressantes avec le droit à la vie privée (4).

1. La publicité

La publicité de la procédure protège les justiciables contre une justice secrète, qui échapperait au contrôle du public1. Elle constitue l’un des moyens qui contribuent à

préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu’elle donne à l’administration de la justice, elle aide à réaliser le but de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (ConvEDH)2 et l’article 14 du Pacte

des droits civils et politiques3, à savoir, le procès équitable4. La nécessité d’une

transparence sur le fonctionnement de la justice a été également relevée dans le rapport

1 Natalie Fricero et Serge Guinchard, « Chapitre 212 - Garanties de nature procédurale : équité, publicité,

célérité et laïcité », Dalloz action Droit et pratique de la procédure civile, 2017-2018, (212.70-212.113).

2 Article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme : : « Toute personne a droit à ce que sa

cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement (…) »

3 Article 14 du Pacte des droits civils et politiques : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de

justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. (…) »

4 CEDH 8 déc. 1983, Axen c/République fédérale d’Allemagne, req. no 8273/78 , Série A, no 72 – Berger,

13e éd., 2014, no 98, p. 303 – CEDH 24 nov. 1997, Werner c/Autriche, req. no 21835/93 , JCP 1998.

(11)

Linden5 qui explique que le « souci de transparence participe de la nature même de la

démocratie. Les citoyens ont le droit d’être informés sur le fonctionnement de l’institution judiciaire qui doit pouvoir répondre à cette demande »6.

2. L’open data

L’open data (en français, donnée ouverte) est une information publique, qui est destinée à être accessible par tous, et à être réutilisable. Un certain nombre de personnes utilisent, à tort, le terme open data pour désigner des données accessibles au public. Attention, ce n’est pas parce qu’une donnée est accessible au public que cela signifie forcément que c’est de l’open data. Ce terme signifie avant tout que les données sont rendues publiques d’une manière spécifique. Par exemple, la réutilisation de ces données doit être facilitée. Cela explique la fréquente confusion entre accès à l’information et accès aux données7. Cette politique d’ouverture doit toutefois être

interrogée au regard des possibilités qu’elle offre pour des traitements ultérieurs, quelle que soit leur nature. C’est ce qu’on appelle la valorisation des données : l’utilisation à des fins secondaires. Selon la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), « si l’on filtre en amont certaines données, notamment au titre du respect de la vie privée, les risques ultérieurs de détournement de finalité semblent pouvoir être réduits »8.

Le terme open data peut s’appliquer à des informations en provenance de n’importe quelle source, sur n’importe quel sujet9. En l’espèce, nous nous intéresserons ici aux

données dites judiciaires.

5 Rapport de la Commission sur l’enregistrement et la diffusion des débats judiciaires, dit Rapport Linden, 22 février 2005, en ligne :

<https://www.vie-publique.fr/rapport/26957-rapport-de-la-commission-sur-lenregistrement-et-la-diffusion-des-debats>

6 Id. p.2.

7 Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice (CEPEJ), Charte éthique européenne d’utilisation de l’intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires et leur environnement, 2018,

Annexe I, p.19.

8 Supra note 7, p.20.

9 « Open Data définition : qu’est-ce que c’est ? À quoi ça sert ? » en ligne :

(12)

3. Données judiciaires

La disponibilité de données est essentielle au développement de l’intelligence artificielle (IA) et permet ainsi le développement des algorithmes. Plus les données sont nombreuses et utilisables, et plus l’IA est à même d’affiner des modèles de prédiction par exemple. L’open data est donc un formidable moyen pour y arriver. Elle constitue un facteur important pour l’innovation, et permet d’appuyer le principe de transparence de la justice. Ainsi, la France a légiféré en 2016 pour imposer un cadre obligatoire de diffusion en open data des décisions de justice à ses juridictions.

Le terme « données judiciaires », dans notre étude, désignera toutes données issues de l’activité judiciaire. Cela va donc inclure « toute information ou tout document qui est recueilli, reçu, stocké, tenu ou archivé par un tribunal dans le cadre de sa procédure judiciaire »10. Il s’agira par exemple des décisions judiciaires, des plumitifs, mais

également des dossiers. Ces données judiciaires renferment à leur tour des renseignements personnels, qui sont définis par la Commission d’accès à l’information du Québec comme étant des informations qui portent sur une personne physique, et qui permettent de l’identifier.

4. Le droit à la vie privée

Le droit à la vie privée est affirmé de manière internationale à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. ». Plus précisément, dans le cadre numérique français, le Règlement Général sur la Protection des Données vient poser un nouveau cadre juridique en matière de protection des données personnelles des citoyens européens. Ce règlement préconise des grands principes pour la protection des données personnelles, dont le principe de finalité qui

10 Nicolas Vermeys, « Privacy v. Transparency: How Remote Access to Court Records Forces Us to

Re-examine Our Fundamental Values » dans Karim Benyekhlef et al, dir, eAccess to Justice, University of Ottawa Press, 2016, 123‑154, en ligne : JSTOR <https://www.jstor.org/stable/j.ctt1wn0qx3.9>.

(13)

nous intéresse tout spécialement au vu de la problématique : il correspond à ce que le responsable d'un fichier ne puisse enregistrer et utiliser des informations sur des personnes physiques que dans un but bien précis, légal et légitime.

B. Délimitation du sujet

En 2016, les articles 20 et 21 de la Loi pour une République numérique sont venus prévoir que « les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées »11. Ils viennent ainsi rompre avec la précédente logique de sélection qui

disposait un principe de publicité des « décisions présentant un intérêt particulier rendues par les autres juridictions de l’ordre judiciaire »12. Désormais, on le voit, la loi

française pose le principe inverse que tout est publiable, sauf dans des cas précis identifiés par la loi et dans le respect de la vie privée des personnes concernées.

