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Retour au travail à la suite d'un problème de santé mentale : cheminement de travailleurs du secteur privé

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Academic year: 2021

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Retour au travail à la suite d’un problème

de santé mentale

Cheminement de travailleurs du secteur privé

Mémoire

Marisol Moore

Maîtrise en sciences de l’orientation

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Les problèmes de santé mentale représentent actuellement une des plus importante cause d’absence au travail. Des recherches sur les processus de réinsertion au travail à la suite d’un problème de santé mentale ont démontré que le retour au travail est une étape cruciale dans le processus de recouvrement des capacités. Toutefois, peu d’études ont porté spécifiquement sur le cheminement de retour au travail d’employés du secteur privé qui se sont absentés en raison d’un problème de santé mentale. L’objectif de cette étude est de mieux comprendre comment s’articule le cheminement de retour au travail de ces travailleurs tout au long du processus de retour et de cerner les éléments qui sont perçus comme facilitant leur retour et le maintien en emploi. Cette recherche s’appuie sur un devis d’étude qualitative fondé sur l’analyse de 21 entrevues individuelles qui ont été menées auprès d’employés du secteur privé, qui ont effectué un retour au travail à la suite d’une absence en raison d’un problème de santé mentale. L’analyse des entrevues révèle l’importance d’accorder une place aux événements qui surviennent avant l’arrêt de travail dans le processus de retour. En effet, ceux-ci permettent d’identifier des éléments qui ont conduit à la fragilisation de l’état de santé et qui doivent être pris en considération pour faciliter le retour. De plus, la remise en question des valeurs et des compétences, l’absence de mesures de soutien et d’interventions sur les facteurs organisationnels impliqués dans le retrait sont des éléments qui influencent le cheminement des travailleurs au retour au travail. En effet, l’effritement du sentiment de compétence participe à un cheminement en rupture avec la spécialisation professionnelle. En revanche, le maintien d’un lien d’emploi influence le processus de rétablissement et facilite le retour au travail.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1 : La problématique ... 3

1.1 Les éléments qui précèdent l’arrêt de travail ... 7

1.2 La période d’absence ... 12

1.3 Le retour au travail... 21

1.4. Le maintien en emploi comme finalité du processus... 26

1.5. Synthèse et analyse critique ... 28

1.6. Objectif de la recherche ... 32

Chapitre 2 : La méthodologie... 33

2.1. Type d’étude et population ... 33

2.2. La pertinence des entrevues recueillies ... 34

2.3. Le cadre théorique et grille d’analyse... 35

2.4. Méthode d’analyse des données ... 37

2.5. Critères de scientificité de la recherche ... 40

2.6. Considérations éthiques ... 41

Chapitre 3 : Les résultats... 43

3.1. Portrait des participants ... 43

3.2. Les éléments qui précèdent l’arrêt de travail ... 44

3.3. L’arrêt de travail ... 54

3.4. Le retour au travail... 66

3.5. Maintien en emploi et perspective d’avenir... 82

Chapitre 4 : Discussion ... 85

4.1. Tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc : les éléments qui précèdent l’arrêt de travail ... 85

4.2. L’arrêt de travail : faire le point et se reconstruire ... 87

4.3. L’exploration des possibilités de retour au travail... 93

4.4. Le retour au travail : de la continuité à la discontinuité ... 98

4.5 Une expérience qui laisse des traces... 102

4.6. Forces et limites de l’étude ... 104

Conclusion... 107

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Liste des tableaux

Tableau 1 : Répartition des participants selon leur genre et leur catégorie

d’emploi avant l’arrêt de travail ………. 47

Tableau 2 : Répartition des modalités de sortie du travail et de la durée

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ix

Liste des figures

Figure 1 : Proposition d’un modèle intégratif du processus de retour au travail d’après Bernier (1994), St-Arnaud et al., (2003) et Young et al.,

(2005)………... 40

Figure 2 : Proposition d’une démarche d’analyse itérative en quatre étapes

inspirée de Mukamurera, Lacourse et Couturier (2006)………….…… 43

Figure 3 : Cheminements des travailleurs du secteur privé lors de la période

d’exploration……… 68

Figure 4 : Cheminements des retours au travail des travailleurs du secteur privé

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Remerciements

La réalisation de ce projet de recherche a été pour moi une étape parsemée de moments magiques et de défis. Ma maîtrise m’a permis de me réaliser et de me dépasser sur les plans professionnel et personnel. Durant cette aventure, plusieurs individus m’ont offert leur aide, leur support et leur écoute et je tiens simplement à leur rendre hommage, car sans eux, je ne serais pas allée bien loin.

Pour sa gentillesse, son accueil, son ouverture et sa compréhension, la première personne que je tiens à remercier est, sans aucun doute, ma directrice de recherche, Louise Saint-Arnaud. Les précieux conseils et les nombreux échanges que nous avons eus tout au long de ma maîtrise m’ont permis de cheminer et de réaliser ce projet de recherche. Tout simplement merci Louise. Tu es une personne formidable et inspirante; un modèle à suivre.

Ensuite, un merci tout spécial à mon conjoint qui m’a encouragée et qui a toujours cru en moi et en mes capacités. Je savais que tu étais derrière moi pour me supporter et cette présence m’a permis de continuer à avancer malgré les difficultés. Sans toi je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui. Je ne peux passer à côté de tout le soutien que j’ai reçu de mes parents. Par l’intérêt qu’ils ont démontré envers mes études, j’ai toujours su qu’ils avaient à cœur ma réussite et cela m’a donné l’énergie nécessaire pour mener à terme ce projet. Je vous en serai toujours reconnaissant

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Introduction

Ce mémoire a été réalisé dans le cadre du programme de maîtrise en sciences de l’orientation, une formation offerte au sein du département des fondements et pratiques en éducation. Ce domaine de recherche offre la possibilité de réaliser des études sur le développement personnel, vocationnel et social des individus en l’abordant selon plusieurs angles et divers contextes sociaux. Plus précisément, ce mémoire s’inscrit dans le secteur du développement personnel des individus, en lien avec leur expérience de retour au travail à la suite d’une absence en raison d’un problème de santé mentale.

De nos jours, le travail représente bien plus qu’un simple moyen de gagner sa vie; il occupe une place centrale dans la vie des gens. Pour plusieurs, c’est le véhicule idéal permettant de se réaliser, se définir et entretenir des liens sociaux. Or, les nombreux bouleversements que connaît le monde du travail (restructuration, coupure, fusion) affectent les individus, tant sur le plan identitaire que sur celui de la santé mentale (Lapaige, 2006). Ces changements profonds dans le travail ne sont pas sans effets sur les projets de vie des travailleurs. De fait, les problèmes de santé mentale représentent actuellement une importante cause d’absence au travail (Cohidon, Imbernon & Gorldberg, 2009; Dewa, Goering, Lin & Paterson, 2002; Dewa, McDaid & Ettner, 2007; Henderson, Glozier & Elliott, 2005; Vézina & Bourbonnais, 2001). Ces absences, parfois répétées et souvent de longues durées, peuvent mener à une rupture du lien d’emploi et même à une incapacité permanente du travail (Koopsmans, Roelen & Groothoff, 2008). Or, des recherches sur les processus de réintégration professionnelle à la suite d’un problème de santé mentale ont démontré que le retour au travail est une étape cruciale dans le processus de recouvrement des capacités (St-Arnaud, Saint-Jean & Rhéaume, 2003). Qu’advient-il des travailleurs qui se sont absentés en raison d’un problème de santé mentale ? Comment s’effectue leur retour au travail ? Quels sont les éléments qui marquent leur cheminement ?

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L’objectif de cette étude est de retracer et de documenter les cheminements de retour au travail de travailleurs qui se sont absentés à la suite d’un problème de santé mentale. Cette étude s’inscrit au sein d’une recherche plus large menée dans le cadre des travaux de la Chaire de recherche sur l’intégration professionnelle et l’environnement psychosocial de travail auprès de 43 travailleurs du secteur privé qui se sont absentés en raison d’un problème de santé mentale. Dans le cadre de ce mémoire, il est proposé de faire une analyse secondaire des entrevues réalisées auprès des travailleuses et travailleurs qui ont effectué un retour au travail (21 personnes) à la suite de leur absence afin de répondre aux questions suivantes : Quels sont les éléments du cheminement de retour au travail qui sont perçus comme facilitant le retour et le maintien en emploi à la suite d’un arrêt de travail? Comment, à travers le processus de retour, s’articule la question du recouvrement des capacités et de la santé?