La publication des décisions participe au renforcement de la transparence de la justice, et comme le prévoyait déjà Sandrine Roure en 2006, « cette forme de publicité par publication peut connaître un élargissement sans précédent avec les possibilités d’accès à distance par Internet aux données judiciaires »13. C’est tout l’enjeu de l’open

data judiciaire. Ainsi, l’article 33 1° de la Loi de programmation 2018-2022 et de

réforme pour la justice14 prévoit la mise à disposition en ligne de ces décisions

judiciaires :

« Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique » (soulignement rajouté).

La logique est la même au Canada, et pour justifier de mettre en ligne les décisions judiciaires des individus, le système canadien se réfère au principe constitutionnel de transparence des procédures judiciaires15. En effet, il faut savoir que

11 Article 21 al.1 de la Loi du 7 octobre 2016.

12 Article R433-3 du Code de l’organisation judiciaire.

13 Sandrine Roure, « L'élargissement du principe de publicité des débats judiciaires : une judiciarisation

du débat public », Revue française de droit constitutionnel, 2006/4 (n°68), pages 737 à 779.

14 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

15 « Discussion Paper Prepared on Behalf of the Judges Technology Advisory Committee for the

(14)

la publicité est l’un des aspects fondamentaux de la justice britannique16, et puisque

l’administration de la justice canadienne a été façonnée selon le modèle anglais17, elle

revêt ce caractère public. La Cour suprême l’affirme par ailleurs dans l’affaire

Procureur général de la Nouvelle‑Écosse c. MacIntyre18 :

« Dans l'ombre du secret, de sombres visées et des maux de toutes formes ont

libre cours. Les freins à l'injustice judiciaire sont intimement liés à la publicité. Là où il n'y a pas de publicité, il n'y a pas de justice » (Traduction) (soulignement rajouté)19.

Comme en France, et comme dans toute société démocratique, une « justice secrète » est inenvisageable. Une justice secrète ne permettrait pas la justice telle qu’on l’entend : une « justice juste ». Elle tuerait la possibilité d’une quelconque édification de démocratie. Ainsi, le principe de publicité est indispensable à toute société se revendiquant démocratique. De plus, selon la Cour suprême, le caractère public de l’administration de la justice au Canada est aussi implicitement prévu par la Charte

canadienne des droits et libertés, dans son article 2b)20 qui dispose :

« Chacun a les libertés fondamentales suivantes : b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ».

En effet, la Cour fait le lien entre la liberté d’avoir accès aux audiences des tribunaux et la liberté de la presse de diffuser toute information relative à des instances judiciaires21.

Plus spécifiquement, au Québec, la Charte des droits et liberté de la personne22

prévoit dans son article 23 que :

« Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé, qu’il s’agisse

en ligne : <https://cjc-ccm.ca/cmslib/general/news_pub_techissues_OpenCourts_20030904_en.pdff> « [...] the right of the public to open courts is an important constitutional rule, that the right of an individual to privacy is a fundamental value, and that the right to open courts generally outweighs the right to privacy » p. 2.

16 Scott c. Scott, [1913] A.C. 417 (H.L.) ; McPherson c. McPherson, [1936] A.C. 177 (C.P.).

17 Léo Ducharme, L’administration de la preuve, Wilson & Lafleur, 4e éd. 2010, Chapitre III, para 93. 18 A.G. (Nova Scotia) c. MacIntyre, 1982 CanLII 14 (CSC), [1982] 1 RCS 175, <http://canlii.ca/t/1lpbp> 19 Id. para 17.

20 Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, en ligne :

<http://canlii.ca/t/q3x8>

21 A.G. (Nova Scotia) c. MacIntyre, 1982 CanLII 14 (CSC), [1982] 1 RCS 175, <http://canlii.ca/t/1lpbp> 22 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, article 23, en ligne :

(15)

de la détermination de ses droits et obligations ou du bien-fondé de toute accusation portée contre elle » (soulignement rajouté).

Ce texte, connu également sous l’intitulé Charte québécoise, consacre le principe de publicité de manière très claire.

II. Problématique

Le point de friction concerne le droit à la vie privée des individus face à cette exigence de publicité, de transparence de la justice à l’ère du numérique et de l’open data des données judiciaires.

Au Canada, la « friction » entre vie privée et mise en ligne des données judiciaires est un peu moins vive : il est possible d’avoir accès à toutes les décisions de justice en ligne, sans même que les parties soient désidentifées. Il est également possible d’avoir accès aux plumitifs des dossiers judiciaires des canadiens, en ligne. Ainsi, au Québec, le site SOQUIJ (société québécoise d'information juridique) propose pour quelques dollars d’accéder « aux dossiers judiciaires de nature civile, criminelle et pénale des palais de justice et des cours municipales du Québec directement en ligne et accessible de votre bureau »23. La formule peut entraîner une confusion : il n’y a pas

vraiment accès au dossier judiciaire dans son intégralité, tel qu’on le retrouverait au Palais de justice, mais on retrouve plutôt les informations clés du litige24.

Ceci dit, la question de la vie privée est facilement relativisée face au principe de la transparence de la justice : la Cour suprême du Canada considère généralement qu’en cas de conflit entre le droit du public à la transparence de l’administration de la justice et le droit de l’individu à la protection de la vie privée, c’est le premier qui l’emporte25.

23 Site SOQUIJ <https://soquij.qc.ca/fr/services-aux-professionnels/catalogue/plumitifs>

24 Site InterLegal, « Les différents registres de plumitifs »,

<https://www.inter-legal.ca/portail-inter-legal-informations-juridiques/info-plumitif/informations-registres-plumitif.html>

25 A.G. (Nova Scotia) c. MacIntyre, [1982] 1 RCS 175 ; Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 RCS 1326, ; Vickery c. Cour suprême de la Nouvelle-Écosse (Protonotaire), [1991] 1

RCS 671 ; F.N. (Re), [2000] 1 RCS 880 ; Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [2002] 2 RCS 522.

(16)

Mettre à disposition les données judiciaires en libre accès, en laissant les parties au litige identifiables, voire identifiées ? En France, une telle manière de faire interpelle, que ce soit chez les juristes ou chez les personnes n’étant pas professionnelles du droit. Bien que le principe de l’open data des décisions de justice repose sur un article à valeur constitutionnelle26, puis sur différentes lois déjà évoquées27, la tradition du droit à la vie

privée reste forte28. Tradition, car bien que la protection soit reconnue depuis le XIXe

siècle, la reconnaissance législative a été assez tardive : il faut attendre 1970 pour que cette notion soit inscrite expressément dans la législation. En effet, la loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens a introduit à l’article 9 du Code civil une disposition selon laquelle « chacun a droit au respect de sa vie privée ».

Le principe de la transparence de la justice n’est pas interprété de la même façon au Canada et en France. En France, les décisions mises en ligne seront gratuites et surtout seront systématiquement pseudonymisées29, notamment en raison de la trop

grande facilité d’accès. Et l’on parle bien de décisions de justice en France, le dossier judiciaire dans son entièreté étant inaccessible au public en ligne. Selon certains commentateurs, il est impératif de faire la différence entre la publicité et la publication des données30 : « L'open data n'a pas pour vocation de porter une nouvelle forme de

publicité. Chacun doit faire la part des choses entre publicité et publication des

26 Article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « La garantie des droits de l'homme

et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. ».

27 Loi n° 2016-1321, 7 oct. 2016, art. 20 et 21 ; Loi n° 2019-222, 23 mars 2019, art. 33.

28 Robert Badinter, « Le droit au respect de la vie privée », JCP 68, doctrine 2136. En 1968, l'atteinte à la

vie privée était, selon Robert Badinter, devenue : « Comme l'esclavage ou la détention arbitraire, un

fléau international ».

29 Article 21 alinéa 1 et 2 de la Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : «

Sans préjudice des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées. Cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes. » ; Article 33 1° de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : « Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et leur publicité, les jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique. Par dérogation au premier alinéa, les nom et prénoms des personnes physiques mentionnées dans le jugement, lorsqu'elles sont parties ou tiers, sont occultés préalablement à la mise à la disposition du public. Lorsque sa divulgation est de nature à porter atteinte à la sécurité ou au respect de la vie privée de ces personnes ou de leur entourage, est également occulté tout élément permettant d'identifier les parties, les tiers, les magistrats et les membres du greffe » (soulignement rajouté).

30 Bruno Deffains, Yannick Meneceur et Rémi Ramondou, « Open data des décisions de justice : mythes

et malentendus », dans Les Echos, 22 février 2019, en ligne : <https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/open-data-des-decisions-de-justice-mythes-et-malentendus-992690>

(17)

données ». D’après le magistrat Yannick Meneceur, spécialiste des questions de droit et d’IA, la Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ne fait qu'organiser une nouvelle forme de délivrance au public des décisions de justice31.

En la matière, plusieurs points de vue s’affrontent : certains prétendent, notamment les opérateurs privés32, que l’open data sera la nouvelle forme de publicité,

ainsi pouvant être défendue au nom de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme33, mais pour l’auteur susmentionné, il s’agit simplement d'une

forme élargie de publication des décisions de justice. Cette affirmation est renforcée par les décisions des juridictions, qui enjoignent à faire une distinction entre diffusion et

accès aux décisions de justice34, c’est-à-dire entre publication et publicité, le principe de

publicité étant consacré dans le droit positif (c’est l’obligation du fameux article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, satisfaite par l’accès « physique » de tout citoyen à la salle d’audience), et la publication étant la diffusion. Et cela justifierait le fait que le droit à la vie privée, donc en l’occurrence tenir secret l’identité des personnes, prime sur un nouveau moyen de diffusion de l’information. On peut en effet se questionner de manière secondaire sur la valeur apportée de l’identification des parties dans les décisions de justice : est-ce que cela permet vraiment de remplir davantage l’obligation de transparence de la justice ?

Quant au Canada, le fondement juridique justifiant de laisser l’identification des parties, même lors de la mise en ligne des décisions judiciaires, voire de la mise en ligne du dossier judiciaire, semble se tenir dans l’absence de distinction entre publicité et publication, ou plutôt de l’élargissement de la conception de publicité : l’exercice de la publicité est renforcée par la publication, donc nullement besoin de caviarder quoi que ce soit, excepté dans les cas exceptionnels prévus par les textes. Cette réflexion sera étudiée ultérieurement.

31 Yannick Meneceur, « Open data des décisions de justice - Pour une distinction affirmée entre les

régimes de publicité et de publication », JCP E, n°37, 12 septembre 2019, 1415.