Le premier chapitre de ce mémoire portera sur la description de la problématique et permettra de décrire le contexte théorique dans lequel s’inscrit ce mémoire. Le deuxième chapitre se consacre à la description de la méthodologie employée et du cadre théorique privilégié. Le troisième chapitre présente les résultats des analyses des divers parcours menant au retour au travail. Ces derniers seront présentés sous la forme chronologique, c’est-à-dire des éléments qui précèdent l’arrêt jusqu’à la reprise des activités professionnelles. L’interprétation, l’analyse des résultats et les limites de l’étude seront discutées dans le quatrième chapitre. Finalement, la conclusion de ce mémoire comprendra une synthèse des principaux éléments pertinents issus de la recherche avant de suggérer des pistes d’action pour le futur.

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Chapitre 1 : La problématique

Plusieurs études convergent à l’effet que les problèmes de santé mentale représentent actuellement une importante cause d’absence au travail depuis les dernières années (Cohidon, et al., 2009; Dewa, et al., 2002; Dewa, et al., 2007; Henderson, et al., 2005; Thorpe & Chénier, 2011; Vézina & Bourbonnais, 2001; Vézina, St-Arnaud, Stock, Lippel & Funes, 2011). Ces absences, parfois répétées, peuvent mener à une rupture du lien d’emploi et même à une incapacité permanente de travail (Dewa et al., 2002; Koopsmans, et al., 2008; St-Arnaud et al., 2003). En ce sens, les études révèlent que les problèmes de santé mentale seraient responsables d’un taux important d’absentéisme de longue durée et de pertes d’emploi (Blanks, Peters, Pickvance, Wilford & MacDonal, 2008; Dewa, et al., 2002).

Il est complexe de définir ce qu’est la santé mentale. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rappelle que la santé mentale relève d’un état de bien-être et n’est pas nécessairement associée à l’absence de maladie. Une multitude de facteurs sociaux, psychologiques et biologiques déterminent le degré de santé mentale d’une personne à un moment donné (OMS, 2010). De fait, les problèmes de santé mentale peuvent survenir lors d’un changement social rapide, sous des conditions de travail éprouvantes, lors d’une situation de discrimination ou d’exclusion sociale, d’un mode de vie malsain ou d’une mauvaise santé physique. Aussi, certains profils psychologiques et traits de personnalité prédisposent aux troubles mentaux et ces derniers peuvent également être dus à des causes biologiques, telles que les facteurs génétiques et déséquilibres chimiques du cerveau (OMS, 2010).

Dans le cadre de leurs écrits, au sujet des travailleurs qui présentent une incapacité de travail associée à un problème de santé mentale, Corbière et Durand (2011)

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privilégient l’utilisation du terme trouble mental ou maladie mentale pour qualifier les problèmes de santé mentale lorsqu’ils sont suffisamment manifestes pour être diagnostiqués. Cette notion englobe tous les types de problèmes de santé mentale qu’ils soient associés ou non au travail.

Pour leur part, Nieuwenhuijsen, Verbeek, Siemerink, & Tummers-Nijsen, (2003) réfèrent plus largement à la notion de problèmes de santé mentale transitoires lorsqu’ils parlent des travailleurs qui s’absentent en raison d’un problème de santé mentale. Selon eux, les problèmes de santé mentale vécus par les travailleurs seraient surtout de nature transitoire et peuvent être regroupés en trois catégories, soit : 1) les troubles de l’humeur dont fait partie la dépression majeure; 2) les troubles anxieux et 3) les troubles d’adaptation dont l’épuisement professionnel. À cet effet, il semble que la majorité des travailleurs qui s’absentent du travail en raison d’un problème de santé mentale souffre de troubles transitoires et en particulier, de troubles d’adaptation, caractérisés par des réactions inadaptées en présence d’un agent stressant identifiable et se manifestent par des difficultés dans le fonctionnement professionnel ou personnel. Aussi, les travailleurs qui vivent un trouble transitoire pourront, dans le cadre du processus de rétablissement, connaître une réduction marquée et même une disparition complète des symptômes de la maladie et reprendre leur activité professionnelle. C’est ce qui les distinguent des personnes qui sont aux prises avec des troubles mentaux sévères et persistants dont le parcours professionnel est davantage marqué par des difficultés d’insertion professionnelle (Corbière & Shen, 2006; Pluta & Accordino, 2006; St-Arnaud et al., 2007). Selon Hendersen et al., (2005), les troubles transitoires seraient davantage responsables de l’augmentation des absences-maladies observée en milieu de travail que les troubles mentaux sévères et persistants.

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À ce sujet, un groupe d’experts en santé au travail (Vézina, Cousineau, Mergler & Vinet, 1992), qui a été mandaté par le Ministère de la Santé et des Services sociaux pour décrire et analyser les atteintes à la santé mentale reliées au travail, proposent l’utilisation du terme problème de santé mentale pour décrire les atteintes à la santé mentale vécue par les travailleurs exposés à des risques psychosociaux au travail. En ce sens, au cours des dernières années, plusieurs études ont démontré que l’exposition à des facteurs de risques dans l’environnement psychosocial de travail, tels qu’une trop grande demande, de l’insécurité d’emploi, peu de possibilités d’avancement, le faible de soutien social, est associé à l’apparition de symptômes dépressifs (Rugulies, Bultmann, Aust, & Burr, 2006; Sardas, Dalmasso & Lefebvre, 2011). La première phase décrit l’ensemble des signes et symptômes avant-coureurs de la maladie. Elle se traduit par un ensemble de réactions physiques, psychologiques ou comportementales, telles que l’irritabilité, des réactions anxieuses, de la fatigue excessive, une diminution des capacités intellectuelles qui se manifestent pendant que la personne est encore au travail. La seconde phase des atteintes à la santé mentale traduit un ensemble de symptômes cliniques suffisamment organisés pour amener le travailleur, exposé à des risques psychosociaux au travail, à consulter un professionnel de la santé et à devoir se retirer du travail. C’est généralement à ce niveau d’atteinte que le médecin va poser un diagnostic tel que le trouble d’anxiété généralisé, la dépression à laquelle s’apparente l’épuisement professionnel, la détresse post-traumatique, etc. C’est à ce stade que Corbière et Durand (2011) proposent l’utilisation du terme trouble mental. Enfin, la troisième et dernière phase est caractérisée par un processus de chronicisation des problèmes de santé mentale dans le temps. À cette étape, non seulement la pathologie peut affecter plusieurs systèmes de l’organisme, mais elle peut également conduire à une incapacité permanente de travail et même la mort (suicide). Ce troisième stade montre comment l’évolution des troubles transitoires peut conduire à des problèmes chroniques et irréversibles. Aussi, l’intérêt de

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ce modèle est de décrire une expérience de santé selon un continuum de l’évolution des problèmes de santé mentale.

Dans le cadre de ce mémoire, l’expression problème de santé mentale sera privilégiée pour aborder les divers problèmes de santé mentale vécue par les travailleurs et pouvant mener à un arrêt de travail. Cette notion englobe, à la fois, les troubles transitoires et plus sévères susceptibles de marquer l’expérience de santé des travailleurs, mais aussi, les problèmes de santé mentale qu’ils soient reliés ou non au travail.