32 Sophie Sontag-Koenig et Yannick Meneceur, « L’open data des décisions de justice : un nouveau mode

de publication des décisions », Les temps électriques, 29 juin 2019, en ligne : <https://lestempselectriques.net/index.php/2019/06/29/lopen-data-des-decisions-de-justice>

33 Supra note 2.

(18)

Le fait est que la France entre dans un mouvement de mise à disposition électronique de décisions judiciaires, rejoignant ainsi, on l’a dit, un mouvement global35. Une fois ce cadre posé, il faut comprendre que la mise à disposition en ligne de

données judiciaires au public a des conséquences également au-delà de la sphère individuelle de la personne concernée. En effet, la mise à disposition des données judiciaires va laisser place à leur utilisation : la technologie liée à ces données judiciaires se développe et la cyberjustice commence à prendre de l’importance (justice en ligne, accès simplifié au juge, développement des Modes Alternatifs des Règlements des Différends36, justice en situation de pandémie37, justice « prédictive » …), et une

multitude de questions liées à cette technologie émergent.

L’accès électronique peut paraître menaçant, car il vient interrompre une situation qui était assez équilibrée s’agissant de la cohabitation du principe de transparence de la justice et du droit à la vie privée des personnes. En effet, avant d’avoir les moyens techniques dont on dispose aujourd’hui, le principe de publicité qui permettait de respecter l’obligation de transparence de la justice était rempli par la possibilité de se rendre physiquement dans le Palais de justice et de demander le dossier au service des greffes. Il fallait donc fournir un certain effort pour consulter le dossier. Aujourd’hui, cette démarche, que l'on qualifie d’ « obscurité pratique »38, disparaît

puisque la consultation des informations judiciaires peut se faire numériquement. Le professeur Peter Winn a été l'un des premiers à examiner la perte de l'obscurité pratique avec l'avènement des systèmes de dépôt électronique, notant que l'accès en ligne offrait des avantages publics importants mais a également soulevé de sérieux problèmes de protection de la vie privée39, puisqu’on pourrait alors, théoriquement, les consulter

depuis n’importe quel poste informatique. C’est à ce moment que le droit à la vie privée

35 Partenariat Open Government Partnership, regroupant 78 pays dans le monde, en ligne :

<https://www.opengovpartnership.org/about/>

36 Plateforme Médicys, issue de la collaboration entre la Chambre Nationale des Huissiers de Justice de

France et le Laboratoire de Cyberjustice de l’Université de Montréal, en ligne : <https://medicys-consommation.fr/>

37 Karima Smouk, « La cyberjustice : le remède à une justice en quarantaine ? » Blogue du Laboratoire de

Cyberjustice de l’Université de Montréal, 24 mars 2020, en ligne :

<https://www.cyberjustice.ca/2020/03/24/la-cyberjustice%e2%80%af-le-remede-a-une-justice-en-quarantaine/>

38 Lynn E. Sudbeck, « Placing Court Records Online: Balancing Judicial Accountability with Public Trust

and Confidence: An Analysis of State Court Electronic Access Policies and A Proposal for South Dakota Court Records », 51 S.D. L. REV. 81, 83 (2006).

39 Peter A. Winn, « Online Court Records: Balancing Judicial Accountability and Privacy in an Age of

(19)

des personnes se retrouve bousculé, et que l’électronique vient modifier la situation que l'on avait avant, endossant alors un rôle menaçant pour le respect du droit à la vie privée : on peut penser dans un premier temps aux « prédateurs potentiels » ou aux « voisins fouineurs »40 qui iront chercher des informations sans aucune justification

légitime. Mais ces comportements, souvent peu préjudiciables de manière sérieuse, bien que parfois dérangeants, ne sont pas la raison de l’inquiétude véhiculée par l’électronique. Une source d’inquiétude bien plus valable, et qui fera l’objet d’une analyse dans notre étude, concerne les sociétés privées41 telles que les banques, les

courtiers de données, les compagnies d’assurance, etc. Ces organisations auraient alors accès à des données qu'elles n'auraient jamais eues avant avec autant de facilité et pourraient alors calquer leur comportement en fonction des renseignements personnels trouvés.

III. Les objectifs

Suite à l’exposé de cette problématique, les objectifs de l’étude sont divers.

Le premier objectif est d’identifier les problèmes liés à l’open data des données judiciaires. Il s’agira d’étudier la position, et la justification, respective de la France et du Canada sur la question de l’open data des données judiciaires. Le deuxième objectif sera d’étudier les risques des réutilisations des renseignements personnels contenus dans les données judiciaires mises en ligne.

Le troisième objectif sera d’étudier les solutions imaginées par les différents systèmes législatifs et, notamment concernant la France, de déterminer si l’apport de la pseudonymisation42, sa mise en œuvre, et son efficacité, est suffisant.

40 Supra note 10.

41 Kristin Makar, « Taming Technology in the Context of the Public Access Doctrine: New Jersey's

Amended Rule 1:38 », Seton Hall Law Review (2011), Vol. 41 : Iss. 3 , Article 7, en ligne : <https://scholarship.shu.edu/shlr/vol41/iss3/7>.

42 Article 21 de la Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique ; Article 33 de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

(20)

IV. Questions de recherche et hypothèses de travail

À la question de recherche générale (A) fera suite la question de recherche spécifique (B).

A. Question de recherche générale

La question de recherche générale est la suivante : l’open data est-elle incompatible avec le respect du droit à la vie privée des personnes face au principe de la transparence de la justice ? L’hypothèse consiste ici à établir que la technique n’est pas forcément incompatible, elle peut même avoir des effets positifs dans certains cas, par exemple pour faire respecter les principes fondamentaux de la justice. Mais la mise en place de l’open data a besoin de garanties suffisantes, pour éviter que l’utilisation ne soit détournée à des finalités qui ne seraient plus légitimes.