Diverses appellations sont également utilisées pour faire référence au retour au travail. Des auteurs proposent d’utiliser différents termes selon le niveau d’atteinte à la santé (Corbière et Durand, 2011). En effet, dans leur présentation de la terminologie en fonction des situations de travail, Corbière et Durand considèrent qu’il est question de « retour au travail » lorsque les personnes effectuent un retour sur le marché du travail alors qu’un lien d’emploi avec l’organisation d’origine a été maintenu durant l’absence. Selon eux, le retour au travail s’adresse particulièrement aux personnes qui présentent un trouble mental transitoire. Par ailleurs, lorsque le retour s’effectue sans qu’aucun lien d’emploi avec une organisation spécifique n’ait été maintenu, les auteurs proposent d’utiliser le terme « réintégration au travail », ce qui serait davantage le cas pour les personnes atteintes de troubles mentaux sévères et persistants. Puisqu’il est difficile de déterminer a priori si les travailleurs vont retourner au même endroit ou non à la suite d’une absence en raison d’un problème de santé mentale, le terme retour au travail sera privilégié dans le cadre de cette étude.

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De fait, le processus de retour au travail à la suite d’un problème de santé mentale est complexe et plusieurs facteurs sont à prendre en considération dans sa composition (Franche & Krause, 2002). La définition du retour au travail proposée par Young, Roessler, Wasiak, McPherson, van Poppel et Anema (2005) reflète bien cette complexité. Ces derniers décrivent le retour au travail à la suite d’un problème de santé comme étant une étape cruciale, marquée par une « série d’événements, de transitions et

de phases à l’intérieur desquels le travailleur interagit avec son environnement et divers individus » [traduction libre] (p.559).

Pour mieux saisir les différentes étapes du processus de retour au travail, l’état des connaissances qui suit présente une recension d’écrits qui s’articule autour des principales étapes du processus de retour au travail, soit les éléments qui précèdent l’arrêt, la période d’absence, le retour au travail et le maintien en emploi.

1.1 Les éléments qui précèdent l’arrêt de travail

Se retirer du travail en raison d’un problème de santé mentale est rarement quelque chose qui survient de manière imprévue. Comme le montre le modèle de Vézina et al., (1992) les travailleurs vont vivre, pendant une période plus ou moins longue, avec les signes et symptômes avant-coureurs de la maladie et ce, tout en étant encore présents au travail. St-Arnaud, Saint-Jean et Damasse (2004a) expliquent que de manière générale, les travailleurs vont tenter de combattre ces signes et symptômes en prenant des vacances ou en utilisant des journées de congé. Cependant, ces journées de repos finiront par ne pas suffire à combattre les signes et symptômes de la maladie et même, certains symptômes vont s’ajouter ou s’intensifier jusqu’au moment où l’arrêt de travail deviendra nécessaire. Le développement progressif des problèmes de santé mentale suggère que le processus s’enclenche avant l’arrêt de travail et que les éléments qui

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précèdent l’arrêt font office de terreau fertile à la maladie. La section qui suit présentera les études qui ont porté sur les éléments qui précèdent l’arrêt de travail et sur les déterminants de la maladie.

1.1.1 Apparition et acceptation du problème de santé mentale

Une étude qui a tenté de décrire le processus de retour au travail en y incluant des éléments qui précède l’arrêt est celle de Bernier (1994; 1998). Elle a été réalisée auprès de travailleurs qui se sont absentés du travail en raison d’un problème de santé mentale défini comme un épuisement professionnel. Cette étude visait à cerner les différentes étapes du processus de résolution de la crise liée à un épuisement professionnel et à identifier les diverses stratégies utilisées par les travailleurs pour s’en sortir. Cette étude s’appuie sur un devis de recherche qualitatif à partir d’entrevues individuelles menées auprès 36 personnes s’étant absentées du travail en raison d’un problème d’épuisement professionnel dont 20 professionnels issus des sciences sociales (psychologues, travailleurs sociaux, criminologues) et 16 travailleurs appartenant à diverses professions dans le but d’assurer une meilleure généralisation des résultats. L’étude de Bernier a mené à l’identification de six étapes du processus de recouvrement des capacités à la suite d’un épuisement professionnel. L’auteure utilise le terme de « résolution de la crise » pour rendre compte de ce qu’elle nomme les « cas à succès », à savoir les participants qui ont passé à travers tout le processus, du retrait jusqu’au retour au travail.

La première étape du processus de retour au travail se présente en aval du retrait. Elle est caractérisée par le moment où le travailleur commence à éprouver un inconfort, tant sur le plan physique que mental. Cette étape est caractérisée par une forme de résistance. Malgré les pressions exercées par la famille et les proches, les personnes refusent d’admettre la présence d’un problème de santé mentale et repoussent le moment

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de la consultation et de l’arrêt de travail. D’autres études font état de cette résistance puisque les préjugés, associés aux problèmes de santé mentale, sont encore très présents en milieu de travail et les personnes qui souffrent de tels problèmes craignent la stigmatisation qui peut en résulter (Haslam, Atkinson, Brown & Haslam, 2005; Stuart, 2004). Une étude mixte comprenant une trentaine d’entrevues, menée auprès de 1 010 travailleurs dont 479 gestionnaires, a fait ressortir que les travailleurs qui souffrent d’un problème de santé mentale croient qu’ils seront écartés des possibilités d’avancement, qu’ils auront des augmentations de salaires moindres, que leur employeur pourrait les inciter à démissionner et que des perceptions négatives seraient maintenues envers elles à la suite de leur rémission (Thorpe & Chénier, 2011). Ces craintes associées au dévoilement du problème de santé mentale semblent justifiées. Dans une revue de littérature portant sur la discrimination des travailleurs qui sont aux prises avec un problème de santé mentale, Stuart (2006) affirme que les travailleurs qui ont dévoilé leur problème de santé sont victimes de discrimination et connaissent davantage d’iniquités dans leur travail. Les motifs qui alimentent cette résistance contribuent à repousser le moment de la consultation et influencent la durée qui précède le retrait du travail (Bernier, 1994; St-Arnaud, et al., 2004a).

Dans le cadre de son étude, Bernier (1994) identifie comme une étape la distanciation des sources de stress. Ce moment est celui où la personne s’absente afin de mettre à distance des éléments stressants de son travail. L’étude de Bernier fait état des modalités de distanciation, soit la démission, le congé de maladie, le congé sans solde. Toutefois, l’auteure n’aborde pas les éléments qui sont considérés comme étant stressants pour les travailleurs et pour cause, plusieurs études ont démontré que les incapacités provoquées par les problèmes de santé mentale dépendent d’une multitude de facteurs (Nieuwenhuijsen, Verbeek, de Boer, Blonk & van Dijk, 2006; Pluta & Accordino, 2006; van der Klink & van Dijk, 2003).

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1.1.2 Interaction dynamique des facteurs conduisant au problème de santé Pour mieux comprendre comment s’articulent les divers facteurs qui interagissent entre eux et influencent la santé mentale et la capacité de travail des personnes, le modèle de la dynamique des facteurs impliqués dans le processus de désinsertion et de réinsertion professionnelle permet de situer dans le temps les éléments qui ont précédé l’arrêt de travail, les facteurs liés à l’arrêt de travail, ceux liés au processus de restauration des capacités et au retour au travail (St-Arnaud et al., 2003). Ce modèle a été développé à partir d’une étude quantitative menée auprès de 1850 travailleurs québécois issus des secteurs publics et parapublics qui s’étaient absentés en raison d’un problème de santé mentale (St-Arnaud, et al., 2007) et d’entrevues en profondeur menées auprès de 51 de ces travailleurs (St-Arnaud et al., 2003). Il met en lumière le caractère complexe et dynamique du processus de retour au travail et montre comment les caractéristiques individuelles, les événements stressants hors travail et l’environnement psychosocial de travail interagissent entre eux et façonnent la capacité de travail et la santé mentale des travailleurs.

Dans leur modèle, St-Arnaud et al., (2003) distinguent les événements qui ont précédé l’arrêt de travail en trois catégories de facteurs. D’abord, les événements stressants de nature personnelle, qui sont donc hors travail, contribuent à la fragilisation de l’état de santé des travailleurs. Parmi eux on retrouve la maladie d’un proche, le deuil, les difficultés conjugales, etc. Il y a également les facteurs qui prédisposent à la maladie qui, eux, sont de nature psychologique, notamment les antécédents de troubles psychiatriques. Finalement, la troisième catégorie est celle qui comprend les facteurs qui précipitent l’arrêt de travail dont fait partie le travail et ses transformations.