B. La question de recherche spécifique

Bien qu’en France et au Canada l’open data n’est appliquée pour le moment qu’aux décisions de justice, et non au dossier judiciaire dans son entièreté, la question reste de savoir si l’accès qu’on a aux données judiciaires lorsque l’on se rend au Palais de justice doit être le même que celui auquel on aurait accès sur Internet, au nom de la transparence de la justice ?

L’hypothèse sera de répondre par la négative, en raison du trop grand nombre de renseignements personnels sensibles qui pourraient être récupérés par des acteurs tiers, étude de la limitation du principe de la transparence.

V. Méthodologie

L’approche de droit comparé va essentiellement guider cette étude. Le droit comparé « suppose une pluralité d’ordre juridique entre lesquels on établit des

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« comparaisons »43. L’étude va justement s’appuyer sur l’ordre juridique français, et

l’ordre juridique canadien, et ce en reprenant les trois étapes préconisées par la Professeure Valcke44 : (i) rassembler les supports nécessaires à l’étude et déterminer

« le point d’ancrage » c’est-à-dire le problème, (ii) rendre compte de la manière dont chaque ordre juridique traite de l’objet en question, et (iii) comparer. La différence d’approche du phénomène d’open data des données judiciaires entre la France et le Canada est le point d’ancrage, chaque régime juridique ayant ses particularités qui le distingue, et cela permettra d’aboutir à une comparaison instructive.

L’approche historique viendra compléter ce qui aura été dégagé par l’approche de droit comparé. En effet, « l'histoire ne peut se contenter de décrire le passé. Elle doit aussi tenter d'expliquer les causes des transformations qu'elle constate »45. Cette

approche permet de venir déceler les fondements d’une règle de droit, en l’occurrence on essaiera de comprendre en quoi historiquement, l’ordre juridique canadien et l’ordre français réagissent différemment lors de la mise en balance du droit à la vie privée et de la transparence de la justice.

Cette étude nécessite de se livrer à plusieurs types de recherches juridiques46. Il

s’agit d’abord d’une recherche par des éléments issus de la théorie du droit. Cette théorie est explicite et analytique47 : on y étudiera les documents juridiques

traditionnels, c’est-à-dire les différents textes se référant au problème48 (transparence de

la justice et droit à la vie privée à l’ère de l’open data), et il s’agira de tenter de mieux

43 Otto Pfersmann, « Le droit comparé comme interprétation et comme théorie du droit », (2001) 53

Revue internationale de droit comparé p. 277, en ligne : <https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2001_num_53_2_17976>

44 Compte rendu de la conférence de la professeure Catherine Valcke, par Michelle Cumyn, 17 février

2020, en ligne : <https://www.redactionjuridique.chaire.ulaval.ca/conference-de-la-professeure-catherine-valcke>

45 N. Rouland, Introduction historique au droit, coll. « Droit fondamental », Paris, Presses Universitaires

de France, 1998, p. 20, en ligne:

http://classiques.uqac.ca/contemporains/rouland_norbert/intro_historique_droit/intro_historique_au_droit. pdf

46 Types de recherches mentionnés par le rapport du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du

Canada, le droit et le savoir, Ottawa, Division de l’information, 1983, p. 71-80.

47 Ibid.

48 Loi n°78-753 du 17 juillet 1978, dite « loi CADA » portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. Chapitre Ier : De la liberté d'accès aux documents administratifs ; Loi n° 2016-1321 du 7 octobre

2016 pour une République numérique ; Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022

(22)

comprendre le droit positif (donc les choix opérés par la législation française et canadienne en matière de vie privée et de transparence de la justice en ligne).

On continuera cette étude en cherchant des propositions de réforme du droit : c’est une recherche visant à « apporter des modifications au droit, soit pour corriger certaines anomalies, rehausser son efficacité, ou assurer un changement d’orientation »49. C’est l’exercice même qui sera mené dans le cadre de la réflexion sur

un possible modèle intermédiaire entre le modèle canadien et le modèle français.

La doctrine viendra au soutien de la recherche. En la matière, les écrits sont instructifs et mettent en perspective différents enjeux liés aux différents acteurs (acteurs juridiques, économiques, etc.), et pourront aider à la réflexion d’une contribution à la production de la normativité juridique.

(23)

Partie 1

L’électronique, un facteur de bouleversement dans l’équilibre entre le

droit à la vie privée et le principe de transparence de la justice

L’électronique vient chambouler l’équilibre préexistant entre le droit à la vie privée et la transparence de la justice : la facilité d’accès aux renseignements contenus dans les plumitifs et dans les décisions de justice est rendue bien plus facile, l’information peut être diffusée sans gros effort (chapitre 1). La mise en ligne des informations est justifiée par le principe de transparence de la justice, et cette activité est soutenu par le mouvement open data.

Bien évidemment, cette facilité d’accès soulève plusieurs questions, notamment celle de savoir à quoi sont exposées les informations contenues dans les données judiciaires mises en ligne. Plus précisément, il est fait référence ici à la réutilisation des renseignements personnels figurant dans les données mises en ligne (chapitre 2).

Le Canada et la France n’abordent pas cette friction entre principe de transparence de la justice et droit à la vie privée des individus de la même manière. Nous verrons en quoi leur approche est différente notamment concernant le principe de publicité, et les conséquences que cela engendre (chapitre 3).

(24)

Chapitre 1. Une diffusion amplifiée et facilitée par la mise en ligne

La mise en ligne des données judiciaires selon le principe de l’open data est à l’origine de plusieurs conséquences : d’une part, elle est facteur de suppression de l’obscurité pratique (section 1), et, d’autre part, l’open data participe à remplir l’obligation de transparence de la justice (section 2).