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D’autres auteurs ont également abordé la notion de facteurs qui accélèrent le retrait du travail. Dans une étude qualitative réalisée auprès de quarante personnes ayant vécu une rupture professionnelle, Denave (2006) rapporte que c’est la venue d’un événement déclencheur qui précipite la sortie professionnelle. Cet événement désorganise le quotidien puisqu’il entraîne une série de bouleversements dans les diverses sphères de vie des personnes, réduisant ainsi leurs marges de manœuvre. Ces changements favorisent l’émergence d’un contexte singulier qui va entraîner la sortie du travail. Pour les 40 personnes rencontrées par Denave (2006) les deux-tiers ont déclaré que l’événement déclencheur était de nature professionnelle et le tiers des personnes ont affirmé que des événements familiaux ont entraîné des bouleversements dans leur vie. Certains auteurs appellent à la vigilance avec la notion d’événement. En effet, selon Zarifian (1995) on caractérise « d’événement » une situation qui revêt un caractère particulier chargé de sens pour l’individu qui le vit. Ainsi, comme le mentionne Denave (2006), les faits rapportés par les travailleurs ayant vécu une rupture professionnelle sont décrits comme étant des événements déclencheurs de la sortie professionnelle, mais ils ne sont pas nécessairement reconnus comme en étant la cause (Denave, 2006).

Cependant, plusieurs études ont démontré que les personnes qui s’absentent du travail en raison d’un problème de santé mentale considèrent que le travail est l’élément qui a le plus contribué à la détérioration de leur état de santé et à l’apparition des problèmes (Cohidon, et al., 2009; St-Arnaud, et al., 2007; Vézina, et al., 2011). Les travaux de St-Arnaud et al. (2007), menés auprès de 1850 travailleurs qui se sont absentés du travail en raison d’un problème de santé mentale, révèlent que seulement 9 % des personnes ont fait référence à leur vie personnelle pour expliquer leur problème de santé et leur arrêt de travail. Pour 32 % des personnes interrogées, le problème de santé mentale et l’arrêt de travail sont directement liés à leur travail. Enfin, près des deux tiers des répondants (63 % des femmes et 50 % des hommes) considèrent que leur

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problème est dû, à la fois, à leur vie personnelle et à leur travail. Autrement dit, pour 90 % des travailleurs qui se sont absentés du travail en raison d’un problème de santé mentale, le travail est, en totalité ou en partie, considéré comme responsable de la détérioration de leur état de santé. Plus récemment, les données de l’enquête québécoise sur la santé et la sécurité dans le travail ont révélé que 60 % des travailleurs qui ont fait état de symptômes dépressifs importants au cours de la dernière année attribuent ces symptômes, en tout ou en partie, à leur travail (Vézina et al., 2011).

Ainsi, les événements qui précèdent l’arrêt de travail, allant de la reconnaissance du problème à la distanciation des sources de stress, sont des éléments qui font partie du processus de retour au travail puisqu’ils sont chargés de sens et qu’ils entraînent de nombreux changements dans le cheminement des travailleurs.

1.2 La période d’absence

L’arrêt de travail permet de dégager du temps pour reconstruire sa santé. C’est à ce moment que la personne prend conscience de l’ampleur des atteintes à sa santé et qu’elle doit accepter de prendre le temps nécessaire pour récupérer (St-Arnaud et al., 2003). Au début, la personne passe par un écroulement complet où les pleurs accompagnent le trop-plein accumulé avant l’arrêt. Selon Eriksson, Starrin et Janson (2008), cette période est le point culminant du long processus de détérioration de la santé. Elle permet également une reprise de contact avec soi se caractérisant par un relâchement et par un processus de détente émotionnelle, physique et mentale qui est nécessaire à la restauration des capacités (Bernier, 1994).

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Une étude menée dans le domaine de la réinsertion des travailleurs ayant subi une lésion professionnelle a présenté l’expérience de réinsertion des travailleurs en deux volets (Braril, Martin, Lapointe & Massicotte, 1994). Le premier volet, le cheminement, réfère à l’expérience personnelle telle qu’elle est vécue par le travailleur concernant son parcours, sa carrière sociale et son itinéraire personnel. Le second volet, la trajectoire, est composé de tous les procédés médicaux, administratifs et légaux qui régissent et encadrent le travailleur lors de son arrêt. La section qui suit présentera la période d’absence du travail selon les caractéristiques de ces deux volets.

1.2.1 Expérience personnelle liée à l’arrêt de travail

Les travaux de Bernier (1994; 1998) indiquent que l’arrêt de travail à la suite d’un épuisement professionnel est une étape charnière du processus de résolution de la crise. Le questionnement des valeurs qui s’opère durant l’absence est un moment d’analyse et de réflexion sur soi durant lequel la personne s’explique ce qui s’est passé et tente de trouver un sens aux événements vécus. Ce travail interne est un passage douloureux puisque les travailleurs font le grand ménage de leur vie. Personnalité, identité, valeur, tout sera passé au peigne fin afin que la personne puisse prendre un nouveau départ.

Cette menace à leur identité survient à une étape où les travailleurs en absence se sentent très vulnérables et craignent de ne pas retrouver leurs capacités d’autrefois (St-Arnaud et al., 2004a). Baril, Martin, Lapointe et Massicotte (1994) proposent certaines explications concernant cette remise en question et les atteintes à la personne. En effet, ces auteurs révèlent que les travailleurs qui ont subi une limitation fonctionnelle développent des images négatives d’eux-mêmes et de leur incapacité. Il est possible de transposer cette perception pour les travailleurs qui s’absentent du travail en raison d’un

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problème de santé mentale, car eux aussi connaissent, d’une certaine façon, une forme de limitation entraînant une incapacité de travail. Les auteurs ajoutent que l’image négative peut entraver le processus de réintégration professionnelle et sociale. En ce sens, Bernier (1994) expose que l’interruption des activités professionnelles découlant de l’arrêt de travail en raison d’un problème de santé mentale interfère avec les objectifs professionnels poursuivis par les travailleurs.

L’étape du questionnement de soi et de ses valeurs de Bernier (1994) ressemble à celle décrite par Strauss (1992) lorsqu’il a analysé les trajectoires des personnes atteintes de maladie chronique. En effet, la discontinuité entre les éléments du passé et le moi présent entraîne un travail biographique où il faut faire un bilan et se réévaluer à nouveau afin d’adopter de nouvelles attitudes. Même si, à première vue, cette étape est de nature personnelle, Strauss considère qu’elle est également socialisée et socialisante. En effet, l’interprétation de l’expérience vécue est structurée en regard des éléments sociodémographiques du groupe d’appartenance de la personne (statut social, profession, etc.) qui s’inter-influencent dans le processus. Pour Bernier (1994), les valeurs associées au travail sont celles qui sont majoritairement remises en question puisque cette sphère a été grandement investie. Ce dernier occupe encore une place importante dans le processus de retour.

1.2.2 Le traitement et les acteurs de la gestion médico-administrative

En plus de tout ce travail émotionnellement exigeant, les travailleurs qui s’absentent du travail en raison d’un problème de santé mentale vivent beaucoup

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d’inquiétude en lien avec l’anticipation du retour (St-Arnaud et al., 2004a; St-Arnaud, Saint-Jean & Damasse, 2006). La crainte d’un retour hâtif dans des conditions où ils se sentent démunis et vulnérables est une source d’angoisse qui freine le processus de rétablissement. Ce sentiment d’impuissance face au retour au travail est lié aux différentes étapes qu’ils doivent traverser qui sont souvent dictées par les procédures de gestion médico-administratives des absences (St-Arnaud et al., 2003).

En ce qui concerne le traitement utilisé pour résoudre leur problème de santé mentale, les travailleurs en absence ont majoritairement recours à des traitements de nature pharmacologique ou psychothérapeutique (St-Arnaud et al., 2003, 2006). Ces traitements sont parties prenantes du processus et ils ont fait l’objet de nombreuses études au cours des dernières années (Blonk, Brenninkmeijer, Lagerveld, & Houtman, (2006); Brenninkmeijer, Houtman & Blonk, 2008; Nieuwenhuijsen, Verbeek, de Boer, Blonk & van Dijk, 2004; van der Klink & van Dijk, 2003). De ces études, émerge un constat à l’effet que s’attarder uniquement à la résolution des problèmes de santé par des traitements individuels n’est pas une solution suffisante pour que le travailleur retourne au travail.

En effet, plusieurs autres éléments entrent en jeu lorsqu’il est question du retour au travail. Tout comme dans les cas d’absence en raison d’un problème de santé physique, plusieurs acteurs peuvent être impliqués au dossier des travailleurs qui s’absentent en raison d’un problème de santé mentale (Baril et al., 1994). Ces acteurs sont, par exemple, les personnes responsables du département de la gestion d’invalidité de l’entreprise, les assureurs, le médecin et des médecins spécialistes (psychiatre) ou autres intervenants, ce qui multiplie les points de vue concernant l’absence et la maladie et peut créer une certaine confusion pour les travailleurs (Baril et al., 1994; Franche, Baril, Shaw, Nicholas et Loisel, 2005). Dans leur recension systématique de la littérature sur la

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prévention de l'invalidité et la communication entre les différents acteurs, Pransky, Shaw, Franche et Clarke (2004) font ressortir l’importance de la collaboration et de la communication entre les différents acteurs. En outre, la concertation de tous est nécessaire pour assurer une meilleure cohérence entre les diverses interventions et ce, en dépit des différents paradigmes de ces intervenants.

En ce sens, le processus médical est souvent une source de stress et d’inquiétude pour les travailleurs qui s’absentent en raison d’un problème de santé mentale (St-Arnaud et al., 2004a, 2006). Ces derniers se demandent si leur médecin sera en mesure de déceler leur souffrance ou s’il leur prescrira un retour au travail précipité. Baril et al., (1994) ajoutent que l’implication de plusieurs acteurs dans le processus peut faire naître un sentiment d’insécurité et de perte de pouvoir pour le travailleur en absence. De fait, les travaux de Baril et al., (1994) permettent de saisir l’importance de la relation entre le travailleur absent en raison d’une lésion professionnelle et son médecin. Les auteurs expliquent que la prescription de la date de retour relève de ce dernier. Ainsi, lorsqu’il est possible pour le travailleur de discuter de ses conditions de travail, le médecin peut alors prendre une décision éclairée par le point de vue de son patient et prescrire un retour au travail adapté aux conditions réelles de ce dernier.

À l’inverse, lorsque la décision du retour est remise dans les mains d’un expert, le travailleur peut éprouver le sentiment de ne plus avoir aucun regard quant à son retour au travail. Cette pratique de gestion est vécue très difficilement par les travailleurs qui l’associent à la non-reconnaissance de leur problème de santé (St-Arnaud et al., 2004, 2006). Selon St-Arnaud et al., (2004b, 2006), être confronté à ce type de pratique génère des émotions et des réactions négatives qui peuvent nuire au processus de rétablissement et au retour au travail.

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En effet, St-Arnaud et al., (2003) décrivent que la période de récupération peut être sapée lorsque les travailleurs vivent de l’angoisse générée par l’anticipation d’un retour prématuré. De plus, les auteurs révèlent que l’imposition d’une date de retour pour des travailleurs non rétablis a entraîné une trajectoire difficile marquée par la vulnérabilité et la peur d’une rechute.

1.2.3 L’anticipation et l’exploration des possibilités de retour

Toute l’importance accordée au milieu de travail durant la période d’absence trouve son sens dans les travaux de Dejours (1995). En effet, la dynamique des rapports sociaux de travail permet aux travailleurs de construire leur identité et elle agirait comme un moyen de protéger leur équilibre et leur santé. En partant de ce principe, la restauration des capacités de travail doit également passer par la reconstruction du sens et du lien au travail.

En ce sens, dans une étude menant à l’implantation d’un programme intégré de mesures de soutien au retour au travail, St-Arnaud et al., (2011a, 2011b) ont élaboré une démarche qui repose sur le rôle central du travail sur la santé et le maintien en emploi des travailleurs qui s’absentent en raison d’un problème de santé mentale. Une des prémices de ce modèle est que les facteurs de l’environnement psychosocial susceptibles de nuire au retour au travail doivent faire partie du protocole d’évaluation des travailleurs en absence.

Pour y arriver, la démarche repose d’abord sur l’engagement de la haute direction. De fait, plusieurs études ont souligné le rôle central des gestionnaires dans le processus du retour au travail (Caveen, Dewa & Goering, 2006; St-Arnaud et al., 2011a). De plus,

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selon Gates (1993), l’engagement et l’attitude positive de la direction sont des éléments qui favorisent un meilleur succès dans les interventions auprès des travailleurs. De leur côté, Caveen, et al., (2006) reconnaissent que l’implication et le support de la direction dans le processus du retour au travail sont des mécanismes qui favorisent et encouragent les employés à revenir dans de plus brefs délais et dans des conditions plus adaptées à leur état de santé. Parmi les facteurs qui pourraient expliquer la plus courte période d’absence des employés recensés dans leur étude, il ressort que le leadership, la responsabilisation et la communication entre la direction et les différents acteurs impliqués dans le retour au travail sont ceux qui ont été les plus déterminants. Les résultats d’autres travaux soutiennent que l’absence de soutien de la part des collègues pendant la période de convalescence peut contribuer à l’allongement de la période où le travailleur sera absent de son travail (Post, Krol & Groothoff, 2005). Ainsi, pour préparer le retour au travail et favoriser une attitude de soutien de la part des collègues, il est impératif que l’organisation demeure en contact avec l’employé (Nieuwenhuijsen et al., 2004) et cela doit être orchestré afin de permettre au travailleur de s’engager dans son processus de retour en toute confiance (St-Arnaud et al., 2011a).

Pour être en mesure de créer un climat favorisant la confiance et les échanges, St-Arnaud et al., (2011) misent sur le rôle stratégique d’un coordonnateur responsable des activités de soutien auprès des travailleurs en absence. Cette tierce personne, qui procède à l’évaluation des besoins du travailleur en matière de soutien au rétablissement, veille également à préparer le milieu de travail au retour du travailleur. L’essentiel de son travail auprès du travailleur absent consiste à favoriser une réflexion sur l’anticipation du retour tout en renforçant le sentiment d’efficacité personnelle (St-Arnaud et al., 2011a). Cette démarche vise l’identification de cibles, par exemple : la charge travail, la

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clarification des rôles, etc., qui feront l’objet d’un plan de retour au travail qui sera partagé avec le supérieur immédiat préalablement au retour du travailleur.

Cette possibilité d’analyser et d’agir dans l’environnement psychosocial de travail vient contrecarrer les effets de l’anticipation du retour au travail dans des conditions inchangées, qui elle, influencerait de manière négative le processus de retour au travail (St-Arnaud, et al., 2006). Cela se révèle particulièrement important chez les travailleurs qui ont attribué leur problème de santé à divers facteurs liés au travail, pour qui le retour dans les mêmes conditions est d’autant plus difficile que risqué (St-Arnaud et al., 2007).

Cette intervention en amont du retour va également dans le sens d’une étude qui a démontré que le fait d’apporter des changements dans le travail diminuerait les appréhensions liées au retour. En effet, selon Brenninkmeijer et al. (2008), cette mesure préventive était liée à une meilleure prédiction du retour au travail pour les travailleurs absents en raison d’un problème dépressif. C’est également ce qui est soulevé par Blonk et al., (2006) à l’effet que l’identification des obstacles liés au retour au travail, par le biais d’interventions intégrées avec le milieu, contribue à la résolution du problème de santé et à la diminution de la durée de l’absence (Blonk et al. 2006).