Section 1. L’électronique, facteur de suppression de l’obscurité pratique L’accès aux informations judiciaires des individus n’a plus rien à voir avec la situation antérieure, dans laquelle il fallait fournir un certain effort : celui de se rendre en personne au Palais de justice afin de consulter les documents, de demander au service des greffes le dossier voulu, et donc posséder ce numéro du dossier. Cette démarche est qualifiée d’« obscurité pratique »50. Or, l’obscurité pratique disparaît

puisque la consultation des informations judiciaires est numérisée. Chacun pourra, en théorie, consulter les données judiciaires depuis son poste informatique. Et cette possibilité est confortée par le mouvement open data.

Une fois le constat de la disparition de l’obscurité pratique établi, la question qui se pose est de savoir s’il faut la remplacer. À cette question, le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la Colombie britannique a répondu : « the ease of paper-to- electronic transformation suggests that the practical obscurity that is often considered to be a feature of paper records is less meaningful than many observers have contended »51 (traduction : « la facilité de transformation du papier en

électronique suggère que l'obscurité pratique qui est souvent considérée comme une caractéristique des documents papier est moins significative que ce que de nombreux observateurs ont prétendu »). Le Professeur Vermeys explique qu’il faut en comprendre

50 Supra note 38.

51 Sale of Provincial Government Computer Tapes Containing Personal Information, Re, 2006 CanLII

(25)

que l'obscurité pratique est morte 52. Par conséquent, plutôt que d'essayer de la raviver, il

faudrait trouver de nouveaux moyens d'atteindre les mêmes objectifs : protéger la vie privée tout en permettant la transparence.

En y réfléchissant, la technologie pourrait même être finalement mieux adaptée à cette fin que les documents papier puisque l’on pourrait, par exemple, mettre en place des techniques de visualisation restreinte, telles que prévues par la Loi concernant le

cadre juridique des technologies de l'information53.

Section 2. Le principe de transparence de la justice comme fondement pour la mise en place de l’open data

D’une certaine manière, il est indéniable que la technologie de l’open data vient au soutien de la transparence de la justice (I). Mais il faut veiller à ce que la mise en ligne de données judiciaires ne finisse pas par desservir le principe de transparence (II), sans quoi l’on pourrait tomber dans une situation contre-productive : si les contenus judiciaires dévoilés doivent participer à l’information du public, il ne faut cependant pas que cela soit poussé à l’extrême. L’on risquerait de se retrouver dans une situation où les justiciables essaieront d’éviter la confrontation avec les tribunaux, et auront recours à des moyens alternatifs tels que l’arbitrage, afin de préserver leur vie privée.

I. L’open data au service du principe fondamental de transparence de la justice

Une justice secrète ne permettrait pas un régime démocratique. Ce principe de la transparence de la justice est traduit par l’exigence de publicité des débats judiciaires : « là

52 Supra note 40.

53 Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, RLRQ c C-1.1, article 25 « La

personne responsable de l’accès à un document technologique qui porte un renseignement confidentiel doit prendre les mesures de sécurité propres à en assurer la confidentialité, notamment par un contrôle d’accès effectué au moyen d’un procédé de visibilité réduite ou d’un procédé qui empêche une personne non autorisée de prendre connaissance du renseignement ou, selon le cas, d’avoir accès autrement au document ou aux composantes qui permettent d’y accéder » (soulignement rajouté).

(26)

où il n’y a pas de publicité, il n’y a pas de justice »54. On l’a vu plus tôt, la publicité est un

élément essentiel du procès équitable. Parfois, il est prévu par les textes55 que le principe de

publicité peut - ou doit - être aménagé dans l’intérêt d’une partie : accès restreint à la salle d’audience, identité des mineurs non divulguée, etc. Mais cela est l’exception. Le principe est que le jugement est rendu publiquement, et que l’accès à la salle d’audience doit être permis dans le but de remplir l’obligation de publicité. Et l’open data est présentée comme un bon moyen pour renforcer ce principe de transparence de la justice.

En France, le sujet est particulièrement actuel : la Loi de 2016 pour une République

numérique, puis la Loi de 2019 de programmation et de réforme pour la justice,

viennent prévoir l’application de l’open data aux décisions de justice. Concrètement, la Loi pour une République numérique dispose que :

« Ces jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées. Cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de réidentification des personnes »56 (soulignement

rajouté).

D’après cet article, la Loi prévoit que la mise à disposition est faite à titre gratuit : c’est le principe de l’open data. De plus, est prévue que l’analyse de réidentification des personnes doit être prise en compte. Cela illustre deux choses : d’une part, la nécessité de trouver un équilibre entre le droit à la vie privée et celui du droit à l’information du public, qui est défendu par le principe de publicité, et, d’autre part, qu’il semblerait que le droit à la vie privée sera garanti par le fait de désidentifier les individus. La Loi de

programmation et de réforme pour la justice 2018-2020 complète en indiquant que la

54 A.G. (Nova Scotia) c. MacIntyre, 1982 CanLII 14 (CSC), [1982] 1 RCS 175, <http://canlii.ca/t/1lpbp> 55 Article 6§1 de la ConvEDH : « (…) Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle

d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » ; Article 14 du Pacte des droits civils et politiques : « (…) Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l'intérêt des bonnes mœurs, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l'intérêt de la vie privée des parties en cause l'exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l'estimera absolument nécessaire lorsqu'en raison des circonstances particulières de l'affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l'intérêt de mineurs exige qu'il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants. »

(27)

mise à disposition se fait « sous forme électronique »57. Et c’est là que le bât blesse. Un

projet de décret pour la mise en application a été rendu public en décembre 2019, mais est source de vives contestations58. En effet, l’un des arguments principaux soulevé par

les professionnels du droit concerne les risques d’atteinte au droit à la vie privée59

qu’engendre l’électronique au vu du nombre de données personnelles contenues dans ce type de documents mis en ligne. Le décret a été publié le 30 juin dernier, sans modification des dispositions qui faisaient l’objet des contestations60.