De son côté, Bernier (1994) a décrit une dernière étape avant de mener au véritable retour au travail qu’elle qualifie de période d’exploration des possibles. Cette étape s’inscrit dans la reconstruction du lien avec le travail puisqu’elle est dédiée à la reprise du contact avec le monde du travail. Elle regroupe toutes les activités liées à la recherche d’emploi et aux emplois à l’essai. C’est le moment où les travailleurs commencent à reconstruire leur avenir professionnel selon les opportunités qui s’offrent à eux. Durant cette étape, les personnes oscillent entre l’autoprotection et la détermination. Conscients

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de la fragilité de leur état de santé, ils font preuve de prudence afin de ne pas vivre à nouveau une épreuve douloureuse. Cette tendance à l’autoprotection n’est pas étrangère au fait que le retour au travail est une étape marquée par diverses appréhensions et des risques de rechute (Druss, Schlesinger & Allen, 2001; St-Arnaud et al., 2007). Selon Bernier (1994), les valeurs et convictions qui ont émergé lors de la période de la restauration des capacités sont affichées et défendues avec courage. Elles sont le moteur permettant de cheminer vers le retour au travail.

Pour certains travailleurs, cette étape représente un moment idéal pour s’ouvrir sur de nouveaux horizons et se mettre à l’essai. Elle coïncide à ce que Denave (2006) a identifié comme étant l’étape de la construction d’un nouvel avenir. En effet les travaux de cette chercheure, menés auprès de travailleurs ayant connu une rupture professionnelle, ont permis d’identifier différentes voies de réinsertion professionnelle. Certains travailleurs vont réactiver certaines aspirations professionnelles qui avaient été mises en veille pour s’y investir. D’autres vont décider d’investir professionnellement des activités extraprofessionnelles faisant ainsi, d’un passe-temps ou d’un loisir, un travail rémunéré. L’élément central de cette étape est qu’elle n’est qu’un moment préparatoire à l’engagement dans une nouvelle profession.

Toutefois, en ce qui concerne les travailleurs qui reviennent au travail à la suite d’un problème de santé mentale, la période d’exploration ne sera pas nécessairement poussée aussi loin que ceux qui ont vécu une rupture professionnelle, puisque bon nombre d’entre eux vont réintégrer leur poste de travail (Bernier, 1994; St-Arnaud et al., 2003).

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1.3 Le retour au travail

Le retour au travail est un processus complexe qui est influencé par une multitude de variables telles que le niveau de soutien, la résolution ou non du problème de santé, le contexte et les conditions de travail dans lequel il s’effectue pour ne nommer que celles-ci. Cependant encore peu d’études ont examiné les liens entre les divers aspects du travail et le retour au travail, à l’exception du soutien social des collègues et des supérieurs (Huijs, Koppes, Taris & Blonk, 2012). Pourtant, il est reconnu que pour les personnes qui se sont absentées du travail en raison d’un problème de santé mentale, le retour peut représenter une source de stress et d’inquiétude et être vécu difficilement si les facteurs liés au travail n’ont pas été pris en considération (St-Arnaud et al., 2007). Autant dans le domaine de la réhabilitation que dans celui de la santé au travail, des études ont démontré que le retour au travail est une étape cruciale qui doit avoir fait l’objet d’une planification bien avant la journée de retour, durant la période d’absence (Durand, Vachon, Loisel & Berthelette, 2003; St-Arnaud et al., 2011a).

Cependant, dans leur étude sur la réinsertion professionnelle à la suite d’un problème de santé mentale, St-Arnaud et al., (2003) révèlent qu’au sein de l’activité de travail, la santé des travailleurs poursuit sa reconstruction. En effet, les auteurs affirment que le retour au travail survient généralement avant que les travailleurs aient retrouvé complètement leur santé et que le recouvrement complet s’effectue au fil du temps lorsque les travailleurs sont à la tâche. Ainsi, la possibilité de revenir progressivement au travail, de bénéficier de l’accueil et du soutien des collègues et des supérieurs et d’apporter des changements aux conditions qui ont contribué au retrait du travail sont parmi les éléments qui favorisent le retour au travail réussi (St-Arnaud et al., 2003, 2007). Ces divers aspects composant le retour au travail seront abordés dans la section suivante.

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1.3.1 Retour progressif au travail

Afin de soutenir le travailleur dans son rétablissement et dans le recouvrement de ses capacités de travail, les modalités de retour au travail progressif sont facilement mises en place par les employeurs (St-Arnaud et al., 20004b). Selon le modèle de retour au travail thérapeutique de Durant et Loisel (2001), le retour progressif est même considéré comme une mesure essentielle du retour au travail. En ce sens, la possibilité de revenir au travail à temps partiel serait également associée à une plus courte durée de l’absence. En effet, les résultats d’une étude menée auprès de 828 travailleurs allemands s’étant absentés du travail en raison de problème de santé physique, de santé mentale ou les deux, montrent que le fait de pouvoir retourner au travail à temps partiel est associé à un retour plus rapide au travail à temps plein (Huijs et al., 2012). Les auteurs expliquent que le retour à temps partiel permet au travailleur de s’exposer progressivement au travail et qu’il sert d’expérience positive pour les travailleurs.

En dépit de l’usage répandu de cette pratique de retour au travail, les auteurs appellent à la prudence. En effet, revenir progressivement dans les mêmes conditions qui ont contribué à l’émergence du problème de santé mentale peut s’avérer risqué pour les personnes (St-Arnaud et al., 2007). De plus, les supérieurs devraient considérer ce retour au travail comme un entraînement à la tâche puisque le travailleur ne reviendra pas en pleine possession de ses capacités et de ses moyens (Durand & Briand, 2011). Ainsi, le retour au travail progressif devrait être considéré comme étant une période de reprise de contact avec le travail, car après une période d’absence il faut laisser du temps aux travailleurs pour qu’ils se réhabituent au travail (Durand & Briand, 2011).

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Or, dans un contexte de rentabilité et d’atteinte des objectifs, le retour progressif, souvent marqué du paradoxe « prends ton temps, mais fais ça vite », ne permet pas toujours au travailleur de bénéficier du soutien réel dont il a besoin pour retrouver ses capacités (St-Arnaud et al., 2004a). Ainsi, pour être efficace, le retour progressif doit se réaliser dans des conditions propices afin de réellement fournir au travailleur un espace de reconstruction de sa capacité de travail.

D’autres auteurs rappellent que le retour progressif ne doit pas se faire au détriment des collègues de travail qui hériteraient d’une charge de travail supplémentaire en raison de cette mesure d’accommodement. Selon les données de Baril et al, (1994), ces derniers pourraient réagir négativement envers ce qui pourrait être considéré comme étant un privilège de la part de l’employeur. À cet effet, Durand et Loisel (2001) recommandent que l’employé qui effectue le remplacement du travailleur en absence demeure en poste durant la période de retour progressif assurant ainsi une meilleur efficacité de la mesure.

Enfin l’utilisation du retour progressif présente des aspects intéressants qui méritent d’être considérés lors du retour au travail à la suite d’un problème de santé mentale. Il doit cependant être fait de manière à ne pas créer de friction auprès des collègues, car un autre déterminant du retour est, d’abord et avant tout, d’obtenir leur soutien.

1.3.2 L’accueil et le soutien des supérieurs et des collègues

Le soutien et l’accueil des collègues, notamment la contribution spécifique du supérieur immédiat, sont des éléments qui ont largement été documentés et qui sont

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reconnus pour leur influence sur le retour au travail (Gates, 1993; Huijs et al., 2012; Nieuwenhuijsen et al., 2004; Post et al, 2005).

Les rapports sociaux peuvent être une source de motivation pour les travailleurs et ils favorisent un retour plus rapide au travail. Ainsi, se sentir accueilli et soutenu par ses collègues et supérieurs lorsqu’on est prêt à revenir au travail est un élément à prendre en considération dans la préparation du retour (Caveen et al., 2006; Post et al., 2005). Cependant, lorsque le travailleur a connu une certaine perturbation dans ses rapports sociaux au travail avant son départ, la perception de son milieu de travail sera davantage négative et influencera le retour au travail (Baril et al., 2003). À ce titre, les résultats de l’étude de St-Arnaud et al., (2004b) révèlent que des comportements anormaux que les travailleurs ont eus avant de quitter leur travail ont contribué à la dégradation des relations sociales et certains travailleurs craignent que l’image négative laissée avant le départ ne soit encore trop présente à leur retour.