Dans l’optique de renforcer la confiance des citoyens dans les cours et tribunaux, M. le rapporteur Christophe-André Frassa dit61 à propos des articles 20 et 21

de la Loi du 7 octobre 2016 pour une République :

« L’ensemble des amendements visent un même objectif extrêmement important : garantir l’ouverture, le partage et la réutilisation, autrement dit l’open data des décisions de justice. Ces décisions de justice sont toutes rendues au nom du peuple français et sont publiques. Il apparaît donc opportun de prévoir la mise à disposition de toutes les décisions, et pas seulement de celles publiées par la Cour de cassation ou le Conseil d’État, car elles feraient jurisprudence ».

Le principe est renversé : toutes les décisions de justice doivent avoir le mérite d’être rendues accessibles. Ainsi décidé, il serait intéressant de mener une étude analysant les conséquences sur la jurisprudence… Mais ne nous éloignons pas de notre sujet. Sur la confiance que doit entraîner l’open data vis-à-vis des citoyens, Mme Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d’État au numérique et à l’innovation ayant porté les articles 20 et 21 de la Loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, explique dans un entretien que :

« L’accès au droit reste un enjeu immense pour nos concitoyens et pour le bon fonctionnement de la justice. L’open data s’inscrit dans cet esprit : par la transparence exigée sur les décisions rendues, le numérique offre la promesse historique d’un renforcement démocratique de l’accès au service

57 Article 33 1° de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : « Sous réserve des dispositions particulières qui régissent l'accès aux décisions de justice et

leur publicité́, les jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit sous forme électronique ».

58 Communiqué commun des syndicats de la magistrature, 6 février 2020, en ligne :

<https://www.usma.fr/communiques/communique-commun-aux-syndicats-de-magistrats-tendant-au-retrait-du-projet-de-decret-sur-l-open-data>

59 Supra note 6.

60 Décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des

juridictions judiciaires et administratives, en ligne : <https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000042055251>.

(28)

public de la justice et d’une confiance plus forte des citoyens dans notre système de droit »62.

Elle justifie l’open data par le renforcement démocratique que cette technique peut permettre par la transparence dont elle fait preuve.

Dans la lignée de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen63 (DDHC), les constitutions démocratiques ont progressivement imposé aux

gouvernements de rendre des comptes sur leur fonctionnement. Cela a suscité l’émergence du concept d’accountability (redevabilité), illustré par la mise en place de dispositifs et de pratiques qui exigent que des comptes soient rendus. Par conséquent, l’injonction à l’ouverture des données publiques s’inscrit directement dans la veine de ces dispositifs et dans le cadre de la mise en place d’objectifs et d’indicateurs généralisés. La publication de données ouvertes est ainsi souvent considérée comme une forme supérieure de transparence, réputée plus objective que les procédures de révélation qui l’ont précédée64.

En dehors de cette fonction politique de la publicité de la justice dans une société démocratique, l’open data des décisions de justice ouvre des perspectives d’étude de l’activité des juridictions jusqu’alors inexistantes. Selon le rapport Cadiet65,

l’accès à l’intégralité des décisions rendues dans certains contentieux permettra d’analyser et de mieux documenter des pratiques juridictionnelles et des tendances jurisprudentielles, jusqu’alors « difficiles à appréhender au-delà de la connaissance qu’en avaient les acteurs locaux des juridictions ou des commentaires savants que pouvait en livrer la doctrine ». La diffusion des décisions des juridictions constitue donc, pour le public comme pour les acteurs du droit, une ouverture nouvelle et large sur la justice. À ce propos, le professeur émérite Russell Ackoff, spécialiste notamment de la recherche opérationnelle et de la pensée systémique, avait élaboré une pyramide « du savoir », connu sous le nom de « DIKW Pyramid », pour « Data, Information, Knowledge, Wisdom » (Données, Information, Connaissance, Intelligence). Et les

62 Revue pratique de la prospective et de l’innovation, n° 2, oct. 2017, entretien n°4, p. 9, en ligne :

<http://www.tendancedroit.fr/wp-content/uploads/2017/10/ITW-ppi1702-3.pdf>.

63 Article 15 DDHC : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son

administration ».

64 Jérôme Denis, Samuel Goëta, « Les facettes de l’Open Data: émergence, fondements et travail en

coulisses », p.5, 2017, hal-01622273.

(29)

données apparaissent comme le fondement de toute forme d’information. Par conséquent, la diffusion des données sera vue comme un vecteur de démocratisation de l’information et de l’expertise, permettant l’analyse de divers phénomènes.

Ce principe de transparence semble bien bénéfique sur tous les plans, ou du moins concernant les pans importants des sociétés démocratiques. Cependant, comme le souligne le rapport Cadiet, « la mise à disposition pour le public devra être accompagnée d’une réflexion sur les conditions de diffusion des décisions »66, et,

concernant le Québec, la réflexion portera plus largement sur les données judiciaires. Cette réflexion est évidemment menée dans la perspective du conflit entre la transparence de la justice, et le droit à la vie privée des individus : en effet, on le sait, les documents judiciaires comportent de multiples renseignements personnels.

II. Le principe de transparence, un principe à aménager de manière proportionnelle face au droit à la vie privée

Au Québec, les plumitifs sont librement accessibles en ligne, mais pas de manière gratuite. D’un point de vue français, cela peut sembler surprenant car le contenu des plumitifs contient des renseignements personnels. La controverse existe sur la question de la mise en ligne des plumitifs (A).

Au nom de la transparence de la justice, des données judiciaires sont mis en ligne, telles que les décisions de justice, alors même qu’elles renferment un nombre important de renseignements personnels. Des dérives ont déjà eu lieu par le passé (B). Nous l’illustrerons par l’affaire Globe24h.com.

A. La controverse autour de la question des plumitifs

Les plumitifs n’existent pas dans le système judiciaire français, nous proposerons donc dans un premier temps d’en définir la notion (1). Des remarques seront formulées

(30)

sur la mise en ligne de ces plumitifs, notamment vis-à-vis du principe du finalité poursuivi (2). Les enjeux des plumitifs face au droit à la vie privée sont nombreux (3).

1. Définition

Le plumitif est « un registre public qui regroupe les dossiers judiciaires en matière civile, criminelle et pénale de l’ensemble des tribunaux du Québec »67. Il est tenu par le

greffier pendant l’audience, qui note les diverses phases de l’audience, et l’essentiel des décisions. La consultation des plumitifs est gratuite à partir des terminaux dans les greffes du Palais de justice de toutes les villes du Québec et dans la plupart des Cours municipales68.

Ainsi, au Québec, toute personne peut avoir accès aux plumitifs relatifs à une instance civile ou criminelle, car il s’agit d’informations à caractère public. À cette fin, le site SOQUIJ, qui relève du ministère de la Justice du Québec, a pour mission d’analyser, d’organiser, d’enrichir et de diffuser le droit au Québec. On y trouve les décisions des tribunaux judiciaires et administratifs. Dans le registre civil, le plumitif renferme le nom du demandeur (et du défendeur) principal, le nom de son avocat/cabinet, la nature de l'action et le montant en litige, s'il y a lieu, les décisions abrégées de la Cour suite à certaines auditions (exemple : « rejetée », « accordée »)69.

L’équivalent de ces informations se retrouvent également dans le registre pénal et administratif. Et bien qu’il soit recommandé sur le site de faire appel à un conseiller juridique pour la bonne compréhension des renseignements contenus dans les plumitifs, il reste pourtant accessible à tous sans restriction.

67 Site du Ministère de la justice du Québec :

<https://www.justice.gouv.qc.ca/programmes-et-services/services/consulter-le-plumitif/>.

68 Julie Tondreau, Le manuel de la secrétaire juridique et du parajuriste, éd janvier 2016, Montréal,

Wilson & Lafleur, 2016.

69 Site du Ministère de la justice du Québec :

(31)

2. Remarques

On peut déjà faire état de plusieurs remarques. Il est reconnu que les plumitifs contiennent des renseignements personnels à caractère public. En effet, le droit du public à la transparence ou à la publicité de la justice « est une règle constitutionnelle et SOQUIJ adhère à ce principe »70. L’on reconnaît donc la présence des renseignements

personnels divulgués, et ce au nom de la transparence de la justice, et de la publicité. Mais dans le même temps, il est souligné que les utilisateurs ne sont pas forcément aptes à comprendre : « des connaissances juridiques étant nécessaires pour bien comprendre le contenu des plumitifs, SOQUIJ recommande à ses abonnés d'être prudents lorsqu'ils interprètent ce contenu et de consulter un conseiller juridique au besoin »71. En effet, l’information disponible dans les plumitifs est aride et

fragmentaire72. C’est pourquoi, une fois les informations judiciaires rendues publiques

au nom de la transparence de la justice, il ne faudrait pas prendre pour acquis que les citoyens y accèdent de manière intelligible. L’accès est un bon début, évidemment, mais la compréhension est quand même l’objectif derrière le principe de publicité. Si la mise en ligne des plumitifs permet en théorie l’accès à l’information judiciaire pour tous les justiciables sans égard à leur position géographique, il serait faux de prétendre que les citoyens disposent de tous les outils nécessaires pour pouvoir les consulter (ordinateur, connexion Internet) et les comprendre (vocabulaire juridique, procédure)73.

Il convient dès lors de s’interroger sur les finalités réelles de ce mécanisme de plumitif en ligne, non pas celles voulues en théorie, mais celles qui aboutissent en pratique. La mise en ligne des plumitifs a engendré une tension entre l’accès à l’information publique, qui découle du principe de transparence de la justice, et le droit à la vie privée74. Les enjeux sont multiples.

70 Site SOQUIJ, « Mise en garde importante sur l’utilisation des Plumitifs », en ligne :

<https://soquij.qc.ca/portail/Plumitifs>.

71 Ibid.

72 Projet Accès au Droit et À la Justice (ADAJ), « le plumitif accessible », chantier 2, axe 1 Conscience et connaissance du droit, en ligne : < https://chantier3adaj.openum.ca/>.

73 Sandrine Prom Tep, Florence Millerand, Alexandra Bahary-Dionne, Sarah Bardaxoglou et Pierre

Noreau Chantier 3 : "Le plumitif accessible" : les enjeux liés à l’accès aux registres informatisé en

lignes, dans Pierre NOREAU (dir.), 22 chantiers pour l'accès au droit et à la justice, Montréal, Éditions

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