Les supérieurs immédiats, par leur rôle central auprès des travailleurs, sont les acteurs privilégiés qui peuvent favoriser ou nuire au retour au travail. Ce sont eux qui sont responsables de la planification du travail et ils sont en position pour décider des mesures et interventions à mettre en place pour aider les travailleurs. À cet effet, leur contribution spécifique a largement été documentée au cours des dernières années (Gates, 1993; Nieuwenhuijsen et al., 2004). Plus récemment, le processus d’implantation d’une démarche de soutien au retour au travail proposée par St-Arnaud et al. (2011a, 2011c) met en lumière la contribution du supérieur immédiat et permet d’encadrer son rôle afin de favoriser sa participation en tant qu’acteur de soutien au retour au travail. Pour ce faire, les chercheurs ont intégré dans leur démarche une rencontre entre un coordonnateur, le travailleur et son supérieur immédiat afin de convenir d’un plan de

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retour au travail. Ainsi, les différentes parties peuvent convenir ensemble des modalités de retour. Cette approche s’avère prometteuse dans la mesure où elle permet à chacun des acteurs de jouer pleinement son rôle au sein d’une démarche tangible.

Comme on le peut le constater, le rôle d’accueil et le soutien des collègues et des supérieurs sont importants pour le retour au travail. Cependant, un dernier élément est déterminant pour le retour au travail. C’est la nature même du travail et les conditions dans lesquelles s’effectue le retour.

1.3.3 Changements dans les conditions de travail

À partir du moment où ils ont été investigués durant la période d’absence, certains éléments peuvent être changés ou modifiés lors du retour au travail. Ces améliorations dans les conditions de travail favorisent le retour, surtout lorsque le travail a été reconnu comme un élément pathogène pour la personne (St-Arnaud et al., 2003). Franche et al. (2005) vont plus loin en affirmant que des modifications au poste de travail, temporaires ou permanentes, demeurent une composante centrale pour que les interventions qui visent la réintégration de travailleurs, soient efficaces.

Ces changements peuvent être de nature très variée. Par exemple, les travaux de Johansson, Lundberg et Lundberg (2006) ont révélé que pour les personnes qui ont été en absence de longue durée, l’opportunité de travailler selon un horaire flexible a été un élément déterminant dans leur retour au travail. Selon St-Arnaud et al., (2011a, 2011b), il est important que les améliorations apportées au travail soient déterminées par le travailleur et fassent l’objet d’un consensus avec son supérieur immédiat. De plus, ces changements devront faire l’objet de suivi dans le temps afin de s’assurer qu’ils soient maintenus ou tiennent toujours la route. En effet, l’évolution de l’état de santé du

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travailleur et les possibles changements qui peuvent survenir dans le milieu de travail peuvent mener à des ajustements nécessaires au niveau des améliorations apportées lors du retour.

1.4. Le maintien en emploi comme finalité du processus

Pour boucler la boucle du processus de retour au travail, une étude suggère d’inclure une période post-réintégration afin de s’assurer du maintien en emploi des travailleurs. La conceptualisation du retour au travail de Young et al. (2005), construite à partir d’une revue de la littérature portant sur le retour au travail des personnes ayant vécu une période d’incapacité de travail à la suite d’un problème de santé, subdivise le processus en quatre phases distinctes. Le modèle fonctionne à partir des aspirations et des objectifs que les travailleurs se fixent en regard de leur santé et leur activité professionnelle. Lorsque les objectifs sont atteints et que les travailleurs retirent un certain niveau de satisfaction, ils passent à l’étape suivante. Les auteurs soulignent que dans le processus de retour au travail, les travailleurs évoluent et leurs objectifs changent tout au long du processus; ce qui occasionne un questionnement constant sur leurs habilités et aspirations de carrière.

Dans la première étape, qui coïncide avec l’arrêt de travail, les travailleurs se soignent, réévaluent leurs objectifs de travail et planifient la seconde étape : le retour. Lorsqu’ils sont engagés de nouveau dans l’activité professionnelle, les travailleurs tentent de retrouver progressivement leurs capacités d’antan, d’atteindre un niveau de performance selon des objectifs fixés et leur état de santé. C’est durant cette phase que peuvent apparaître certaines limitations qui forcent les travailleurs à revisiter quels sont leurs buts et à déterminer à nouveau des objectifs de carrière. Lorsqu’ils ont atteint leurs

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objectifs et qu’ils en sont satisfaits, ils accèdent à la troisième phase, celle du maintien en emploi. C’est durant cette dernière séquence que les travailleurs confirment leur retour, que leurs objectifs de réintégration sont atteints et qu’ils désirent maintenir ce statut. Le processus de retour au travail de Young et al., (2005) pourrait se terminer à cette phase, mais les auteurs en ont ajouté une quatrième. Ainsi, la dernière étape de ce modèle survient lorsque les travailleurs manifestent leur désir d’occuper de nouvelles tâches ou un autre poste qui va au-delà de leurs aspirations premières. C’est ce que les auteurs appellent la phase d’avancement. Celle-ci se caractérise par le développement de la carrière à long terme au sein de l’organisation et par le désir de saisir des opportunités ou promotions pour faire avancer leur carrière.

Ces deux dernières phases du modèle de Young et al. (2005) signent sa particularité, puisque la réussite du retour au travail ne se situe pas uniquement à la reprise des activités professionnelles, mais elle se situe dans le maintien et l’avancement. D’autres études suggèrent également d’aller au-delà du premier retour au travail pour dépasser la période qui pourrait comprendre des rechutes (Bültmann, et al., 2007; Tjulin, MacEachen & Ekberg, 2010). Pour qu’un retour soit réussi, les travailleurs doivent se maintenir en emploi et même envisager de nouvelles perspectives d’avancement (Young et al., 2005). En ce sens, Tjulin et al. (2010) ont également fait ressortir l’importance d’ajouter une phase de maintien en emploi à la suite du retour au travail. Par le biais d’entrevues menées auprès de 33 acteurs (travailleurs en retour au travail, superviseurs, collègues de travail et représentants des ressources humaines) issus de sept unités administratives différentes, il ressort qu’au-delà du retour au travail s’installe une phase de maintien en emploi qui met à contribution tant le travailleur que ses collègues. D’une part, les personnes interrogées se sentent souvent laissées à elles-mêmes et d’autre part, ils sont incertains des comportements à adopter pour réorganiser l’activité de travail.

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Autrement dit, des tensions peuvent jaillir au sein de l’équipe de travail et ainsi fragiliser le processus de retour.

D’autres auteurs considèrent que pour savoir si le retour est réussi, il faut prendre en considération plusieurs autres variables que la simple reprise des activités professionnelles (St-Arnaud et al., 2003; Vogel, Barker, Young, Ruseckaite & Collie, 2011). Selon les résultats obtenus par Vogel et al., (2011), dans une étude menée auprès de 414 travailleurs blessés au travail, parmi les 84,3 % personnes qui sont de retour au travail, seulement 58,18 % le sont à temps plein. La mesure du retour au travail ne doit donc pas uniquement reposer sur la reprise des activités professionnelles à plein temps, mais elle doit également tenir compte des diverses modalités de retour. D’ailleurs, le processus de retour au travail de Young et al., (2005) permet de prendre en considération d’autres éléments tels que ceux liés à la satisfaction au travail et aux besoins à long terme liés à la carrière.

1.5. Synthèse et analyse critique

Les travaux sur la résolution de la crise proposés par Bernier (1994) ont le mérite d’appréhender le processus du retour au travail dans sa globalité et de le séquencer en différentes étapes clairement définies. Le moment du retour au travail, caractérisé par diverses formes de ruptures, coïncide au moment où les travailleurs se distancent de certains aspects irritants du travail afin d’en arriver à une nouvelle situation professionnelle. Toutefois, les travaux de Bernier ont été menés exclusivement auprès de personnes qui ont complété le processus de résolution de la crise. Cette sélection de cas à succès, bien qu’elle soit nécessaire pour tracer le processus complet du retour au

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travail, se concentre sur une seule perspective et délaisse tous les cas où la crise n’a été résolue ou l’a été partiellement.

Plusieurs études se sont réalisées depuis celle de Bernier (1994) et il est maintenant connu que pour favoriser le retour au travail des employés absents pour des problèmes de santé mentale, la possibilité d’apporter des changements aux conditions qui ont contribué au retrait influence positivement le retour (St-Arnaud et al., 2007; Brenninkmeijer et al., 2008). Or, effectuer des modifications à la tâche ne relève pas directement des travailleurs, mais dépend de la volonté des entreprises et leur capacité à mettre en place de telles mesures (St-Arnaud et al., 2006). Malgré une préoccupation liée à la présence de facteurs nuisibles dans le travail, la démarche proposée par Bernier ne tient pas compte de ces aspects. L’accent est davantage mis sur le travailleur et les stratégies d’ajustement utilisées pour résoudre la crise, sans rendre compte des liens entre le travail et la santé mentale. À cet égard, le modèle de St-Arnaud et al. (2003) permet d’élargir la compréhension du retour au travail puisque le travail lui-même est au centre des facteurs impliqués dans le processus et il y joue un rôle crucial.

En effet, l’étude de St-Arnaud et al., (2003) accorde une place centrale au travail dans le processus de rétablissement et de retour au travail. Plusieurs autres études mentionnent que le travail est un élément important du processus de retour, car l’exposition à des facteurs de risques au travail a des répercussions tant sur l’apparition de symptômes dépressifs que sur la durée de l’absence (Breinninkmeijer & al., 2008; Caveen, et al., 2006; Labriola, Lund, Christensen & Krinstensen, 2006). D’ailleurs, des études ont démontré qu’il est possible de réduire les impacts psychologiques lors de situations difficiles au travail par l’implication des gestionnaires et des supérieurs immédiats dans des mesures de soutien pour les travailleurs (Caveen, et al., 2006; St-Arnaud et al., 2011a). Comme le suggère St-St-Arnaud et al., (2003), prendre en

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considération la place qu’occupe le travail est un élément essentiel pour en arriver à une meilleure compréhension du processus de retour au travail et du recouvrement des capacités.

Cependant, même si le modèle de St-Arnaud et al. (2003) a ouvert sur le champ des pratiques de soutien au retour au travail, peu de recherches ont été menées à long terme pour faire état du maintien en emploi des travailleurs s’étant absentés en raison d’un problème de santé mentale. Pourtant, il est reconnu qu’après une première tentative de retour, il peut y avoir récurrence de périodes d’absence (Baldwin, Johnson & Butler, 1996; Bültmann, & al., 2007; Butler, Johnson & Baldwin, 1995; Conti & Burton, 1994; Druss, et al., 2001). Le sentiment de vulnérabilité qui est vécu lors du retour au travail reflète le niveau d’appréhension des travailleurs qui, souvent, retournent au travail même si les symptômes de la maladie ne sont pas complètement dissipés (St-Arnaud et al., 2007). Cela signifie qu’au sein même de l’activité de travail, la santé se reconstruit. Ainsi, le processus de retour au travail ne serait pas pleinement achevé parce que la personne reprend ses activités professionnelles.

D’ailleurs, St-Arnaud et al. (2003) et Bernier (1994) n’ont pas fait d’observation à long terme du processus de retour au travail. Pour cette raison, le processus de réintégration au travail de Young et al. (2005) permet de mieux saisir comment le processus prend la forme du maintien ou de l’avancement pour les travailleurs qui se sont absentés en raison d’un problème de santé mentale. Cependant, même si leurs travaux permettent de comprendre comment l’atteinte de la satisfaction permet ou non de se maintenir en emploi, les auteurs ne suggèrent aucun moyen pour y arriver. Pourtant, des activités en lien avec le maintien en emploi doivent faire partie intégrante

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du processus de retour au travail afin de faire diminuer le risque de rechute (Briand, Durand, St-Arnaud & Corbière, 2007).

De plus, les travaux qui ont mené à la création du modèle de St-Arnaud et al., (2003) ont été menés auprès des travailleurs issus des secteurs publics ou parapublics, tout comme ceux de Bernier (1994). De plus, même si Bernier a pris le temps d’inclure deux groupes de travailleurs appartenant à des catégories d’emplois différentes, les personnes rencontrées travaillaient dans le secteur public et parapublic, n’incluant pas de travailleurs du secteur privé. Ainsi, il est possible de se demander ce qu’il advient des personnes qui œuvrent dans le secteur privé?

En résumé, le retour au travail se déroule dans une période de temps allant des événements déclencheurs jusqu’au stade du maintien en emploi, surmontant ainsi la période de rechute. De plus, plusieurs recherches sur le retour au travail à la suite d’une absence en raison d’un problème de santé mentale ont été menées auprès de travailleurs des secteurs publics et parapublics (Bernier, 1994; Duxbury & Higgins, 2003; St-Arnaud et al., 2003; 2007). Ainsi, peu d’études se sont intéressées, de façon spécifique, au processus de retour au travail des travailleurs du secteur privé qui se sont absentés à la suite d’un problème de santé mentale (Millward, Lutte, & Purvis, 2005; Nieuwenhuijsen et al., 2006; Briand et al., 2007).

On peut se demander ce qu’il advient des personnes du secteur privé qui s’absentent du travail en raison d’un problème de santé mentale En effet, les conditions de travail entre les secteurs diffèrent, notamment en matière de syndicalisation. Or, des études ont démontré qu’au Québec, les travailleurs non syndiqués et ceux œuvrant dans le secteur privé ont moins de journées de vacances et de congés de maladie que ceux

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travaillant dans le secteur public ou les travailleurs syndiqués. De plus, selon Andersen, Nielsen et Brinkmann (2012) on connaît encore peu comment les expériences passées et l’anticipation du retour au travail influencent le vécu des travailleurs en processus de retour au travail.

1.6. Objectif de la recherche

L’objectif de cette étude est de décrire et analyser le cheminement qui mène au retour au travail à la suite d’une absence en raison d’un problème de santé mentale chez les travailleurs du secteur privé afin d’identifier dans le processus, quels sont les éléments clés qui favorisent ou non le retour. Plus précisément, il s’agit de répondre aux questions suivantes : Comment s’articule le cheminement de retour au travail chez les travailleurs du secteur privé tout au long du processus de retour? Quels sont les éléments qui sont perçus comme facilitant le retour et le maintien en emploi à la suite d’un arrêt de travail?

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Chapitre 2 : La méthodologie

Ce chapitre regroupe tous les aspects méthodologiques de ce mémoire. Dans un premier temps, puisque ce projet s’est déroulé dans le cadre d’une recherche plus vaste, le type d’étude et la population étudiée dans la recherche initiale seront abordés. Dans un deuxième temps, il sera question de bien statuer comment les entrevues et le matériel recueilli ont permis de réaliser ce projet. Par la suite, le cadre théorique et la grille d’analyse seront décrits et expliqués. La démarche utilisée pour faire l’analyse des données constitue le quatrième point qui sera abordé. Enfin, le chapitre se termine par une revue des critères de scientificité et les considérations éthiques qui ont été respectés tout au long du projet.

2.1. Type d’étude et population

Ce mémoire s’inscrit dans le cadre d’une recherche plus vaste visant à mieux comprendre le processus de désinsertion et de réinsertion au travail à la suite d’un problème de santé mentale chez les travailleurs du secteur privé. L’étude initiale (St-Arnaud, Fournier, Saint-Jean et Rhéaume (CRSH-2004-2007) a été menée auprès de 43 travailleurs qui s’étaient absentés du travail en raison d’un problème de santé psychologique. Ce mémoire porte, plus spécifiquement, sur l’analyse des entrevues qui ont été menées auprès des travailleurs qui ont effectué un retour au travail. Ainsi, sur les 43 participants interrogés dans l’étude initiale, seules les entrevues des 21 travailleurs ayant complété le processus de retour au travail, ont été retenues pour faire l’objet d’une analyse secondaire.

Les participants avaient été sélectionnés selon les critères suivants : 1) avoir été sur le marché du travail depuis une période d’au moins cinq ans; 2) avoir vécu un problème de santé mentale au cours des trois dernières années; 3) avoir consulté un

Figure

Figure 2 :  Proposition d’une démarche d’analyse itérative en quatre étapes inspirée  de Mukamurera  et al., (2006)
Figure 3 :  Cheminement des travailleurs du secteur privé lors de la période       d’exploration.

Références

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